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[RP] Histoires d'un aller et retour

Praseodyme

Vers l’Inconnu, et au-delà !


Carnet de voyage de Praséodyme Gazélec, chef de la quatrième lance de l’armée de Labienus de Massala, en route vers le grand camp du Grand Khan.

Jour premier

Ce matin, seizième de décembre de l’An 1465, vers laudes, les deux armées des Pèlerins ont franchi les Portes de l’Inconnu, l’une derrière l’autre marchant vers le Levant, chacune à la suite d’un Porteur de l’Œuf. L’heure estoit à la solennité. Malgré le grand courage qui anime tous les soldats de l’Ost, tous ressentent au fond d’eux-mêmes la crainte, non poinst d’affronter des forces qu’ils imaginent redoutables, mais bien de ne poinct se montrer à la hauteur de ce défi. Derrière les fronts soucieux, on peut lire les pensées inquiètes qui agitent les esprits : « Ai-je bien pensé à faire pipi avant de partir ? » « Heu, j’ai débranché le frigo, ou pas ? » « Zut, j’ai laissé le chat fermé dans la salle de bain, ça va sentir bon, au retour. » « Crotte, j’ai oublié mon épée sur la table de nuict de l’hôtel ! »

L’appel des présents a été fait avant le départ, la longue litanie des noms résonnant dans l’air glacial du petit matin. « Calouste ? » « Pzant ! » « Calico ? » « Pzant ! » « Orwell ? » « Orwell ? » « Elle est où, Orwell, nom de Déos ? » Georges Orwell ne partira pas avec la troupe, la fille de pasteur restera sur le quai de Snagov, à manger de la valache enragée, elle n’ira pas prendre un peu d’air frais dans la ferme des animaux inconnus, on ne peut pas non plus l’attendre 1984 ans. On part sans elle.

Au bout d’un certain temps de marche dans une semi-obscurité, une pâle lueur a pointé au Septentrion, et un étrange soleil verdâtre s’est levé, découvrant une vaste pleine s’étendant à perte de vue. Par réflexe, tout un chacun s’est retourné vers le Ponant pour tenter d’apercevoir le clocher de Snagov, mais rien n’apparaissait d’autre à l’horizon que la plaine infinie, recouverte de grandes herbes bleues qui ondulent doucement au vent, sauf qu’il n’y a pas de vent, les herbes semblant être animées de leur vie propre. Elles ouvrent le chemin devant les Porteurs de l’Œuf, et le referment derrière la troupe. Malheur à celui qui s’écarte de la procession sans être en possession de l’Objet magique, il resterait à jamais perdu dans le Grand-Nulle-Part, sans espoir de jamais retrouver son chemin.

Le soleil à poursuivi sa course jusqu’au zénith, donnant au paysage une étrange couleur de métal bronzé. Au loin, on aperçoit quelques troupeaux de chevaux, mais ils ne s’approchent poinct, et on les distingue mal. Partout règne un grand silence, seulement brisé au passage par le fracas de la troupe en marche. L’air est lourd, et pourtant il fait froid.

Au zénith, les armées ont stoppé au milieu de la plaine, pour se reposer et se restaurer. Le chemin s’ouvre toujours vers l’Est, filant en ligne droite. Un soldat de ma lance a sorti une lunette de marine de son havresac, et a entrepris de lorgner les chevaux, dont un petit troupeau s’est approché à faible distance. Il me les décrit, puis devant mon air incrédule, il me passe sa lorgnette. J’examine les animaux avec stupéfaction, lui rend son appareil et compulse frénétiquement l’exemplaire de « La Terra Incognita pour les Nuls », opus d’un anonyme du XIème siècle, dont j’ai trouvé un exemplaire corné et défraîchi au bazar de l’Hôtel-de-Ville de Targoviste. D’aprés le manuel, il s’agirait de chevaigles, animaux superbes et pacifiques qui se nourrissent de petits rongeurs. J’entreprends d’en faire le croquis à la mine de plomb.



Au signal du départ, une agitation inhabituelle secoue la troupe. Une rumeur enfle, parcourant les rangs comme une lame de fond : on aurait perdu un soldat, parti satisfaire un besoin pressant, et qui n’a pas regagné sa place. On le cherche en vain, il semble s’être évaporé. Déjà deux guerriers de moins, et l’on n’est pas partis depuis une journée.

Dans l’après-midi, alors que le soleil retourne vers le Septentrion et que la fatigue gagne tout le monde, une exclamation retentit derrière-moi : « Là-bas, un sciapode ! » Tout le monde scrute l’horizon dans la direction indiquée. Rien en vue ! « Ouah l’aut’, portnawak ! » « Nawak toi-même, banane, j’lai bien r’connu ! », « Bah, quesse t’y connais, toi, à l’Inconnu ? » C'est pas faux ...

Le soir venu, on fait halte à l’autre extrémité de la prairie. Les herbes bleues se sont raréfiées, les armées s’installent au sommet d’une petite colline nue qui surplombe une étendue d’apparence désertique. Le tracé sombre d’un fleuve semble s’inscrire au loin dans le paysage. Peut-être est-ce le Danube, qui s’écoule vers la Mer des Turcomans. On verra demain. En attendant, les sentinelles postées guettent l’arrivée des Tartares entre le fromage et le dessert.*

Il est temps maintenant de dormir, demain sera un autre jour.

* OK, elle est un peu tirée par les cheveux, celle-là.
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Sarah.connor



La môme avançait, persuadé qu'une paire d'heure suffirait a couvrir la petite distance jusqu’à la petite oasis....
Une oasis ou un simple bled, en fin un point inconnu ou se mêlait les paradoxes .
Le jour, court et brulant, la nuit longue et glacial.
Ost avançait dans les ténèbres alors que l'ordre de marche avait été donné sous un soleil aveuglant.

La fatigue se fit sentir, les jambes étaient lourdes, souvent le pied buttait sur une motte de sable, les mains se crispaient sur l'épée comme prisent en défaut de vigilance
Sarah levait le tête et mine de rien reprenait le rythme de la marche, attentive au dos qu'elle suivait. consciente que sa propre silhouette était le salut du soldat derrière elle.
La nuit , les ténèbres , la marche....

Soudain un nouvel élément la sortie de sa torpeur, ce fut d'abord la saveur sur ses lèvres...
Le sel, l'air iodé s’engouffra dans ses poumons, surprise elle ouvrit la bouches; Ses yeux écarquillement a la recherche d'un rivage....
hardi les amis. On arrive à la mer !
Praseodyme

Carnet de voyage de Praséodyme Gazélec, chef de la quatrième lance de l’armée de Labienus de Massala, en route vers le grand camp du Grand Khan.


Jour deuxième

Ce matin, dix-septième de décembre de l’An 1465, vers laudes, les deux armées des Pèlerins, après avoir fait une toilette de chat et pris un solide p’tit déj’, ont reconstitué leurs rangs et ont repris leur marche vers le Levant. Après avoir fait l’appel, les chefs de lance constatent avec satisfaction que personne ne manque.

Curieusement, alors que le Soleil s’estoit levé hier au Septentrion, il se lève au jour d’huy au Ponant. L’Inconnu est décidémment un lieu plein de surprises. L’Astre solaire illumine le paysage quasi désertique d’une délicate teinte indigo. La végétation se compose de quelques touffes d’herbe bleue qui poussent péniblement dans la pierraille, et de rares palmiers déplumés piqués ça et là. Puis, au fur et à mesure que l’on avance vers le fleuve, le sol devient plus meuble, presque spongieux, et des oiseaux apparaîssent dans le ciel. Un acre odeur de limon vient flotter aux narines des Pèlerins. Nous arrivons sur la rive occidentale d’un vaste fleuve, qui charrie des eaux boueuses et tumultueuses en direction du Septentrion. Un coup d’œil sur mon exemplaire du « Guide du Soudard, ou comment voyager en armée sans se paumer », rédigé dans le XIIIème arrondissement par l’adjudant-chef Pètechaux, du Bataillon de Parachutistes de Marine en Skate, m’apprend qu’il s’agit bien du Danube et que celui-ci fait une vaste boucle vers le nord avant de revenir se jeter à l’Est dans la mer Turcomanne, juste dans la direction que nous devrions suivre. C’est fâcheux, il va nous falloir faire un large détour pour contourner le fleuve, ce qui nous prendra au moins un jour de marche supplémentaire.

Soudain, à la surprise de tous, l’un des Porteurs de l’Œuf lève son Ustensile en direction des eaux impétueuses. Alors, par un effet magique, comme tracé par un souffle divin, un passage à gué s’ouvre en travers du fleuve, permettant à la troupe de se faufiler vers la rive opposée, entre deux abruptes murailles liquides. Certains sont émerveillés par ce prodige : « Ah ben ça, si j’l’aurais pas vu, j’l’aurais pas cru ! J’regrette pas d’êt’ viendu. ». D’autres se la jouent blasés : « Oui, c’est assez connu, ça a été breveté il y a déjà pas mal de temps par un obscur juif égyptien. » D’autres enfin contemplent le passage d’un œil craintif : « Si ça lâche maintenant, on est juste dans la mouise ! »

En quelques minutes, les deux armées sont sur la rive orientale, les pieds au sec, et reprennent leur marche en avant. Alors que le soleil atteint le zénith, au-lieu de rebrousser chemin comme la veille, il oblique brusquement vers le Midi. Le sol s’élève et devient sablonneux, l’air est plus vif, salin, comme si la mer estoit proche. La troupe fait une halte rapide dans une maigre oasis, peuplée d’oiseaux multicolores, à la tête de singe prolongée d’un grotesque nez rouge. Des arasiques, m’apprend mon manuel, qui volent d’arbre en arbre pour se nourrir de griottes au kirsch, d’où la couleur de leur nez. J’en dessine un rapidement, à main levée.



On repart. Au milieu de l’après-midi, du sommet de la dune, un homme crie : " La Mer ! " Les bretons tombent à genoux, pleurent, s’étreignent, depuis le temps qu’il n’avaient pas vu autant d’eau salée, ils craquent. Les helvètes contemplent l’étendue liquide d’un air critique : « C’est pas aussi grand que le Léman, ou bien ? Et ça serait plus joli avec un grand jet d’eau, là devant ! ».

Alors que le soir tombe, la piste prend la direction d’un port naturel, au nord-est, à l’embouchure du Danube. Nous y ferons halte pour la nuict. Nous installons notre campement au bord de la grève. Le lieu est envahi d’une multitude de petits rongeurs. « Des hamsters ! » « Oui, et surtout des femelles. »

Après avoir mangé, chacun s’endort en rêvant à des lendemains qui chantent. Un soldat, qui n’est pas une brèle, lance dans l’air froid de la nuict un air nostalgique en s’accompagnant au bandonéon. « Dans le port des hamsters-dame, y’ a des matins qui chantent ...* »

* pffffff ...
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Praseodyme

Carnet de voyage de Praséodyme Gazélec, chef de la quatrième lance de l’armée de Labienus de Massala, en route vers le grand camp du Grand Khan.


Jour troisième

Ce matin, dix-huitième de décembre de l’An 1465, vers laudes, les deux armées des Pèlerins, après avoir sacrifié aux rituels des ablutions, de la restauration et du contrôle des effectifs, lesquels se sont avérés complets, à la grande satisfaction de nos Stratèges, ont reconstitué leurs rangs et ont repris leur marche en avant. La route en direction du Levant étant manifestement bloquée par l’étendue marine, les Porteurs des Œufs ont orienté leur course vers le Septentrion. Si j’en crois ma vieille carte Mi-Chemin/Europe-du-Nord-Est au 1/500000ème, cela nous mènerait vers le Pays des Rusquoffes, et par-delà direct au Paradis Terrestre, qui se situe, comme nul ne l’ignore, quelque part au nord du pays des Moghol, sur le Toit du Monde, vers l’extrémité septentrionale du Plan terrestre.

Nous traversons le delta du Danube grâce à la méthode déjà employée la veille, et qui s’avère être d’une simplicité biblique. Un soleil jaune a pris sa course au Levant, et il monte dans un ciel d’azur, ce qui nous change un peu des fantaisie astrales des jours précédents. Le paysage est fort beau, des milliers de mégraites vinégraites égrelaites s’ébattent dans les airs, et des fort imposants hipposquales arpentent les rives à la recherche du plancton de service dont ils sont friands. J’en croque un à la mine de sel.



Au delà du delta, la route file en direction d’une formidable barrière de végétation qui semble absolument impénétrable à l’Homme, et probablement aussi à la Femme. Une gigantesque forêt barre maintenant le chemin de l’Expédition, mais les pouvoirs magique de l’Œuf semblent infinis. Lorque nous approchons de la lisière des bois, les arbres semblent s’écarter devant nous pour nous ouvrir le passage. Nous pénétrons alors dans inextricable lascis de la végétation, les arbres sont si serrés les uns contre les autres qu’ils arrêtent le regard au-delà de quelques toises, un tronc, deux troncs, trois troncs, quatre troncs, cinq troncs, six troncs pressés et on ne voit plus rien. Leurs branches griffues semblent s’agripper à nos vêtements, semblant vouloir nous retenir comme dans la forêt de Blanche-Neige et les Sept Mains, qui m’a faict si peur lorsque j’estois enfant. Le soleil peine à pénétrer sous la frondaison, l’air est lourd, gluant, jaunâtre, zébré d’insectes collants. Lorsque l’on se retourne, l’on constate avec effroi que le chemin a disparu. Nul espoir de retour.

Soudain, un cri retentit :

Aaahhhoooyyyaaahhhoooyyyaaahhhoooyyyaaahhhoooyyyaaahhh !!!

L’espace d’un instant, il me semble apercevoir une sorte d’humanoïde à la peau claire, uniquement vêtu d’un slip Bandalez façon léopard laissant apparaître une paire de testicules commaques à laquelle s’accroche désespérément un chimpanzé femelle. Il saute de liane en liane en hurlant de douleur à pleins poumons. Il est des hommes qui ne supportent poinct d'avoir une femelle accrochée aux burnes. Mais la vision est fugitive, elle disparaît dans l’instant, et un opaque silence résonne à nouveau bruyamment dans la forêt. Je m’interroge : « Aurais-tu bien vu ? » « Et si tu l’eus bien vu, l’eusses-tu cru ? » A la Vérité, je suis bien obligée d’admettre que ne ne sçais pratiquement rien de l’Inconnu.

Après avoir péniblement progressé durant tout le jour, nous débouchons soudain dans une anti-oasis. A l’inverse d’une oasis, qui est une surface boisée au milieu d’un désert, une anti-oasis est une surface nue dans une forêt. Certains, qui ont du vocabulaire, appellent ça une clairière. Quoi qu’il en soit, le lieu semble idéal pour faire halte. Nous établissons le campement, allumons des feux. Je lève les yeux vers le ciel. Il est noir et froid, aucune étoile ne brille. Ce soir, je ressens l’éloignement, la solitude, l’angoisse du lendemain. Assise au coin du feu, j’empoigne un instrument de musique qui traîne là, et tout me grattant doucement le trou du luth, je chantonne une chanson douce que me chantait ma maman, Léocadie Bernouilli, accorte gardienne d’oyes née native de Mayesne, aux Marches de la Bretagne.

J’aime Mayesne et ses fadaises,
Ses tavernes et son rigodon,
J’aime surtout la mayonnaise,
Sur la quiche avec des lardons.*


* Sur l’air de La Paimpolaise, d’Eugène Feautrier.
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Neige.
On était parti. Une longue marche nous attendait avec au bout la guerre contre le Khan. Une grosse bataille.
J'étais toute excitée, surtout le premier jour puis après les ampoules au pied eurent tôt fait de calmer mon ardeur. Heureusement qu'avant de partir j'avais fait la razzia dans le cabinet de mon frère Elorn et j'avais porté toutes sortes d'onguents et de potions. Après une nuit avec les pieds bandés dans un onguent à l'odeur innommable, mes pieds furent remis à neuf.

Je sentais que ces quelques jours allaient être longs je ne connaissais personne outre ma famille et c'était de ma faute. Ben ce n'est pas en restant dans son coin à lire ou à rêvasser qu'on fait des connaissances. Il va me falloir être plus sociable.
Je ne goutais pas la beauté des paysages, trop occupée à imaginer comment serait la bataille. Il faut dire que c'était la première fois que je partais combattre. Tiendrais-je au moins le premier contact ? Là était toute ma question.

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Praseodyme

Carnet de voyage de Praséodyme Gazélec, chef de la quatrième lance de l’armée de Labienus de Massala, en route vers le grand camp du Grand Khan.


Jour quatrième

Ce matin, dix-neuvième de décembre de l’An 1465, vers laudes, les soldats des deux armées de Pèlerins se sont levés en râlant et maugréant en constatant que cette foutue forêt dans laquelle nous sommes englués depuis hier n’a pas disparu durant la nuict. La lumière est faible, comme étouffée, à se demander si le soleil lui-même ne s’est pas levé du mauvais pied ce matin. Je m’interroge pour sçavoir comment font nos Chefs pour deviner qu’il est l’heure du départ, sans rien voir ni du ciel ni des étoiles. En m’approchant de Labienus pour le traditionnel briffingue du matin, je constate qu’il porte au poignet, monté sur un rutilant bracelet métallique, un petit duplex sablier/cadran solaire en platine irridié, très sobre mais d’un goût très très sûr. Mazette ! C’est une Solex Cosmograph. Tout Homme (et éventuellement toute Femme) qui n’a pas une Solex Cosmograph à trente ans est un jean-foutre, comme l’a si bien dict notre philosophe national en culottes courtes Nicholaï Nésouzix.

Après l’appel, nous reprenons courageusement notre route, les Œufs orientant maintenant notre course vers le secteur nord-nord-est. Nous marchons encore pendant de longues heures, dans les mêmes conditions que la veille. La fatigue se fait lourdement sentir, amplifiée par un découragement croissant, et l’impression que nous ne sortirons jamais de cette jungle. La progression en armée est un exercice particulier, il n’y a rien à faire d’autre que de marcher les yeux rivés sur le dos de celui qui vous précède. Du coup, ça laisse beaucoup de place pour gamberger ! Je me demande ce que deviennent mes Joyeux Compaingnons les Brigands de la Grotte. Nous avons été séparés lors de la composition de l’armée, ils forment une lance à part, derrière, en serre-file.

Je m’inquiète aussi pour Exodusse, qui marche dans une lance quelque part devant moi. Comment s’en sort-il ? Exodusse est un jeune garçon que j’ai ramassé sur un chemin de la Comté, il y a deux ou trois hivers de cela, et que j’ai couvé dans mon giron. C’estoit alors un gamin hâve et apeuré, je lui ai tout appris du Métier, et maintenant c’est un très fort & très impitoyable brigand, sur lequel les richesses d’autrui exercent une fascination sans bornes. Il ne discute jamais les ordres - en faict, il ne s’exprime jamais que par rares monosyllabes - on lui dict « Reste là ! » il reste là, « Va là-bas ! », il va là-bas, « Casse ceste teste ! », il casse ceste teste. Vraiment, un très bon garçon. Je lui ai demandé s’il ne craignait poinct de mourir pour une Queste dont il ne sçavait rien, ni n’avait rien à faire, il m’a répondu ; « J’irai où tu iras, Maîtresse. » Ce jour-là, j’ai eu envie de pleurer pour la première fois depuis longtemps, car oncques il n’avait fait une phrase aussi longue & bien structurée.

Derrière moi, j’entends ceux de ma lance qui suent et soufflent. Je ne les connais poinct, je les reconnais juste à leur physionomie. Il y a là deux femmes venues de France, qui semblent être des voyageuses, des aventurières rompues à la vie sur les routes. Il y a aussi trois valaches dont je ne comprends poinct la langue, pas plus d'ailleurs que celle d’une serbe. A ce que j’en sais, les valaches et les serbes ne jouent pas dans la même équipe, je garde un œil sur eux, des fois qu’ils ne s’étripent dans mon dos. J'ai effectivement un œil derrière la tête, et un trou dans mon casque pour y voir quelque chose. Il aurait dû y avoir un autre serbe avec nous, mais il a inopportunément défuncté peu de temps avant le départ, alors j’ai pris avec moi une jeune femme venue à Snagov en compagnie de Shawie la brigande. Elle s’appelle Margaut de Roanne, et c’est une Dame Blanche. Je n’ai pas bien compris quels estoient ses rapports avec Shawie. Liens saphiques, peut-être ? Car Shawie aussi a été Dame Blanche, durant un temps. Cette évocation me faict sourire, Shawie la Noire, Dame Blanche ! Celà dict, j’ai bien été Fatum, pendant un temps. Personne n’est parfait.

Une rumeur enfle dans les rangs : l’agrément de l’armée de Labienus, un agrément à la turque (certains disent : un agrément de chiotte), serait proche de zéro. Du coup, Labienus l’aurait révoqué, considérant qu’il vauct mieux pas d’agrément du tout qu’un mauvais agrément. Les quolibets fusent depuis l’armée de tête, qui dispose elle d’un agrément helvète à cinq étoiles dont elle n’est pas peu fière. Les gens de Labienus rétorquent à cela que cinq étoiles ne valent pas tripette si l’on n’est poinct capable de se tenir comme un Homme (voire comme une Femme) face à l’ennemi, flamberge au vent, bien calé par une solide paire de burnes. Le ton monte, on est à deux doigts d’en venir aux mains. Une fulgurance m’aveugle soudain : et si tout ceci n’estoit qu’une manœuvre maléfique, que les Œufs ne soient qu’un subterfuge maudit destiné à nous perdre dans cette forêt sans fin, à nous dresser les uns contre les autres, à nous faire nous entre-tuer, à fins que les survivants n’en vinssent à dévorer les défuncts avant que de sombrer dans la Folie ?

Soudain, aussi brutalement qu’elle avait commencé, la forêt cesse. Nous émergeons sur une petite éminence dominant la plaine, A senestre s’ouvre une vallée au fond de laquelle coule une calme rivière. A dextre s’étend la mer des Turcomans, ou quelqu’autre dont on ne sçait poinct le nom géographique. Une brise légère semée d’embruns et de senteurs salines ébouriffe nos cheveux fous dans la douceur du couchant. Poussant des hourras et des cris de joye, nous lançons nos boucliers en l’air, en signe d’allégresse. Ceux qui avaient imprudemment oté leur casque se retrouvent avec une légère commotion cérébrale, vite oubliée en regard de leur soulagement d’être enfin sortis de l’Enfer sylvestre.

Nous descendons au bord de la rivière, où nous établissons notre campement. A ce que certains murmurent, demain soir, nous pourrions déjà apercevoir le camp du Khan. De nouveau unys comme les trois doigts de la main, nous nous endormons sur des rêves de Gloyre.
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Sergent_braquemart


Et ils battirent une nouvelle fois la campagne, déracinés et sans repères le long de cette voie chimérique censée les conduire au terme de leur voyage.
Seuls les deux chefs d’armées et Eleanore de Aragon avaient été touchés par l’illumination du marchand à moitié fou et étaient capables de guider avec clairvoyance la troupe, bien forcée de leur faire confiance.

Et le Sergent Braquemart en faisait parti.
Il faisait certes confiance à l’autorité supérieure, ou du moins lui obéissait, mais ses fanfaronnades d’homme d’arme bourru s’étaient étiolés au fur et à mesure du voyage.

Le froid, la faim, l’attente, la perspective d’une mort prochaine…Tout cela lui était sentiment coutumier.
Bien que porté sur la boisson, d’une intelligence médiocre et d’un courage variable, il n’en restait pas moins un vétéran, ayant participé à de nombreuses campagnes.
Il ne craignait pas outre mesure les rudesses habituelles de l’expédition.
Mais sous ses dehors froids, il avait bel et bien les pétoches.

Le militaire était bien loin de chez lui…Rien ne lui semblait familier ici, faune, flore…Cette route qui n’apparaissait sur aucune carte puait le maléfice à plein nez, et ce combat à venir ne lui disait rien qui vaille.
Il avait beaucoup entendu parler de cette capacité hors norme de régénération dont semblaient dotés les hommes du Khan.
Comment tuer ce qui ne peut mourir ?
La fascination qu’un œuf pourri exerçait sur son maitre lui semblait déjà bien douteuse mais il en était à présent convaincu. Aristote avait délaissé ces terres, qui n’étaient plus régies que par des lois scélérates de sorcellerie et par des mangeurs de chair humaine ayant pactisés avec le Diable pour posséder le secret de la vie éternelle.


    - « Nos âmes…Nos âmes… Je suis certain que nous serons damnés, ils vont nous envouter, nous dévorer et ils conduiront nos âmes aux enfers pour que le Diable leur permette de vivre 100 ans de plus ! »

Le surnaturel. A l’instar de Zulma, voilà quelle était l’inquiétude du Sergent.
Malgré tout, il avançait.
Il avançait dans un bruit de ferrailles, tout plastronné, encombré d’une masse et de nombreux baluchons.
Et pour se redonner bravoure, il portait à ses lèvres son outre emplie de picrate local, assez piquant, mais surtout pour les intestins.


    - « De toute façon, si y’en a un qui tente de ressusciter devant moi, je l’écrase jusqu’à ce qu’il soit bouillie informe. »

Un rire nerveux, une nouvelle gorgée, avant que de justifier son propos.

    - « Si nous les réduisons tous en bouillie, plus aucun ne pourra proférer de malédiction à notre encontre pas vrai ? Ou de formules magiques pour réanimer leurs camarades tombés.
    Il faut les détruire tous. Hardi les gars, hardi ! »


Et le courage lui revint alors. Il était ivre.

Puis au bout de quelques heures supplémentaires, il se mit à fredonner un petit chant improvisé.
*

    - "Khan !
    C’est le roi barbare de la baston
    Khan !
    Des mandales, des chtars, des gnons
    Khan !
    Assis en haut de sa montagne
    quand les guerriers meurent, il ricane"


* Donjon de naheulbeuk. Crom !
Praseodyme

Carnet de voyage de Praséodyme Gazélec, chef de la quatrième lance de l’armée de Labienus de Massala, en route vers le grand camp du Grand Khan.


Jour cinquième

Ce matin, vingtième de décembre de l’An 1465, vers laudes, les soldats des deux armées de Pèlerins se sont levés d’une humeur joyeuse et conquérante. Tout le monde sent bien que le Voyage touche à sa fin, que nous atteindrons bientôt notre But. Je suis allée jusques à la rivière, je me suis rasé le menton et la moustache, et je me suis lavée partout bien soigneusement : si jamais les soudards du Khan en venaient à me faire subir les derniers outrages, il faut que je soye un minimum présentable.

Après le briffingue matutinal, nous avons reconstitué nos rangs, et nous avons repris notre progression dans la direction nord-nord-est, sur une piste de sable dur semée de petites touffes d’ajoncs, sur laquelle la marche est aysée et rapide. A nostre senestre s’élèvent les arbres d’une vaste forêt qui semble impénétrable, et que nous n’avons heureusement pas l’intention de tenter de pénétrer. A nostre dextre, la mer est bordée pas une frange de sable blond, sur laquelle des familles de pingorques en congés payés viennent profiter des plaisirs de la plage, baignade et farniente, bronzette et barbecue. J’en dessine un à la va-vite, à la mine de papier mâché.



Nous progressons rapidement vers une sorte de vaste plateau qui s’élève au loin, dominant la plaine côtière, laquelle s’étend maintenant vers l’Orient, car nous atteignons la rive nord de la Mer des Turcomans. L’étape a été courte, et en milieu d’après-midi nous faisons halte sous la lisière occidentale du plateau, à fins de nous dissimuler à la vue des éventuels guetteurs khannois. Par chance, le vent souffle du Levant, et si nous couvrons nos feux, nos fumées et nos odeurs iront se perdre dans les frondaisons du Ponant, sans plus attirer l’attention.

Avant la tombée de la nuict, je grimpe en haut de la falaise orientale qui surplombe la plaine. Je suis accompagnée du soldat qui possède la lunette de marine. Il scrute l’horizon vers l’Orient, tentant de découvrir la position ennemie. Soudain, il s’écrie : « Gotcha !* », car il est calédonien par sa mère. Il me passe la lorgnette. La camp du Khan m’apparaît alors, légèrement flou dans la brume vespérale. Enfin, très exactement cent jours après que nous ayons quitté Genève en Helvétie, je touche quasiment du doigt ce pourquoi nous avons enduré tant de souffrances et de privations. Une larme coule doucement sur mon visage buriné. J’installe mon chevalet, sur lequel je fixe une feuille de papier Canson 160 grammes noir n°425, je sors mes pinceaux en poil d’huku et mes tubes de gouache, j’enfile une blouse blanche pour ne poinct salir ma vesture guerrière, je coiffe un large béret basque pour avoir l’air de ce que je ne suis poinct, et j’immortalise pour l’Éternité ce moment historique.



Puis, après un dernier regard vers le Levant terrible et mystérieux, nous redescendons vers notre camp. Demain, une rude tâche nous attend. A la nuict tombée, je m’endors en me disant que ce sera peut-être bien la dernière fois que je m’éveillerai vivante.

* Je te tiens, en argot angloys.
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Minah
[J'ai oublié de compter les jours]

VOUUUUUUUUUUUUUUTCHFFF !

Minah leva le groin pour observer l'énorme champignon de flammes et de fumée d'un vert orangé douteux qui s'élevait au-dessus de la silhouette monstrueuse de son temple à roulettes.

Oups.

Elle ne connaissait pas grand-chose en la matière, la bestiole. Son rayon, c'était la Saintepatronitude de trucs morts trouvés sur le bord du chemin (remarquez, selon l'état de décomposition, ils se fendaient souvent d'une petite pétouze de gaz bleu). Mais elle était certaine que ça n'était pas censé faire ça.
Elle lança un regard embarrassé à ses compagnons de route, qui pour certains la regardaient d'un sale air ou, quand ça n'était pas le cas, essayaient d'éteindre le feu de leur paquetage.


Haheum... P'tits réglages...

Foutre. Ça sonnait quand même vachement plus simple dans les instructions laissées par Arnauld. D'ailleurs, c'était de sa faute à lui. Sur le papier, c'était bien joli d'intégrer à l'engin ce système de fumées colorées qui s'échappaient de la statue de Philémon-le-grand-duc-avec-un-trou-dedans à l'avant du temple, et c'était soit-disant sans danger. Mais « soit-disant » aurait dût se douter que tout ça serait manié par Minah, créature d'une incompétence à la hauteur de son enthousiasme.
Elle loucha sur le bidule d'où sortait la vapeur.


J'aurais p'têt pas dû rajouter d'la gnôle pour voir.

Au moins, elle avait inventé le lance-flamme, ce qui était toujours utile face à une armée de barbares avec un chef au nom de volaille. Y'avait de quoi se lancer un bon barbeuque !
N'a-qu'une-patte lança un regard énamouré au temple à roulettes qu'elle traînait depuis la campagne helvète. Sa masse trapue et pyramidale, ses statues en forme d'animaux morts, sa surface bardée de piques, son odeur qui vous piquait le nez après avoir pété le feu... Le Culte de la Sainte Patronne des Bestioles Crevées dans toute sa gloire. Les soldats du Khan se pisseraient dessus d'effroi. Puis ils tomberaient à genou devant sa grandeur et elle aurait enfin des disciples, des vrais, pas des ploucs qui jetaient des cailloux en gueulant «
casse-toi, tu schlingues ! »

Un petit vent vicieux vint s'insinuer dans sa capuche en peau d'ours, provoquant un éternuement bien juteux. Fini de bayer aux corneilles ! La manchote remonta en selle. Bientôt, le campement du Khan serait en vue, même s'il paraissait encore pour l'heure d'un mirage inventé par les fées qui hantaient cette route maudite. Et là. Là... L'achèvement d'un voyage si long. L'achèvement d'une vie, peut-être. La sienne, celle de ses compagnons, de ses ennemis. Qui sait ? Le combat le dirait. À cette idée, Minah sentit un frisson d'excitation mêlée de peur la parcourir, son sang bouillonner d'impatience, la rendant soudain fébrile. Elle talonna sa jument, vérifiant que le roussin qui tirait le temple la suivait de près.

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Modo au Challenge RP !
Praseodyme

Carnet de voyage de Praséodyme Gazélec, chef de la quatrième lance de l’armée de Labienus de Massala, en route vers le grand camp du Grand Khan.


Jour sixième

Ce matin, vingt-et-unième de décembre de l’An 1465, vers laudes, tous les soldats des deux armées de Pèlerins se sont levés d’une humeur guerrière et enthousiaste. Enfin, presque tous ; il manque à l’appel un certain Fabrizio. En cherchant un peu aux alentours, on ne retrouve de luy (ou de ce qui pourrait être luy) que quelques os broyés au bord d’un marigot. C’est bête d’être venu d’aussi loin pour se faire dévorer par un crocoselle quelques heures à peine avant de toucher au but. Je griffonne rapidement un crocoselle, de mémoire, histoire d’immortaliser l’instant pour les générations futures.



Du coup, nous ne sommes plus que cent-neuf. Les plus érudits d’entre nous froncent les sourcils, cherchant au fond de leur mémoire ce que ce nombre leur évoque, puis leur visage s’éclaire, un grand sourire édenté s’ouvre derrière leur barbes chenues. Ils voient là un signe indubitable de Victoire, car ils sçavent ce qu’il est écrit en lettres de Feu dans le verset n°109 des Prédycacions Apocryphes de Sainct-Trouct-de-Bâle-le-Velut :



Versçez cens & neuf

Puys alors viendra le Sang-Neuf,
Qui se respendra jusqu’au Camp,
Et là, Croys-moi, c’est poinct du bluff,
On casçera Sa Gueule au Khan.


En attendant, il semblerait que l’armée d’Azharr de Montestier n’ait pas seulement perdu un soldat. Tous lèvent les yeux vers l’oriflamme grise qui pendouille lamentablement dans l’air humide du petit matin. Le beau blason helvète d’argent et de gueules qui l’agrémentait jusques alors a disparu, sans que l’on sache trop pourquoi, peut-être estoit-il simplement mal cousu. La femme d’Azharr va se faire engueuler au retour de son bonhomme à la maison, il y a des chances. A moins qu’elle ne se soit déjà faict la malle avec l’employé du gaz. Allez donc sçavoir, avec les épouses fidèles. Du coup, c’est l’armée du Condottière Labienus de Massala qui reprend un petit avantage comptable, et un fin sourire ironique flotte sur la face chafouine et burinée de ses irréductibles lanciers.

On discute stratégie avant le départ, mais il semblerait aussi que le bonus d'immobilité sur lequel repose tout le subtil plan d'attaque d’Azharr de Montestier soit en train de se faire la malle. Les plus avisés hésitent à penser qu’agrément helvète et bonus d’immobilité soient les deux mamelles d'une stratégie azharrdeuse. La discussion tourne aussi autour de l’attitude à adopter une fois au Camp du Khan : faut-il lui parler poliment, même si c’est un individu fort mal morigéné, doit-on l’ignorer comme s’il n’estoit poinct présent, ou lui claquera t’on sa gueule de Khan sans autre préambule ? Les avis sont partagés.

Foin de discussions sans fin, nous partons. L’étape est courte, et en fin de matinée, nous arrivons sans encombre au but de notre voyage. Le camp se compose d’un ensemble de yourtes natures posées en cercle autour d’un grand feu. Celle du Khan trône au beau milieu, une autre à proximité abrite les pénates du shaman, qui est une sorte de curé, mais aussi païen que moi. Une taverne, un petit marché. J’achète un soc, et un seul car un proverbe mayonnais dict qu’un seul petit soc vigoureux vauct mieux que deux gros paresseux. A l’écart, abritée derrière une palissade se tient l’armée du Khan, dont l’oriflamme noire flotte au vent. Azharr de Montestier constate avec soulagement qu’elle ne porte pas non plus l’agrément helvète. C'est déjà ça ...

Je décide d’aller causer au shaman. Un curé païen, ça doit être sympa, même si par rapport aux curés aristotéliciens, il joue forcément gagnant d’avance. Et oui, il est sympa, c’est un petit marrant, et nous nous découvrons certaines activités communes, mis à part gauler les châtaignes bien sûr. Il me conseille d’aller voir le Khan. Pourquoi pas, après tout, je suis venue pour ça.

Jusque là, l’ambiance n’est poinct à la castagne, on se croirait plutôt dans un club de vacances pour petits cadres. J’entre sous la yourte du Khan, je le salue et je tente d’entamer la causette, mais ce type est irritable en Diable, et il ne se prend pas pour de la bouse de yack. Je le plante là, un peu déçue. Faire tout ce chemin pour rencontrer un petit président vindicatif et prétentieux comme on pourrait avoir le même chez nous, est-ce que cela valait vraiment le coup ?

Je décide d’aller faire une sieste, en attendant que ça bouge.

Au bout d'un moment, j'ouvre un œil et je constate avec surprise qu'on a retrouvé l'agrément helvète. La Croisette s'offre la venue chez le Khan. Elle s'estoit décousue, maintenant qu'on l'a recousue, on va pouvoir en découdre, Nous sommes en marche pour participer au Festival du Khan.
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Praseodyme

Carnet de voyage de Praséodyme Gazélec, chef de la quatrième lance de l’armée de Labienus de Massala, en route vers le grand camp du Grand Khan.


Jour septième

Ce matin, vingt-et-deuxième de décembre de l’an 1465, vers laudes, les soldats des deux armées de Pèlerins se sont réveillés d’une humeur massacrante. Alors que la journée d’hier au Grand Camp du Grand Khan, se passait dans la plus parfaite convivialité, échanges inter-culturels, emplettes au marché local, visites de la taverne, petits fours chez le shaman, les visiteurs ont été invité à vider les lieux par le Grand Khan en personne, et ils ont été renvoyés manu militari se réinstaller sur leur campement de la veille, au soi-disant motif de leur odeur incommodante pour les délicates narines khannoises. C’est un comble ! Moi qui avait avancé mon bain annuel de plusieurs semaines, je suis extrêmement contrariée.

Ce ne sont poinct les quelques présents que le Khan nous a lancé par la figure - socs, faucons, dindes et autres lapins, même pas emballés dans du papier cadeau - qui vont faire passer la pilule. L’hospitalité orientale, on en reparlera. Ce môssieur est un mal poli, et puis c’est tout ! Tous le monde s’accorde à penser que cet affront est un casus belli. Jusqu’à présent, on a été laxistes, maintenant on va devenir laxatifs : ça va chier !!!

Tout le monde se prépare. Les Croyants aristotéliciens vont à la messe autour d’un autel improvisé, puys ils confessent leurs péchés réels ou supposés au curé portatif qu’ils ont emmenés avec eux. Les réformés se payent une petite lecture en commun des Textes Sacrés, avec arguties et controverses qui le font bien. Les païens vont au bordel militaire de campagne, après tout c’est peut-être la dernière fois. Chacun prépare soigneusement ses armes, aiguise son estoc, lustre son pavois, graisse son brêlage. Je frotte le fil de ma vieille bâtarde avec une gousse d’aïl, et je crache trois fois dessus en croisant les doigts de ma main gauche derrière mon dos, je vous jure, c’est souverain contre la ressuscitation des morts-vivants.

En fin de journée, les gens de l’armée du Condottière Labienus se pressent autour de leur chef, qui est monté en grande tenue de guerre sur un tonneau de bière, après l’avoir soigneusement vidé. Il a l’air en pleine forme du coup. Il se lance dans une harangue enthousiasmante :





Soldats !

Nous sommes à la veille, selon toute logique, de la bataille finale !

Ce soir, nous nous mettrons en marche et attaquerons le camp du Khan à l'aube. Il y aura une seule consigne: pas de quartier !

Aujourd'hui, pas de feux dans les campements. Nous mangerons la viande crue et boirons le sang du gibier encore chaud, pour donner à tous, si besoin il était, la soif d'en découdre.

Notre vie va tenir à un dilemme, tuer ou être tué! Alors tuez! Et gloire à celui qui tranchera la tête du Khan !

En cas de victoire, nous entrerons tous dans l'Histoire, alors soyons brave! Battons-nous avec fierté et détermination.

Il est temps de vous préparer les braves, affûtez vos lames, faites reluire vos armures. Souvenez-vous bien de chaque souffrance que vous avez enduré pour vous retrouver ici, et faites en payer le prix, à l'aube, à l'armée Khanesque.

Demain sera notre jour !




Pas à dire, ce type sait causer aux troupes. C'est beau comme du Verlaine !. J’en pleure dans mon casque. Je trouve que je pleure beaucoup depuis le début de cette histoire. Sans doute que je commence à ramollir.

Il est peut-être temps que je prenne ma retraite, ou que je meure. On verra ça demain.
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Praseodyme
Communiqué de guerre

de Praséodyme Gazélec, correspondante aux Armées.

Samedi 23 décembre 1465 - Après avoir opéré leur approche dans la nuit précédente à fins de prendre l'armée ennemie au débotté, les deux armées de la Queste du Grand Khan ont attaqué les positions khannoises ce matin à l’aube. A 04 :12 GMT+1, les éléments avancés des troupes des Pèlerins sont entrées en contact avec les défenses adverses. De violents combats ont opposé les deux parties, causant des pertes humaines sensibles des deux côtés, si tant est que l’armée du Khan se compose bien d’êtres humains.

Dans l’armée d’Azharr, on déplore la perte de huit soldats ou chefs de lance, dont les noms suivent : Erraa, Dotty, Lucrezia, Mortymer, Torpoil, Calico, Zulma et Diazolie, probablement tués ou plus ou moins grièvement blessés. Dans l’armée de Labienus, on compte au nombre des victimes Angelino, Verdino et Satyne. Nos malheureux compagnons de combat ont été aussitôt évacués vers l’arrière, jusqu'à l’hôpital de campagne de Snagov, où ils recevrons des soins efficaces des mains expertes et attentionnées du Service de Santé militaire. L’évacuation a pu avoir lieu dans les meilleures conditions grâce au grand dévouement des personnels volants des E.A.S. (Equipages des Aigles Sanitaires), dont l’utilité avait déjà été largement prouvée lors de la Guerre des Terres du Milieu.


Images d'archives

Saluons ici la mémoire de notre chère camarade Satyne, fauchée dans la fleur de l’âge au terme d’une vie menée de manière fort aventureuse. Satyne, sache que nous vengerons ton trépas dans le sang, et essaie de pas trop faire chier le Sans-Nom, pasque sinon c’est sûr qu’il va te renvoyer vers nous sans plus tarder.

A la fin des combats, l’armée d’Azharr ayant progressé victorieusement jusques au cœur des positions du Khan, a pris le contrôle du nœud. Comme d’autre part, des rapports de combat ont signalé la mort certaine de Yeswe Khan, en plus de l’élimination d’au moins une vingtaine de ses guerriers, les premières conclusions semblaient donner une victoire indiscutable aux Pèlerins.

Auxia, armée de Labienus, section de Praséodyme a écrit:
23/12/1465 04:12 : Vous avez frappé Yeswe. Ce coup l'a probablement tué.


Mais dans l’Inconnu, trop de choses échappent encore à nos connaissances. Le Grand Khan est toujours signalé comme étant vivant par nos services de renseignement, et son armée, qui aurait normalement dû être expulsée du nœud, y est encore présente. Ce qui pose plusieurs interrogations, sur les faicts d’abord, et sur la stratégie à employer ensuite. Sur les faicts, la Raison tend à laisser penser que le Grand Khan a été aidé dans sa défense par un allié de poids, que l’on nomme, à mots couverts, le Gros Bheugh. En effet, en temps normal, les résultats de ce matin donneraient une victoire sans discussions aux Pèlerins. Mais nous ne sommes poinct en temps normal.

Quant à la stratégie, des discussions animées ont lieu au moment où je vous parle. Rien n’en doit filtrer dans la Presse, pour des raisons bien compréhensibles de sécurité militaire.

C’estoit Praséodyme Gazélec pour l’Agence-France-Pègre, en direct de Nulle-Part, à vous Cognac-Jay.
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Praseodyme

Carnet de voyage de Praséodyme Gazélec, chef de la quatrième lance de l’armée de Labienus de Massala, en route vers le grand camp du Grand Khan.


Jour neuvième

Ce matin, vingt-et-quatrième de décembre de l’an 1465, les soldats des deux armées de Pèlerins de la Queste se sont réveillés entre prime et tierce, vu que leur coq n’a pas chanté à l'aube. Ils sont d’une humeur maussade. En effet, alors qu’ils se sont employés toute la journée d’hier a obtenir une victoire probante sur les troupes du Grand Khan, ils se vont vus reconduire une nouvelle fois sur leur base de départ, un nœud à l’Ouest du camp du Khan. Un grand sentiment d’impuissance et d’injustice habite tout le monde. Tout est à refaire, avec des forces maintenant diminuées. Pour la Guerre Éclair, nous sommes chocolat. Le Khan nous a fait marron avec ses dindes, et il nous a posé un lapin. En fait de faucons, on dirait il y en a eu surtout des vrais.

La situation tourne en faveur de la trêve, car les Croyants fêtent ce soir la naissance d’un dénommé Christos, une sorte de vagabond, qui estoit bateleur ou bonimenteur dans des temps reculés, après avoir été élevé par un bœuf et un âne, si j’ai bien compris. S’il a pris la force de l’un et l’intelligence de l’autre, les Croyants ne sont pas sortis de l’auberge, mais bon, ça ne les empêche pas de préparer un grand festin dans la Joye et l’Allégresse. Il y a des brochettes de faucon en entrée, ensuite de la dinde farcie au lapin blanc et des éclairs au chocolat au dessert. Je vais peut-être faire semblant d’y croire, juste ce soir, pour la gamelle. Après tout, ça n’engage pas à grand chose, et ça m’étonnerait que le gars Christos revienne un jour pour se plaindre.

En attendant, je trainaille autour du feu. Il n’y a pas grand chose de plus à faire. Pour passer le temps, je meumeumme de vieilles chansons de geste, tandis qu’un frère d’armes m’accompagne au fifrelaud gasouilleur.



*
Oh ! combien de lanciers, combien de capitaines
Qui sont partis nombreux, dépassant la centaine,
Vers le feuquingue novouère, enthousiastes et réjouis
Jusqu’au camp du Grand Khan pour se faire de la thune !
Ou même pour ramasser, à défaut de fortune,
Faucons, lapins et dindes, et se faire un méchoui !

Combien de soldats morts, de cet aréopage,
Qui par le coin du groin se sont pris un poutrage !
Et en un tournemain, c’est ça le plus ballot,
Se sont d’un coup d’un seul retrouvés en congés,
A Snagov, tête lourde, l’humeur découragée,
Accablés, malheureux, traînant leurs godillots.

Ceux qui restent n’en sont poinct pour ça moins assidus.
Ils espèrent bien conclure, sur un malentendu.
Echaffaudant de plans plus ou moins biscornus,
Ils prendrons tous les risques, même si ils en crèvent.
L’enjeu est à portée, là, ce dont ils rêvent,
Ce pourquoi ils sont là, l’espoir entretenu.

C’est faisable, ou Celsius nous prendrait pour des poires ?



*Sur une musique de Victor Hugo.
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Praseodyme

Communiqué diplomatique


de Praséodyme Gazélec, correspondante aux Armées.

Jeudi 4 janvier 1466 - Nœud n° 2682 dans ce Foutu Nulle-Part. Ce matin Quatrième de Janvier 1466, à l’heure où nous vous parlons, les deux armées de Pèlerins de la Queste du Grand Khan sont toujours immobilisées à un nœud du Grand Camp du-dict Grand Khan, en direction du Ponant. Rappelons brièvement les faicts.

Dans la journée du 23 décembre 1465, les deux armées des Questeurs ont surpris l’armée khannoise au débotté, et lui ont infligé une sévère déculottée, du genre de celle qui s’inscrivent en lettres dorées dans les annales de l’École de Guerre. Cependant, alors que le contrôle du nœud avait été conquis par l’armée du Général Azharr, et que les troupes adverses auraient dû avoir été réduites à la forme d’un petit tas de bouillie sanglante et légèrement liquide, les premières observations sur le terrain ont montré que l’ennemi se portait encore comme un charme, estoit encore au complet en hommes et en armement et qu’il n’avait pas un pèt de jeu dans les charnières. Quant aux deux armées de Pèlerins, pourtant victorieuses, elles se sont retrouvées dès le lendemain matin sur leur base de départ, là où elles sont encore à l’heure actuelle.

Il y avait là une anormalité flagrante, qui a immédiatement laissé soupçonner aux stratèges en pèlerine que le Grand Khan avait bénéficié de l’appui d’un allié puissant, en la personne du Grand Bheugh, et ça ils ont dict que c’estoit vraiment pas d’jeu, non Monsieur ! Après que les statisticiens aient calculé les dommages infligés, que les théoriciens aient évalué les résultats escomptés, que les logisticiens aient estimé les ressources nécessaires pour subsister et que les péripatéticiens aient exigé des dédommagements indécents, plainte a été déposée en bonne et due forme auprès des instances régulatrices internationales, la preuve étant faite par A + B que l’armée khannine avait été décimée au-delà des réglementaires soixante-dix pour cent de son effectif, et aurait dû être en conséquence inscrite sine die sur la liste des espèces en voie immédiate de disparition par le W.W.F.

Après que l’on eut attendu quelques jours que Son Excellence Plénipotentiaire Messer Brennos de Lapin, Premier Grand Généralissime en Chef de l’Armée des Dèvs, puisse revenir d’une mission spéciale d’études dans un pays fort fort lointain, fort fort ensoleillé et fort fort peuplé de belles jeunes filles fort fort avenantes, le sus-dict Messer Brennos et ses gens d’armes se sont lancés dans la traque du Grand Bheugh et de ses sinistres sbires les Petits Bheugh Kholatéraux. Au bout de quelques autres jours, durant lesquels la famine a touché les armées des Pèlerins (on évoque même quelques cas de cannibalisme), le Grand Bheugh a été poussé dans ses derniers retranchements, a été forcé à la capitulation sans conditions, et renvoyé dans ses foyers sans indemnités compensatoires.

L’on s’est alors assis à la Table des Négociations à fins de déterminer dans quelles conditions allait se dérouler la suite des opérations.

Une Victoire, même sur tapis vert, restant une Victoire, il semble que les deux armées de Questeurs seront autorisés à poursuivre dès ce soir leur chemin à fins qu’elles pénétrassent au plus tôt dans le Grand Camp du Grand Khan en grand équipage et sous les vivas de la foule en délire, et qu’elles puisse s’y livrer aux activités ordinaires d’une armée victorieuse, sçavoir massacre des populations autochtones, pillage en règle, déprédations multiples et viol des animaux domestiques.

Les discussions sur les compensations pour dommages de Bheugh se poursuivent à l’heure où nous vous parlons. Elles concernent essentiellement la conservation ou non, et dans quelles quantité, des objets spéciaux que le Grand Khan a khonnement balancé à la tête de ses interlocuteurs sous l’influence pernicieuse d’un Bheugh Kholatéral. Selon Messer Brennos, ces objets devant rester rares, surtout les socs qui font saliver tout le monde, ils seront retirés aux Pèlerins. Sur ce coup, Messer Brennos de Lapin ne va pas se faire que des khopains, à moins qu'Il ne se fende d’une compensation commaque.

En attendant, le suspens demeure quant au déroulement futur de la Queste du Grand Khan. Quelles surprises attendent encor nos valeureux aventuriers ? Vous le saurez demain, peut-être, ou pas, en suivant fidèlement les Chroniques valachièzes sur le Coin des Arpenteurs.

C’estoit Praséodyme Gazélec en direct des Sentiers de la Gloyre, à vous le Monde ordinaire.
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