Marwenn
Les nones venaient tout juste de sonner sur la capitale rennaise lorsque la couturière passa les portes de la chambre quelle avait louée dans lune des auberges les plus réputées de la ville. Fatiguée, harassée même et chargée de divers paquets achetés plutôt dans laprès-midi, la demoiselle se laissa tomber sur le matelas qui trônait au centre de la pièce. Dans un nuage de cheveux roux, son visage senfonça dans lépaisse courtepointe en plume doies avec un bonheur non dissimulé. Les lippes carminées de la damoiselle laissèrent séchapper un soupire de satisfaction. Les souliers de cuir tombèrent au sol dans un bruit mat. Le corsage qui lui enserrait les côtes depuis le matin fut dénoué dun geste que lhabitude a rendu efficace. Ainsi libérée de ces contraintes vestimentaires, Marwenn resta quelques instants ainsi. Parfaitement immobile, a gouté la quiétude de linaction après une journée trop longue.
Venue à lorigine pour animer la vente aux enchères au profit de larsenal, la petite couturière en avait profité pour acheter de quoi garnir son atelier. Velours, satins, taffetas, fourrure. Rien ne lui avait échappé. La fin de ses économies y étaient passées pour la plus grande joie des tisserands de la capitale. Heureusement, les marges confortables quelle ferait sur ses ventes compensaient largement ce désagrément. Repoussant une mèche rousse qui lui barrait les yeux, lirlandaise se redressa pour poser un regard perplexe sur le bordel quelle venait de mettre dans sa chambrée. Elle aurait bien pris le temps de ranger un peu, mais elle devait se préparer
Car lors de la vente, deux jours plutôt, un évènement imprévu était venu perturber lanimation. Ou plus précisément, Marwenn elle-même. Un homme dont elle narrivait pas à percer le mystère avait proposé deux milles écus contre un dîner en sa compagnie. Sa soirée aurait même pu valoir bien plus, si le jeunette avait été plus sûre delle car un autre homme se plaignit de navoir pu enchérir, faute davoir été éveillé au bon moment. Quoi quil en soit la naïve jouvencelle découvrait lintérêt quelle pouvait susciter sur la gente masculine et cela la taraudait fortement depuis
Décollant prestement sa tête de lédredon, lirlandaise une fois sa verticalité retrouvée, entreprit de se préparer pour sa rencontre avec son richissime inconnu. Rien dans ses valises navait été prévu pour un tel rendez-vous. Elle ne savait dailleurs pas exactement définir le type de rencontre qui lattendait. Etait-ce une rencontre amicale ? Un rendez-vous galant ? Que cherchait cet homme au final ? Elle naurait su le dire. Ne sachant pas non plus le lieu où il comptait lemmener, le fluette se trouva fort dépourvu au moment du choix de sa robe. Elle prit le plus belle dentre-elle dun bleu nuit intense se disant que vu les moyens du sire, il ne valait mieux pas avoir lair dune pauvresse. Ce nétait pas son genre de toute manière. La fluette, de par son éducation, revêtait toujours une allure soignée et des manières délicates. Mais passons Ses cheveux roux furent brossés et coiffés avec soin en une longue tresse qui cascadait entre ses omoplates et la demoiselle quitta le reflet de son miroir détain poli pour se rendre sur les lieux de la rencontre.
La rousse remonta lartère principale en direction de la porte Saint Louis. Dans lair, flottait lodeur des popotes et des familles qui se rassemblent. Ce moment de la journée, quand le soleil décline, que les chandelles s'enflamment, la mettait toujours un peu mal à laise, elle dont les siens étaient si loin. Le cur se sert un peu à cette pensée. La demoiselle en quête de réconfort referme sa cape autour de son buste. Le nez s'enfouit dans la fourrure de son col... Plus que quelques mètres et le parvis de Sainte-Mélaine sera là.
Ou es-tu bel inconnu ?
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