Gemma.l
- Ah la Vilaine !
Je ne pense pas à la jeune et très jolie jouvencelle qui se trouve devant moi, non, mais bien à la Vilaine avec un "V" majuscule. Un fleuve magnifique aux couleurs changeantes et à l'appellation françoise mal traduite du breton. J'étais passé tellement souvent à côté sans jamais vraiment y prêter attention. C'était l'occasion rêvée de corriger cet affront.
Le cabaret ayant tourné à la débauche, les femmes de petites vertus montrant leurs grosses poitrines aguicheuses aux hommes excités par l'alcool, il est vraiment temps de partir. Pour ce faire, j'appelle le tenancier et lui glisse à l'oreille :
- Trouvez-moi une embarcation pour naviguer sur la Vilaine, je veux des torches,
quelques bouteilles et une grande peau pour tenir chaud.
Un sourire s'affiche sur les lèvres du cabaretier dont j'imagine aisément les pensées impures. Je les réfrène immédiatement en lui attrapant la dextre pour lui écraser les phalanges. Je rajoute :
- Que le batelier se tienne prêt à nous y promener.
Je n'ai pas l'intention de ramer, ni d'entacher la réputation de la délicieuse en nous mettant dans une situation trop intime. Une bourse passe de main avant de me consacrer à nouveau à la belle Irlandaise qui semblait de plus en plus mal à l'aise.
- Bien, allons-y.
Si dans le monde décrit par l'Irlandaise était vrai, lui, je suis d'avis que ce n'est pas exact. L'homme croit décider, mais dans la plupart des cas, c'est les femmes qui déterminent tout, menant le sexe fort par leurs plus ou moins grosses baguettes. J'ai été ainsi, je parlais au passé, car ce n'est plus du tout le cas. Le plaisir obtenu par l'acte charnel est péché et mérite forte réprimande s'il est commis en dehors des liens sacrés du mariage. Amen.
J'abandonne lentement mon siège, légèrement embrumé par ma consommation. Elle n'a pas été excessive, mais suffisante pour m'enivrer. Je ne tiens plus aussi bien la boisson que par le passé.
Mon bras est de nouveau proposé à la jeune irlandaise, mes lèvres se penchent à son oreille pour murmurer.
- J'espère que vous aimez ramer !
Et les deux quittèrent les lieux prestement, échappant de peu à un portrait peu flatteur de l'humain dans la débauche.
J'ai marché sans rien dire, mon bras veillant à ce qu'elle ne vienne pas rencontrer le sol d'un coup de tête. J'ignorais quel pourrait être l'effet de l'alcool sur elle après tout.
Je me sens plus à l'aise à l'extérieur, je sens le bras de la belle s'accrocher au mien, j'évite tout contact physique, mais quand on marche bras dans les bras, proche, sur des chemins parfois peu propices à la promenade, c'est très compliqué.
Aucune pensée impure ne me vint à lesprit, elle était tout de suite chassée. Mon regard se porte désormais sur l'embarcation, une simple nave pour fleuve, des coussins furent installés afin de créer un divan, deux torches de part en part. Le coursier envoyé par le tenancier avait fait très vite, je dépoche cher pour ça, mais quand on paie le prix, on obtient toujours ce que lon veut.
- Voici votre majestueux navire damoiselle, prêt à prendre le large.
Un petit peu dexagération, je souris à la jouvencelle.
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