Magdelon
Judicaël,
les condés ont chopé Samaël, aujourd'hui, à Bourg.
Ils l'ont collé en taule, vraiment désolée de te l'annoncer comme ça...
Je sais que j'ai rien à voir avec toi et qu'il aurait préféré son frère,
mais je te promets que je vais m'occuper de lui le temps que tu te pointes.
Demande si tu veux que je fasse quoi que ce soit, je le ferai.
Magdelon.
----
Donne lui ma pipe et mon chanvre que voici. Dis lui que je l'aime...
Et qu'on fera fortune aux miracles, qu'on va monter un comptoir d'usuriers.
Merci.
C.
les condés ont chopé Samaël, aujourd'hui, à Bourg.
Ils l'ont collé en taule, vraiment désolée de te l'annoncer comme ça...
Je sais que j'ai rien à voir avec toi et qu'il aurait préféré son frère,
mais je te promets que je vais m'occuper de lui le temps que tu te pointes.
Demande si tu veux que je fasse quoi que ce soit, je le ferai.
Magdelon.
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Donne lui ma pipe et mon chanvre que voici. Dis lui que je l'aime...
Et qu'on fera fortune aux miracles, qu'on va monter un comptoir d'usuriers.
Merci.
C.
Et Magdelon n'a qu'une parole, surtout pour ce genre de choses. Pire, le remord la ronge depuis que la nouvelle a été apprise, un peu plus tôt dans l'après-midi. Elle aurait aimé être là. Elle aurait dû être là. Seulement la vie en décide parfois autrement, à éloigner les protagonistes les plus proches au détour d'une ruelle sombre pour expulser un mal, ou en envoyer dans la mauvaise direction. Chienne de vie. Putain de hasard. Fondamentalement, son petit gabarit n'aurait pas changé grand chose à la situation, mais qui sait, peut-être qu'une diversion aurait pu être réalisée, peut-être qu'il aurait pu s'enfuir, évitant par là même de se retrouver enfermé derrière des barreaux.
Tout sera dit.
Tout sera fait.
Je le laisserai pas seul, promis.
M.
Tout sera fait.
Je le laisserai pas seul, promis.
M.
Judicaël avait été prévenu, première des tâches à réaliser. Si fomenter des plans d'évasion n'est pas encore un exercice auquel est rompu son cerveau de gamine, il est une chose dont brunette est certaine, c'est de passer inaperçue. Qui irait se méfier d'une gueuse ne payant pas de mine, avec un manteau élimé, une tronche à faire peur à cause des nuits sans sommeil, une joue colorée d'un bleu ayant pris des couleurs jaunâtres et violines, un foulard recouvrant une natte emmêlée, noué à la va-vite ? Personne, non, personne. Là est son avantage, et la Berrichonne compte bien en jouer. Au fond de sa poche, pipe et chanvre sont gardés comme un trésor, accoquinés à un briquet volé au sein d'une taverne Helvète. Car pas de fumée sans feu, c'est bien connu. Les renseignements sont pris non loin des geôles, en toute discrétion, et pour sa part, pucelle est quasiment sûre que Samaël n'est pas passé inaperçu. Il n'est pas difficile d'apprendre où les condés l'ont collé, et l'oiselle s'approche, le cul posé sur son âne, du mur de la prison qui abrite le jumeau esseulé.
Il fait sombre, la ruelle est vide, la maréchaussée vient de faire sa ronde à cet endroit. D'un geste, Magdelon grimpe sur la croupe de son animal qui ne bronche pas, poids plume qu'il ne doit même pas sentir. Il est grand, et en levant les bras, brunette réussit à toucher le rebord extérieur de la fenêtre, où elle se hisse non sans mal, ses forces ayant nettement diminué ces derniers temps. Pourtant, ses maigres biceps la portent, et toute maigrichonne qu'elle est, la visiteuse se cale contre les barreaux froids et rouillés. Un sifflement, ses yeux essaient de s'accoutumer au sombre de la cellule, où on y voit goutte.
- - Eh, rouquin !
Pas de nom, pas besoin, il se reconnaîtra. Son visage apparaît, enfin. Ses propres mains, abîmées, rongées, glacées, viennent s'arrimer au fer empêchant toute sortie, l'entourant, faisant blanchir les jointures des doigts fins. Frêle silhouette se confond avec l'ombre de la fenêtre, se colle aux pierres, d'en bas, personne ne peut la voir. Magdelon lui offre un sourire, à lui seul. Et d'ailleurs, il est bien le seul à réussir à la faire sourire ainsi.
- - On t'avait dit de te raser les cheveux, t'as pas voulu nous écouter, putain...
Boutade. Rouquine, blanche et brune savaient bien, ce soir là, que leur proposition était vaine. Sa dextre tremblante va fouiller dans sa poche, lâchant pour un temps le fer pour y trouver ce que Judicaël lui a confié auparavant, avant de chercher celle, beaucoup plus grande, du rouquin pour lui confier le précieux trésor.
- - Il dit qu'il t'aime. Que vous ferez fortune aux miracles, que vous monterez un comptoir d'usuriers. Je suis sûre qu'il est fou de pas être là, avec toi. Et qu'il va trouver une solution pour te sortir de là, tu sais ?
Oui, il sait. Forcément, il sait, c'est son frère après tout. Quant à elle, les seuls mots qui lui viennent sont les suivants, chanson chuchotée pour ne pas éveiller les autres prisonniers ou les gardes qui pourraient passer dans le coin.
- - La justice... c'est celle qui met au trou ton copain, ta frangine.
La justice... de garde aux cons en garde-à-vue, elle se charge des exclus.
Elle fabrique des coupables qu'elle choisit dans la rue.
Un procureur, un juge, un baveux pour demain,
On crucifie l'ordre et c'est la peau de chagrin.
La justice... la police a besoin de coupables, de témoins,
Sur ton front elle inscrit la mention « assassin ». (1)
Et pour finir...
- - La dernière fois tu m'as posé une question. Si j'en avais un, j'aimerais qu'il soit comme toi.
(1) La justice, S.