Ivori
RP fermé relatant l'attaque armée subie par Ivori et Lingus.
Merci de ne pas intervenir dans le cours de l'histoire et bonne lecture à tous.
Merci de ne pas intervenir dans le cours de l'histoire et bonne lecture à tous.
[9 et 10 Juillet - Joinville et les sentiers de la Mort]
L'arrivée en îlot bourguignon s'était passée sans accroc et sans égratignures. Son amor était arrivé, sain et sauf parmi les troupes de la Zoko. Tout se passait comme prévu, tout... Les cris, les râles des villageois massacrés s'élevaient vers les Cieux, tels la plus douce des mélodies.
Le lendemain, il avait été décidé d'abandonner l'oriflamme pour rejoindre les terres de la Zoko. L'Anjou... La belle rousse n'y avait jamais traîné ses bottes. L'Ouest... Non, l'Andalouse était une femme du Sud, même si elle avait fini, retranchée dans les montagnes d'Helvétie... Quel gâchis, quelle perte de temps...
Mais elle n'y pensait guère plus. L'heure n'était pas à la vengeance, mais à l'organisation. Ainsi, du haut de sa monture, Ivori se chargerait de mener hors des terres royales son amor et une petite brunette qui répondait au nom de Laudanum... Et sains et saufs, il valait mieux. La Rima Loca, peut-être par gratitude ou par nature, se sentait le devoir de protéger la jolie brune. Elle était des leurs, elle devait arriver en un seul morceau.
Mais le Destin en avait décidé autrement.
Perdus dans la cambrousse bourguignonne, Ivori, Lingus, Calyps et la brunette virent débarquer une myriade de zozios tous aussi affolés les uns que les autres. Eikorc... Qui demeurait introuvable à des lieues à la ronde. L'autre groupe de mercenaires était arrivé à bon port, mais pas de trace du colosse. Il s'était planté de direction, qu'il disait ! Sans blague...
La rouquine grogna un tantinet, face à ce bourbier, ce bordel, ce désordre généralisé.
Assise à même la terre à l'écart des mercenaires, ses petits cheveux courts lui chatouillant le menton, Ivori étala sa carte, Lingus près d'elle, pour constater, le visage figé en un rictus résigné, qu'ils étaient faits comme des rats... Encerclés de toutes parts... Où qu'ils aillent, les pointes des épées se brandiraient vers eux...
Calyps s'agrippait nerveusement au mantel de Lingus, ne sachant pas réellement ce qu'il se passait, mais elle sentait que les grands n'étaient plus si grands que ça et elle pensa alors que le caillou magique ne l'était réellement pas... Ses yeux s'illuminaient de larmes réfrénées et les battements de son petit cur s'accéléraient.
La jeune mère, dont les nerfs étaient mis à rude épreuve, se leva brusquement et se mit à faire les cent pas, en réfléchissant.
Qu'est-ce que tu veux qu'je fasse ?!, murmura-t-elle à son amor, étouffant ses hurlements, mais sa voix tremblait sous la rage. Ils sont partout !! Aucune route n'est dégagée ! Et puis... On n'est pas seuls, j'te signale !! J'peux pas mener notre compagne de voyage au casse-pipe se faire empaler sur une lame bourguignonne ou champenoise !! Et pense à Calyps !! Si jamais il nous arrive quelque chose, elle... Non !! On y est jusqu'au cou !!
[Nuit du 10 au 11 Juillet - Hasta la muerte...]
Plongeant ses doigts fins dans sa chevelure, enserrant son crâne avec nervosité, la jeune Andalouse était bel et bien paumée. Répétant inlassablement "No sé qué hacer... No sé qué hacer!", elle mirait dans le vague, ses yeux bleux perçants exorbités, l'air ahurie.
Un peu par dépit, parce qu'après la pluie vient l'orage et que l'on ne peut pas tourner sa langue dans sa bouche jusqu'à la fin des temps, la décision fut prise de tenter de rejoindre Eikorc et les autres de la Zoko qui se trouvaient avec lui.
Ils se mirent tous en marche à la nuit tombée. Pas un bruit ne retentissait dans les rangs. Pas un murmure, si ce n'est celui du vent dans les feuilles. Le ventre d'Ivori se nouait à intervalle régulier, à chaque mouvement d'ombres suspect, et elle serrait aussitôt le bras de Lingus et l'épaule de Calyps. À l'affût... Aux aguets... Non, ils ne les auraient pas. Non, elle ne les laisserait pas lui prendre sa fille et son époux. La détermination mêlée à la peur se lisait sur son visage, ses yeux bleus brillaient d'une lueur pâle et diaphane et son corps tout entier s'imprégnait peu à peu de cet effluve âcre : l'odeur de la mort qui approche.
C'est alors qu'elle buta sur une masse inerte, manquant de se vautrer dans l'herbe, et aussitôt son sang ne fit qu'un tour.
Mi amor...
La voix de l'Andalouse tremblait. Un pressentiment enserrait sa poitrine, coupait sa respiration et lacérait son ventre d'une angoisse irrépressible.
Calyps, reste près de moi. Ne bouge plus.
Dans un élan protecteur et maternel, Ivori enfouit le visage de sa fille dans sa chemise, la serrant fermement contre elle, tout en essayant de percer l'obscurité de son regard affûté. Rien. Pas le moindre homme en vue, elle n'y voyait pas à deux lieues... Pourtant, elle savait. Elle sentait. Ils étaient proches. Ils arrivaient.
La lune trahissait le ciel, planquée derrière d'épais nuages grisâtres. La colère du Très-Haut allait bientôt s'abattre sur eux... Ivori prit alors une profonde inspiration et l'orage éclata, la pluie se déversa en trombe sur les voyageurs. Trempée jusqu'aux os, la douce Ibère ne bougeait pas, elle scrutait chaque rocher, chaque buisson, chaque arbre à travers les averses, tout en gardant sa fille contre elle, leurs chemises collant l'une à l'autre sous l'humidité.
Puis, soudainement, le calme... La sérénité... La pluie cessa de tomber et le flot de pensées de s'écouler dans son esprit. Elle relâcha son étreinte, s'écarta de Calyps et, tout en sortant son épée de son fourreau, fit signe à Lingus d'en faire autant. Lingus... Elle ne détourna pas son regard de lui. Ils ne mourraient pas cette nuit. Pas sans s'être unis devant le Très-Haut... Ils s'étaient fait cette promesse. Ils la tiendraient...
Alors qu'un sourire empreint d'amour allait se dessiner sur les lèvres pulpeuses de l'Andalouse, elle les vit... Les reflets des lames à la lumière du ciel. Les nuages s'étaient estompés et la lune caressait de ses rayons l'horizon. Ivori baissa aussitôt les yeux et aperçut un cadavre sans tête, masse inconnue sur laquelle elle avait buté.
La nausée frappa son cur brusquement et son souffle se fit haletant.
Dios mío! Calyps ! Ne reste pas là ! Va t'cacher !
La petite éclata en sanglots, paniquée, en proie à la peur et à la déroute.
D'un pas déterminé, Ivori enjamba le corps inerte et anonyme et s'avança dans l'obscurité de la nuit, épée brandie vers cette armée de vermines, bien décidée à en découdre.
Arrivée à hauteur de son adversaire, elle s'apprêtait à lever son épée, les deux mains serrant fermement le manche, mais son geste fut interrompu par une main... Une main venant se poser sur sa bouche, un bras entourant ses épaules avec violence. Impuissante face à son oppresseur, elle eut l'instinct de lâcher son épée, dans l'espoir de se débattre avec plus d'aisance. Mais déjà sa proie se tenait face à elle, un sourire triomphant sur le visage.
C'est alors qu'Ivori aperçut Calyps, plantée non loin d'eux. La jeune mère écarquilla les yeux, des yeux emplis de larmes, brûlantes, rongeant ses joues. Elle aurait voulu crier, mais la paume du bougre l'en empêchait. Elle grogna, beugla, poussa des râles bestiaux, secouant la tête, sans détourner le regard de sa petite fille. Si elle avait pu parler, elle lui aurait sans doute hurlé... "Sauve-toi !!!! Cours !!! Ne reste pas plantée là !!! Dépêche-toi !!!" Mais elle ne pouvait pas, non... Aussi, elle espérait que ses yeux parleraient plus que ses mots.
Malheureusement, ses pensées volèrent en éclat et une chaleur diffuse se répandit dans ses chairs, aliénant toute forme de réflexions. Enfin, elle put ouvrir la bouche, la main inconnue se retira et un jet de sang teinta l'herbe de reflets pourpres. Ses grands yeux bleus se révulsèrent et bientôt elle ne vit plus que la lune dans le ciel. Ses jambes se rompirent sous la douleur et le choc, ses genoux vinrent heurter la terre mouillée et son buste tout entier bascula en avant, la tempe droite enfoncée dans l'herbe.
Un dernier souffle d'horreur et de stupeur face à la tête qui la fixait, un léger sourire figé... La tête désolidarisée du corps... Grom... C'était son ami qui gisait là... Cet homme avec qui elle avait arpenté tant de chemins, mené tant de batailles... Grom... Les larmes coulèrent de plus belle, lui brouillant la vue... Ou peut-être était-ce l'uvre de la Mort ?
Lingus... La belle rousse pensa à Lingus... Était-il avec Calyps ? Avait-il réussi à la sauver ? Deos, qu'elle le souhaitait... Elle le souhaitait ardemment, tandis que la douleur poursuivait son bonhomme de chemin, lacérant chaque pouce de sa peau, et que la mare de sang continuait de se déverser entre les brins d'herbe et les cailloux... Le caillou magique... Désormais empourpré... Lingus... Son esprit ne parvenait à le quitter, il se concentrait sur lui, dans sa longue robe de bure, souriant avec bienveillance, ses grands yeux bleus brillant sous la lumière de sa Foy.
Ses paupières se fermèrent alors sur cette image apaisante et sereine, et Ivori eut l'ultime conviction qu'il irait bien... Il ne pouvait en être autrement, l'Unique l'avait toujours veillé, car il n'y avait pas d'être plus pur que lui... Il n'en serait jamais autrement.
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"Hasta la muerte..."