Judicael.
ℭ𝔬𝔲𝔯 𝔡𝔢𝔰 𝔐𝔦𝔯𝔞𝔠𝔩𝔢𝔰 - ℭ𝔬𝔪𝔭𝔱𝔬𝔦𝔯 𝔡𝔢𝔰 𝔘𝔰𝔲𝔯𝔦𝔢𝔯𝔰
𝕼𝖚𝖆𝖗𝖙𝖎𝖊𝖗 𝕻𝖔𝖚𝖗𝖕𝖗𝖊.
L'endroit n'a plus sa réputation à faire. L'envers non plus. La Cour est un royaume intérieur peuplé de criminels mais aussi de truands, petites frappes, malandrins et faux mendiants qui exploitent la charité publique. Leurs prétendues infirmités disparaissaient comme par miracle, comme les petits sou du passant étourdi ou inattentif...
La Cour est un grand cul de sac où l'on accède par une longue pente tortueuse et raboteuse. Elle est enclose par l'ancien mur d'enceinte de la ville dont il ne reste guère que des tours en ruines. Mendiants professionnel, vagabonds le jour qui deviennent la nuit bandits redoutables s'y bousculent. Les Maitres de cet enfer? Cagous ou voleurs. Lépreux maudits, relégués loin des villes. Archi-suppôts, moines défroqués, escholiers perdus, mercandiers qui se font passer pour des marchands en difficultés et riffodés pour des victimes d'un incendie. Il y a aussi les convertis qui attirent les aumônes en se disant d'anciens réformés touchés par la grâce et les coquillards qui mettent des coquilles sous leurs guenille, faisant croire ainsi qu'ils viennent d'un lointain pèlerinage... La foule des francs mitous n'en finit pas de gonfler, dans la panse putride des Miracles...
Il y a parmi eux les préférés des frères jumeaux.: les malingreux dont les jambes sont passées à l'éclaire et au sang de boeuf pour faire croire à de fausses plaies. Certains ont de fausses difformités, bossus, culs de jatte, unijambistes, manchots, boiteux, éclopés font la part belle à ce doux berceau.... Ils invoquent les saints guérisseurs comme St-Fiacre qui guérit les hémorroïdes ou St-Clair les maladies des yeux... A les écouter, n'ont-ils pas sont suivis des hubains qui montrent des certificats attestant qu'ils ont été mordus par un chien enragé? Les râclures crient très fort que St-Hubert les a guéris. Les Sabouleux simulent le haut mal, ils enseignent d'ailleurs à la Cour "l'art d'écumer". Oui, comme un épileptique, en mâchant un morceau de savon. Oh je pourrais vous parler encore longtemps des mions, enfants volés dressés à la mendicité... Des drilles et narquois qui à eux seuls forment une catégorie à part. Mais là n'est pas le sujet de notre histoire.
La Cour des Miracles a durement acquis une existence de fait, elle demeure ainsi tolérée et reconnue par les autorités, quelles qu'elles fussent, comme le refuge des malfaiteurs. D'ailleurs, en dehors des initiés, et surtout la nuit, nul n'ose s'aventurer dans ces lieux maudits. Passer outre est risquer la perte de sa bourse, de ses vêtements ou de sa vie. La ville qui l'abrite, mère maltraitante est très active et grouille d'une population plutôt misérable dans sa majorité. Je ne cesserai jamais de faire couler l'encre, pour vous parler de Paris...
Paris est belle et pestilentielle. La populace ici est avide de jouissances. Des périodes les plus sombres, elle a gardé le goût du sang. On se bat en duel à toute heure du jour et de la nuit malgré les interdictions. Sur le pavé gluant, le long des édifices noircis et délabrés qui portent des enseignes de guingois, circulent à grand fracas des charrettes pleines. Des cochers brutaux hurlent en claquant du fouet. Il faut bien nourrir le ventre de la bête. Beaucoup de filles sont puterelles. La cuisse-haute est d'ailleurs partout. Elle fleurit même au cimetière ... Les vauriens des Miracles n'ont aucune peine à se glisser dans la faune locale pour y passer inaperçus. La circulation est difficile et les rues étroites n'aident rien.
Paris attire des gens de toute l'Europe. Il y a parmi eux, beaucoup de rapins, plus ou moins griveleurs. S'ils ont de l'argent, ils fréquentent les bordels connus . Cette foule avec ses centaines de filous traine le soir, sous les jupons de la Cour, la fameuse, car c'est d'elle dont nous voulons parler. A ses abords, les crieurs haussent le ton, pour couvrir la voix des bateleurs, bonimenteurs, tondeurs de chiens et petits poètes. Toute cette petite population de bas étages se parque dans les masures surpeuplées...vit d'expédients et reste une proie facile pour les usuriers.
Les usuriers. Les voici. Passés maîtres dans l'art de prêter de l'argent avec contrepartie, ils se trouvent facilement à qui en a grand besoin dans les bas fonds de Paris. Leur comptoir est réputé pour avancer l'écu sans poser de question, moyennant des objets ou la promesse de rembourser vite... Avec intérêts. Sous peine de finir les jambes cassées. Ou pire. Qui sait. Alimenté par l'or des pillages, il tourne à toute heure. Passé le lourd rideau de velours râpé, l'ambiance est tout de suite plus pesante. L'odeur de l'or rend les gens méfiants et les transactions sont surveillées. Une comptable de quatre sous, un regard aiguisé qui vous fouille sans vous toucher, et vous voilà acculé dans l'avant salle de toutes les transactions. Certains racontent même que derrière, se cache un tripot, pour mieux préparer le voyageur - qui n'est forcément pas perdu - à s'endetter un peu...
Et l'on aurait tort de penser qu'il n'y a que les petites gens pour s'y presser... Bourgeois en dettes, marchands ruinés se hâtent aussi de rentrer par l'entrée discrète et sans enseigne des frères roux, et se voir tendre une main secourable... S'ils peuvent rembourser.
Les noms s'échelonnent sur la "Liste". Précieuse Liste, soigneusement rangée dans son carnet de cuir, qui fait frapper tôt ou tard à la porte des oublieux une visite qu'ils n'attendent pas... Toute personne figurant dessus est potentiellement encore débitrice du Comptoir, jusqu'à ce qu'elle en disparaisse. Tenue par les roux avec un soin chirurgical, elle est gardée avec méfiance et assurément , ne perd jamais la mémoire...
Sources: Histoire en Questions
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Dernière édition par Judicael. le 16 Mar 2018 21:54; édité 4 fois