Afficher le menu
Information and comments (0)
<<   <   1, 2, 3, 4, ..., 6, 7, 8   >   >>

[RP] Par flots et parchemins

Eavan
Vingt-quatrième jour de voyage...


Comme d'accoutumée, la vicomtesse se réveilla tôt. Elle ne voulait rien manquer. Rien. Comment cette ville se réveillait elle ? Quel était son rythme ? Priaient ils comme les aristotéliciens en de nombreuses occasions tout le long du jour ? Des cloches résonnaient elles ? La Gaelig s’enivra de toutes ces découvertes...
Un peu plus à l'aise pour cheminer dans la ville, elle poursuivit seule son exploration. L'endroit n'était pas grand, mais lui semblait tout à la fois immense. Puis soudain l'esprit pratique frappa et comme investie d'une mission supérieure, Eavan se mit en quête d'une carte.
Bien sûr !
Il lui fallait une carte plus précise que ce qu'elle avait. Elle devait documenter chaque étape. Tout devait être noté. La Gaelig était certaine d'une chose : ses yeux et sa mémoire ne suffiraient pas à honorer toutes les nouveautés, les découvertes, la différence et l'intensité de ce qu'elle vivait là. Elle comprenait désormais cet amour que certains développaient pour le voyage, pour cet inconfort merveilleux que de ne plus avoir de repères...

Ce ne fut que dans la fin d'après midi que la vicomtesse revint de sa quête à l'auberge qui leur servait de "camp de base". Calée dans une besace, une carte de la région et de manière approximative : la localisation du Sanctuaire. Il semblait que c'était là une pâle copie de ce que les premiers aventuriers à fouler le sol alexandrin avaient pu trouver à la Grande Bibliothèque. Eavan, de fait, rayonnait. Une fatigue heureuse se posa sur elle et la Gaelig estima qu'il était venu le temps d'honorer quelques promesses.
C'est depuis la terrasse de l'établissement, à la vue magnifique, qu'armée de parchemin, d'encre, de plume et de ses souvenirs récents, Eavan se mit à rédiger plusieurs missives...


Eavan a écrit:
Candyce,

Nous y sommes.
Alexandrie.

Je crois que je ne réalise pas tout à fait. Et pourtant... C'est un vieux rêve que je réalise en découvrant ces ruelles, ces magnifiques édifices.. La coupole de la Grande Bibliothèque est grandiose. Je ne vais même pas commencer sur le Phare. Il domine la ville. Il est de nombreuses couleurs, de nombreux parfums... La musique est présente aussi. Le bruit. Mon dieu ce bruit. Le souk est si riche de vie. L'on dirait une ruche. Effervescente. Nos marchés semblent sages en comparaison. Ici existe un équilibre subtil entre ordre et chaos. De prime abord c'est le chaos, mais à mieux y regarder il y a un ordre, c'est certain.
L'on croise aussi d'autres voyageurs de loin. Mais je crois que nous sommes tous dans notre contemplation personnelle... C'est très étrange à décrire.

Nous avons fait halte pour la nuit dans une auberge. Les délices de leur cuisine sont bien différents des nôtres. Ici point de gibier mais la part belle est faite au miel. Le coucher de soleil... Du sable, des plantes comme on en voit pas dans notre pays. C'est si différent que l'on pourrait croire à un rêve. Il serait même tentant d'abandonner toute prudence. Heureusement mes compagnons et moi même avons quelques réflexes bien ancrés et nous veillons les uns sur les autres.
Ce soir, nous nous préparons pour une expédition à cheval le long de la côte pour rejoindre le sanctuaire. C'est à ce sanctuaire que se trouve une falaise. Nous verrons bien ce que nous ferons une fois là bas la concernant.


Eavan eut un petit sourire. Candyce semblait déjà au fait des rumeurs qui circulaient sur l'endroit à croire l'une de ses précédentes missives. La vicomtesse ferait elle le grand saut ? Qui sait...

Eavan a écrit:
Il nous faudra rentrer sur Alexandrie sans trop nous attarder et reprendre le bateau. Nous avons mis pas moins de 20 jours pour arriver jusque là. J'espère que le retour sera plus court. Heureusement, rien de fâcheux ne s'est produit. Nous n'aurons vu des navires que le long des côtes italiennes puis un navire tandis que nous allions entrer dans le port de la Cité du Désert. Pas de pirates donc. Pas de tempête non plus. Pourquoi c'est généralement la saison, il nous faudra être vigilants.

Je ne me serais pas ennuyée, malgré tout. C'est long certes mais pas ennuyant. Bon, je dois l'admettre, le fait que nous participions à la manoeuvre nous occupe beaucoup et nous emplit le corps d'une fatigue physique dont nous manquerions autrement. D'ailleurs mes blessures se remettent et je n'ai presque plus de traces du duel que j'ai mené avant d'embarquer.
Par ailleurs j'ai fais la connaissance d'un passager clandestin qui s'était réfugié dans ma cabine lors de notre escale génoise. Je pense qu'il espérait pouvoir se glisser dans ma couche et profiter de la chaleur de mon corps. Après des débuts difficiles, il aura finit par se laisser attraper et caresser. Il n'a certes pas que des qualités et a une tendance à mettre des poils partout mais au moins il sait se rendre utile et sait bien se servir de ses atouts. Il apprend encore à affiner ses talents mais le coup de patte est là. Seul problème, je n'ai toujours pas trouvé de nom adéquat pour ce chat.


Léger sourire en écrivant ces lignes, volontairement un peu ambigüe. Que Candyce n'aille pas croire que la vicomtesse n'avait pas d'humour...

Le félin, d'ailleurs, la vicomtesse était retournée le chercher à bord dans la fin d'après midi. Lui ainsi qu'une copie de quelques notes que son cousin lui avait transmises après son retour d'Alexandrie, avant qu'il ne décède. Le chat était assez docile et semblait plus attaché à Eavan que curieux d'explorer cette ville bruyante. Tant mieux.
Mais cela ne réglait pas le problème de son nom.
La Gaelig était résolue : elle ne quitterait pas ce côté de la mer sans lui avoir donné de nom.


Eavan a écrit:
Concernant ce que votre missive m'apprend de nouveau...

Je suis contente que vous ayez emménagé en Arles. Contente et surprise aussi. Je pensais que vous prendriez davantage votre temps. Comment avez vous fait pour vos affaires ? Les avez vous prises avec vous lors de votre départ ou bien avez vous tout perdu ? Vous savez, c'eut été un plaisir que de vous accompagner jusque là bas pour vous aider à récupérer vos biens... Enfin, si vous êtes satisfaite de votre moulin arlésien, tant mieux. Et ainsi vous serez plus près s'il vous fallait me remettre en place, moi ou mes idées. Avec ou sans épée. Pour tout dire, je m'attendais presque à ce que vous suggériez le fouet que vous mentionniez juste avant. Avez vous peur de me heurter ?

Ainsi, vous avez rencontré ma nièce. Je crois que je maintiens une certaine distance car je sais justement la souffrance que c'est que d'être dans mes proches... Et elle, plus que tout autre, aura dû supporter mes moments de désespoir et de vide. Je n'aurais pas dû lui infliger cela mais c'était bien la seule personne que je tolérais, finalement. Je me sais fort injuste avec elle. Je l'aime comme une soeur, c'est certain. Je pense qu'elle me perçoit sans doute plus comme une mère et ce n'est pas étonnant. Je suis heureuse que vous vous entendiez bien.
Par contre... Qu'est ce que c'est que cette histoire de duel ? Adrian est un idiot. Sa mauvaise foi est légendaire mais il devrait apprendre à savoir quand et avec qui il peut la laisser s'exprimer. Dire ça face à ma nièce. J'ai été fiancée à Adrian... pour être franche et faire dans la confidence, nous nous sommes aimé, sincèrement et chastement puisque nous attendions le mariage pour nous abandonner l'un à l'autre. Et pourtant, il m'a laissé, peu avant le mariage. Simplement. Contrairement à la croyance populaire, j'ai un coeur. Et tendre qui plus est sous l'armure. En somme, je ne l'ai pas bien vécu. J'étais en Croisade, je souffrais déjà d'un incident lors d'une croisade précédente qui m'avait laissé dans le doute vis à vis de mes compagnons d'armes, j'envisageais de démissionner mais par honneur j'attendais la fin des combats pour ce faire. Ce fut une année noire. Il m'a laissé. J'ai perdu foy en mon rôle de membre des Saintes Armées. J'ai appris le décès de ma petite soeur. Ma jeune cousine fut emportée par une maladie alors qu'elle commençait à peine à devenir une jeune femme. Et moi, tout simplement, je me suis fânée. J'ai dépérit. Et Walriara est celle qui m'aura vu me laisser mourrir, ne plus vivre que pas pur automatisme... C'est pour cela que je dis qu'Adrian est un idiot. A quoi s'attendait il ? A ce qu'elle rit de bon coeur ? Je ne sais même pas si le fait qu'il ait décliné me réjouisse. Certainement pas pour la raison qu'il invoque en tout cas. Encore à fuir. Toujours. Nous sommes complices désormais lui et moi. De cette complicité qui est la marque d'une intimité passée. Mais il ne doit pas croire un seul instant que cette complicité s'étend à Wal. L'imbécile.
Finalement, ce qui m'inquiéte le plus c'est que je n'en ai entendu parlé que par vous... Que cela cache-t-il ?

Pour revenir à vous, je salue votre résolution. J'imagine qu'il n'est pas aisé de se refuser les attraits de la chair une fois que l'on a gouté à ses excès. Mais vous avez raison de faire cet effort. Vous ne devez pas vous sentir sale. Si l'on se sent sale, c'est qu'au fond de soi, le regret existe et le regret ce sont les cicatrices de l'âme. Une fois qu'on se l'est infligé il reste. Faites tout ce que vous pourrez pour ne plus vous sentir moins ou de moindre qualité que ce que vous n'êtes.
Vous et moi avons beaucoup en commun dans nos visions du monde, des choses et des principes. Vous m'admirez mais sachez que tout cela, c'était en vous. Je n'ai rien inventé de votre droiture, de la valeur que vous mettez dans la noblesse et son rôle. Tout cela, c'est vous.

Je sais qui je suis oui.
Parfois il est bon de se remettre en question pour avancer dans la bonne direction.
Ce voyage c'est aussi cela pour moi.
Nos échanges me permettent de mieux savoir ce que j'ai bien fais, ce que j'ai mal fais. Ce que je dois écouter avec ouverture et ce que je devrais rejeter en bloc. Je ne sais dans quel domaine l'investirai mon énergie à mon retour mais je sais déjà que je le ferai. Je ne baisserai pas les bras.

Je lutte contre Leviathan chaque jour. Comme vous contre Asmodée.
J'ai le sentiment qu'ensembles, en marchant proche l'une de l'autre, nous pouvons chacune avancer un peu plus vers celles que nous souhaitons être, au fond de nous. Avez vous cette sensation vous aussi ?

Je sens également que nous pourrions parler religion des heures durant. Nos perceptions, nos avis, nos expériences. Il y a matière. Et je ne suis pas aussi fermé au dialogue que je peux le paraitre. Beaucoup croient que simplement parce que j'ai été Vidame, cela me place à peu près au même niveau de rigidité qu'un inquisiteur. Si j'étais inquisiteur, je ne ferais pas long feu.. quel humour j'ai... car je passerais sans doute plus de temps à chercher les mauvais bergers qu'à traquer les moutons noirs... J'ai la profonde conviction que si l'Eglise s'investissait réellement à diffuser la foy et à s'assurer de sa droiture dans cette entreprise, il y aurait moins de problèmes. Tout cela au delà des différences d'opinion concernant le Dogme, son application et son sens.

Je termine en revenant sur mes préoccupations... Concernant mon amie, vous avez raison. C'est simplement que cela ne lui ressemblait pas. Et d'ailleurs elle m'a détrompée concernant ses intentions. Cela m'a rassuré. C'est une femme de médecine et non de jeux guerriers. Elle m'avait dit participer à une joute sur un coup de tête. Ce sport est vraiment dangereux pour qui ne s'entraine pas régulièrement... Et de la part de quelqu'un qui considère mes duels comme des caprices... Je ne voyais pas le sens.
Concernant l'autre. L'imbécile. Celui qui me demande de changer. Une précision : s'il fut un jour mon ami, il ne l'est plus et ce depuis plusieurs mois déjà. Bien avant ce courrier. Voilà c'était la seule précision que ces idioties méritaient. Il aura, je pense désormais, mon indifférence.

Prenez soin de vous.

Amitiés,

Eavan


Suivant...

Eavan a écrit:

Gwen,

Me pardonnerez vous si je vous avoue que je n'aurais su formellement me décider entre compatir et rire en vous lisant ? Sachez finalement que c'est le deux. C'est tout de même rocambolesque ce qui vous arrive.

D'abord je suis rassurée de savoir que vous n'avez pas à ce point le coeur brisé qu'il n'aura cessé de battre. Vous êtes plus solide que moi en la matière. Sous l'armure j'ai le coeur tendre. Voilà l'un de mes nombreux défauts.
Ensuite j'espère que vous êtes remise de votre maladie. Avez vous pu voir un médecin finalement ? Avez vous eu un remède ? Les crises peuvent revenir et il serait dommage que vous souffriez à nouveau 10 jours de plus.
Enfin, Genève donc ? S'il y fait trop froid, redescendez au sud. Ne vous refroidissez pas totalement. Vos ardeurs font parti de vos charmes. Au moins les paysages sont ils beau pas là bas. Cela fut toujours un réconfort lors de mes divers voyages non de plaisance chez les genevois.

De mon côté, nous y sommes. Enfin.
J'ai l'impression de marcher dans un rêve. Les sons, les couleurs, les parfums, les odeurs sont autant de merveilles que je découvre avec des yeux d'enfant. Tout est à la fois comme on me l'avait décrit et cent fois plus vivant, plus riche. Cette cité du désert comme l'appellent certains, est une ruche bourdonnant de vie. Ici, j'ai le sentiment d'être plus spectatrice qu'actrice. C'est une sensation étrange.
J'ai acheté la fameuse tenue que portent les femmes ici. C'est... Disons le ainsi : cela n'encombre pas énormément mes bagages. Ou encore : ce n'est pas à Genève en plein hiver que je vous conseillerai de l'essayer. Mais comme promis, je vous la ramène.
Les soucis provençaux m'ont poursuivis jusque sur les flots mais ils se sont évanouis lorsque nous croisions le phare d'Alexandrie. Ils sauront bien me retrouver à mon retour et devront patienter.


Prenez soin de vous Gwen.
A bientôt,


Eavan


Un regard vers l'étoffe colorée avec un sourire amusé.
Gwen avait gardé le contact elle aussi. Une femme de caractère, ça, c'était certain. Elle espérait que son voyage s'apaise un peu. La surprise dans la vie avait ses bons côtés mais trop d'imprévus pouvaient devenir lassants.
Nouveau parchemin.
Nouveau destinataire.
Même auteur.

Eavan a écrit:

Bonjorn Selena,

Ou comme on dit ici : Salem aleikoum.
Ca y est. Nous y sommes. Après 20 jours de mer : Alexandrie.

C'est un véritable plaisir pour les sens. Tous. Et pour le coeur une sasieté. Et pour l'âme un apaisement.
Que dire de plus ?

Sachez que j'ai admiré, et j'admire toujours, la dignité dont vous avez fait preuve lors de cette discussion au sein de l'OCP, et en public aussi, bien évidemment. Je pense que vous et moi partageons au moins le fait que l'honneur est une valeur respectable et que la loyauté est sacrée. Je crois que nous partageons plus, bien sur, mais de ces deux points je suis certaine. Aussi, sachez que je sais de première main à quel point les provocations des Villaréal peuvent être blessantes, venimeuses... Ce que je voulais surtout vous dire, avec tout cela, c'est que j'admire votre retenue et perçoit sa difficulté.

Qu'en est il de votre voyage ? Enfin partie ? Pas encore ?
Je ne me rappelle plus ce que vous m'aviez dit de votre trajet mais sur terre ou en mer, soyez prudente. Je sais que vous et les vôtres savez vous défendre mais tout de même. Gageons que vous n'ayez pas à trop le démontrer.

Sincèrement,

Eavan Gaelig


La vicomtesse eut une petite grimace. Elle était sure et certaine d'avoir écorché les salutations d'usage en arabe. Non pas qu'on les lui ai jamais écrites... D'ailleurs elle eut été bien incapable de le lire... Bref... L'idée et l'intention étaient là. La réalisation laissait sans doute à désirer.
Le message suivant serait bref et efficace. Concis.


Eavan a écrit:
Suzanne,

La patience aura payé !
Vingt jours.
Mais ce matin nous avons enfin croisé le phare. Le fameux phare.

Tout de même cette cité est magnifique. Tout est si différent. C'est vraiment dépaysant. Je regrette seulement de n'avoir pas terminé l'apprentissage de l'arabe avant d'entamer ce voyage. J'aurais pris plaisir à échanger avec les locaux sur leurs us et coutumes.

Voilà donc au moins notre voyage aller se sera fait sans pirates ni grosse frayeur.

Cette missive sera brève. Je voulais juste vous donner quelques nouvelles.
J'espère que vous allez bien.
Prenez soin de vous.

Eavan


Elle espérait que la capitaine à l'oeil noir et bras cassé se rétablissait au mieux, sans trop chercher à faire de folies. De ce qu'elle avait sentit à son contact, c'était une femme indépendante. Forte. Déterminée. Elle espérait donc qu'elle soit plus déterminée à laisser son bras guérir qu'à vouloir repartir...
Mais les marins, par définition, ne restent jamais longtemps dans les ports...


Eavan a écrit:
Chère Kyra,

J'espère que ma lettre vous trouvera en pleine forme.

Avez vous reçu mon présent pour votre seizième anniversaire ? Je ne pouvais être là mais espérais atténuer la déception de mon absence. Et m'assurer aussi que vous ne prendriez pas froid cet hiver.

De mon coté, je vous écris depuis un petit débit de boisson, à Alexandrie. L'ombre du gigantesque phare domine la cité. Le souk est comme une fourmillière. Les étals sont les uns sur les autres, de toutes les couleurs. Il est des caravanes de voyageurs venus du désert. Ce sont des marchands qui viennent d'ailleurs pour vendre ici des produits divers et variés. Ils se déplacent sur des dromadaires. Ces animaux sont bien plus grands que nos chevaux, plus élancés. La tête est plus ramassée, les yeux énormes. Et sur leur dos, une bosse. De bien étranges créatures mais semblent ils tout à fait adaptées au sable et aux rigueurs du désert.
La Grande Bibliothèque est un autre édifice merveilleux. Sa coupole brillent de mille feux sous le soleil. Je n'ose croire qu'elle soit recouverte d'or mais tout de même... ce ne serait pas impossible.
Les paysages... Comment décrire tout cela. La mer azur, la terre jaune, orange et parsemée de verdure. A l'est c'est un peu plus vert. Il semble qu'il y ait un fleuve qui irrigue toute cette zone. Cela explique sa richesse. Sa beauté. Son abondance. Je crois en tout cas n'avoir pas assez de mots pour décrire les nuances d'orange et de jaune de ces sables et rocs...
Je suis pareille à une enfant.

Je vous souhaite d'un jour pouvoir contempler ces splendeurs ni différentes des nôtres.

Donnez moi de vos nouvelles.
Prenez soin de vous.

Sincèrement,

Eavan Gaelig


Cette missive là... C'était un peu la douceur dans ce monde brute, de brutes. Kyra était une jeune fille fraîche. Si elle avait été plus égoiste, la vicomtesse aurait insisté pour l'emmener avec eux. La prendre sous son aile... Mais la Gaelig tendait à respecter la liberté de chacun et se contentait donc de penser à tout ce qu'elles auraient à se raconter lors de leurs retrouvailles, en plus des leçons d'épée qu'elle avait promis.

Eavan a écrit:

Arwel,

J'espère que cette missive ne vous trouvera pas à Montbrisson. Vous y auriez prit racine autrement.

Je tiens à vous rassurer tout à fait concernant mon état physique. J'ai tout à fait récupéré. Si vous êtes d'humeur pour une revanche à mon retour, alors ce sera avec plaisir. Qui suis je pour refuser ?

Concernant ce que vous raconte Adrian, vous le connaissez je crois, ne croyez pas tout ce qu'il vous racontera. J'apprends de surcroit qu'il n'est pas toujours très flatteur en la matière. Ainsi donc, prudence. Nous aurons bien l'occasion de faire connaissance de nous mêmes lorsque je reviendrai.

Pour ma part, je vous écris de notre destination. Ca y est. Nous pouvons abreuver nos sens de ces terres si différentes, de ces us et coutumes si distincts des nôtres. C'est dépaysant et tout àla fois merveilleux. J'attendais depuis tant d'années cela.
Le voyage aura valut la peine et pas de demi tour de dernière minute cette fois ci.

Que le Très Haut veille sur vous,

Eavan Gaelig


L'espace d'un instant, la Gaelig suspendit sa plume. Devait elle interroger Arwel à propos de cette histoire de duel d'avec sa nièce ? Pour sûr, la Bienveillante saurait ce qui se trame en Arles... Eavan secoua la tête et repoussa l'idée. Si elle devait en entendre parler c'était par les deux intéressés... Et gare à eux si elle n'avait pas de précision d'ici son retour en Arles.

Enfin il resta une personne à qui elle devait une réponse un peu plus digne que la dernière qu'elle avait faite.


Diane a écrit:
A toi, Diane,

Des couleurs qui m'étaient jusque là inconnues
Emplissent mes yeux de nuances orangées
Que pas même dans mes rêves je ne m'étais figurées
Ainsi le sable doré semble dire "bienvenue".


Les flots aujourd'hui ne sont que vague rumeur
La vie qui dans les rues foisonne, bruyante
Animaux, Hommes et musiques entrainantes
Tout se mêle ici en cacophonie majeure.


Les senteurs épicées et musquées abondent
La narine océane redécouvre la terre
Inspire à pleins poumons les délicieux éthers
S’enivre sans fin des parfums qui vagabondent


Que serait tout cela sans les riches saveurs !
Les dattes luisantes fondent sans pareille
Aux papilles avides comme autant d'abeilles
Le miel d'ici a un bouquet d'ailleurs.


Les tissus variés glissent entre mes doigts
Comme ces grains qui forment des montagnes
Des textures loin de nos rudes campagnes
Sous les yeux des locaux amusés mais courtois.


Mon coeur s'est rangé au rythme de la cité
Bien plus serein que ce qu'il ne fut au départ
Et je sens là que ce n'était pas dû au hasard
Bercée par cette ville et son intensité.


En passant près du grand phare je l'ai sentit
Leviathan, mon péché, ma Colère, m'a quitté
Comme une pénitence qui serait acquittée
Je vais l'âme en paix grâce à Alexandrie


Eavan



C'était là la dernière production de la journée. Eavan se sentait vidée. Nul doute que Diane saurait apprécier l'effort. La Gaelig eut un petit sourire satisfait. Tout fut scellé puis confié à un coursier.

De retour dans sa chambre d'auberge, étouffant baillement sur baillement, la Gaelig se plongea dans la relecture de ses notes, sa carte fraichement acquise sous les yeux et une boule de poils couchée sur elle comme bouillotte.

Autant dire qu'elle ne vit même pas arriver le sommeil...

_________________
Eavan
Vingt-cinquième jour de voyage...

La vicomtesse émergea lentement. Etrangement, elle avait l'impression qu'on lui marchait sur la tempe. C'était bizarre...
Doux.
Petit.
Insistant.
Ce fut un petit son aigu près de son oreille qui la fit se redresser vivement avec une grimace.

Et à cette instant, plusieurs choses firent sens.
Ce n'était nul autre que son chat qui tentait de la réveiller avec insistance en lui appuyant sa patte sur le visage de manière délibérée et répétée. C'était aussi l'animal qui venait de lui perforer un tympan. Enfin... presque.

Par contre, sitôt qu'elle fut plus assurée, d'autres incompréhension surgirent. D'une part il faisait jour. D'autre part, il faisait jour. Et enfin : il faisait jour et son regard se posait sur Alexandrie.


Oh me....

Pour des raisons de décence, les prochaines lignes se concentreront davantage sur le petit félin présent dans la pièce que sur les propos de la vicomtesse. L'animal, donc, semblait pour le moins intrigué par ce que son humaine faisait. C'était plutôt inhabituel. Etait elle en train de se frapper le front de manière répétée ? Cela aurait pu ressembler à des incantations... Essayait elle d'invoquer du poisson ? Comme sur le navire ? De la viande ? Il se lécha les babines à cette idée... Viiiaaannnde.
Et voilà qu'elle arpentait la pièce. Elle ne cessait plus de produire des sons... Mais sa voix était plus violente que d'habitude... Le félin choisit d'aller se caler dans un coin, sur une armoire. Hors de portée. Sait on jamais.
Lui l'avait réveillée parce qu'il commençait un peu à avoir faim.
A s'ennuyer aussi.
Surtout.
Mais au moins cette humaine gesticulante était ce un spectacle intéressant. Aussi se cala-t-il bien et suivit il ce qui allait se passer...


Stupide... Des années d'expérience... Bien joué Gaelig... Bien joué.

Eavan soupira.
Elle avait manqué le départ.
Elle avait réussi à manquer le départ.
Affligeant.

Avec toutes les lettres écrites la veille, elle avait fini par s'effondrer, rattrapée par la fatigue.

Décidée, malgré tout, à ne pas perdre cette journée en grognements, la Gaelig entreprit de se calmer. Se calmer, grignoter un peu aussi pour bien commencer sa journée... de manière un peu tardive d'ailleurs. Après quelques minutes, elle vit réapparaitre sa boule de poils près d'elle et interpréta son miaulement plaintif comme une réclamation en bonnes et dues formes et s'appliqua à répondre positivement en lui donnant quelques restes de son repas.
De nouveau brillant prestidigitateur sur coussinets, l'animal parvint à effacer tout trace de l'existence de la nourriture qui lui fut tendue. Au moins désormais ne prenait il plus de doigt au passage.

Alors qu'elle allait sortir de sa chambre, un pli fut glissé sous la porte.
Les courriers dont parvenaient encore à la poursuivre jusque là ? On arrêtait pas le progrès. Ne perdant pas plus de temps dans cette délicieuse journée mal entamée, Eavan décacheta et lut ce qui était une invitation à l'inauguration de nouveaux locaux pour l'Université... Donc absence de concertation, de consultation, de dialogue, silence en réponse aux questions... Et nouveaux locaux... Eh bien... Il y avait de quoi être un peu contrarié. Nul doute que certains érudits n'auraient pas appréciés être traité ainsi. Avec un soupire, la vicomtesse choisit de répondre rapidement. Juste le temps de s'installer et voilà qu'elle couvrait un morceau de parchemin de l'encre de sa plume.



Eavan a écrit:
Salutations Kachina,

C'est un vrai plaisir que de lire vos lignes. Et un plaisir d'autant plus fort que de savoir que l'Université se pare de nouveaux locaux.
Je suis en voyage et ne pourrait honorer cette invitation.

J'en profite cependant pour vous demander si quelqu'un à l'Université à l'intention de répondre au courrier que j'ai adressé il y a déjà quelques temps à propos d'une consultation qui n'aura pas consulté l'ensemble des érudits. Il est dommage de se sentir soudainement exclut d'une institution provençale qui jusque là était plutôt bienveillante.
Que je ne remplisse pas les critères pour être consultée, que mon avis n'ait pas d'intérêt aux yeux de cette nouvelle gestion universitaire, soit. Mais j'aurais aimé au moins que l'on me réponde.

Cordialement,

Eavan Gaelig


Le message envoyé, la vicomtesse rassembla ses affaires et consulta sa carte pour se mettre en route. Avec un peu de chance, elle rattrapera ses trois compagnons de route...
_________________
Arystote
Neuvième jour de voyage et les suivants...

Arystote s'était levé avec une fort mauvaise mine. Pourtant malgré un mal de tête carabiné, il se sentait déjà mieux que les jours précédents. Boire fonctionnait donc toujours mais cette fois au lieu de se sentir satisfait il traînait une vilaine honte : Eavan Maeve Gaelig, la femme qu'il admirait le plus et pour qui, il avait une grande affection l'avait vu le visage parsemé de miasmes et d'un vomis peu ragoutant... une telle honte !

Pas fier, il choisit lâchement de rester la majeure partie de la journée enfermé dans la cabine, hissé sur son hamac. A plusieurs reprises et, sans qu'il ne sache l'heure qu'il était, le sommeil l'avait gagné. Plusieurs fois, les aboiements répétés de Platon qui grattait de façon frénétique la porte de la cabine, l'avaient réveillés.


- Platon, saleté de chien... grommelait-il vaguement d'une voix pâteuse et monocorde. Cela suffisait à faire venir le danois bleu jusqu'au pied du hamac où il trouvait une main pendant mollement où frotter sa truffe humide.

C'est finalement la faim qui l'avait tiré du sommeil au point qu'il quitte les balancements du hamac pour rejoindre le mess. Il devait être tard car les étoiles baignaient le pont du navire d'une lumière douce et le mess était vide.

Les jours suivants, lorsqu'il croisait la vicomtesse, il ne sut échanger que quelques banalités d'usage avec elle, fuyant toute allusion à sa nuit d'ivresse. Après quelques temps et plusieurs sourires échangés il parvint à ranger ce souvenir dans un coin de son esprit et à se montrer de nouveau naturel, allant jusqu'à exprimer sa pensée toute crue sans le moindre tact. C'est ainsi qu'il partagea avec le capitaine ses inquiétudes quant à la présences de rats sur le navire.


- Voyez-vous très cher, je n'ai jamais vu mon chien ainsi... Il semble qu'il veuille chasser. Je pense qu'il y a des rats dans ce navire. Nous devrions envoyez quelques matelots vérifier les cales... Ma cousine dit que c'est ainsi que l'on peut attraper quelques maladies et voyez-vous justement, l'autre jour j'étais très malade...

Les jours passaient agréablement sauf quand il recevait des nouvelles de Provence. D'une part, la demande d'appel d'Eavan avait été rejetée contre tout bon sens juridique (il faudrait qu'il songe à donner des cours aux membres de celle-ci). D'autre part, il avait reçu une réponse de sa suzeraine quant à une demande concernant les terres de Carpentras et, une fois de plus, elle montrait qu'elle ne connaissait pas son vassal et se faisait une piètre opinion de celui-ci. Les deux fois, il avait senti en lui remontant le long de son ventre jusqu'à son cœur, la boule noire de colère qui l'habitait et ne sommeillait jamais longtemps. Cette fois cependant, il avait repensé aux paroles de Portalis lors de sa confession et avait pris une longue inspiration avant de s'ordonner : pardonne-les ! Il y eut bien d'autres nouvelles comme celle du conflit au sein de l'Ordre de la Croix Provençale... Il ne regrettait pas Provence.

Eavan semblait sombre et il ne doutait pas que tout cela pouvait en être l'origine. Il aurait pu lui demander mais ressentant lui-même un besoin de faire le point en intériorisant tout cela, il se décida à ne pas en parler. Il l'observait simplement. Tant que cela n'allait pas plus loin que le poing serré et la ride de colère qui accompagnait le froncement de sourcils, il n'avait pas à s'en inquiéter. S'il craignait la colère froide dont elle pouvait faire montre, il avait aussi appris à l'aimer à en saisir toute la beauté que cette droiture inspirée.

Si on devait lui demander comment était son voyage il ne pourrait alors que répondre : beau ! La mer d'un bleu sombre, qui s'étendait tel l'infini semblant se parsemer de paillettes dorées avant de s'embraser à la tombée de la nuit, était belle. Les étoiles d'un blanc immaculé, perçant le manteau de la nuit pour y dessiner des constellations, étaient belles. La vicomtesse, quand la colère l'atteignait, quand son regard semblait s'embraser, qu'il devinait au mouvement des commissures de ses lèvres que ses dents se serraient légèrement, était belle.

Les pensées du Champlecy vaquèrent souvent autour de ces constats lors de ses premiers jours de voyage. Il y avait au fond de lui cette même évidence qu'il avait pu avoir lorsque sur Arles pour rejoindre Trinquetaille, il se promenait aux abords du Rhône, lorsqu'il voyait se dessiner sur l'eau tumultueuse du fleuve les branches des arbres qui semblaient danser au gré du vent. Cette même évidence qu'il avait à Cassis quand depuis ses jardins, il voyait les calanques du village en contrebas au lever du soleil, quand aux premières heures les cloches de l'église accompagnaient les rayons du soleil dans les rues et sur le port. Cette évidence...


- Un paisible vertige finit-il par murmurer au soir du vingt-troisième jour, alors qu'ils approchaient la Cité Égyptienne et qu'au loin un phare se dessinait dans la nuit.
Un sourire vint se dessiner au coin de ses lèvres et il prit une décision. Il devait écrire à Michel.

Citation:
Michel,

Bonsera,

Il fait nuit à l'instant où je t'écris donc je serai bref ; mes yeux n'aimeront pas se contenter de la lueur d'une bougie très longtemps. Je vais bien. Tout est beau.

En revanche je t'ai laissé toi dans ce qu'il peut y avoir de plus moche ici bas. Fuis ! Prends des congés, pars en voyage, fais ce qu'il te plait. Je t'écrirai avant mon retour. Laisse tous ces ânes de nobles se débrouiller. Je dirai que tu as dû venir à ma rescousse ou quelque chose du genre.

Il faut parfois savoir vivre pour soi et ses proches.

Arystote

PS : Prends une bourse de 500 écus pour ton voyage. Tu sais où je les range.


Il ne restait plus qu'à rejoindre Eavan, son cousin et son ami pour découvrir ensemble une contrée lointaine sans contrainte.
_________________
Eavan
Vingt-sixième jour de voyage...

La vicomtesse avait fini par abandonner l'idée de pouvoir rattraper ses compagnons. A une heure avancée de la nuit, elle avait fini par monter un bivouac. Ce qui était bien, avec l'expérience militaire qu'elle avait engrangé depuis quelques années, c'est que cette tâche d'organiser un petit campement, même avec peu de luminosité, n'était pas un problème. L'avantage également de ces latitudes est que le climat était encore clément... Point donc de risque d'attraper un mal comme en Provence à cette période.

Sur un lit de sable, un peu plus meuble que les rocs avoisinants, Eavan avait étendue une couverture. Sans trop s'attarder, elle grignota un peu de pain avant de s'enrouler dans sa cape pour prendre un peu de repos. Quelques heures plus tard, ce fut le soleil qui la réveilla et une fois encore, elle apprécia les couleurs de l'aube. Contemplative, elle pria un petit moment avant de songer à la manière d'organiser la suite.
Que faire ?
Donner poursuite ?
Attendre là ?
Retourner à Alexandrie ?
Continuer coûte que coûte, quitte à atteindre le Sanctuaire seule ?
Les chemins ne semblaient guère fréquentés. Il ne devait pas y avoir trop de risques à tenter le coup seule...

Un petit mot bref fut rédigé et envoyé vers l'est. Qui sait, le volatile trouverait peut être ses compagnons ? Espoir...
Finalement, la Gaelig estima qu'elle allait rester là. La journée avançant donc, elle entreprit de monter un petit feu de camp. Cela occupa une grande partie de sa journée : aménager un coin, organiser les réserves de boisson qu'elle avait acquises à Alexandrie en prévision du voyage, caler quelques vivres également... Parfois, Eavan repensait à son temps chez les grégoriens. La Charité, l'Amitié... Avec ce feu de camp, elle voulait offrir la possibilité à quelques voyageurs en difficulté de pouvoir se restaurer.

Une froissement d'ailes attira son attention et elle fut surprise de découvrir un oiseau non loin d'elle. Aussitôt, la Gaelig remarqua le parchemin accroché à la patte. Juste après, elle distingua aussi son chat avec un regard totalement noir, fixer le volatile. Donc la vicomtesse entreprit de faire un plaquage immédiat, digne de ses plus grands moments de soule, sur l'oiseau afin d'éviter que le félin soit le premier à lui mettre la patte dessus.
Quelques instants plus tard, Eavan eut la surprise de reconnaitre la signature de Kachina.
Comment diable les messagers et piafs finissaient ils toujours par la trouver ? Voilà donc le nouveau mystère du moment.


Kachina a écrit:
Eavan,

Bien le bonjour à vous ,

Pour ce qui est d'une réponse à votre missive, je crois que la charge en revient à Griffes.

Je ne fais pour ma part que lui apporter un peu de mon aide. Mais je peux vous expliquer ce que je connais de l'histoire.

Griffes a repris l'Université au pied levé. Et il s'est voué à sa tâche avec toute la fougue qui le caractérise. Ce qui fait qu'il se posait cette fameuse question des statuts et que dans le feu de l'action , il a souhaité avoir l'avis des érudits. Ce soir là, devant le nombre important de courriers à envoyer et vu que j'étais la seule à avoir répondu à son appel à l'aide, il a comme ça choisi les professeurs ayant charge de cours pour la semaine à venir comme échantillon à consulter en sorte. Le temps pressait, il se savait en poste pour peu de temps.

Voilà je pense ce qui a entrainé l'indignation de certains qui se sont sentis oubliés.

Espèrant avoir quelque peu éclairé votre lanterne, je vous souhaite un bon dimanche et vous remercie d'avoir pris la peine de répondre à l'invitation.

Au plaisir de vous revoir un jour.


Cela éclairait sa lanterne oui...
Mais enfin tout de même, trop d'érudits en Provence pour qu'un envoi de courriers soit à ce point impossible ? Elle même s'était esquinté le poignet à envoyer des pelletés de parchemins pour le vote de confiance juste avant son départ... Eavan haussa donc les épaules. Grégory s'était approprié le poste de recteur comme un prédateur s'attaque à un morceau de viande... Forcément il était attendu qu'il ait le temps nécessaire à accorder à l'Université. Ni plus ni moins.

La vicomtesse préféra ranger rapidement la missive et se recentrer sur l'instant présent.
Le soleil commençait à baisser sur le feu de camp de l'est qu'elle avait allumé. Ce jour, elle resterait là. Une nuit de solitude n'était pas si terrible. Après presque un mois en mer, dans une promiscuité permanente, la Gaelig appréciait l'idée de dormir à la belle étoile, seule. Ce soir là d'ailleurs, elle allait réviser ses leçons d'astronomie et prendre quelques notes au sujet des étoiles et de leur position.

Mais cela lui donnait aussi l'occasion de repenser à cet aller. Après l'incident dit du coup de froid d'Arystote, ainsi s'y référerait elle à l'avenir, la vicomtesse avait sentit une distance. Non pas une distance froide. Comment le définir... Plutôt une distance, au contraire, chaleureuse. La distance était là, certes mais peu à peu, Eavan s'était forgé la certitude qu'un certain comte avait passé beaucoup de temps à la regarder. Oh, pas toujours de manière appuyée, mais plutôt de manière désormais familière. Et elle avait eu aussi quelques regards, parfois, alors qu'elle percevait dans les yeux d'Arystote cette colère déterminée qui, de manière surprenante, alla en s'apaisant. Surprenant mais non désagréable. Il était bien qu'un homme comme lui, fort de sa jeunesse, ait su voir le défaut de celle ci. La vicomtesse était bien mal placée pour donner quelque leçon que ce soit en la matière mais elle savait de première main que la sagesse devait savoir prévaloir sur l'ire... au moins parfois.
Ainsi donc, les deux semblaient s'observer. Se veiller. Avec cette distance. Respectueuse mais plus seulement. Eavan y avait prit goût, à ce regard. Depuis le temps, la Gaelig avait bien perdu l'usage que l'on veille sur elle. Bien sur il en était pour s'inquiéter pour elle, craindre le pire et s'attrister sincèrement de ses peines... Mais veiller ? Un doux sourire étirait les lèvres de la vicomtesse...

Une bonne nuit en perspective...

_________________
Arystote
Vingt troisième jour de voyage...

Ils étaient enfin arrivés : Alexandrie était une ville bien grande et, il lui semblait, contenant bien plus de ruelles que de voies principales. Il lui semblait être plus en Grèce qu'en Égypte et en venait presque à craindre l'arrivée impromptue du Minotaure. Nul piège cependant juste une foule souriante et à l'accent bien plus chantant encore que celui de la Provence. Il n'en comprenait d'ailleurs pas un mot mais peu lui importait.

La journée avait été longue, le temps de débarquer et son estomac menaçait d'une grève sans précédent s'il ne trouvait pas vite une auberge où se sustenter. Il prévint le capitaine de leur projet de rejoindre le Sanctuaire et celui-ci accepta de les attendre à quai jusque là. Eavan, Franciszek, Guilhem et lui-même finirent par trouver un lieu où manger. Cassis n'aurait su dire pour autant s'il s'agissait d'une auberge tant tout était différent de ce qu'il connaissait. Les tables semblaient plus petites et des coussins faisaient office de chaises à eux-seuls ; et il dû admettre que ce n'en était que plus confortable.

S'il faisait souvent importer des épices jusqu'en Provence, il avait à présent l'impression d'avoir été trompé sur la marchandise tout au long de son existence.


- Je crois Guilhem, qu'il me faudra passer au marché...
- Au souk !
- ...oui, il faudra que j'y achète des épices pour Galadrielle.


Son cousin acquiesçant, il finit son assiette en silence. La nuit était tombée pendant le repas et il fut surpris par sa fraicheur mais surtout par la vision du phare immense qui surplombait la cité. C'est avec cette image et la perspective de la journée qui l'attendait, qu'il s'endormit quelques heures plus tard.

Vingt-quatrième jour de voyage...

C'est la chaleur qui vint réveiller le Comte de Cassis en début de matinée, lui qui avait eu si froid en se couchant... Le contraste entre la nuit et le jour était flagrant. Le repas copieux prit le soir continuait de remplir son ventre. Il entreprit donc d'aller faire un tour sur les marchés sans rien avaler au préalable et puis, si la faim le prenait, il trouverait bien un quelque chose là-bas.

Il n'avait de cesse de scruter les habitants de cette contrée dont la peau était plus hâlée que celle d'un paysan provençal et dont les tenues avaient des teintes plus vives qu'à la Cour du Marquisat, sans parler des formes étranges de leurs bas... S'il n'était attiré par la mode orientale, il leur envia très vite les turbans qui entouraient leurs visages : son chapeau de paille ne semblant plus le protéger des rayons de l'astre solaire depuis qu'ils avaient débarqué.

La faim l'ayant finalement gagné il s'était approché d'un étal de fruits et repartit avec un plein sacs de ces dattes dont les marins n'avaient de cesse de faire l'éloge par delà les royaumes. Dès les premières bouchées il sut que la réputation était méritée.

Le soleil était à son Zénith lorsqu'il revint vers ses compagnons de voyage, Platon sur ses talons. Celui-ci jappait depuis de longues minutes déjà, visiblement ravi de l'attention dont il bénéficiait depuis qu'ils étaient sortis. Les enfants de la ville couraient après lui et le touchaient du bout des doigts, reculant vivement tout en riant fort lorsqu'il prenait l'envie au danois bleu de leur lécher la main en passant.

Il passait l'après-midi, réfugié à l'ombre dans une de ces auberges étranges, à préparer le départ pour le Sanctuaire. Ainsi, avaient-ils des tentes, de l'eau pour une dizaine de jours, quelques vivres. Les chevaux seraient apprêtés quelques heures avant le départ. L'après-midi devait toucher à sa fin. Arystote sortit de l'auberge et ses yeux se posèrent sur Guilhem qui allait entrer affublé d'une tenue orientale tout juste acquise. Il était prêt à se moquer mais Lantosque arrivait à son tour lui-aussi vêtu à la mode d'Alexandrie. C'était le Comte de Cassis qui à présent jurait parmi eux.


- Scrogneunorf ! Cela ne vous va pas si mal à dire vrai... les femmes ont bien moins de chance dit-il en repensant aux tenues pour femme qu'il avaient aperçu sur les étals. Où est Eavan ? demanda t-il soudain inquiet à l'idée de se retourner et de la voir elle aussi à la mode orientale. Elle écrivait lui dit-on finalement permettant à Arystote un soupir de soulagement avant de la rejoindre ; et en effet, elle écrivait.

Ce n'était pas une nouveauté, elle avait beaucoup correspondu durant ce voyage. Lui au contraire, avait préféré faire le mort, prendre le large sans garder un œil sur Provence et sans inquiéter du sort de celle-ci. Il n'était pas certain que la correspondance de la vicomtesse soit pour autant un regard porté sur la Provence, il soupçonnait au contraire une évasion de plus. Elle écrivait souvent ces derniers temps et elle souriait beaucoup plus aussi que ces derniers mois. Et c'était très bien ainsi. Ils auraient bien le temps d'échanger sur le trajet pour le sanctuaire. Il opta donc pour une retraite sur la pointe des pieds non sans se demander si Guilhem serait aussi furtif avec ses nouvelles poulaines orientales qu'Arystote s'apprêtait à l'être avec ses bottes. Il observa un instant le visage d'Eavan faiblement éclairé par la lueur d'une lanterne posée plus loin mais qui laissait voir qu'elle était concentrée sur son vélin. Il sourit avant de repartir vers l'auberge. Guilhem et Francuski devaient y être encore et la soif se faisait sentir. Il n'avait pas rebu depuis cette fameuse nuit sur le navire et il lui semblait qu'il pouvait recommencer à présent.

_________________
Eavan
Vingt-septième jour de voyage...

Eavan était détendue.
Certes, elle n'avait toujours aucune nouvelle du Comte de Cassis, du Comte de Lantosque et du Seigneur de Carnoux. Certes, elle était seule aux portes du désert. Certes, le silence était presque violent en comparaison de l'activité effervescente d'Alexandrie.

Mais rien de tout cela ne parvenait à éveiller l'inquiétude de la vicomtesse. La Gaelig était sereine.

Elle avait trouvé un petit mot, attaché au corps à moitié dévoré d'un pigeon. Il semblait que le chat avait bien su exploiter l'occasion. Les quelques lignes manuscrites étaient concises mais riches en informations. Lantosque aussi avait manqué le départ. Les deux autres rebroussaient chemin. Eavan ne savait guère si cela signifiait qu'ils repasseraient par là ou non et décida de les attendre durant la journée...

Alors qu'elle terminait sa prière matinale, la vicomtesse posa son regard sur son épée. Elle la portait à nouveau, puisque sur les chemins, mais n'avait toujours pas reprit l'entrainement. Un sourire amusé se dessina sur ses lèvres. Avec lenteur, elle referma la main sur le cuir de la poignée.. Ce cuir fatigué et usé. Cette poignée faite parfaitement à sa main ou bien était ce l'inverse ? Tranquillement, la vicomtesse tira la lame. Quelques mouvements de respiration calmes et posés, quelques appuis pour tester sa jambe convalescente... Et la guerrière se lançait dans des séries d'enchainements... C'était comme si elle affrontait des ennemis imaginaires. Les gestes se déroulaient, les uns après les autres. Les pas laissaient des arabesques dans le sable et la respiration d'Eavan troublait le silence des lieux.
Lorsque le ballet se termina, la vicomtesse sentait la sueur couler le long de son front, de sa nuque et de son dos. Ses bras luisaient au soleil d'une pellicule humide et son souffle était court. Mais par dessus tout, son visage était éclairé d'un immense sourire. Que cela lui avait manqué !

Une fois qu'elle eut remis son épée au fourreau, Eavan retourna s'allonger auprès de son unique compagnon de route. Le chat avait d'abord regardé l'étrange activité avec perplexité avant de se lasser et de former une boule. La Gaelig était même certaine de l'avoir entendu ronfler. La soirée fut calme et tranquille.
Eavan décida que le lendemain, elle rebrousserait chemin. Elle n'avait pas vu l'ombre d'un voyageur et il était donc plus sage de retrouver Francuski en ville... Au moins seraient ils deux si jamais les Champlecy tardaient.

_________________
Arystote
Vingt cinquième jour de voyage...

Les nuits étaient vraiment froide sur ce continent et c'est donc sans surprise qu'ils s'étaient tous couverts des vêtements locaux. Ceux-ci avaient l'avantage de les couvrir des pieds jusqu'à la tête tant et si bien qu'on ne voyait plus chez eux que les yeux et la bouche.

Le Comte de Cassis avaient engagé un guide escorté de quelques hommes bien armés. Il en profita pour se renseigner sur ces armes à lame courbée qu'ils portaient à la taille. C'était sans compter sur son incompréhension de la langue et ce n'est qu'en voyant son regard désemparé que le guide vint traduire.


- Cimeterre dit-on par chez vous
- Ah oui ?! Cimetière vraiment en voil...
- Non ! Ci-me-ter-reuh
- Ah !


Et Arystote de se promettre d'en acheter pour Eavan. Ils avançaient depuis quelques minutes seulement lorsqu'il détourna son attention des armes. Dans la nuit noire il peinait à différencier ses compagnons de route et ce n'est qu'en entendant Guilhem jurer qu'il sut où se trouvait son cousin. Un léger coup dans les flancs de sa monture qui semblait peiner à prendre de la vitesse les sabots s'enfonçant dans le sable. Il parvin tout de même à rejoindre le Seigneur de Carnoux.

- On fait la course ?!, demanda t-il à ce dernier qui répondit du regard de celui qui est déterminé à relever le défi. Sans échanger un mot de plus, ils s'élancèrent d'un même élan ignorant les hénissements des chevaux. Les montures semblaient désapprouver grandement cette idée. Aucun des Champlecy n'en prit ombrage. Le cheval d'Arystote lança les hostilités le premier en se cabrant, ce qui eut pour résultat de faire tomber Arystote, les fesses sur le sable. Guilhem tira sur les rênes et mit pied à terre pour rejoindre le Comte de Cassis. C'est ainsi que son cheval vint rejoindre le mouvement de grêve initié par son acolyte : il refusait de laisser Guilhem remonter en selle.

- Allons à pieds, les autres nous rattraperons vite !, suggéra Arystote joignant le geste à la parole...


Vingt sixième jour de voyage...

Deux choses s'imposèrent à Arystote lorsqu'il s'éveilla le lendemain : une douleur dans tout le corps causée par le froid ; du sable dans la barbe et même dans sa bouche.

Guilhem et lui avaient fini par monter une tente pour s'abriter du vent, mais ils tremblaient de froid et étaient épuisés aussi n'avaient-il rien fait de plus pour leur confort s'endormant à même le sable.

Il s'étira longuement et sortit de la tente. Le guide et ses trois comparses armés les attendaient prêts à repartir, leur tente déjà repliée. Le guide et ses comparses mais personne d'autres...


- Où sont nos amis ?, demanda t-il curieux de savoir où ils avaient pu dresser leur campement.
- Quels amis ? demanda le guide
- Ceux qui nous accompagnent pardi !
- Mais il n'y a que vous deux... par contre vous avez reçus ceci, il y avait deux oiseaux devant votre tente ce matin...
ajouta t-il précisant donc la raison pour laquelle il tendait deux missives au Comte. Vous avez faim ? interrogea le guide en désignant la broche au-dessus du feu sur laquelle l'un des deux pigeons évoqués était en train de cuire.
- Scrogneunorf !

Il ne put lire ses courriers qu'après avoir sauvé le second pigeon et expliqué au guide à grand renforts de jurons que s'ils mangeaient les pigeons, il n'y aurait plus personne pour s'occuper du courrier. Le premier, sans surprise était d'Eavan qui l'informait avoir loupé le départ. Il venait de s'en rendre compte. Il répondit aussitôt, ne prenant la peine d'écrire un roman. Plus vite aurait-elle la réponse moins longtemps s'inquiéterait-elle.

Le second courrier était une réponse de Michel qui visiblement n'était pas contre quelques vacances mais trouvait la lettre de son ami étrange et donc, il s'inquiétait. Le Champlecy se promit d'y répondre dans la journée mais il faudrait attendre, il leur fallait faire demi-tour pour rejoindre Eavan, et visiblement Francuski qui avaient loupés le départ.

_________________
Eavan
Vingt-huitième jour de voyage...

C'est dans le milieu de journée qu'Eavan atteignit finalement la cité. Elle était parti dès les premières lueurs de l'aube, sans trop tarder. Alors qu'elle approchait d'Alexandrie, la vicomtesse fut à nouveau frappée par l'allure de la ville. Vue de la mer c'était une chose, vue des terres s'en était une autre. Et chacune des vues était à couper le souffle.
S'enfonçant dans le dédale des ruelles, la Gaelig faillit se perdre mais parvint finalement à retrouver le chemin de la place principale en se souvenant de quelques conseils délivrés par Mounia quelques jours auparavant. Au milieu du flot des voyageurs de tous horizons, Eavan parvint tout de même à retrouver ses compagnons assez vite et les retrouvailles furent à la fois chaleureuses et un peu teintées de la culpabilité des retardataires. La Gaelig ne savait guère où se mettre. Quelle honte d'avoir manqué le départ...

Cette fois le départ fut bien discuté et le groupe se reforma, prêt à affronter le désert pour atteindre le Sanctuaire. Ils quitteraient la ville dès le lendemain au plus tôt du jour...

Cela donna l'occasion à la Gaelig d'arranger encore quelques préparatifs mais cette fois, hors de question de passer des heures sur des courriers. L'esprit resta focalisé sur le lendemain. Manquer le départ une fois était déjà une honte pour la vétérante... Alors elle ne voulait même pas imaginer le faire une seconde fois...
A défaut de courriers donc, Eavan alla s'offrir le luxe d'un bain et alla acquérir quelques étoffes de tissus pour mieux protéger son visage des rigueurs du soleil et du sable. On lui avait conté des conditions terribles et la vicomtesse prit conscience de la chance qu'elle avait eu que sa "poursuite" ce soit tout à fait bien passée.

Le soir, passant près du comte de Cassis, elle lui fit part d'une réflexion qu'elle s'était faite en passant au souk.


Cher ami, avez vous trouvé les chevaux efficaces ? Les marchands d'ici ne semble jurer que par leurs grandes montures bossues... Je crois qu'ils la désignent djemel*. Peut être des montures locales seraient elles le mieux ? Qu'en pensez vous ?

Ce qui était certain, c'est que cet animal, dont on lui avait traduit le nom comme "camelus" mais aussi "dromadaire", semblait n'avoir aucun problème d'avec les rigueurs du climat et du désert.



*Note : dromadaire de travail en arabe ; dromadaire du Caucase

_________________
Arystote
Vingt huitième jour de voyage

Deux jours, il leur avait fallu près de deux jours pour rejoindre Alexandrie... Aucun des deux Champlecy n'arrivaient à comprendre les explications du guide. Mettre près de deux jours à revenir d'un point atteint en moins d'une journée...

Certes, alors qu'ils avaient longé la côte à l'aller, ils s'en étaient éloignés sur le trajet du retour, au point tel que pendant des heures, le sable avait été leur seul horizon. Ils avaient tourné en rond un moment.

Il y avait eu cet incident aussi, avec le cheval d'Arystote qui s'était immobilisé tout en poussant un hennissement à vous rendre fou. Les coups que le Comte de Cassis infligeait à ses flancs n'y changeaient rien. Ce n'est que lorsque l'un des hommes qui les accompagnait, pointa du doigt le sable devant la monture, que le Champlecy comprit ce qu'il se passait. À quelques pas des sabots avant du cheval, se tenait, au sol, une bête guère plus grosse qu'une main d'enfant. Les reflets du soleil faisaient étinceler sa carapace noire tandis qu'une queue menaçante se dressait à l'arrière de la créature. Deux pinces aussi noires que le reste de son corps laissaient, elles aussi, craindre une attaque. Arystote n'eut que le temps de grimacer de dégoût avant que l'homme, qui leur avait signalé cette présence, n'abatte son cimeterre dans le sable, sectionnant l'animal.

Pourtant, ni cet évènement, ni le fait qu'ils aient tourné en rond quelques heures, ne semblaient justifier chez les Champlecy un retard d'une journée.
Aussi, lorsqu'ils franchirent de nouveau les portes d'Alexandrie, le comte maugréait encore et ne se dérida que lorsqu'ils retrouvèrent Eavan et Franciszek.

Au réveil il était apaisé et profitait de nouveau de son séjour en admirant chaque parcelle de ce pays si différent de tout ce qu'il connaissait. La veille il avait remarqué que même les étoiles n'étaient pas tout à fait les mêmes, en cela que certaines constellations connues ne lui apparaissaient plus et qu'il en apercevait des nouvelles.

Comme il se l'était promis, il fit un tour sur le souk afin d'effectuer un dernier achat : un cimeterre pour Eavan. Alors qu'il la cherchait pour la lui offrir c'est elle qui vint vers lui évoquant l'idée de changer de monture. Il ne pouvait pas dire qu'il avait apprécié le voyage à cheval les deux jours précédents mais cette idée ne l'enthousiasmait que peu.


- Euh... c'est pas plus haut qu'un cheval ce truc ? Et vous avez-vu leurs drôles de bosses !? C'est vrai qu'ils ont l'air de tenir le coup mais je leur trouve un air moqueur vous ne trouvez-pas ? Enfin je ne sais pas trop...

Il ne fallut que peu d'arguments à la Vicomtesse pour le convaincre. Au fond de lui il était conscient de n'avoir aucun argument objectif à lui opposer si ce n'est son appréhension. Il fut donc décidé qu'ils partiraient à dos de dromadaires jusqu'au Sanctuaire.

- Ils ont quand même une bien drôle de manière de se déplacer. J'ai croisé une... une caravane - voilà c'est le mot que je cherchais - sur le trajet. Oh d'ailleurs... enfin non d'ailleurs pas cela n'a rien à voir mais... enfin bref...

Et de tendre le cimeterre, emballé dans un foulard aux couleurs vives, à la Vicomtessà.

- C'est pour vous en souvenir de ce voyage ensemble !, dit-il en souriant maladroitement.
_________________
Eavan
Vingt-neuvième jour de voyage...

Le Comte avait fini par se laisser convaincre concernant les animaux... Si elle devait être tout à fait honnête, la Gaelig était enthousiaste à l'idée de découvrir autre chose qu'un cheval comme monture. Il fallait vivre l'expérience au maximum.
Un sourire contenté sur le visage, la vicomtesse écouta Arystote évoquer les caravanes avant de changer de sujet, visiblement moins à l'aise que précédemment. Le paquet en lui même était aux tons de la ville. Et déjà, au travers du fin tissu, évidemment, Eavan percevait une forme qui, si elle n'était pas familière, ne pouvait décemment pas lui être totalement étrangère.
Le regard se chargea d'une étincelle particulière. A la fois plus sérieuse et plus passionnée. Avant même de recevoir le présent et de pouvoir en estimer le poids et l'équilibre, déjà, elle savourait la forme.

Elle prit l'objet avec un côté un peu cérémonial, et défit religieusement le foulard. Jamais une arme n'était à traiter avec légèreté.

Les yeux caressèrent l'inhabituelle courbure, la forme si différente... La main alla sur la poignée, se referma sur elle, appréciant la sensation. Puis, s'arrachant après de longues secondes à la contemplation, un doux sourire aux lèvres, elle dirigea son regard dans celui d'Arystote.


Merci.

Puis d'ajouter, avec plus de douceur dans la voix.

Bien qu'ayez l'assurance que je me souviendrai de ce périple en votre compagnie, Arystote. Je n'ai aucunement l'intention de l'oublier.

La vicomtesse ajouta ensuite, plus amusée, que cela nécessiterait un entrainement particulier. Aucun doute : l'idée l'enchantait. Qui plus est, il devait exister une raison pour laquelle ces lames étaient bien plus utilisées dans ces contrées que leurs classiques lames droites, rigides et larges.
Rapidement, Eavan ceignit l'objet, étrangement fière du présent reçu. Il était certes d'une banalité affligeante d'offrir une arme à la Gaelig mais il y avait là une saveur tout à fait différente. Celle d'un souvenir partagé. De moments. D'une liberté. Cette lame avait plus de poids que tout son métal réunit. Et c'était bien mieux que le maladroit pendentif offert par son ancien suzerain dont elle soupçonnait désormais que c'eut été un vulgaire mouvement de cour maladroite.
La vicomtesse balaya ces pensées avec célérité et efficacité, préférant échanger quelques peu avec le Com quant à cette arme, son nom, l'usage qu'il en avait vu... Et cela su les occuper jusqu'à ce que tout leurs compagnons soient près.


Le départ avait été donné comme promis, bien matinal.
Les visages étaient encore un peu ensommeillés alors qu'ils passaient la porte de la Cité du Désert. Le rythme lancinant de la marche des animaux que le Comte de Cassis avait loué pour affronter les rigueurs de l'environnement désertique n'aidait guère à s'éveiller. C'était comme une berceuse. Il fallut que l'un d'eux chutât presque pour qu'ils finissent par se montrer plus alertes.

Une fois qu'elle se fut habituée à cette monture, Eavan du reconnaitre que c'était plutôt plaisant. C'était apaisant et le pas étant ample, la distance était finalement tout autant avalée qu'avec le rythme plus sec d'un cheval. Ces dromadaires, par ailleurs, n'eurent besoin d'aucune pause au milieu de la journée, là où, c'était certain, des chevaux l'auraient nécessité.
La Gaelig songea malgré tout qu'ils avaient eu énormément de chance que de venir à cette période. Les jours étaient doux sans être étouffants de chaleur et elle soupçonnait que ce ne soit pas le cas durant les mois d'été...

Contre elle, son félin pas noir mais presque, mis un peu plus de temps qu'elle à s'habituer à l'idée d'être juché sur un animal à plus de deux mètres de hauteur mais lorsqu'il se fut calmé, Eavan le vit régulièrement sortir de ses vêtements pour observer son environnement depuis diverses parties de la sellerie.

Au soir, la fatigue était là. Lorsque le moment de dormir fut venu, la Gaelig s'enroula dans sa cape et sombra rapidement dans un sommeil paisible. Définitivement, ce voyage était une vraie bénédiction pour elle. Cela faisait bien longtemps qu'elle n'avait pas enchainé ainsi les nuits calmes de repos sans interruption ni inquiétudes parasites.

_________________
Eavan
Trentième jour de voyage...

Du haut des dromadaires, le paysage défilait. Il passa progressivement du désert à des zones de verdure. La vie reprenait peu à peu ses droits. Sur la carte qu'avait pu se procurer Eavan, un fleuve apparaissait. Ou plutôt, plusieurs bras de fleuve. Ils devraient ainsi passer par des zones riches et fertiles... Ce serait peut être l'occasion de découvrir de nouvelles choses... Elle avait entendu parlé d'animaux étranges et pour tout dire, la Gaelig était toujours aussi émerveillée par ce qu'elle découvrait chacun jour.
Il n'y avait pas une seule journée sans qu'elle ne voit quelque chose de nouveau. C'était un plaisir sans cesse renouvelé.

Alors que le jour baissait, ils firent une halte. Cette fois, il y eut quelques discussions au coin du feu. Chacun apprenait à gérer leurs montures si particulières mais bien utiles. Mais cela restait un sujet de conversation inévitable.
Deux oiseaux se posèrent à proximité. Cette fois Eavan, absorbée dans son repas, ne perçut leur présence que lorsqu'ils s'envolèrent à nouveau pour se jucher sur son dromadaire pour échapper aux griffes de son félin. Autant l'animal était bien pratique pour lutter contre la vermine, autant elle sentait qu'il allait lui coûter une fortune en pigeons...
Finalement, la vicomtesse parvint à récupérer les parchemins que les volatiles transportaient et s'installa à nouveau près du feu, son chat bien installé sur ses genoux pour lire les nouvelles.


Suzanne a écrit:
Eavan,

Merci de vos nouvelles, si brèves soient-elles. Les rumeurs auront beau dire combien Alexandrie est merveilleuse, je crois que je n'irais jamais.... mais jamais n'est qu'un simple mot, n'est-ce-pas ?
J'ai quitté Marseille hier soir. Un trop plein de tout, un coup de tête, une sensation d'étouffement absolu. Diane n'en sait encore rien. je vous saurai gré de ne pas lui en faire mention, si toutefois vous avez des nouvelles avant que je ne lui écrive.

Je ne sais guère où mes pas vont me mener, mais je sais que j'ai besoin de m'éloigner de ce qui devenait un carcan.
Vous êtes donc sur le chemin du retour ?
Puisse ce message vous trouver en pleine forme.

Amitiés

Suzanne


Eavan se mordit la lèvre. Elle n'aimait guère l'idée de devoir cacher quelque chose à Diane. Cela dit, pour l'instant cela ne posait pas de problème. La marseillaise ne lui avait pas encore répondu, elle avait donc une excuse pour ne pas lui transmettre immédiatement l'information. Elle comprenait la sensation d'étouffement... Mais cela valait il la peine de partir "comme un voleur" ? La Gaelig n'avait pas à juger et se contenta d'espérer qu'elle reverrait Suzanne et que son besoin d'éloignement n'était que passager.

Kyrahn a écrit:

Chère Eavan,

Quel bonheur d'avoir de vos nouvelles et surtout de vous savoir si heureuse de votre voyage.

Je tiens à m'excuser de ne vous avoir écrit plus tôt, surtout pour vous remercier de votre gentillesse à mon égard en ce jour où vous étiez près de moi par la pensée. Diane m'a bien bien soutenue dans les épreuves qui ont suivies ... Voyez-vous, je suis moi-même partie en voyage..... ma confiance ayant été quelque peu abusée, j'ai eu le besoin de m'éloigner de Marseille quelques jours. C'est une histoire que je vous conterai lorsque nous nous reverrons enfin.

J'ai bien des regrets finalement de ne pas vous avoir accompagnée et voir de mes yeux ce que votre plume me fait si bien rêver... ces paysages, ces couleurs et même ces animaux étranges que j'arrive à peine à imaginer. Mais je le redis, je suis heureuse pour vous ... heureuse de vous savoir encore capable de tant d'émerveillements.... Oh Eavan, que j'aimerais être aussi forte que vous !

Je ne peux que vous dire à quel point je suis impatiente qu'enfin nous nous revoyons.

Prenez le plus grand soin de vous et sachez que je pense beaucoup à vous.

Amitiés,

Kyra


Un doux sourire remplaça l'expression inquiète formée après la lecture du premier courrier. Bien qu'elle eut un léger froncement de sourcils à l'évocation d'un abus de confiance dont aurait été victime Kyra, elle sut reconnaitre tout à fait la jeune fille au travers des lignes. Si l'affaire avait été grave, l'impression qu'en avait Eavan était que la jeune marseillaise avait su encaisser. Mais bien sur, elle saurait bien revenir sur le sujet à son retour.
Un petit rire bref mais amusé franchit les lèvres de la Gaelig. Elle n'était pas forte. Pas plus forte qu'une autre en tout cas. Elle trouvait cela un peu attendrissant d'être tant regardée comme un exemple. Mais cela lui rappelait aussi qu'elle devait être particulièrement vigilante. L'impatience était partagée, de cela, elle était certaine. La vicomtesse avait hâte de discuter à nouveau avec Kyra et de tenir enfin ses promesses...

Le temps qu'elle lise ses courriers, chacun avait rejoint sa couche. Eavan s'allongea à son tour, adressant une prière à Dieu. Elle lui demandait de veiller sur les deux expéditrices. Celle qui s'éloignait et celle qui attendait son retour.

_________________
Eavan
Trente-et-unième jour de voyage...

Finalement, progresser dans le désert s'avérait parfois plus simple que de devoir progresser entre les bras de fleuve. La végétation rendait les choses parfois difficile et le sol semblait à certains moments, vouloir les engloutir tout simplement. Eavan retrouvait parfois des élans de commandement militaire, dictant quelques consignes ça et là, comme elle le pouvait. Mais dans l'ensemble, elle n'avait pas à en abuser. Ses compagnons de route n'étaient pas manchots.
Après une longue journée, assez éprouvante face à ce nouvel environnement, l'annonce du bivouac fut un soulagement pour tous.

Le regard, bien sur, n'avait guère cessé d'être émerveillé. Certains oiseaux arboraient des plumages extraordinaires notamment et l'idée que cela puisse faire une jolie parure fit son petit chemin dans l'esprit de la Gaelig. Heureusement que ces animaux, la vicomtesse n'était pas de ceux qui cherchent à montrer l'exotisme de leurs voyages. Nul besoin donc d'aller essayer de chasser cela pour quelque gloriole personnelle. Mais quand même, nul doute que cela serait tout bonnement magnifique. Qui sait, peut être trouverait elle quelques plumes délaissées à l'occasion...

Autour du feu de camp, à nouveau, un volatile porteur d'un message à son attention parvint à la trouver.
La paix n'existait nulle part.
Absolument.
Nulle.
Part.

La missive était plus formelle que les autres. Signée de la Comtesse Illustre en exercice. Si cela commençait bien, la vicomtesse s'entendit soupirer à la suite de la lecture. Fallait il vraiment que Hijo soit un problème pour elle jusqu'aux côtes africaines ? Ne pouvait on pas la laisser en paix ? Il semblait que l'Illustre avait quelques difficultés avec l'énergumène. Rien d'étonnant. La fin de la missive, cependant, fit grincer la Gaelig. Comment Zantarès pouvait elle croire qu'elle passait outre l'Etat Major ? Etait ce donc devenu tout à fait normal que de se figurer la Gaelig en comploteur traître ? Au fond de ses tripes, Eavan sentit une violente nausée la saisir. Elle avait été bien stupide de croire que des excuses publiques comme celles d'Adrian auraient suffit à rétablir sa réputation de loyauté pour Provence. Bien sur que non. Désormais on la voyait comme une sorte de franc tireur...
Il avait donc bien réussit à détruire tout bonnement sa réputation.

Un soupir plus prononcé.
Et d'aller fouiller dans ses affaires pour en tirer de quoi écrire à sa suzeraine...

Il fallut un moment à la vicomtesse pour se calmer et offrir une réponse à propos. Une mise au point, un partage d'avis, une clarification... Voilà ce que cela devait être. Inutile de trop insister sur le fait que les soupçons de sa suzeraine l'avaient blessé.

Une fois sa missive rédigée et accrochée à la patte du volatile qui s'envola à nouveau sans demander son reste, la Gaelig rejoignit sa couche et profita de ce moment pour prier un peu. Retrouver la sérénité qui l'avait envahit à Alexandrie ne serait peut être pas si simple. Il fallait vraiment qu'elle se détache de tout cela. Sa prière terminée, elle laissa son regard parcourir la voûte céleste qui s'ouvrait au dessus d'eux, magnifique. Les yeux se fermèrent finalement d'eux même...

_________________
Eavan
Trente-deuxième, trente-troisième & trente-quatrième jour de voyage...

Les paysages défilaient. Les jours aussi. Chacun semblable en cela qu'ils voyageaient tout le jour et posaient bivouac pour la nuit. Chacun différent en cela que si, à nouveau, les couleurs ocres et jaunes avaient reprit leurs droits sur la verdure, il ne passait pas une journée sans découverte, sans émerveillement.
Tout cela en était presque épuisant d'enivrement.

Il y avait aussi d'agréables conversations avec Arystote, le soir, au coin du feu, puisqu'il semblait que les échanges épistolaires se soient calmés. Il y avait là un vrai répit. Un calme qui lui permit de retrouver un peu de sa sérénité.

Avec un sourire, au moment de s'endormir, la vicomtesse songeait que c'eut été une toute autre vie que de n'avoir aucune responsabilité vis à vis de Provence. La liberté de vaquer. La liberté de ne pas avoir à se retourner.

Le rappel à l'Occident se fit au dernier jour, alors que le Sanctuaire devenait un espoir plus proche, sous la forme d'un voyageur qu'ils croisèrent, le plus simplement du monde sur les chemins.
Le moment fut étrangement amusant. Une sorte de surpris partagée passa dans leurs regards. Chacun semblait surpris en effet de voir quelque chose d'aussi familier aussi loin... L'étonnement fut si présent qu'ils en oublièrent de se saluer, comme s'ils avaient tacitement, eux et lui, décidé que se croiser ne méritait pas de briser le périple de l'autre.

Au soir, chacun eut du mal à s'endormir, malgré la fatigue. Demain, si tout allait bien, ils arriveraient au Sanctuaire. Enfin.

_________________
Arystote
Trente cinquième jour de voyage

Les montures semblaient bien plus à l'aise sur le sable et par cette chaleur que les chevaux. Arystote ne mit guère longtemps à admettre qu'Eavan - une fois encore - avait eu raison.
S'ils n'avaient longé les côtes, ils n'auraient eu que du sable à perte de vue. Heureusement pour eux, à leur droite s'étendait de la roche qui surplombait la méditerranée. Il était étrange pour le Comte de se dire qu'au-delà de l'horizon se trouvait la Provence. Il mirent cinq jours avant d'atteindre le Sanctuaire et il était alors évident qu'avec les chevaux il leur aurait fallu le double.

Si Alexandrie avait fortement dépaysé le cassidain avec son phare immense ou encore ses maisons aux toits plats serrées les unes contre les autres, le Sanctuaire n'était pas en reste. Ce n'était cette fois pas l'architecture des lieux qui le surprenait bien au contraire. Le Sanctuaire des Taureaux de Séleucos avait été découvert trois ou quatre ans plus tôt. Il n'y avait rien en cet endroit qu'un port naturel devant servir le plus souvent aux pécheurs locaux et plus rarement aux plus aventureux des navigateurs : aucune habitation, pas de phare pour éclairer les navires. Personne ne semblait vivre ici. Pourtant les lieux étaient impressionnants car devant eux, se dressait au dessus de la mer et de toute sa hauteur "le promontoire" avec à ses pieds une seule et unique bâtisse qui abritaient les caravanes marchandes. Arystote ne pouvait décoller ses yeux de la roche qui lui faisait face tel un géant de pierre. Il ne s'agissait pas de montagnes telles qu'il les connaissait. Elles ne formaient pas de chaînes, chaque rocher se dressait indépendamment des autres. Ce n'était pas un mais plusieurs géant de pierre qui leur faisait face. Certains semblaient traversés de grottes sinueuses mais le plus grand d'entre eux était là, à quelques mètres d'eux.

Ils s'y rendraient mais devaient déjà installer leur bivouac. Eavan s'occupait du feu de camp pendant qu'ils installaient les tentes. Ils n'étaient pas les premiers et ne seraient pas les derniers à fouler ses terres. On apercevait çà-et-là autour d'eux les vestiges de feux de camp de ceux qui les avaient précédés. Lorsque ce fut fait, Arystote vint saluer la caravane marchande qui logeaient au pied du sanctuaire. Ils vendaient des filets de pèche, ce qui lui promettait un voyage retour jusqu'en Provence bien plus rentable : il en prit un. En revanche les coquillages étranges qu'ils proposaient ne lui inspiraient rien de bon et il préféra s'abstenir d'un tel achat. Le soir venu c'est donc de poisson et de pain qu'il fit son repas. Le sommeil le gagnait déjà lorsqu'il vint vers Eavan.


- J'ai cru comprendre que c'est depuis ce promontoire que l'on peut se jeter dans le vide. Allons-y ensemble demain si vous êtes d'accord.
_________________
Eavan
Trente-cinquième jour de voyage...

Le rythme était lent et un certain bourdonnement d'impatience gagnait peu à peu les différents membres du groupe. Certains, bien sur, le cachaient mieux que d'autres, mais enfin, l'on sentait bien que l'on touchait au but. Finalement, passée la mi-journée, au détour d'une piste, ils retrouvèrent la mer et avec elle, le Sanctuaire.
C'était évident.
Ils étaient arrivés.

Ce roc, se dressant au dessus de ce petit cirque abrité en véritable promontoire avait sans aucun doute une part de mystique. Réelle ou fantasmée ? Allez savoir. Ce qui était sûr, c'est que la Gaelig comprenait sans peine pourquoi des gens avaient décidé d'en faire un lieu sacré.
Le Sanctuaire de Seleucos.

L'endroit, par opposition à Alexandrie, était dépouillé. Ascète, presque. La nature même y avait une sobriété remarquable. La roche était souvent nue. L'après midi avançant lorsqu'ils atteignirent le pied de ce géant de pierre, ils s'employèrent à faire bivouac. La vicomtesse prit un peu de ce temps pour arpenter la plage et explorer les divers feux de camp abandonnés au fil des ans. Il y avait quelque chose de très poétique dans tout cela, d'autant que certain étaient sobres et d'autres recélaient de listes de noms longues comme le bras, gravés sur une planche, un roc... Des noms pour garder la trace d'un passage. Elle en reconnut certain avec une pointe d'émotion.
Parmi ces voyageurs explorateurs, il y avait eu son cousin. Elle adorait le souvenir de leur longue conversation passionnée durant laquelle il lui avait raconté son périple. Ils avaient peu eu l'occasion de tels échanges et la vicomtesse savait que s'il n'y avait eu ce genre de moment privilégié, elle eut regretté de ne pas mieux connaitre Nicolas.

Son tour terminé, la Gaelig s'employa donc à trouver un emplacement pour leur bivouac : leur feu de camp. Un peu à l'écart de la plage, davantage niché dans les rochers, elle installa quelques morceaux de bois flotté acheté à bon prix à une caravane en même temps que deux filets de pêche et quelques paniers de bulots. Oui, la vicomtesse semblait d'humeur à l'achat compulsif.
Le feu prit sans problème et la Gaelig prit ensuite le temps d'organiser quelques vivres, un peu de bière en tonnelets qu'elle veilla à placer de telle sorte qu'ils soient régulièrement rafraichit par la marée, fut elle faible. Lorsque tout fut prêt, elle s'installa contre un rocher proche du feu et entama un petit travail de gravure sur pierre avec les moyens du bord.
Elle y était encore, à la lueur du feu, lorsqu'elle vit Arystote l'approcher. Posant son outillage quelques instants, elle lui sourit et plus encore même après qu'il eut parlé.


Avec plaisir. Voyons donc ce que le Très Haut nous réservera.

Eavan se souvint qu'on l'avait enjoint à ne pas sauter. Ne pas risquer le pire. Mais après tout, si son heure était venue, elle saurait l'accepter. Au fond, même, il lui plaisait de ne pas sauter seule. Son cousin n'avait il pas sauté avec celle qu'il avait finit par épouser quelques mois plus tard ? Un sourire amusé se dessina sur les lèvres de la Gaelig qui refusa pour autant d'aller plus loin dans ses réflexions, souhaitant une bonne nuit de manière un peu hâtive au comte de Cassis, priant pour qu'il ne distingue pas ses joues rosir.
Lorsqu'elle fut de nouveau seule, elle reprit son ouvrage et le termina.

Tandis qu'elle s'enroulait dans sa couverture, les yeux trainèrent un instant sur son "oeuvre". "Au Lion d'Argent assis sur le sable", surmontant un lion assis pareil à celui de son blason. La marque des Gaelig.

_________________
See the RP information <<   <   1, 2, 3, 4, ..., 6, 7, 8   >   >>
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)