Ansoald
Mignonne rose,
déploie tes pétales pour duper le soleil,
Que mâtin rayonne en lui rimant orgueil,
Son collier en or sera ta bouche vermeille
Et ta fragrance embaumera son cercueil.
Il connait la chanson. La main plaquée contre le porte-dague renforce son emprise. Dopé par le manque, c'est à peine s'il ressent l'empreinte des ongles au revers de sa main. Sa gueule bleue musarde contre la peau safrane, déviant le contact de ses yeux. Il lui suffirait de piquer pour l'embrasser d'un trait, se désaltérer au goulot de sa bouche. A cette heure de grand bazar dans sa caboche, c'est le désir qui se pointe, vif, malgré les entrailles bien pleines de la donzelle. "Un homme de sa trempe"....N'est-il pas maître de l'illusion, magicien émérite, seigneur des tables de bonneteau, victime d'un malheureux coup du sort? Qui est mieux placé pour divertir son échec qu'une femme de réconfort?
Une main invisible le chope par le col et le retient en arrière. Ses provocations crapuleuses sont raturées d'un sourire sur ses babines grises. Il connait la chanson, mais sa raison est polissonne. Le défi charnel qu'il impose a bien failli l'emporter dans une farandole. Il se maîtrise bien mal. Il aurait besoin d'un carême en cellule, 40 jours à l'eau de pluie, privé de ce parfum de jasmin qu'il inspire sucré et expire amer.
Cette main invisible lui colle une gifle. Que fais-tu, déplumé, à déployer tes ailes décharnées pour (tenter de) couvrir de ton ombre la puterelle? N'est-ce pas toi qui chercherait, par désespoir, le coussin maternel de son sein? Cette nuit a jeté ton repos mais cette femme du jour ne saurait être le tien*. Par contre, elle a un locataire dans le bidon, ce qui ne doit pas plaire aux bourgeois de ses amis. Les temps sont difficiles, elle négocie probablement son corps à moitié prix, mais est-ce suffisant pour se payer flanelles et coûteux parfums, sans compter le logis? Elle vient sûrement placer ici une précieuse babiole pour se refaire la cerise. Ou négocier un tunesaisquoi, vu que tu es parfaitement ignare en matière de manipulation de métaux, tu ne sais ce qui se trame ici. Qu'importe. La maison est cossue. Se trouve là-dedans les trésors de Sardanapale, de Nabuchodonosor, ou de quelques autres flambeurs imbéciles.
Alors, museau se fait avenant et main se retire de cette cuisse armée. Il affronte royalement ces tombereaux de mépris qu'elle déverse par les feux gris de ses prunelles et répond sur un ton rauque par des mots enveloppants:
Tu n'es pas de ces catins ordinaires, qui battent le pavé pour rameuter le client. Tu es Gysèle...On dit que les hommes, en se vouant à toi, s'arrachent le droit de posséder leurs propres filles...Mais te voilà avec un môme dans le bedon. C'est gênant. Pas facile de se débarrasser de ces bestioles sans se mettre soi-même en danger....Surtout quand la bestiole a gonflé sa carapace....Donc, ce que je te propose...C'est de faire des repérages, observer ce qu'il se passe, poser d'innocentes questions, mater où on planque le brillant....Toute information utile...Tu es copine avec le patron, à ce que j'ai entendu....Tu es privilégiée...Tu devrais en profiter...En toute discrétion...Et si mon coup réussit, je pourrais te rétribuer...A la hauteur de ton utilité...Qu'est ce que tu en dis?
_________________
déploie tes pétales pour duper le soleil,
Que mâtin rayonne en lui rimant orgueil,
Son collier en or sera ta bouche vermeille
Et ta fragrance embaumera son cercueil.
Il connait la chanson. La main plaquée contre le porte-dague renforce son emprise. Dopé par le manque, c'est à peine s'il ressent l'empreinte des ongles au revers de sa main. Sa gueule bleue musarde contre la peau safrane, déviant le contact de ses yeux. Il lui suffirait de piquer pour l'embrasser d'un trait, se désaltérer au goulot de sa bouche. A cette heure de grand bazar dans sa caboche, c'est le désir qui se pointe, vif, malgré les entrailles bien pleines de la donzelle. "Un homme de sa trempe"....N'est-il pas maître de l'illusion, magicien émérite, seigneur des tables de bonneteau, victime d'un malheureux coup du sort? Qui est mieux placé pour divertir son échec qu'une femme de réconfort?
Une main invisible le chope par le col et le retient en arrière. Ses provocations crapuleuses sont raturées d'un sourire sur ses babines grises. Il connait la chanson, mais sa raison est polissonne. Le défi charnel qu'il impose a bien failli l'emporter dans une farandole. Il se maîtrise bien mal. Il aurait besoin d'un carême en cellule, 40 jours à l'eau de pluie, privé de ce parfum de jasmin qu'il inspire sucré et expire amer.
Cette main invisible lui colle une gifle. Que fais-tu, déplumé, à déployer tes ailes décharnées pour (tenter de) couvrir de ton ombre la puterelle? N'est-ce pas toi qui chercherait, par désespoir, le coussin maternel de son sein? Cette nuit a jeté ton repos mais cette femme du jour ne saurait être le tien*. Par contre, elle a un locataire dans le bidon, ce qui ne doit pas plaire aux bourgeois de ses amis. Les temps sont difficiles, elle négocie probablement son corps à moitié prix, mais est-ce suffisant pour se payer flanelles et coûteux parfums, sans compter le logis? Elle vient sûrement placer ici une précieuse babiole pour se refaire la cerise. Ou négocier un tunesaisquoi, vu que tu es parfaitement ignare en matière de manipulation de métaux, tu ne sais ce qui se trame ici. Qu'importe. La maison est cossue. Se trouve là-dedans les trésors de Sardanapale, de Nabuchodonosor, ou de quelques autres flambeurs imbéciles.
Alors, museau se fait avenant et main se retire de cette cuisse armée. Il affronte royalement ces tombereaux de mépris qu'elle déverse par les feux gris de ses prunelles et répond sur un ton rauque par des mots enveloppants:
Tu n'es pas de ces catins ordinaires, qui battent le pavé pour rameuter le client. Tu es Gysèle...On dit que les hommes, en se vouant à toi, s'arrachent le droit de posséder leurs propres filles...Mais te voilà avec un môme dans le bedon. C'est gênant. Pas facile de se débarrasser de ces bestioles sans se mettre soi-même en danger....Surtout quand la bestiole a gonflé sa carapace....Donc, ce que je te propose...C'est de faire des repérages, observer ce qu'il se passe, poser d'innocentes questions, mater où on planque le brillant....Toute information utile...Tu es copine avec le patron, à ce que j'ai entendu....Tu es privilégiée...Tu devrais en profiter...En toute discrétion...Et si mon coup réussit, je pourrais te rétribuer...A la hauteur de ton utilité...Qu'est ce que tu en dis?
_________________