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[RP] Satan Labrit

Aimbaud, incarné par Axelle
Comment ne pas s'étonner du froid pénétrant qui vous glaçait les os, dans ces marais du sud, où les bergers n'allaient pas sans échasses ? Le marquis de Nemours parcourait les landes, transi, sur la dernière distance qui le séparait du campement royaliste. Il lui avait fallut contourner la Garonne sur deux lieues pour rencontrer un passage praticable. Le fleuve, gorgé de pluies et de neige fondue, avait englouti plusieurs embarcadères. Le Bourguignon priait sentencieusement le ciel que ce détour ne l'eut point désorienté, et qu'il avançait toujours dans la direction donnée par les paysans du canton.

Son cheval, épuisé, ne supportait plus son poids. Des gouttes amères tombaient des naseaux de ce dernier, et les respirations vaporeuses qu'il soufflait étaient aussi lourdes que maladives. Aimbaud allait à pied, tenant cette bête au col. Et il tenait aussi son col, à lui, par lequel voulaient s'engouffrer des langues de froid qui lui coupaient la gorge. Les larges tombants de son manteau flattaient les herbes détrempées qui lui montaient jusqu'aux genoux. Son visage rougi dardait dans le brouillard un regard où l'effroi se mêlait à la détresse, tandis que ses bottes épongeaient toute l'eau du marécage. Il peinait parfois à libérer son pied d'une motte de glaise, qui tentait de l'absorber. Ses jurons vigoureux avaient progressivement cédé place à des grognements plein de désespoir et vaguement pathétiques. Il était trop épuisé pour trouver à quel patron se vouer, ou quelle sainte conception offenser.

La peur, aussi, de risquer d'approcher d'un camp ennemi, au cœur de cette brume opaque et dans ce pays inconnu, l'obligeait à plus de discrétion. Il tendait parfois l'oreille, de longues minutes dans le blanc paysage, croyant avoir entendu au loin une voix humaine, qui s'avérait être en fait la plainte d'une brebis ou le cri d'un corbeau.

Dans une ultime clameur, il tira les brides de tête de sa monture, à bout de bras et d'efforts, comme celle-ci peinait à sortir le train arrière d'un trou d'eau. La fange éclata et les mousses se déchirèrent sous les sabots empêtrés. La pauvre bête suivait le marquis depuis Cahors, et n'avait put être cédée sur la route, faute de chevaux frais dans les auberges. Il n'avaient eut dans la nuit, l'un et l'autre, que deux piètres heures de repos, accordées à la hâte au détour d'un chemin. Le pressant désir d'arriver était plus fort que le besoin de sommeil.

Des frissons perceptibles agitaient le cuir de l'animal. Des nœuds de nerfs paraissaient sous sa peau maculée de vase. Son œil grotesque avait un éclat mat. Mauvais signe. Aimbaud relâcha la tête du cheval et s'arqua pour reprendre haleine. Sa bouche assoiffée lui commandait d'abandonner l'animal, et de poursuivre à pied jusqu'à n'importe quelle maison qui pourrait lui offrir du vin. Ses pieds, nageant dans un jus de botte et d'eau des marais absolument glacé, hurlaient qu'un feu de cheminée leur était vital. Il observa le blanc, autour de lui. Perdu.

Il attendit là, debout, près d'une heure. De temps à autres, il marchait jusqu'à un bouquet d'herbe grise pour l'arracher, et s'en venait le frotter sur le crin du cheval, avec ténacité. La maigre chaleur, sous ses doigts, disparaissait aussitôt que cessait la friction. Il bouchonnait ainsi sa monture et songeait qu'à cette heure, qu'à ce jour, et depuis plusieurs jours peut-être, Axelle était déjà morte.

Etant resté longtemps immobile, il essuya ses mains boueuses sur le cuir de son habit, puis saisit à pleines mains les sangles et les boucles de fer qui ceignaient la tête du cheval, comme s'il s'apprêtait à le broyer.


Tu vas marcher.

Mâcha-t'il entre ses dents, nouant les poings et les épaules pour le tirer hors de la glaise avec toute la vigueur qu'il lui restait à donner. Il tira tant et si bien que l'animal rua et renâcla. Des sauts le secouèrent et le forcèrent à s'extraire du bourbier. Les mains d'Aimbaud relâchèrent sa prise, dans la crainte d'être écrasé sous elle. Ces mêmes mains s'ouvrirent avec impuissance devant la fuite du cheval, lequel s'engouffrait déjà dans la brume, et dont la silhouette et le bruit du galop s'effaçaient peu à peu. Le marquis courait derrière à bras ouverts.

La respiration sifflante, le front moite et les joues en feu, il ne tarda pas à s'arrêter, la tête basse, cassé en deux, appuyé sur ses gros genoux, pour respirer.


Ahh...! Chi...enne de bête...! ... Chienne. Ah. Hhh.... Je vais à pied...! Tu le paieras.

Dans son essoufflement, il sentit, ténue, l'odeur d'un feu de bois. Sa tête, changée, se redressa. Il reprit la marche avec plus d'assurance, les mains ouvertes à ses côtés de peur de tomber dans le marais. Au bout d'un temps certain, suivant sa piste, il lui sembla que le brouillard était moins dense, et il put observer qu'il approchait d'un bocage au fond duquel s'entendait le bruit d'une hache frappant du bois. Il y entra prudemment, traversant bosquets et trouvant sous ses pieds, une terre plus sèche et solide. Les couleurs de toiles de tentes lui apparurent à la sortie des fourrés. Quelques arbres le dissimulèrent, le temps qu'il relève le sens des blasons cousus sur les étendards. Bouillon. Armagnac. Guyenne. L'enclume qui lui pesait sur les épaules s'envola. Un sourire d'intense soulagement illumina son visage.

Il dévala (à moitié sur les fesses) un fossé qui le séparait les premières tentes. Ses bras se hissèrent lorsqu'il se releva, maculé de feuilles mortes et de boue. On le tenait en joue. Fixant avec prudence le carreau d'arbalète qui le visait, ravalant sa salive, il garda les paumes bien visibles au dessus de lui.


Je suis le marquis de Nemours. J'ai perdu mon cheval.
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Volkmar
La ville était prise, mais ils n'avaient pas encore eu le temps de tous y migrer. Et de toute façon, il n'était pas guère pensable qu'ils puissent tous entrer dans les murs. Quatre armées pleines à craquer, dans une ville comme Labrit ? Baste ! Qui plus est, ville à peine fortifiée...
Toutes ces considérations passées, restait le fait, évident. Au milieu d'une mer de brume que la journée avait peiné à disperser, les villes de toiles des assiégeants se trouvaient toujours en lieu, et place. Et avec elles, les bonnes habitudes, les gardes et les rondes ; la Memento, sèchement battue au dernier assaut, son capitaine et ses lieutenants tombés, trainait toujours dans les parages, et une attaque suicidaire pour faire le plus de dégâts possibles n'était pas inenvisageable.

Le moustachu avait eu la poisse, cette fois-ci. Son échelon avait été gardé en réserve lors de la bataille et n'avait pu intervenir. Et qui menait l'échelon ? Qui était chevalier ? C'était bibi ! Enfin Moustache. Donc, logiquement, à la courte paille, il n'y avait eu qu'un seul joueur, et le lot du gagnant était le tour de garde. Si vous avez suivi, Moustache.

Je vous rassure, il ne surveillait pas le périmètre tout seul ! Non, il se contentait de se geler les roustons autour d'un foutu braséro crépitant, mais néanmoins faiblard, en attendant sans grand espoir, que quelque chose se passe, que l'on vienne le chercher pour le tirer de son ennui profond. Mais Deos l'avait entendu. Exaucé. Pour un peu en serait-il tombé à genoux, en transe, de remerciement. Sauf que le planton qui venait de briser la monotonie de l'instant avait l'air d'avoir besoin de lui, pour de vrai. A sa suite, en courant, il tombe sur un Nemours débraillé, sale et ... De son avis, passablement méconnaissable. On pouvait comprendre que l'arbalète dont il était question, et qui faisait le fond de l'affaire à l'instant, soit restée pointée en attendant un complément d'informations. Un gros en guenilles qui se roule par terre, on a du mal à y voir un prince d'Île de France.


"Baissez cela."

D'un geste de la main, le Rouge fait chuter la tension. Il a deux informations à son actif, faut-il dire. Il a connu Nemours. Jeune, très jeune même, épais comme une épinoche, arrogant et certainement pas sous le nom de Nemours. Et dans ce visage épais, barbu, vieilli, il reconnait le Josselinière de l'époque, le petit con sans cervelle qui foutait le bordel avec Cassian.

"Aimbaud..."

Il n'est pas difficile de savoir pourquoi il est là. C'est même d'une limpidité absolue. Ainsi, ce n'était pas qu'un père absent et lointain. Quand bien même n'aurait-il pas été à Nemours, il avait visiblement fait la route de nuit, de loin, sans se départir de sa volonté malgré les difficultés.

"Ils ne l'ont pas déplacée, encore. Elle se repose."

Le chevalier jauge Nemours, d'un œil dubitatif. Surtout en largeur.

"Je n'aurais pas cru dire ça un jour... Mais je n'ai rien à ta taille."

Avec un sourire ironique, il renvoie les plantons à leur ronde, et invite le bourguignon à lui emboîter le pas, reprenant la parole.

"On va te trouver de quoi te réchauffer, et te changer. Ils ne te laisseront pas rentrer comme ça de toute façon... Peut-être Eddard..."

Il termine, pensif, sur un froncement de sourcils. Eddard est massif, mais pas si gros. Même si Aimbaud trouve chemise à son tour de taille il aura l'air ridicule dedans. Mais mieux vaut cela qu'un malade à soigner d'un mauvais flux de poitrine, en plus des victimes des combats. Reste à trouver le Lablanche.
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Aimbaud, incarné par Axelle
Un instant passa durant lequel seule une feuille morte bougea, se décollant du cuissot du Bourguignon. Les yeux de celui-ci étaient braqués sur l'homme qui l'apostrophait, dubitatifs. Qui pouvait bien être ce plouc, sorti du brouillard, qui l'appelait par son prénom ? Il en observa les traits, la stature, l'habit. Tout cela lui donnait une estimation de son grade et de sa fortune, qui devaient être piètres. Mais son identité, point. Le dessin de sa moustache éveillait un vague souvenir. Ce pouvait-il que ce soldat à la manque, au visage esquinté par le soleil, l'aie combattu jadis, lorsqu'il avait quatorze ans ? Le visage du marquis s'éclaira.

Volkmar ?

Incrédule, il rabaissa les mains. Son étonnement alla grandissant lorsque l'homme lui délivra l'information qu'intimement, il désirait obtenir. Il manqua aussi tomber sur son cul, comme on se soucia de lui trouver des habits secs, et comme... On le tutoyait.

Il resta un moment stupéfait, puis l'air froid, et l'humidité de la boue sur tous ses vêtements, le décidèrent à réagir. Prudent, il avança à la rencontre du chevalier et suivit la direction qu'il prenait, trop hébété pour oser parler. Ses bottes gorgées d'eau accompagnèrent leur progression dans le camp, dans une féérie de micro-fontaines et de bruits spongieux.

Pendant qu'ils marchaient, Aimbaud en venait à se demander ce qu'il avait pu advenir de ce barbare, depuis l'époque de leurs jeunesses révolues. Il songea qu'il avait dû vivre de rapines, et se trouver contraint au mercenariat. Son adresse à l'épée, sans doute, lui devait d'avoir été épargné sur les champs de bataille. Et ainsi existait-il encore, après tant d'années, qui avaient vu mourir tant de visages.

En dépit de leurs vieux contentieux et autres bastons de corps de milice, l'homme le traitait charitablement. Preuve en était que le temps adoucissait les plus butés caractères ? Nemours, plus tôt découragé et perdu sur ces terres stériles, éprouva soudain une grande reconnaissance pour son guide, et lui dit avec simplicité, offrant devant lui sa main ouverte en gage d'amitié :


Grâce te soit rendue. Je n'ai pas coutume de tutoyer grand monde. Mais si tu y tiens, nous nous tutoyons.
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Kheldar
Eddard appelait ça une victoire en demi teinte, comme celle qu'ils avaient brièvement pu savourer en Anjou, avant d'abandonner le Duché une énième fois pour le rendre aux irréductibles. Triompher sur un champs de bataille était une chose, mais vaincre une idéologie s'avérait être bien plus complexe, pour ne pas dire une tannée!
Le colosse ne se faisait guère d'illusions quant à la suite du programme. Sans un Duc fort et meneur d'hommes, la Gascogne peinerait à reprendre définitivement le contrôle du Duché. Mais Bouillon avait fait sa part, ce n'était plus leurs affaires et désormais, le Colosse Lablanche d'Abancourt n'aspirait plus qu'à retourner à Montauban pour retrouver sa fille, récupérer son bois et partir construire sa seconde Caraque de guerre, projet mit en branle plusieurs mois auparavant et mit en stand by le temps de la campagne.


Mais il avait un sujet d'inquiétude. L'une des dernières nuits de combat avait été particulièrement meurtrière, et sa plus fidèle amie était loin d'être tirée d'affaire. Il passait son temps entre la Grange transformée en Auberge dont il était le propriétaire, et la tente des soins à se fourrer dans les pattes d'Elisel et de Lenu, les deux médecins qui tentaient de soigner une gitane mal en point. Il avait prit la liberté d'écrire à Justin, son époux, pour l'informer de son état, puis, après quelque hésitation, au Marquis Aimbaud, homme qui pourtant éveillait toujours en lui quelques émotions contradictoires.

Pour l'heure, Eddard cherchait à s'occuper l'esprit finissant de retaper sa vieille grange, cognant comme un sourd à coups de marteau sur les planches qui remplaçait celles branlantes de l'établissement. C'était inutile car il ne comptait pas résider en Gascogne, mais ça l'occupait, et évitait qu'il ne soit sur le dos des deux médecins, à observer et commenter leurs faits et gestes, se plaignant du manque considération hautement préjudiciable à la survie de la gitane lorsque l'une d'elles se détournait pour aller s'occuper d'un autre patient ou simplement aux latrines.

-Putain d'porte... là tu vas tu tenir debout.

Jadis charpentier en plus de ses activités de lame à vendre, le colosse s'était échiné, entre deux assauts, à faire de cette vieille grange un semblant de taverne où il faisait bon se reposer et boire un coup. C'était dans cette même grange qu'ils avaient fêté la naissance de sa fille.

Estimant qu'il avait laissé suffisamment de répit aux deux médecins du camp, il ouvrit la porte fraîchement réparée, et déposa ses outils sur le comptoir pour s'en retourner au chevet de la gitane.
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Volkmar
Oui, Volkmar. Le même, et pourtant si différent. Il y avait bien plus qu'une vie entre ce risible duel au soleil naissant, et désormais. Plus qu'une vie, et bien des morts. Mais pas la sienne. Il aurait pu. Sans doute du. Sans doute aurait-il mieux valu, parfois. Mais non. La couenne était devenue carne, tannée, le crâne solide avait résisté au passage du temps. A peine quelques cheveux tiraient-ils sur le gris, à la tempe. Après tout ce temps, et ils se retrouvaient encore face-à-face au beau milieu d'un conflit. Terminé, celui-ci, ou peu s'en fallait.
Tout à sa résolution de trouver une chemise propre pour Aimbaud, et un lieu pour se réchauffer, il a pris la direction de la grange. Cette espèce de bicoque retapée où créchait Eddard, qui avait servi tout à la foi d'annexe du commandement des opérations, quand il pleuvait trop fort, de cantine par moments, de taverne, et donc, de logement. Les voilà, Nemours et lui, traversant le camp d'un bon pas, quand il sent le Josselinière s'arrêter derrière lui. Le Rouge se retourne, hausse le sourcil, et se retrouve avec une main tendue devant lui. Il hésite, un instant. La saisit. Réplique.


"Deos t'entende, car Il sait que j'en ai besoin."

Grâce. Quelle idée ? Il n'avait fait que l'évidence. Savait trop bien, et de manière bien trop définitive, le mal qu'il y avait à perdre... Et bien... La mère de son fils... Et parce qu'il faut bien le dire, parce que ce ne sont pas femmes comme les autres que celles dont-il s'agit : à perdre le feu et la flamme qu'on avait pu y trouver. Relâchant la main d'un nouvel ami, par la force des choses, l'embarras l'envahit. Machinalement, il ferme les doigts.. Réfrène l'envie de se frotter la main sur ses braies, et les joint plutôt, un instant.

"Le tutoiement me convient... J'ai plus l'habitude de mes pairs chevaliers et des soudards, à Bouillon, que des Princes du pays de France. Mais te voir me rappelle quelques souvenirs qui ne sont pas tous si mauvais."

L'oisillon de l'époque n'avait guère affecté le soudard qu'il était déjà lui-même. Il en avait gardé l'image, celle d'un marmouset trop fort en gueule, mais de rancune, aucune. C'eut été ridicule. Passé l'instant de gêne, il porte la main à l'épaule corpulente de son vis-à-vis, ébauche d'accolade fraternelle.

"Allons-y. Elle serait foutue de me le reprocher, si tu attrapes la mort."

Nul n'est besoin de la nommer. Ils savent, chacun, pourquoi Aimbaud est là. Volkmar se retourne, enchaîne quelques pas. Le hasard, faisant bien les choses, ils ont désormais suffisamment approché pour qu'il ait Eddard en ligne de mire lorsqu'il quitte la grange. Il accélère le pas, laissant probablement quelques pas derrière lui l'invité impromptu, hélant le Lablanche.

"Hep ! Eddard !! Un instant !"

Il le rejoint, s'explique, sans qu'il ne soit besoin d'en faire des tonnes. Il est manifeste qu'il est suivi, accompagné, par un prince ayant sans doute repris de sa contenance, même sale, en guenilles, et épuisé, il n'a rien d'un soudard, ni d'un gros aubergiste.

"Nemours vient de débarquer. A pieds. Si tu avais de quoi le vêtir de sec, car j'ai peur de n'avoir pour ma part guère mieux qu'un sac de jute, à sa taille. Deos te le rendra. Tu sais si Axelle a sa connaissance, pour l'instant ?"
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Kheldar
Lorsque le moustachu, Eddard tourna la tête vers le couple curieusement mal assorti, puis interrompit sa marche en reconnaissant Aimbaud. Si le Marquis était méconnaissable,
il y avait des signes qui ne trompaient pas l'oeil averti.


-Bonjour Banneret, Salutations Marquis, j'allais justement lui rendre visite, mais elle ne vous en tiendra pas rigueur si vous prenez le temps de vous changer auparavant, venez. De toute façon elle doit encore être dans les vapes.

Le ton était neutre, une manière de dissimuler de son angoisse en quelque sorte. La gitane était stabilisée à l'heure qu'il était mais elle n'était tout de même pas définitivement tirée d'affaire. Les médecins avaient encore fort à faire avant qu'elle ne puisse ne serait ce que poser un pied sur le sol.


Reprenant la direction de la grange, il reprit à l'intention du Chevalier Banneret.

-Tu nous accompagnes aussi Chevalier Moustache?

Eddard tutoyait la plupart des Chevaliers, mais il leur accordait tout de même leur titre malgré la franche camaraderie qui régnait en tant de guerre et qui voyait bien souvent voler en éclat les règles établies.

-Vous serez gentil de ne pas vous vautrer dans la boue avec ces vêtements Votre Magnificence, Je dois avoir une chemise et des braies noires... navré mais les couleurs criardes c'est pas mon genre.


La grange fraîchement retapée et aménagée en taverne de campagne fut de nouveau ouverte, et le propriétaire se hâta de rallier le comptoir derrière lequel il pionçait sur un lit de camp, puis récupéra de son coffre des braies et une chemise propre.

-Tenez Marquis, il y a une petite alcôve par là depuis qu'on a agrandit, vous pourrez vous changer tranquillement.

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Aimbaud_de_josseliniere
Une appréhension insidieuse gagna l'esprit du marquis, tandis qu'il rencontrait Eddard Lablanche d'Abbancourt. N'y avait-il donc, dans ce campement, pas un homme qui ne l'aie un jour battu à l'épée ? Cette fois-ci, la brisure de son bras ressoudé sembla se réveiller par quelques signaux de douleur, et le souvenir terrifiant de leur duel, ranimer dans ses poings des étincelles de violence mêlées d'effroi. La dernière fois qu'il avait vu ce mastodonte, celui-ci lui tournait le dos, laissant entre eux deux des filets de sang. Il voulait paraître neutre, mais se retrouver nez-à-nez avec ce duelliste massacreur, le rendait on-ne-peut-plus nerveux.

Il observa l'homme avec un mutisme prudent, avant de lui rendre son salut. La charité qu'Eddard lui adressa l'étonna, tout comme il en avait été de celle de Volkmar. Il ignorait comment répondre aux preuves de générosités qu'on lui faisait. Ça n'était pas dans ses habitudes, de recevoir des dons. Il en prodiguait, lui, à ses gens et plus qu'à son tour, mais rarement s'était vu donner une chemise. Un savant tiraillement lui crispa le plexus. Sa conscience hésitait entre embrasser pleinement la reconnaissance, ou refuser la pitié qu'on démontrait pour lui, avec un méprisant orgueil. S'abaisser à accepter de porter les vêtements d'un homme qui lui avait fait mordre le sable de la lice ?

Ses yeux noirs jaugèrent les deux hommes, puis le tissu noir des habits qu'il tenait entre ses grosses mains. Sa fierté ébréchée finit par lâcher prise. Il dit humblement, saluant la largesse d'Eddard en le fixant :


Le Très-Haut vous bénisse, Lablanche. Je n'oublierai pas ce geste.

Dans l'abri, tandis qu'il abandonnait ses vêtements gorgés d'eau des marais, pour une plus saine vêture, essuyant au passage sa barbe et son visage visage boueux dans un mouchoir, ses pensées chaotiques allaient à Axelle. Les questions qui lui brûlaient les lèvres avaient été par lui ravalées, par pudeur. Elle se reposait, disait celui-là. Dans les vapes, disait l'autre ? Quelle était la gravité de sa blessure ? Qu'avait-elle perdu ? Une jambe ? Un bras ? Un œil, peut-être ? Il abaissa le tissu de la chemise sur son gros ventre, avec empressement. Sa tête ébouriffée se pencha pour constater le résultat. Le tissu trop étroit lui bandait la bedaine. Il toucha ses pourtours épais avec regret. Les sucres du vin n'étaient pas clément avec lui. Au pire la ferait-il rire, ainsi ?

Il essora les tombants de son lourd mantel et s'en couvrit les épaules avant de quitter le réduit, abandonnant au sol ses beaux vêtements pétris de boue.


N'atermoyons pas. Allons-y, s'il vous plait.
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Axelle
Il était une chose que personne ne pourrait nier en entrant dans sa tente. Ce n'était pas la manouche qui s'en occupait. Aucune lame ne traînait sur le petit écritoire. Aucune chemise n'était abandonnée au sol. Le coffre était soigneusement fermé et ses bottes lustrées, déposées bien sagement l'une contre l'autre, dans un garde à vous parfait. Le brasero crépitant, enveloppait la tente d'une douce chaleur et l'air était empesée d'une lourde senteur de sève piquant les narines.

Oui, quiconque voulant la voir et découvrait ce de petit intérieur de campagne, aurait rebroussé chemin, concluant s'être trompé de tente.

Pourtant sur le lit, les boucles brunes étaient bien là, même si elles aussi paraissaient trop bien rangées autour du visage cireux et émacié, les yeux comme deux gouffres noirs soudain tombés amoureux du mauve de cernes profondes. Les bras nus, comme les épaules, gisaient le long du maigre relief du corps couvert de fourrures claires, paumes des mains bien à plat. Nul désordre, là non plus, quand chaque mouvement était analysé, son utilité minutieusement étudié et le plus souvent abandonné tant il semblait insurmontable.

Sous le regard d'une petite vierge de bois brute, elle dormait la plupart du temps, ou souvent le laissait croire. Surtout dès que la toile de tente se froissait de l'entrée d'un visiteur. Au creux silencieux de son crâne, elle ne supportait d'être vue ainsi, vulnérable, fragile, dépendante. Parfois seulement, elle esquissait l'ombre d'un sourire, se voulant rassurante avant que l'on ne lui parle. Parler, répondre à des questions dont personne n'avait véritablement envie d'entendre le vrai des réponses, elle s'y refusait farouchement. Seul Justin avait pu entendre le son caverneux de sa voix d'une plaisanterie murmurée sur son veuvage loupé de peu. Parce qu'elle voulait l'entendre rire. Parce qu'elle avait besoin de l'entendre rire, ce rire franc et généreux dont elle ne se lassait pas, pour pouvoir, quelques instants, s'échapper de cette tente, aux cris de guerre qui ne sortaient pas de sa tête, et retrouver l’insouciance d'une autre vie. Loin d'ici. Et il avait ri. Mais la manouche n'étant pas certaine d'avoir été drôle, pensa plutôt qu'il avait deviné de quoi elle avait besoin. Et peu importait finalement, il avait ri et elle, sourit.

Petite pointe de force pour affronter les changements de bandages lui tirant des larmes qu'elle ravalaient comme elle pouvait. Pour affronter la honte de la toilette. Et peut-être le pire, ces cuillères de bois se pressant sur ses dents serrées, dont l'odeur de potage ne lui donnait que la nausée. Et aurait-elle su ce qui l'attendait encore, qu'elle n'aurait sans doute pas cédé à la pression du bois.

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Volkmar
"Bien sûr que je viens !"

Voilà ce qu'il avait répondu sans attendre. Sans hésiter. Il s'était pris d'affection, pour cette chose à l'aspect frêle qui répondait au nom d'Axelle. Il avait néanmoins fallu attendre qu'Aimbaud soit sec, et changé. Et réprimer un hurlement de rire, devant le ridicule de sa mise. Tissu affaissé et pendant aux épaules. Tendu à l'extrême au niveau de la panse, plissé même ! Pauvre Aimbaud, il fallait qu'il en ait, de l'affection pour la gitane, pour accepter de subir ce sort.

Ils se mirent en route. Le pansu, Le géant, et Moustache. Drôle d'aventure sur fond de musique d'escalier*. Trois hommes dans [le même] bateau. Il s'était tu sur l'ensemble du court trajet à pieds. Ils s'étaient sans doutes tus tous les trois. Qu'avaient-ils à se dire, pour le moment ? Devant la tente, il entrouvre. Passe la tête. Personne. Il fait un pas à l'intérieur.


"Axelle ?"

Se retournant, il garde le pan de tente ouverte, et invite ses comparses à entrer. A eux trois, ils vont remplir la tente. Après coup, en revoyant Aimbaud, il songe à deux gardes encadrant un condamné à la potence. Il ressortira rapidement. Seulement le temps d'une prière, ou de prendre nouvelles. Au cas où elle réponde. Il y a un groupe de piétons, non loin, qui doivent certainement partager quelque chose à boire.

*Hommage privé à un maître à penser, et grand amateur de musique d’ascenseur.
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Aimbaud_de_josseliniere
[*]

Le gros marquis devait serrer les poings pour réfréner l'impatience qui les faisait trembler. Cela faisait près de trois semaines qu'il chevauchait dans l'attente de cet instant. Le manque de sommeil et l'inquiétude se partageaient le festin de ses forces. Des nouvelles accablantes lui étaient parvenues de Nemours. Il allait vers un drame pour être rattrapé par un autre. Son crâne allait se couvrir de cheveux blancs. Il ne restait en lui qu'une infernale conviction : il devait entrer dans cette tente, et voir !

La silhouette de Volkmar s'encadra la première dans la toile fendue. L'homme s'y arrêta. Pourquoi n'entrait-il pas ? Cet empoté prenait toute la place. Et tout son temps. Les mains de Nemours se pressèrent contre ses moustaches noires et sa bouche, hésitantes, mues par une pulsion de violence. Ses doigts brandis se hissèrent avec l'envie de tirer le soldat par le col, pour dégager l'entrée. Il se retint. Ce n'était pas admissible... Ni noble. Attendre. Une seconde.

Baste. N'y tenant plus, il le poussa de l'épaule pour entrer lui-même. Gros sanglier qu'il était, bien inspiré par l'emblème de sa famille. Manquant de faire valser Volkmar dans les piquets de la tente, il s'avança à travers le clair-obscur qui régnait à l'intérieur, puis s'arrêta tout d'un coup dans son agitation, pour détailler la malade. Les bras grand ouverts, comme préparé à soulever la terre, il observa le contenu du lit.


Axelle.

Elle était là. Elle était là, couchée sur un lit de camp piteux. Dans la poussière terreuse, et le froid mordant des primes jours de l'an. Un petit poêle était son seul protecteur. Son visage cuivré avait désormais la pâleur de l'hiver. Ses lèvres charnues semblaient sèches, écaillées comme un sol désertique. Et ses beaux yeux étaient fermés dans une orbe sombre, mate. Sa peau piquetée d'écorchures en guérison, indiquait sur quelle bonne voie elle avançait, mais laissait à penser qu'elle était encore loin d'arriver. Aimbaud tenta d'articuler un mot. La tristesse se gargarisa dans sa gorge. Il n'arrivait même pas à l'avaler. C'était collant, âpre, dans ses cordes vocales. Il contempla le désastre. Les stigmates de la bataille avaient abîmé ce tableau. Son tableau ! Son tableau, à lui.

Il avança en se cognant à l'écritoire, qu'il rééquilibra dans un geste las. Ses genoux se posèrent au sol et ses mains sur le rebord du lit, mi-jointes, mi-ouvertes, comme celles d'un mendiant. Ses yeux dardèrent sur le visage de la blessée, un espoir si fou et colérique, si palpable en vérité, qu'un mort aurait pu s'en sentir transpercé.


Axelle, c'est moi.
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Titouan.lablanche
Titouan, en revenant d'une mission d'éclaireur au sein des lignes ennemies afin de repérer leurs nouvelles positions ainsi que leur défense, en hérisson à ce qu'il en avait compris, avait également repéré un cheval équipé pour la monte en train de brouter de l'herbe fraîche. Anxieux pour le possible développement de vers, il tenta de l'approcher afin de lui retirer cette possibilité. Elle avait l'air épuisé, apeuré mais assez apprivoisé pour qu'il puisse l'approcher et le prendre par la bride puis le col... Il faut écrire que Titouan avait été élevé avec les chevaux et qu'il les adoraient.

Lui tapotant l’encolure afin de créer un contact et le remercier, tout en étant alerte pour ses pieds, il lui avait auparavant, avant de le prendre par la bride, présenté sa main gantée de dos afin que celui-ci puisse le sentir et l'accepter.

Lui parlant de façon qu'il espérait rassurante en chuchotant afin d'essayer de la mettre en confiance, il risqua un pas en avant, toujours en surveillant ses pieds ainsi que les sabots de la bête, elle le suivi tout docilement, probablement parce qu'il se dirigeait vers le campement royaliste, où de nombreux autres chevaux étaient rassemblés, ceux-ci étant de nature profondément grégaire.

Ne voulant point se faire accuser d'être un voleur de chevaux ou cheval, celui-ci se présenta à la Vieille Grange Abandonnée non-loin des faubourgs de Labrit, pour prendre conseil auprès de son petit cousin sur la bonne marche à suivre concernant l'équidé...

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Blason en assemblage
Axelle
Certains rêves étaient étranges, ridicules, absurdes, drôles parfois. D'autres étaient tristes, d'autres encore inquiétants, sans compter les énervants ou ceux qui faisaient tant peur que ne pas pisser au lit relevait de l'exploit. Et puis, il y avaient ces autres. Ces autres qui refusaient les cases et les classements, ni agréables, ni désagréables, ni tristes ni gais. Ces autres qui malgré tout, couraient après un futur qui n'existait pourtant plus, comme si la cervelle avait d'un coup choisit d'effacer les années et les drames.

Le siège à bascule grinçait régulièrement, les mains brunes, tachées et déformées, sagement posées sur une couverture mitée abordaient fièrement une alliance aux simples nervures d'argent enlacées, usée par le temps. Dans l'atelier planait ce parfum de sciure qu'elle aimait tant, observant comme souvent, la vieille carcasse de l'Ours penchée sur son ouvrage, réparant une fois de plus le berceau pour l'arrière-petit-fils qui se préparait. Son visage était tout ridé, ses mains moins habiles et moins fortes, ce qui ne manquait pas de le faire ronchonner, et sa barbe toute blanche. Mais son regard gris était toujours le même, invariable depuis toutes ces années. Pourtant, dans ce tableau, une chose clochait, dérangeait, et saccageait le tableau de ce qui certainement aurait dû être. La grande paluche droite n'avait aucune marque de brûlure.


« Axelle ? »


L'odeur douce de la sciure s'évanouit pour laisser celle de la sève piquer ses narines, emportant avec elle les sourcils broussailleux de Felryn dans un faible gémissement tant de le voir s'évaporer que sous l'implacable réalité reprenant doucement pied entre ses tempes brunes. Pourtant l'esquisse furtive d'un sourire ourla ses lèvres sèches. Volkmar.

La première fois que la manouche avait vu l'homme, à son arrivée à Bouillon, elle n'avait pas su trop quoi penser de lui, paumé dans ses silences qu'il ne rompait que pour lancer des piques. Elle aurait pu détourner la tête et ne pas s'arrêter sur son visage, et pourtant, il en était allé tout autrement. Et au fil des jours, au fil des semaines, il l'avait autant laissé approcher qu'elle l'avait elle-même laissé faire. Au gré de conversations mystiques d'abord puis de jeux, pour le moins dissipés. Mais tout n'était finalement que prétexte pour poser les pierres d'une jolie amitié naissante.


« Axelle, c'est moi. »

Si elle n'avait eu aucun mal à reconnaître la voix de Volkmar, c'est qui la suivit, elle la connaissait par cœur. Sur tous les tons, sur tous les timbres. Fâchée ou amoureuse, elle en connaissait chaque mot et, le cœur déjà agité du réveil trop brusque s'emporta encore plus, valdinguant dans tous les sens dans sa poitrine. Alors, lentement, elle ouvrit les yeux, et dans le faible contre-jour aperçut cette silhouette que les ans avaient traîtreusement épaissie.

Volk... La voix était hésitante, faible et l'accent brodé de peur. Pourquoi fais-tu cela ? Pourquoi te grimes-tu si cruellement? Sa respiration sursauta. Ou bien c'est que je suis morte. Enfin. Oui. C'est ça, je suis morte et que c'est toi qui viens me chercher... Aimbaud.
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Aimbaud_de_josseliniere
Un rire triste échappa au marquis, rompant brutalement la digue contenant toutes ses craintes. Cet éclat fit rougir ses yeux qui brillaient déjà de reconnaissance. Il peina à avaler sa salive, la gorge nouée, buvant du regard cette belle femme mise en pièces. Ses mains lissèrent piteusement la couverture en bord de lit, réfrénant l'envie de toucher ce corps maltraité, qu'il aurait pourtant voulut étreindre de toutes ses forces.

Vous vivez, au contraire... Grâce au ciel. Vous vivez vaillamment, bel ange...!

Murmura-t'il, écrasant son œil dans la paume de sa grosse main, pour en chasser les larmes. Au milieu des sourires qu'il tentait d'afficher, il se torturait le visage de mille autres gestes scrupuleux, passant les doigts sur sa barbe et agrippant son front brièvement, comme pour se l'arracher. Ces signes de nervosité, tiraillant vainement ses grosses joues, ne soulageaient pas son malheur. Il était impuissant à ce qu'il observait, et tentait de faire bonne figure. Mais le résultat était pathétique.

Sa main maladroite se contraignit à une prudence extrême, comme il l'approchait du front d'Axelle. Le dos de ses doigts caressa sa peau brune et brûlante, et son pouce traça à cette surface, les lignes d'une bénédiction. Il posa les lèvres dans ses cheveux étalés sur l'oreiller, puis abandonna l'entièreté de son visage parmi ce champ de boucles noires, les paupières froncées dans l'expression de son déchirement. Sa respiration resta coupée un instant, avant que le chagrin ne l'autorise à panteler. Le parfum qu'exhalaient les cheveux de la gitane l'agrippa à la gorge et envahit son poitrail avec cruauté. Il se sentit saisit par le regret. Il respira profondément cette odeur, ce poison de culpabilité dont il voulait se repaître, bien que celui-ci le tailladait de l'intérieur. Des larmes médiocres habitaient ses yeux, il les renifla en redressant la tête à l'attention d'Axelle.


Je vous défends de mourir.

Annonça-t'il avec une détermination ridicule. Avec un air fort qui contredisait sa figure délavée. Il avait dans le ton, une noblesse suzeraine qui n'allait pas non plus avec ses cheveux ébouriffés, ni avec sa barbe sale. Rien n'allait ensemble.

J'en deviendrais fou. J'en marcherais sur la tête, j'en... Bêcherais de l'eau. Je m'en ferais moine. J'...

Et tout en la tenant par les yeux, il soupirait, les poumons lourds comme du plomb. Du plomb qui tressautait tristement.

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Axelle
Combien de souffrances
Essayes-tu de cacher ?
Dans un monde d'illusions
Cela couvre-t-il ton esprit ?

Eurythmics - Miracle of Love


Baboum... Baboum...

Alors, elle vivait ? Vraiment ? Elle vivait mais était ange ? Les anges vivaient-ils ? Elle n'était pas morte, vraiment ? Pouvait-elle le croire quand cela signifiait que lui, il était bel et bien là ? Pouvait-elle le croire quand cela faisait si longtemps qu'elle n'y croyait plus, pourtant. À quoi pouvait-elle se fier quand le lait de pavot et la fièvre embrumaient son esprit du matin au soir et du soir au matin. À qui se fier ?

Baboum... Baboum...

Que croire alors que devant ses yeux troubles et incapables, elle voyait ce visage, ce visage-là se faire malmener de doigts anxieux, alors que sur son front déjà brûlant, la caresse d'une bénédiction marquait sa peau comme un fer rouge dont la morsure était pourtant si douce. Démon marqué à l'eau bénite sans révolte aucune, la raison manouche s'embourbait, incapable de comprendre le tambour buttant sa cervelle hors de son crâne.

Baboum... Baboum...

Elle vivait, oui, le doute n'était plus possible tant son cœur faisait un raffut infernal. Le reste était peut-être bien mort, mais lui non. Et si le cœur vivait, le reste aussi, non ? Du moins si la manouche n'avait aucune idée de ce que pouvait bien tramer l'intérieur d'un corps, ayant toujours préféré aux entrailles et au sang le parfum d'une peau ou la lueur d'un regard dérobé, de cela, elle en était à-peu-près certaine. Elle vivait soit, mais était-elle éveillée ou son imagination, encore, lui jouait un vilain tour à chacun des mots s'échappant de ce visage mouvant ?


BABOUM... BABOUM...

Alors, pour en avoir le cœur net, c'était c'était bien la moindre de chose, l'araignée de doigts s'éleva avec lenteur vers le visage penché vers elle, tout marqué encore du dessin de ses boucles et l'effleura, sans le toucher, de crainte de le voir s'évaporer, ou au contraire, de le découvrir bien réel, elle ne le savait plus vraiment. Le souffle sur le bout de ses doigts à l'orée de la bouche glissa un long frisson le long de son dos écrasé dur le lit de fortune.

Ne fais pas ça.

Et téméraire et tremblante, la pulpe de son pouce se posa sur les lèvres si bavardes, humides et chaudes, dans un soupir conquis. Elle vivait, oui. Et lui, il était là.

Ne fais pas ça quand j'ai perdu le droit de vous embrasser pour vous faire taire.


BABOUM... BABOUM...
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Volkmar
Il l'avait pressenti, il n'est plus là. Pourquoi serait-il resté d'ailleurs ? Axelle, il a pu la veiller chaque jour depuis la chute de Labrit, ou presque. A l'exception de l'escapade de Sancte. Il l'a vue se battre avec la mort qui voulait l'entraîner, alors l'entendre parler, divaguer... Au moins, elle parle. Mais il n'y a pas de place entre elle et ceux qui viennent la voir. Ni Aimbaud, ni d'autres. Qu'ils semblent nombreux, ceux qui ont jeté leur dévolu sur elle. Qu'elle semble pouvoir offrir tant à chacun, là où certaines sont incapables d'offrir à un seul. Il y a là mystère qu'il n'est pas pressé de résoudre.

Il ne dirait pas qu'il n'a pas d'intérêt à le résoudre, mais pas avant long. C'est plutôt l'heure de descendre une outre d'un liquide mal défini au milieu d'un peloton de fantassins. Vétérans aguerris, peu impressionnés, vieux compagnons de campagnes, et paysans mal dégrossis mêlés. Il en a fait partie, jadis, de ces hommes qui se battent en enfants perdus même au milieu du rang. Il les observe, qui ne veulent que regagner leur terre, même s'il n'y a pas de travaux de champs à cette saison. Et ceux qui discutent du butin, fort maigre puisqu'il s'agissait de reprendre une ville du pays. La vie des autres. La sienne.
Axelle n'est pas sa lubie, sa folie à lui, mais il a bien la sienne, de folie. Il inspire à pleins poumons, et l'air glacial lui procure un sentiment factice de vie, de résurrection presque. Et pourtant, le ravive. Il songe à la retrouver, dans cette forêt de toile en partance, elle aura bien trouvé quelque blessé à finir de remettre sur pieds.

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