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[RP] Par flots et parchemins

Arystote
Trente sixième jour de voyage

Bien que les nuits soient plus que fraîches, Arystote avait dormi comme un loir. Il ne fut réveillé ni par le froid, ni par la chaleur des matinées, ni pas le bruit des vagues frappant les rochers, ni même encore par les aboiements de Platon. Il s'éveilla simplement d'avoir bien dormi et, en sortant de la tente, il cherchait déjà Eavan des yeux.

Il n'avait pas eu le temps de demander à son cousin ou au Comte de Lantosque quels étaient leurs projets pour la journée. Sans doute voudraient-ils eux-aussi se jeter dans le vide depuis le promontoire mais le Comte en restait à son projet initial qui était de partager cette expérience avec la Gaelig uniquement. Après il n'aurait su vraiment expliquer pourquoi mais au fond de lui il ne pouvait en être autrement et ça lui suffisait. Il n'était pourtant pas homme à souvent se fier à ses instincts mais lorsque le dit instinct est vécu comme une évidence, à quoi bon ne pas l'écouter ?

Tandis qu'il cherchait sa compagne de voyage, ses yeux se posèrent sur le rocher qui avait semblé attirer la concentration de la Vicomtesse de Salon-de-Provence la veille. Il esquissa un sourire en lisant les mots qu'elle avait gravé, elle n'aurait pu mieux trouver. Et lui non plus, car il trouvait enfin celle qu'il cherchait.


- Bonjorn, bien dormi, demanda t-il en souriant, ce qui n'était guère compliqué. Bien qu'il ne s'en rendait pas compte lui-même, il souriait chaque fois qu'il la voyait et comme ils voyageaient ensemble, quasiment tout le temps donc.

- Comme je n'aimerai pas mourir, le ventre vide, je vous propose de manger avant d'y aller. Il tenait dans ses mains une canne à pêche bien décidé à attraper de quoi sustenter tout le monde. Arystote était un chasseur plutôt moyen mais ayant grandi à Cassis, il maîtrisait bien mieux l'art de la pèche. C'est un art plus populaire mais il avait eu un bon professeur en la matière. Michel et lui s'étaient si souvent enfui de Cassis pour qu'Arystote puisse éviter les cours qui lui étaient prodigués ; et chaque fois ils se rendait tous les deux au port pour y emprunter une barque et pêcher. Aussi, pour une fois, le Comte de Cassis gagné son pari et apporter jusqu'au feu de camp de quoi nourrir tout le monde.

- Au fait, bravo pour le nom du feu de camp ! ajouta t-il en levant son pouce vers le haut.

Ce n'est qu'après la sieste (essayez-d'entreprendre l'ascension d'un rocher dans le nord de l'Afrique à l'heure ou le soleil est à son zénith) qu'ils purent enfin se rendre au promontoire. Arystote ne sachant trop quel parcours il leur faudrait entreprendre pour atteindre le sommet, avait décidé de laisser Platon à Guilhem quelques heures. Ils se rendirent à la cabane des caravanes marchandes où on leur indiqua, juste derrière celle-ci, l'entrée des escaliers qu'il leur fallait emprunter pour atteindre le sommet du rocher. Voilà qui leur faciliterait la tâche. Arystote avait déjà entendu parler de fous qui grimpaient à même la roche, mais il n'aurait guère été enthousiaste de devoir en faire autant. Quitte à mourir il préférait que ce ne soit pas par erreur... Aussi fut-il soulagé en apercevant les premières marches.


- Après vous ! dit-il en se disant qu'au moins si elle tombait, il pourrait la rattraper. Il soupçonnait qu'elle ne soit pas parfaitement remise de son agression ou de ses derniers combats.

Si les premières marches étaient relativement larges et régulière, le soulagement éprouvé en apercevant un escalier de pierre fut de courte durée. Après une dizaine de marches, au premier tournant, plus aucune d'entre elles ne se ressemblaient. Que ce soit la hauteur des marches, leur largeur ou même leur profondeur, rien n'était régulier et il fallait prêter attention à chaque pas ; d'autant qu'aucune rambarde n'avait été conçue en soutien. Il faut dire que les marches étaient sans doute plus vieilles qu'Hersende elle-même, ce qui tenait du miracle. Elles devaient dater de l'Antiquité, par endroit elles s'étaient effritées ce qui rendait les déplacements plus difficiles encore. Tout le promontoire était visiblement le vestige d'un passé ancien, de peuples peut-être éteints comme ça avait été le cas pour les latins, ou les grecs anciens. Le travail avait donc été manuel et bien que difficilement praticable, on ne pouvait pour autant ne pas saluer le travail que cela avait dû représenter. D'autant que cet escalier contenait un nombre incalculable de marches. Le Comte de Cassis avaient arrêtés de les compter à mi-chemin, à la trois-cent-soixante-treizième marche. Il s'était laissé entraîner dans son désir de discuter avec Eavan, de partager ses impressions sur les lieux.


- Si ça se trouve c'est plus vieux que les architectures de Rome... J'ai bien fait de ne pas emmener Platon, il aurait été capable de nous faire choir. Vous me direz c'est justement pour ça que nous sommes en train de grimper ces marches...

Il n'aurait su dire combien de temps il leur fallut pour atteindre le haut. Il avait été nécessaire de s'arrêter deux ou trois fois pour reprendre leur souffle et boire de grandes rasades d'eau. Parfois, Arystote se taisait et laissait son regard parcourir aléatoirement le paysage ou la silhouette de son amie. Il la trouvait plutôt jolie en armure mais n'étant plus en armée elle n'avait nul besoin de continuer à en porter, ce qui permettait au Comte de Cassis de se rendre compte qu'elle était encore plus belle sans. L'autre changement qu'il avait pu observer venait de leur relation. Ils étaient amis sans aucun doute, ils se le disaient et étaient l'un et l'autre sincères, il n'en doutait point. Pourtant, il n'avait que peu eu le loisir de se croiser en dehors des assemblées, des conseils et des cérémonies ; ce qui les forçait à ne jamais se montrer trop familiers. Lorsqu'il avait emmménagé sur Arles, ils auraient dû pouvoir en profiter lors des moments où l'un et l'autre étaient dans la même taverne. Malheureusement, ils n'avaient pas eu le loisir d'en profiter leur attention étant sollicité en permanence par la bêtise des autres. Quitter la Provence leur avait donc permis de prendre de la distance avec les ombres qui obscurcissaient leurs esprits, leur permettant de se découvrir moins soucieux qu'à l'habitude. Il aimait leurs sourires parce qu'être heureux faisait du bien.

C'est le constat que faisait Arystote lorsqu'il vint poser son pied sur la dernière marche atteignant enfin le sommet, quelques secondes après Eavan : il était heureux, c'était une belle journée pour mourir.

_________________
Eavan
Trente-sixième jour de voyage...

Les yeux s'ouvrir tôt.
Le sommeil avait été léger.
Demain le saut.
Aujourd'hui le saut.

Soucieuse de ne pas réveiller ses compagnons, la Gaelig avait quitté sa tente pour aller marcher un peu le long de la plage. Marcher. Et prier. La vicomtesse était un savant mélange d'excitation et de sérénité. L'un car enfin, elle allait réaliser pleinement ce projet de voyage. Enfin. Le Sanctuaire était une réalité et non un rêve éloigné. Ca y était. L'autre car, ce voyage avait enfin réussi à l'apaiser. Avoir du temps pour soi était un luxe qu'elle n'avait plus eu depuis des années. Etre elle même aussi et pas seulement la noble, pas seulement la femme d'armes.
Il était si agréable de n'avoir que très peu de règles à s'imposer.

Et enfin. Lui.
Arystote de Champlecy.
Une surprise certaine de ce périple. Une découverte de plus peut être.
Il lui semblait qu'elle n'avait plus été proche d'un homme depuis des années. Exception faite de Felipe, qui n'était pas un ami comme il aurait pu l'être puisque le hiérarchique était une part pleine de leur relation. Il était son subordonné. Ils n'étaient pas réellement égaux. Et en dehors du salonais, les rangs des hommes qu'elle avait près d'elle étaient minces.
Tout ceux qu'elle avait laissé s'approcher l'avaient ou blessée, ou déçue. Aussi.

Lorsqu'elle revint vers le feu de camp, Arystote était là. Souriant, et aussitôt elle le fut aussi. Léger signe de tête. Et la proposition de manger fut acceptée. Elle le vit s'éloigner, canne en main et sans raison particulière, cela attendrit un peu Eavan. Etait ce parce que lui, né noble, tenait aussi à se charger du rôle de sustenter leur petit groupe de ses propres mains ? Etait ce parce qu'irrémédiablement, la pêche éveillait des souvenirs d'enfance chez la vicomtesse ? Peut être un peu des deux. Ce qui était certain, c'est que la Gaelig appréciait de voir en Arystote davantage qu'un comte et aussi une personne... Certains nobles peinaient clairement avec ce double rôle. Et ce sujet fut rapidement écarté des pensées vicomtessales au risque de lui infliger un mal de crâne.
Tandis que le comte péchait, Eavan l'observa de loin. Lorsqu'il fut clair qu'il avait attrapé ce qu'il fallait, elle prit un petit moment pour prier, le temps qu'il ne revienne au camp. Puisqu'en ce jour elle allait sauter d'un promontoire rocher, autant soigner la manière dont elle s'adressait au Très Haut et se recommandait à Lui. Sait on jamais.

Le commentaire concernant le nom du feu de camp, tandis qu'ils terminaient de préparer leur repas tira un doux sourire aux lèvres d'Eavan.


Merci.

Ne sachant trop que faire du compliment, elle en resta là et ils se restaurèrent en échangeant quelques banalités. Le promontoire était il haut ? Quelle serait la vue ? La Gaelig en profita pour raconter à Arystote la vue depuis les grottes surplombant Toulon, celles là même où Sainte Marie Madeleine s'était retirée.
Ce ne fut finalement que tardivement qu'ils entamèrent l'ascension. Mais après tout, peu importait qu'ils arrivent tard au sommet, la descente serait rapide et nul besoin de la lumière de l'astre solaire pour distinguer le chemin. La gravité serait leur guide.

Pour l'heure il fallut lutter un peu contre elle. Ouvrant la voie, d'un pas assuré, la vicomtesse apprécia l'exercice. Et pourtant, elle sentit aussi à quel point la vie en mer pouvait avoir affaiblie ses jambes. C'était d'ailleurs sans compter la petit pointe lancinante dans la cuisse gauche qui se plut à se rappeler à son bon souvenir.
Il fallait souffrir pour être belle.
Et aussi pour atteindre le sommet.
L'avantage d'une vie de gens d'armes, c'est que la souffrance, elle avait apprit à faire avec et croyez le ou non, passé le cap des jambes lourdes, Eavan trouva à cette douleur un coté libérateur. Cela ne l'empêcha pas, bien sûr, de faire un petit pas de travers dans la seconde moitié de l'ascension. Rien de bien préoccupant mais ce fut l'occasion de sentir la main d'Arystote dans son dos un bref instant. Présent pour la soutenir et discret à la fois. Il ne commenta d'ailleurs pas, ce qui fut un soulagement pour la Gaelig.
Au lieu de cela les échanges furent d'architecture, d'histoire et d'animaux de compagnie.


Sauter et choir sont deux choses différentes cher Ami. L'un a du panache et l'autre non.

Léger sourire.

Et nous sauterons avec panache cela ne fait pas l'ombre d'un doute. Entre vous et moi, il ne peut en être autrement.

C'était simple.
C'était bon.
C'était bien.

Après une dernière pause non loin du sommet, durant laquelle la Gaelig s'était essuyée le front de sa manche et avait bu à sa gourde avec soif, oubliant tout à fait les usages nobiliaires pesant, ils reprirent l'ascension. Le pas fut plus décidé encore. L'on sentait le bout du chemin poindre.

Toujours prenant la tête, Eavan arriva en haut, presque surprise. Il y avait là un système de lentille permettant sans aucun doute de voir un emplacement sur le flanc d'un autre promontoire et surtout, il y avait la falaise. Et par dessus tout, il y avait les couleurs de la fin d'après midi.
Se redressant, appréciant l'air contre ses vêtements imbibés de sueur, la Gaelig éclata de rire. Un regard par dessus son épaule et elle vit Arystote la rejoindre.


N'est ce pas magnifique !

Une profonde inspiration pour gonfler ses poumons de cet air libérateur.
Une main alla détacher ses cheveux et les ébouriffer comme l'aurait fait son père lorsqu'elle était enfant. Eavan se sentait libre à cet instant. Et c'était un sentiment jouissif.
Après un moment de contemplation, elle eut un nouveau regard pour Arystote et tendit simplement sa main. Elle était prête à sauter. Le grand saut aurait on pu dire.

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Arystote
Trente sixième jour de voyage...

Le sommet enfin et elle avait raison, c'était magnifique.


- Magnifique, c'est le mot lâcha t-il moins pour les dunes de sable, la crique rocheuse, les sommets alentours ou l'étrange mécanisme qui se trouvait là ; que pour Eavan qui lui faisait face les cheveux lâchés aux vents. Ils redessinaient ainsi les contours de son visage adoucissant celui-ci, moins que son sourire certes, mais il ne la voyait pas souvent ainsi.

Il sourit, reprenant lui aussi son souffle et posant enfin son regard sur les alentours. Très vite, animé d'une curiosité enfantine, il se précipita pour jeter un œil à travers la lentille dans l'espoir d'observer l'autre rive. Il trouvât l'objet fort lourd et peu maniable. Déçu, il opta pour observer le paysage avec ses propres yeux.

D'en haut, ils ne voyaient qu'à peine le refuge des caravanes marchandes et les vestiges des campements semblaient n'avoir jamais existé. Les vagues qui, sur la plage glissaient lentement, venaient se heurter avec plus de violence sur la rive d'en face, visiblement plus escarpée.

Arystote allait regarder en bas quand il sentit une main se glisser dans la sienne. Il lui sourit et resserra ses doigts autour des siens avant de s'élancer avec elle leurs corps fendant l'air en direction du sol.

La chute fut brève et pourtant il en ressentit chaque millième de seconde dans tout son corps, le soleil pointait encore et l'éblouissait. Il avait l'impression que l'eau en contrebas était tapissée de pierres précieuses aux milles couleurs.

Et son corps heurta l'eau fraiche de la mer ce qui eut pour effet de lui faire lâcher la main d'Eavan. Il tendit son bras pour essayer de rattraper cette main qu'il ne voyait plus. Il était tombé dans l'eau à pleine vitesse dans une eau trop peu profonde et une vague le détourna de sa tentative en frappant de plein fouet son dos. Le Comte de Cassis, écrasé par le poids de la vague se retrouva plaqué contre le sable au fond de l'eau.

Provençal de naissance il savait que dans ces cas-là, il fallait rester calme et taper le sol de ses pieds pour remonter ; sauf que ses jambes ne répondaient plus à ses appels. Il ouvrit les yeux malgré l'acidité du sel, battant nerveusement des bras. En vain. Il ne voyait rien, tout restait flou et il ne bougeait plus. Pire, il sentait l'eau s'insinuer dans ses narines et ne parvenait plus à retenir son souffle.

Une belle journée pour mourir, s'était-il répété plus comme une blague quand y croyant vraiment. Et il allait pourtant perdre la vie ou peut-être pas. Il apercevait dans le flou de l'eau le visage souriant d'Eavan. Elle lui venait donc en aide...

...


- Maintenant, le temps est venu pour toi de faire ton choix*.

Il n'avait pas entendu cette voix depuis tant d'années. Il n'aurait pas su se souvenir seul de son timbre doux et ferme à la fois. Il avait oublié cette voix et tout le reste, le temps avait rendu ses souvenirs si vaporeux...

Le visage de sa mère semblait se dessiner devant lui formés des rayons du soleil à travers l'épaisseur de l'eau.


- Si c'est un bon yueeliste il faut qu'il prouve qu'il existe**, il va repartir c'est certain disait à présent le défunt curé de Brignoles.

- Meuh non, il va rester avec sa marraine et... ce qu'il est mal habillé, c'est pas un Cianfarano celui-ci... va falloir reprendre les bases avec tonton, se moquait Prunille accompagnant ses mots d'un rire perché, tandis que la voix éthérée et mélancolique d'une déesse provençale murmurait des mots déjà lus.

- A la seule lumière d'une Aube. D'un cœur qui respire.

Un cœur qui respire... Et au son de ses voix, il sentait que son cœur respirait encore.

- Maintenant, le temps est venu pour toi de faire ton choix*., entendit-il de nouveau mais d'une voix sourde et sombre qu'il n'avait jamais entendu auparavant.

- Tu peux décider d’accepter la mort. Dans ce cas, je jugerai toute ta vie, les moments où tu as su œuvrer pour la vertu et ceux où tu t’es détourné d’elle. Si, alors, Je juge que tu le mérites, tu rejoindras les élus pour une éternité de joie et de bonheur. Mais si Je juge alors que ta vie n’a pas été assez vertueuse, tu connaîtras une éternité de tourments en Enfer. Mais, si tu penses que ton temps n’a pas encore été accompli, que tu n’as pas encore fait tes preuves devant Moi, tu peux décider de revenir à la vie.*

Cette voix était distincte mais plus aucun visage de lumière ne lui apparaissait. Il était de nouveau seul, dans une eau sombre sans aucune possibilité de se mouvoir. Arriverait-il seulement à bouger les lèvres pour faire son choix ? Et que choisir ?

L'eau disparut. Au lieu de ça, il était à présent sur les bords du Rhône, à la sortie d'Arles devant un campement militaire s'apprêtant à rejoindre une amie. Il avançait le long des tentes accompagné de Felipe... Pourquoi était-ce donc ce souvenir qui lui revenait ? Les deux hommes entrèrent dans la tente où Eavan se tenait vêtue d'une simple chemise, l'air soucieux qu'il lui connaissait trop mais qui en cet instant illustrait à elle seule la mélancolie des tableaux italiens dont on commençait tant à parler.

Et de nouveau le noir mais Arystote souriait de nouveau plaqué contre le sable. Et enfin, il sentit ses jambes qui lui répondaient. Il tapa le fond marin de ses pieds se laissant tranquillement remonter à la surface. Une énergie nouvelle l'animant il réussit à rejoindre la plage en nageant ne sachant trop s'il avait réellement vécu ces rencontres.

En se hissant de nouveau sur la terre ferme de ses deux jambes, il vit échoué à quelque pieds de lui, le corps inerte d'Eavan. Il se précipita aussitôt auprès d'elle, posant sa tête contre son cœur dans l'espoir d'y percevoir un battement tout en murmurant entre ses dents :


- Cela ne sert à rien si elle n'est plus là.

* Extrait du Livre des Vertus, livre de l'Eclipse, Chapitre VIII, Résurrection.

** Hommage à France Gall dont la chanson "Résiste" avait été utilisée pour l'hymne des Yueelistes, un ancien courant politique provençale dans le jeu.

Les dialogues mettent en scène d'anciens personnages joués des royaumes renaissants ; Miladyw, Yueel, Prunille et Duchessesherry.

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Eavan
Ils s'élancèrent.
Les couleurs du ciel resteraient à jamais graver en elle. C'était si beau.
Volèrent ils ? Peut être ? Non, sans doute que non, et pourtant c'est ainsi que le ressenti la Gaelig. Voler. Etre libre. Totalement et absolument. Et puis, comme prévu, la gravité les assista dans leur descente.
L'air contre son visage, son corps. Vu d'en haut, la mer ressemblait à un miroir aux mille et une facettes. Mais rapidement, elle lui avait préféré le ciel, si grand, si pur, si ouvert.
Sans doute possible, il y eut un choc humide et quelque peu sourd. Cela résonna en elle telle une onde.


Le décor ressemblait à Toulon. Mais peut être n'était ce pas Toulon ? Son coeur lui disait que si. Pour ses yeux c'était le flou et ce n'était pas grave. L'instant était serein. A côté d'elle, une silhouette familière, assise comme elle, les jambes pendantes dans le vide. Sans doute au dessus des flots. Mais ça non plus ne semblait pas importer. Finalement, la seule chose importante c'était la présence près d'elle.


Ma fille es tu heureuse ?

La question avait coulée, naturelle. La voix était celle d'un vieil ami. Cela faisait bien longtemps qu'elle voulait s'entretenir avec lui. Il semblait concerné. Il était toujours concerné. Cela faisait parti de cette tendresse qui émanait de lui. "Mon point faible, c'est l'Amitié", aimait il citer. Cela lui allait si bien.

Je pense que oui.

La réponse avait été aussi naturelle que la question. Eavan ne cachait rien au vieil évêque. Au delà de la confesse, il était de ceux auprès de qui elle savait pouvoir mettre son âme à nu.

Pense tu avoir quelque chose à me confesser ?

Il y avait une pointe un peu enfantine dans la question. Une simplicité. Et pourtant la voix était bien celle ayant servie tant d'années que cela ne pouvait que s'entendre.

Mon Père, j'ai péché par Colère. Léviathan me guette et il suffit parfois du plus léger relâchement pour qu'il creuse son nid dans mon coeur. Mais je lutte... Je lutte tant que je peux.

Ah... La Colère... Ce n'est pas nouveau, n'est ce pas ?

Non. En effet, ça ne l'est pas.

Il y eut un petit silence et Eavan avait les yeux un peu baissés. C'était bien là ce qu'on aurait pu appeler un "péché mignon" la concernant. La Colère. La passion en était si proche. A chaque fois qu'elle avait le sentiment d'avoir surmonté cela, un évènement l'écorchait vive à nouveau et elle repartait pour des cycles de luttes.

Et la Luxure ?

La question était posée d'un ton léger, comme si elle n'avait rien sous entendue, comme si, d'entre tous, il avait choisi cela au hasard. Mais l'un et l'autre savaient que ce n'était pas le cas. La dernière fois qu'elle s'était confessée auprès de lui, elle lui avait raconté comment un Amour platonique ne l'avait plus tant été, à l'abri de sa tente lorsqu'elle dirigeait l'Ab ira leonis devant les murs d'Arles. Son Ami, son Poète était devenu son Amant. Et si l'Amour était pur et de cela elle ne doutait pas, pas plus maintenant qu'à l'époque, jamais il n'avait été plus loin que cela. Cette nuit n'avait pas été suivie de projets de famille, de foyer. Le mariage qu'elle espérait n'avait jamais été demandé.
Elle avait fait le deuil de cela. Sans animosité. Sans colère. Où est la trahison lorsqu'il n'y a nulle promesse ? Pourquoi vicier un Amour de Colère ? Il n'y avait pas de raison. Ainsi, cet Amour se promettant stérile, elle avait tâché d'y renoncer. Oh bien sûr cela n'avait pas été sans douleur, ni immédiat. Mais finalement, elle avait été en paix, le coeur de nouveau entier.
Et pourtant la question lui tira un peu de rouge aux joues. Comment cacher quoi que ce soit à son vieil ami ? Si elle pouvait se mentir parfois à elle même, mentir à celui qu'elle voyait comme une figure paternelle lui était impossible.


Pas en actes, mais en pensées...

T'abandonner au péché de chair n'a jamais été de ton genre ma fille...

Il y avait un peu d'intrigue dans la voix, une sorte de surprise. Aucun jugement.

Oh non ! Pas comme cela... Je veux dire... Je...

Ce qui commença empressé ne sut se terminer.

Tu ?

Eavan releva son regard, pensive. Dans le creux de sa main, une douce chaleur. Une familiarité. En fermant les yeux, elle voyait les siens. Observateurs sans être inquisiteurs. Attentifs sans être dans l'apitoiement. Admiratifs sans être enfantins. Du moins, plus maintenant. Autrefois peut être. Plus maintenant. Son regard, alors que le vent fouettait son visage et battait dans les cheveux qu'elle avait libérés. Sa voix comme un fil apaisant, jusque dans ses plus profonds moments de colère. Etait elle innocente en haut de ce promontoire lorsqu'elle s'exposa à son regard ? Un peu. Mais pas tout à fait. Définitivement, elle aimait lorsque son regard la détaillait, aussi discret pensait il être. Ah, la naïveté de la jeunesse. Un petit sourire étira le coin de ses lèvres.
Le très léger raclement de gorge de son voisin parvint à l'arracher à ses divagations. Et elle rougit cette fois plus franchement, sous le regard affectueux et amusé d'Aymé.


J'aime.

Ses mots n'éveillèrent aucune surprise sinon un sourire sincère et doux ainsi qu'une lueur dans le regard du vieil homme. Il savait. Forcément. Il ne pouvait que savoir.

C'est un homme droit. Il a ses défauts, mais il est droit. Et loyal.

Courageux ?

Eavan se pinça la lèvre un peu soucieuse à cette question. N'était ce pas là sa plus grande peur ? Avoir des sentiments pour un autre lâche ? Et s'il l'était ? Non... Il lui fallait lui laisser une chance.

L'avenir me le dira.

Aymé pencha la tête, comme un peu intrigué par cette réponse. Un peu surpris, peut être.

Tu es prête à te laisser à nouveau une chance d'aimer ?

Bien sûr !

Le sourire sur le visage ridé de l'évêque se fit tendre. Eavan n'avait laissé place à aucune hésitation et il lui semblât que son Coeur avait été plus prompt à répondre que sa Raison.

Il est jeune, ajouta-t-elle sans trop savoir pourquoi.

C'est un problème ?

Non. Léger silence. Je ne sais pas...peut être ?

Et pourquoi ?

Il pourrait vouloir un parti plus jeune, se lasser peut être... Je ne sais...

Le crois tu ?

Non.

La main d'Aymé se posa sur son épaule.

Tu as la foy. Tu l'as toujours eu. Et la jeunesse a ses avantages...

Après un début de sourire, Eavan vira rouge pivoine malgré le ton neutre de son confesseur. Sa réaction tira un petit rire au vieil homme. Lorsque le rire s'éteignit, il y eut un nouveau silence. Eavan sentait la chaleur dans le creux de sa main se dissiper peu à peu et cela la désemparait sans qu'elle ne puisse l'expliquer.
Il lui manquait quelque chose, c'était certain. Impérieux.


Tu veux le rejoindre ?

Je le dois.

En peu de temps, elle était passée de sereine à presque suppliante. Puis soudain, une sorte de réalisation la frappa et son vieil ami toulonnais la regardait avec plus d'Amour dans le regard qu'il n'en avait jamais eu. Sauf qu'Aymé Von Frayner n'était plus parmi les vivants.

J'hallucine n'est ce pas ?

Déjà une fissure apparaissait dans la voix. Le regard alla au décor. C'était Toulon. Mais pas seulement. La houle qui s'écrasait et se déroulait était bien trop puissante pour Mare Nostrum, même dans ses plus grands jours de colère. Non. Il y avait quelque chose de chez elle dans ce décor. Les vagues, les tempêtes, les rocs à vifs... Il y avait Toulon et il y avait son île. Définitivement, elle hallucinait.

Quelque peu en effet.

Là où il n'était désormais que sérénité tranquille, Eavan sentait les larmes lui monter aux yeux et il n'y avait bien que sa présence et son aura de douceur, toutes fantasmées soient elles, pour l'empêcher de s'effondrer du double manque qu'elle ressentait.

Tu me manque, lâcha-t-elle d'une voix étranglée.

Je suis toujours avec toi.

Je sais.

Retourne auprès de lui.

A ces mots, et comme s'ils avaient été d'une clarté absolue, Eavan jetta un regard par dessus son épaule. Le Rhône. Les parfums de la Camargue et de la Crau, ces plaines balayées par les vents et imbibées d'une humidité fertile.
Ils étaient debout. Derrière eux, nulle falaise, nulle mer, nul océan. Le choix était fait, après tout. Dans un élan, elle le prit dans ses bras. Se l'était elle seulement permit ainsi de son vivant ? L'étreinte fut paternelle en retour. Protectrice aussi. Puis elle le relâcha.


Les yeux s'ouvrirent.
Le ciel était toujours aussi beau.
Et Arystote aussi, quoi que l'inquiétude lui vieillissait un peu les traits. Cela ne lui allait pas, l'inquiétude. Le pauvre semblait trempé et des gouttes salées tombaient du bout de ses cheveux sur le visage d'Eavan. Ou alors cette eau salée coulait elle du coin de ses yeux à elle malgré son doux sourire ?
Ou les deux.
Et en son fort intérieur, d'offrir une nouvelle réponse à la première question.
Je le suis.

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Arystote
Il entendait nettement le son du vent, celui des vagues qui recouvraient le sable, mais il n'arrivait pas à percevoir le son de son cœur. Peu à peu c'est un grondement sourd qui vint résonner contre les parois de son crâne. Les sons extérieurs lui parvinrent si lointains. La sidération s'insinuait en lui lentement et en aucun cas, il ne pouvait se permettre de céder à la panique. Aussi secoua t-il légèrement le corps d'Eavan dans l'espoir de la réveiller, car elle dormait. Il ne pouvait en être autrement. Pourtant, ce fut vain.

- Eavan Maeve Gaelig je vous interdis de mourir, gronda t-il les poings serrés avant de la secouer de nouveau sans que rien ne change pour autant.

Le Comte de Cassis, se maudissait de n'avoir été plus attentif aux conseils de Diane en matière d'assistance médicale et il commençait vraiment à perdre espoir.

Ce fut vain jusqu'à ce qu'elle ouvre ses yeux et sourit ; aussi simplement que si on l'avait réveillé de sa sieste. Et Arystote resta interloqué un moment à la regarder sourire telle une Sainte revenue à la vie par la grâce du Très Haut et lui accordant sa bénédiction.

La joie fit très vite place à cet instant de paralysie et il se pencha vers elle pour la prendre dans ses bras, la serrant fort contre lui.


- J'ai vraiment cru vous perdre, parvint-il à dire mais incapable d'ajouter quoique ce soit.

Il n'aurait su dire combien de temps il la garda dans ses bras ainsi, mais il lui sembla à un moment qu'elle tremblait, à moins que ce ne soit lui. Il se leva donc avec la ferme intention de faire un feu ; et c'est ce qu'il fit après s'être éloigné de la plage pour trouver un peu de bois sec.

Lorsque les premières flammes vacillèrent au gré du vent, il vint près d'elle et sans vraiment y réfléchir, il passa un bras derrière elle l'invitant, si elle le souhaitait à se reposer sur son épaule. Il n'avait rien dit de plus pendant son ouvrage mais il retrouvait son calme à présent et le simple bonheur d'être là, loin de tout avec elle. Le soleil commençait à se coucher et l'eau se teintait des reflets de ses rayons.

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Eavan
Ces battements de coeur étaient presque douloureux.
Au dessus d'elle, les traits du Comte se firent joie et soudain, elle fut dans ses bras. La soudaineté ne fut pas dans le geste, qui fut doux, mais dans l'étrange familiarité de l'instant. Elle accueillit l'étreinte avec un sourire et ses bras allèrent même la refermer.
Des mots atteignirent son oreille. Des mots si vulnérables. Des mots qui aussitôt provoquèrent une réaction de douceur chez la vicomtesse qui transparut dans son étreinte sans pour autant qu'aucun mot ne lui vienne. Y avait il seulement quoi que ce soit à dire ?

Au creux de ses bras, son sentiment de plénitude ne faisait que se prolonger. Elle était bien. Elle était là où elle devait être, sans doute aucun.

Finalement, il la relâcha et elle le relâcha. Sans trop de hâte.
Ce n'est qu'à ce moment là qu'elle sentit la fraîcheur de l'air, ses vêtements mouillés collés à sa peau, mettant certes en avant ses formes mais l'empêchant aussi de se réchauffer. C'est aussi à cet instant qu'elle sentit de nouveau une douleur dans son corps à mesure que battait son coeur. Un élan romantique aurait pu dire que c'était de ne plus être en contact d'avec Arystote, mais en délaissant un peu l'exagération pour les choses plus prosaïque, Eavan se souvint qu'elle avait quand même fait un saut du haut d'une falaise et que son corps, naturellement, se plaisait à le lui rappeler.

Tranquillement, elle remonta un peu sur le haut de la plage tandis que le comte de Cassis s'était mis en quête de bois. Elle admirait sa présence d'esprit car elle même était bien trop dans une sphère cotonneuse faite de douces certitudes et d'un corps endolori pour songer à s'activer autant.
Et pourtant ! Quel bonheur que de voir cette lueur dansante s'élever. Quel confort que d'avoir cette source de chaleur, rien qu'à eux, pour les aider à surmonter les conséquences de leur folie !

Un bras se coula derrière elle.
Eavan était femme d'armes, d'épée même, de duels.
Elle savait bien reconnaitre une invite quand elle en voyait une.
Et rarement avait elle jamais suivie celle ci sans hésiter ni craindre la riposte.

Sa tête se cala contre l'épaule d'Arystote, comme si c'eut été la chose la plus naturelle du monde. Un doux sourire ne quittait plus ses lèvres. Le spectacle devant ses yeux était enchanteur mais le plus merveilleux de ce tableau restait la force avec laquelle son coeur battait, qu'importait l'inconfort de l'endolorissement, et la force avec laquelle elle sentait celui de son voisin battre.
A coeurs battants, rien d'impossible.

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Arystote
La mer accueillait le soleil couchant avec un calme impassible. Rien n'entravait la douceur de cette soirée et pourtant, le cœur d'Arystote battait à tout rompre dans sa poitrine. Il se sentait apaisé et nerveux à la fois. Le froid laissait place à une douce chaleur qui ne devait pas son origine aux seules flammes du feu auquel ils faisaient face.

Quand Eavan posa sa tête sur son épaule, il resserra légèrement son étreinte. Il se connaissait un côté protecteur mais, la plupart du temps, cela se traduisait par faire les gros yeux face aux prétendants de sa cousine, par la saisine de la justice si un proche ou une personne vulnérable était attaquée... Jamais encore cela ne s'était traduit par la douceur. C'était d'ailleurs la première fois qu'il prenait une femme dans ses bras.

Un sourire se dessinait sur ses lèvres tandis qu'il repensait à leur relation à tous deux. Il avait été l'enfant qu'on protège en tout premier lieu, l'orphelin adopté de la Noblesse Provençale. Ils n'étaient alors pas proche mais il avait toujours senti ce regard bienveillant qu'elle lui portait. Même quand elle assénait son poing sur la table parce qu'il agissait mal, cette bienveillance était là. Ce n'était pas de la colère froide jamais. Il n'entendait pas "Vous êtes un imbécile" mais "Vous valez mieux que ça". Il l'admirait alors et la voyait telle une sainte, un guide de vertu. C'est en grandissant qu'il avait compris que le guider vers le bon chemin était avant tout de l'amitié. Sans doute l'amitié la plus précieuse qu'il ait eu.

Il n'était plus un enfant depuis un moment déjà et s'il devait dater l'instant où il avait pris une place d'égal, il dirait que c'est lorsqu'elle lui avait jeté son gant. La Gaelig n'aurait jamais jeté son gant au Champlecy si elle ne lui avait pas reconnu ce statut, si elle l'avait encore perçu comme cet orphelin qui avait débarqué un jour à l'Assemblée des Nobles en se faisant appeler "Votre Grandeur". Honorer le duel lui avait permis de s'acquitter d'une dette à son égard. L'affronter avait été pour le Comte de Cassis reconnaître ses torts. Habituellement d'une grande mauvaise foi, il en avait été ravi et s'en était senti grandi. Ce n'est qu'après qu'il s'était autorisé à poser son regard sur elle. Bien sûr il n'y avait eu aucun calcul, il ne savait pas que son regard changerait. Il avait juste senti en lui une barrière se lever. Ne plus se définir soi-même comme un enfant capricieux, s'autoriser à être homme plutôt qu'enfant lui donner droit à prendre des chemins différents.

Et puis, il y avait eu la confession juste avant qu'ils ne partent. Pour la première fois de son existence, il avait tout dit de ses hontes, ses secrets à un homme d'église. Cette confession lui avait permis de réfléchir à ses actes, à ses mots et à qui il était vraiment. Il en était ressorti lessivé mais fier, fier d'avoir enfin pris ses responsabilités en admettant ses plus grands torts. Bien qu'il se doutait qu'Eavan n'était pas une sainte au sens strict du terme, il la savait tendre du mieux possible vers la vertu. Tant qu'il trichait de son côté avec l'Eglise, il n'était donc pas pleinement digne de son amitié et ne risquait pas de se projeter plus loin.

Et puis le voyage... et de mourir ensemble... et de finalement vivre.

Arystote pencha son regard vers elle, elle souriait.


- Vous êtes vraiment très belle quand vous souriez, lâcha t-il très naturellement brisant quelque peu le silence.

Ce voyage les avait rapprochés, ils étaient plus complices que jamais et à présent proches. Certes, mais il y avait aussi ça, cette nouvelle habitude qu'avait pris le Comte d'aimer la regarder, d'aimer les mèches de cheveux qui entouraient son visage, la douceur de ses lèvres dans ses sourires, la douceur de ses yeux qui se posaient sur le paysage mais aussi son maintien qui sans armure paraissait plus souple, plus détendu et les courbes de son corps dans ces vêtements plus légers qu'elle portait.

Ils étaient restés assis près du feu assez longtemps pour que le soleil échappe au ciel. On ne percevait pas encore pleinement les étoiles mais la lune était déjà là. Le feu ne parviendrait bientôt plus à les réchauffer assez, le vent allait se lever.


- Nous devrions peut-être rejoindre le campement, dit-il avec regret, le ton de sa voix ne cachant pas que la raison parlait mais pas l'envie.
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Eavan
La plénitude était un doux état.
Doux, mais éphémère.
Il n'y eut pas de violence, mais peu à peu, la plénitude recula, comme recule la marrée, pour laisser place à une prise de conscience plus concrète.

Ne venait elle pas de s'admettre à elle même qu'elle aimait Arystote ?

Arystote...
L'enfant à protéger.
Le capricieux à recadrer.
Le défait à secouer.
L'ami à apprécier.
Le compagnon à veiller.

L'aimer, elle le faisait depuis longtemps. A sa manière. Un peu brute. Mais pendant longtemps cela n'avait pas été un amour d'égal, mais une bienveillance d'aînée. Et puis... Cela n'avait plus été que cela. Cela avait été une amitié. Particulière car pas totalement équilibrée. Ce n'était plus elle qui se considérait comme l'aînée, mais lui qui la voyait comme telle.
Cela lui avait offert un très long fou rire dans sa tente un soir.
Et puis, finalement, leur amitié c'était équilibrée. Il n'y avait plus qu'une égalité. Le duel en était la preuve. Elle avait voulu lui faire comprendre qu'elle le considérait comme un pair, à part entière. Et que contrairement à beaucoup de ses pairs, elle croyait en lui et en sa droiture. Cela semblait avoir marché.
Là encore, c'était à sa manière. Un peu brute.

Enfin le voyage.
Cette complicité.
Cette attention.
Et ce partage enfin.

Un regard vers elle. Nouveau sans pour autant l'être tout à fait.


Vous êtes vraiment très belle quand vous souriez.

Et simplicité plus du tout enfantine.
Eavan rosit un peu. Le regard qu'elle destinait à l'horizon, vint croiser et soutenir celui d'Arystote. Elle assuma les couleurs de ses joues, comme l'attention qu'elle prit à détailler aussi les traits du comte. De lui offrir un sourire un peu plus grand.


Merci.

La vicomtesse ne trouva pas les mots, elle, pour décrire qu'il était beau ainsi. Pourtant, c'était le cas. L'homme auprès d'elle était beau. Mais la Gaelig avait non seulement perdu l'habitude d'être courtisée, mais aussi celle de courtiser. Alors elle reposa simplement sa tête sur l'épaule du comte, se blottissant peut être un peu plus, appréciant cette chaleur partagée.

Un peu de temps passa.
La lune était là.
Il fut la voix de la raison et Eavan sut bien le reconnaitre.

D'abord lentement, elle se détacha de lui et aussitôt sa raison à elle lui dicta aussi qu'il faisait plus frais. Un petit sourire amusé ornait ses lèvres lorsqu'elle se releva et tandis sa main à Arystote, comme elle l'avait fait lors de leurs entrainements et qu'elle se plaisait à lui faire perdre l'équilibre avant de le hisser sur ses jambes pour mieux continuer à le tourme... l'entrainer.
Si le geste avait cette marque de leurs entrainements partagés, l'attitude, elle était bien plus détendue et amusée. Profitant de le relever, elle l'étreignit un bref instant. Ses lèvres allant proches de son oreille. L'intention n'était pas d'éveiller quoi que ce soit chez le comte, du moins, pas essentiellement, mais simplement de témoigner à sa manière de la valeur de ce moment qu'ils avaient partagés.


Merci Comte. Je suis heureuse d'être là avec vous.

Quelques mots soufflés à son oreille.
Ses lèvres qui effleurent seulement sa joue, dans un élan de tendresse jugulé de peur de ne heurter l'éducation d'un homme qu'elle savait noble de naissance.
Puis se reculer et, à ses côtés, rejoindre le campement, mettant à profit le trajet pour s'habituer à ne plus être dans cette sorte de bulle avec lui. S'habituer à retrouver le comte de Lantosque et le cousin Champlecy.

Seraient ils bien revenus d'ailleurs ?

La Gaelig parla peu sur le chemin du retour. L'esprit à chaque pas reprenait un peu de ses réflexions habituelles. Si bien qu'arrivée au campement, Eavan en avait conclut qu'elle mettrait bien deux jours à se remettre de ce saut avant de pouvoir chevaucher sans gêne. Deux jours de plus au bout de monde... C'était loin d'être un problème.
Epuisée, elle ne tarda guère plus longtemps et s'excusa doucement auprès du comte, s'effondrant de fatigue sitôt entrée dans sa tente avec la juste dose de présence d'esprit nécessaire pour ôter ses vêtements humides et s'enrouler, nue, dans une couverture.

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Eavan
Trente-septième jour de voyage...

Le réveil fut un peu difficile.
Le corps engourdi, endoloris.

Et la vicomtesse de piquer un fard en se redressant un peu dans sa tente.
Nue.
Elle était nue.
Pas même l'énergie de passer une chainse hier.

Bon...
Donc, passer une chainse de bon matin.
Et une chemise.
Et des braies.
Le tout, sec.
Et de chercher ses bottes.

Le rituel matinal fut un peu plus long que d'ordinaire. Les muscles étaient raides et si la vicomtesse ne voyait pas les marques violacées dans son dos témoignant de sa rencontre fort peu tendre d'avec le sable de la plage, elle en ressentait les effets.

Une fois décente, la Gaelig prit un instant pour repenser à la veille. Elle avait le sentiment d'avoir vécu quelque chose d'important juste après la chute. Avant son réveil. Il n'y avait que des ressentis, quelques images. Des mots... C'était assez vague. Tout en étant clair comme de l'eau de roche que cela avait été particulièrement important. Elle était aussi étrangement sereine. La sérénité n'était pas tout à fait dans ses habitudes, quoique ce voyage aide beaucoup en la matière. Finalement, elle pria un moment, préférant la prière à la tentative de râcler les dernières parcelles de sa mémoire à la recherche de souvenirs qui lui échappaient. Sans doute finirait elle par se rappeler de ce qu'elle avait vécu.

Ce dont elle était certaine, c'était que ce moment partagé avec Arystote resterait, lui, gravé à tout jamais dans sa mémoire.

C'est donc en milieu de matinée et avec un sourire aux lèvres que la Gaelig s'extirpa de sa tente, raide mais heureuse. Les deux se voyant très bien d'ailleurs. Après un repas frugal, elle alla s'isoler sur quelques rocs non loin, avec son nécessaire d'écriture et un très collant chat a qui elle avait manqué semblait il. Là, elle prit le temps d'écrire à un arlésien à qui elle avait promit un peu d'encre sur parchemin...


Eavan a écrit:
Hooke,

Peut être cette missive vous surprendra-t-elle. Peut être pas.
J'ai dans l'idée de vous envoyer quelques nouvelles depuis quelques jours déjà. J'ai voulu le faire en arrivant à Alexandrie, mais je me suis laissée aspirer par le maelström de découvertes, de nouveautés, d'émerveillement qui m'a emportée. J'ai bien réussi à faire parvenir quelques lignes sur parchemin en Provence mais quelques troubles lors du départ en direction du sanctuaire m'ont rappelé à des choses plus terre à terre : la coordination d'avec mes compagnons de route. Comme quoi, ici ou ailleurs, certaines choses ne changent pas.

D'abord donc, soyez assuré que je me porte bien, sur deux jambes. La traversée fut un peu longue mais néanmoins paisible, aussi je prends le parti de ne pas m'en plaindre. Ensuite, Alexandrie. Que dire ? Il y a tant à dire. Et tout à la fois les mots ne semblent pas parvenir à rendre justice tout à la fois à ce que je vois et ce que je peux ressentir.
C'était un rêve. Le saviez vous ? Vous l'avais je dit ? Un vieux rêve.
Ainsi donc, tout est chaos. Mais tout n'est point abandonné. Il semble pourtant que quelque part, l'ordre trouve son chemin. Car tout est moins désordonné qu'il n'y parait et si la cité est bruyante, c'est qu'elle fourmille et vit. Alors certes, aux yeux d'un voyageur en quête de praticité, Alexandrie pourra sembler limitée. A mes yeux il n'en ai rien. J'ai choisi de la rêver comme un havre de paix. Et je m’emploie à la vivre comme tel. Un havre pour ma sérénité. Le Très Haut m'en soit témoin : j'en avais bien besoin.

Ce jour, et depuis hier, nous sommes au Sanctuaire taurin. Un fameux sanctuaire au nord d'Alexandrie. Nous avons dû cheminer plusieurs jours en longeant la côte. Retrouver la terre ferme est plaisant, malgré le plaisir que j'ai à être sur les flos. Les paysages sont bien différents. Nous avons croisé les bras d'un grand fleuve abreuvant de vie les alentours. D'étranges animaux nous ont adressé des regards tantôt curieux tantôt méfiants. Et plus loin, le sol s'est de nouveau paré de délicieuses nuances de jaune et d'orangé. Le sable ici est comme vivant. C'est assez fabuleux. Je n'avais jamais rien vu de pareil.

Dites moi, Messer Hooke, comment vous allez, comment se porte Arles...
Sachez le, nos conversations me manquent.

Bientôt il sera temps pour moi et mes compagnons de route de rebrousser chemin. Nous rembarquerons et repartirons sur Mare Nostrum en priant pour que Dieu nous épargne les fureurs brèves et intenses qui font la renommée de cette mer et les pirates qui en écument les moindre recoins.

En vous espérant en bonne forme,

Eavan Gaelig


La lettre terminée, elle la plia. Elle attendrait la soirée et un relâchement de la vigilance féline pour l'envoyer. Il en allait du salut des volatiles.
Rangeant la missive, elle prit le parti de caresser longuement l'animal qui ronronnait contre elle, diffusant une douce chaleur.

Que de choses avaient changées ces derniers mois...
Mais au fond de son coeur, Eavan voulait croire et croyait fermement que c'était pour le mieux.

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Eavan
Trente-huitième jour de voyage...

Nouvel éveil au Sanctuaire. Moins dur que celui de la veille. Déjà le corps se remettait. Il semblait presque que le Très Haut était bienveillants avec les humains se prenant pour des oiseaux du haut de cette falaise...

L'esprit déjà, ce jour, était un peu plus clair. Il semblait à Eavan qu'elle avait eu quelques rêves concernant ce qui lui était apparut après le saut. Après un peu de réflexion, la vicomtesse se demanda si elle était morte et revenue... Si ce qu'elle commençait à percevoir comme une conversation avec une entité bienveillante avait été comme ce que décrivait le Livre des Vertus... Afin de le savoir, bien sûr la vicomtesse ouvrit son exemplaire du livre sacré et alla consulter le chapitre voulu : Livre de l'Eclipse, chapitre VIII. Une fois trouvé, elle le parcourut, une fois. Puis deux, s’imprégnant bien des mots et de leur sens.


Livre de l'Eclipse, Chapitre VIII : "La résurrection" a écrit:
Dieu me dit: “Maintenant, le temps est venu pour toi de faire ton choix. Tu peux décider d’accepter la mort. Dans ce cas, je jugerai toute ta vie, les moments où tu as su oeuvrer pour la vertu et ceux où tu t’es détourné d’elle. Si, alors, Je juge que tu le mérites, tu rejoindras les élus pour une éternité de joie et de bonheur. Mais si Je juge alors que ta vie n’a pas été assez vertueuse, tu connaîtras une éternité de tourments en Enfer. Mais, si tu penses que ton temps n’a pas encore été accompli, que tu n’as pas encore fait tes preuves devant Moi, tu peux décider de revenir à la vie.”


Eavan ne reconnut pas les mots comme ceux qu'elle avait entendu. C'était différent. Mais la notion de choix avait été là... N'est ce pas ? La vicomtesse était troublée. Sans savoir pourquoi, tenter de se remémorer cet instant, cet.. échange, lui provoquait une grande émotion qui menaçait de la submerger tout à fait.
Une autre passage aussi, acheva de la convaincre que cela n'avait pu être cela dont il s'était agit...


Livre de l'Eclipse, Chapitre VIII : "La résurrection" a écrit:
“Ceux qui ont opté, comme toi, pour la résurrection ne gardent pas traces de leur périple céleste dans leur mémoire. Ainsi, leur comportement ne change que si la leçon s’est gravée au fond de leur cœur..."


Pas de souvenir.
Il était donc impossible qu'elle s'en souvienne.
Peut être était ce autre chose ?

Soudain elle sentit une larme couler contre sa joue.
Mais pourquoi donc pleurait elle ! Son coeur était heureux, que lui arrivait il !

Après quelques instants, Eavan referma son Livre des Vertus et secoua doucement sa tête, essuyant ses quelques larmes. Peut être ne devait elle pas chercher davantage à savoir. Après tout, la leçon était peut être d'elle même gravée dans son coeur, comme ce que Sypous avait rapporté de la parole divine. Préférant profiter des lieux encore un peu plutôt que d'être prostrée dans sa tente, la vicomtesse alla se promener, remontant même sur le promontoire pour profiter cette fois de la vue.
La descente se fit de manière conventionnelle et les jambes fatiguées par l'effort, elle rejoignit le feu de camp. Là, Lantosque lui tendit un message, expliquant qu'il avait du sauver le porteur des griffes d'un fauve. La Gaelig le remercia sans oser trop commenter quant à la propriété dudit fauve et alla s'asseoir pour prendre connaissance de la missive.


Hooke a écrit:
Dame Eavan,

Je suis surpris, en effet. Mais agréablement, soyez-en sûre ! Vous avez été évoquée - avec une certaine touche de nostalgie, pour tout vous avouer - lorsque j'ai rencontré Cesdames Walriara et Diane, alors en transit à Arles. Quoiqu'il en soit, c'est un réel plaisir que vous lire, d'autant plus que vous semblez avoir tant de choses à faire que m'écrire vous est quand même venu à l'idée. Je suis touché Madame, sincèrement.
Je m'excuse de ne pas vous avoir fait part de nos nouvelles, ici à Arles. Aussi je vais profiter de la suite de ce pli pour vous les expliquer.

Je suis heureux que vous soyez en pleine forme, et que le sort vous ai chéri. J'espère qu'il en est de même pour vos compagnons. Et heureux de nouveau lorsque vous m'apprenez que vous réalisez vos rêves ! Vous l'avez bien choisi, celui de voler n'est pas des plus faciles...
Comme je rêverais être à votre place ! Vous devez découvrir tant de choses, tant de paysages si différents ! Est-ce que les étoiles sont toujours visibles là bas ? Arrivez vous à les distinguer ? Bah, j'aurais mille questions à vous poser, et la majorité seraient sans intérêt. Et puis, j'attendrais votre retour, puisque vous puissiez narrer vos aventures !
Si vous avez quelques talents avec le dessin, je serais fort aise de pouvoir les admirer. Je voudrais tout savoir, vous vous en doutez bien.

Chez nous, tout est plus tranquille. Quoique. Nous avons ce derniers temps reçus beaucoup de visites de la part de voyageurs, de Marseille ou d'ailleurs. Bref, du mouvement, comme on aime, avec de quoi boire le soir. J'ia donc rencontré Cesdames Diane et Walriara, deux couples qui souhaitent s'installer chez ainsi qu'un groupe contenant Madame Kachina, Kryo, Satine, Ivoire... Et en ce moment même une troupe de saltimbanque préparent un spectacle pour la fête de l'indépendance. Comme vous le voyez, nous sommes remplis de belles personnes.
Les Arlésiens vont bien, eux. Les couples vont et s'en viennent, malheureusement. Ma constance adorée est mise à mal par tous ces mouvements, et je ne comprend plus qui est avec qui. L'Humain fait une bien mauvaise science.
Pour ma part, il m'est arrivé de nombreuses aventures. J'ai dû quitter précipitamment Arles au début d'Août, pour retrouver mon père lors de l'enterrement de ma génitrice. Rassurez-vous, le moment était plus à la fête qu'aux pleurs. J'ia donc passé deux mois sur les routes et dans mon Vesoul natal, où je me suis senti revigoré. La maison constitue le meilleur remède pour la vitalité, et mon père le plus beau remède à ma timidité. Il faudra que vous le rencontriez un jour. Il a beau ne pas être cultivé, ou de ceux qui savent lire, mais il est absolument charmant.
Au retour, j'ai continué à travailler sur mes projets, mes inventions, mes travaux. vous connaissez mon goût du travail, et c'est sans surprise que je m'enferme encore souvent pour tromper les rencontres humaines. On ne change pas facilement comme on dit.

J'ai prévu un petit voyage, d'ici à deux semaines. Où, comment et avec qui, aucune idée, mais je verrais le moment venu. Un peu d'incertitude est toujours bon à prendre, non ?

Dans tout les cas, j'ai hâte de vous revoir, Dame Eavan. J'espère que ce courrier vous arrivera entier, et que vous aurez l'envie de le lire.
Nous pensons à vous, et je regrette aussi nos discussions.

Au plaisir,
Hooke.


La plume était soignée et la lecture fut agréable. Elle avait un petit sourire aux lèvres d'avoir des nouvelles arlésiennes, et des nouvelles plutôt simples et agréables. Sa nièce semblait sortir de son antre et rencontrer des gens. Walriara était peut être la plus sauvage de la famille, dans son genre. Mais ce qui était sûr c'est que régulièrement, Eavan avait des nouvelles de ses avancées dans ses études et il lui semblait que l'enfant apeurée d'hier s'accomplissait comme futur médecin. C'était là une voie qui convenait tout à fait à la chef de famille. Pas celle des armes. Celle des soins. Elle rangeait le parchemin lorsqu'elle entendit des pas se rapprocher qui la tirèrent de ses pensées.
Arystote.
Le sourire se fit doux et elle lui fit un peu de place.

La soirée fut agréable et cela fut même l'occasion d'enfin trouver un nom pour le sombre félin qui avait élu domicile près d'elle. Il se nommerait Guizè. En référence à un site dont quelques locaux parlaient avec émerveillement à Alexandrie. Ils faisaient mention de constructions gigantesques, de forme pyramidale en partie ensablées... Sans doute de nouveaux mystères et de nouvelles découvertes étaient à faire par là bas. Le comte eut aussi enfin l'explication de l'attitude endiablée de son chien, Platon. L'animal devait sentir le chat à bord. Et Eavan ne parvint même pas à se sentir coupable du raffut provoqué par le canidé. Elle s'en amusa, plutôt.

La nuit avançant, ils regagnèrent chacun leur tente et Eavan s'endormit avec un sourire aux lèvres.
Voilà qu'elle en faisait une habitude.

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Eavan
Trente-neuvième jour de voyage...

Dernier jour au Sanctuaire.
La Gaelig se leva plus tôt afin d'avoir le temps de refaire un tour jusqu'au sommet du promontoire. Elle voulait se remplir la tête de ces images d'ailleurs, se remplir les poumons de cet air et s'enivrer de toutes les sensations et souvenirs qu'elle avait pu se faire en seulement quelques jours. En redescendant par le chemin, elle récupéra quelques plantes autochtones qui, lui semblait il, ne poussaient pas en Provence. Sans doute sa future médecin de nièce et Diane sauraient elles trouver la chose passionnante. Ce fut aussi l'occasion de passer une dernière fois auprès des quelques marchands pour récupérer des biens exotiques et autres filets de pêche bien utiles.

Chargée, la vicomtesse rejoignit sa tente où elle entreprit de ranger ses affaires pour le voyage, le départ devant être donné dans la journée. Cela lui prit un moment. D'autant plus qu'il lui fallut partir à la poursuite de Guizè qui était bien décidé, lui, à ne pas partir ce jour là. La scène de course poursuite dura un petit moment avant qu'elle ne change de stratégie et opte pour le plan dit "de la patience et d'un appât". L'appât étant, dans le cas présent, un peu de viande séchée.
Par bonheur le stratagème fonctionna et finalement, elle pu récupérer le félin fugueur avant qu'ils ne donnent le départ.

Eavan juchée en haut de son dromadaire, repensa à cette expérience.
Que cela lui avait fait du bien.
Le regard se posa sur le comte qui terminait de se hisser sur sa monture. Il prenait de l'aisance. Elle aimait le voir relever des défis et dépasser ses limites. Il y avait de moins en moins cette lueur de frustration et de plus en plus cette pointe de détermination dans son regard. C'était plaisant. Très.

Lorsqu'ils furent tous près, il fut temps de laisser derrière eux le Sanctuaire, le feu de camp où quelques vivres avaient été bien protégés dans les méandres des rocs de la plage et de reprendre la direction d'Alexandrie. Puis de Provence. Ils venaient de dépasser la moitié de leur voyage, et entamaient le retour.

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Eavan
Quarantième jour de voyage...

De nouveau les chemins... L'enchainement des paysages et les rigueurs de ces côtes étrangères. Eavan aurait pu y prendre goût mais quelque part, les paysages provençaux lui manquaient. Elle qui avait un fief dans la Crau, une zone particulièrement humide et fertile... Le désert s'il lui semblait poétique, ne parvenait pas à assouvir ses désirs et ne pouvait lui être familier.

L'ambiance était à la sérénité. Aucun danger ne semblait inquiéter les quatre nobles voyageurs.
Les corps avaient refait leurs forces, et la progression ne fut pas ralentie. Il n'y avait plus ce bourdonnement d'impatience et d'excitation mais une sorte de calme serein. Peut être avaient ils tous grandis avec cette expérience ?

Au soir, une fois le campement monté, Eavan vit un volatile se poser non loin et elle récupéra prestement le message qu'il portait. Guizè semblait épuisé par la journée de route, quoiqu'il eut dormi la majorité de sa journée contre la Gaelig. La vicomtesse estima que ce n'était pas plus mal puisqu'elle pouvait ainsi recevoir du courrier sans avoir à devancer un prédateur dans la quête de l'oiseau.

Un sourire éclaira son visage.
Cela faisait un petit moment qu'elle n'avait pas eu de nouvelles...


Sélena d'Alaric a écrit:
Bonjour Eavan

Je sais....J'ai honte d'avoir mis aussi longtemps à vous donner des nouvelles!!

Maintenant que nous sommes en pleine mer je n'ai plus d'excuse,je vais devoir rattraper mon retard car ,hélas ,vous n'êtes pas la seule que j'ai lâchement fait attendre!
Nous sommes donc partis depuis jeudi dernier
Après quelques difficultés il faut bien le dire juste au départ d'Arles (à croire que cette ville ne veut pas nous voir lui tourner le dos!)

Bref nous sommes à bord de l'Obstinée et avons quitté Toulouse sans souci.
La Garonne nous a mené sans encombres jusqu'à l'Océan et nous sommes à présent en pleine mer au large de La Rochelle

L'Obstinée me surprendra toujours!
Elle file ...Tout juste si elle ne vole pas...Je pense que ,si les vents continuent à nous être favorables, les côtes angloises seront en vue en moins de temps qu'il ne faut pour le dire

Enfin je croise les doigts...Pas le moments de nous attirer les foudres de Poséidon!

Et vous mon amie?
Que devenez vous et êtes vous satisfaite de votre périple?
Je suppose que le dépaysement doit être complet?
Si vous trouvez un instant donnez moi de vos nouvelles ce sera un immense plaisirs de vous lire

Je ne vous oublie pas en tous cas même si je dois bien avouer que le grand large efface un peu beaucoup les soucis de la vie terrestre

Bien sincèrement votre

Selena d'Alaric


La vicomtesse plia le parchemin.
Elle répondrait mieux plus tard. Pour l'heure il fallait se reposer, la route était encore longue.

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Eavan
Quarante-et-unième jour de voyage...

Eavan commençait à se forger une nouvelle conviction. Vis à vis du vent. Elle avait apprit à aimer le mistral. Puissant, insconstant, sauvage. Elle avait toujours eu de la contemplation pour les jours de tempête sur son île malgré le danger que cela représentait. Peut être même ce déchainement naturel était il la première chose qu'elle avait pu apparenter à une colère divine dans son jeune esprit. La Gaelig, donc, aimait plutôt le vent.
Et pourtant.
Pourtant, une évidence lui venait désormais.
Vent et sable ne faisaient pas bon ménage.

Si au début ils avaient poursuivis leur route, tachant d'ignorer les grains qui étaient précipités sur leurs visages par les souffles colériques du désert, désormais, il devenait clair qu'il faudrait faire une halte et laisser passer l'humeur de Dame Nature avant de pouvoir progresser plus avant. Un roc de quelques mètres leur sembla idéal.
Luttant pour coucher les montures de sorte à se protéger au mieux des rigueurs du sable, calant leurs toiles de tente de sorte à ce que les grains insidieux s'accumulent dehors et non dedans... Ils finirent par se mettre en sûreté. Chacun dans son cocon protecteur, avec pour consigne absolue de ne pas se lever tant que le vent soufflerait.

La vicomtesse, une fois à l'abri, ôta l'étoffe de tissu qui la protégeait bon gré mal gré et malgré l'aspect exigüe de l'espace, elle tâcha de tirer une feuille de parchemin et de quoi écrire. Il lui fallait absolument s'occuper l'esprit, loin de ce vent devenu hurlement au dessus de leurs têtes.


Eavan a écrit:
Selena,
Mon amie,

Point de honte à avoir.
Bien idiot serait celui qui prétendrait qu'organiser, coordonner et effectuer un voyage est une chose tout à fait reposante. Je me doute que vous avez du mettre beaucoup d'effort dans cette entreprise et prendre la plume n'est pas vraiment ce que l'on désire le plus lorsqu'on a enfin le temps de souffler.
Ainsi donc, s'il vous plait : pas de honte entre nous.

Arles est attachante en effet. Larguer les amarres se révèle parfois difficile. Mais n'est ce pas ce qu'on attend d'un foyer ? Pour ma part Provence me fait toujours des simagrées lorsque je m'en éloigne. Parfois j'en viendrai presque à la comparer à un enfant capricieux tant les circonstances s'enchainent.

L'Obstinée ?
Comment vous dire ce que je pense à la lecture de ce nom...
Cela vous ressemble ? N'y-a-t-il pas "d'Alaric" en définition à "obstiné" quelque part dans de savants manuscrits ?
A lire vos lignes, il semble bien inutile de vous souhaiter bon vent : vous l'avez déjà. Espérons qu'ils seront aussi avec vous pour le retour. Je prierai tout de même pour vous et votre embarcation.

Je me permet un petit encart ici, puisque vous évoquez la géographie.
A votre retour, pourrez vous m'informer avant d'arriver à l'embouchure de la Garonne ? Je crois vous avoir déjà confié que ma belle soeur réside là bas et accumule depuis quelques temps les jambons. De Bayonne, pas les siens. De plus elle me doit quelque somme et si vous aviez le temps d'effectuer quelques transactions au marché avec elle pour résoudre tout cela, nous pourrions tout à fait discuter de pourcentages qui vous reviendraient (en biens ou en écus à votre convenance). Si l'idée vous séduit, je vous ferais parvenir une liste des biens et valeurs à récupérer.

Concernant le pays anglois : n'oubliez pas mes alcools forts. Quand vous y serez dites moi les prix et quantités et je vous passerai commande en bonnes et dues formes.

Les affaires pécuniaires étant expédiées, j'en arrive à vos questions...
A mon tour donc de conter un peu l'avancée de mes aventures.

Le dépaysement... Ah! Il est complet oui. Je ne crois pas avoir assez de deux yeux et deux oreilles pour percevoir tout ce qu'il y a à voir. C'est assez enivrant. Tout est étrange, nouveau. Le familier en est presque perturbant. Songez que lorsqu'on croise un autre voyageur cela nous prend davantage par surprise que la végétation exotique ou les animaux que l'on qualifierait presque de fabuleux pour certains.
J'avais voyagé jusqu'ici, certes, mais jamais en des terres si étrangères. C'est... incroyablement revigorant.
Bien sur, tout cela serait encore plus plaisant si mes compagnons de voyage étaient de caractères plus loquaces mais au moins avons nous le sentiment de voyager en sécurité. Trois gaillards et moi même. Tous nobles. Voyez l'équipage. Savez vous que je pense presque mieux dormir sur une couverture dans le désert que dans mon castel salonais ? Je crois définitivement être plus une femme de terrain qu'une châtelaine. Mais enfin, il faut bien savoir remplir chacun de ses rôles.
L'éloignement me fait du bien. C'est certain. Le grand large nous détache un peu des soucis terrestres... C'est tellement vrai. Le désert a cet effet aussi. Ces choses qui vous intiment l'humilité comme nécessité de survie. Hors de question de se croire plus malin que l'océan qu'il soit d'eau ou de sable.

Je me suis surprise à sentir un peu de sérénité revenir en passant le phare d'Alexandrie.
Depuis nous avons été au Sanctuaire taurin. J'ai fais le flan sur la plage, comme tant d'autres. Si vous passez par là un jour, n'hésitez pas à boire un coup Au Lion d'Argent assis sur le sable. Le feu de camp est simple mais l'emplacement est agréable. Et la marée se charge de garder la bière au frais.
Nous cheminons à nouveau en direction d'Alexandrie. Le désert alterne avec l'abondance dès que nous croisons un bras du fleuve... Cela donne envie d'explorer plus loin, au sud. Remonter ce fleuve qui promet d'être majestueux... Enfin... Ce sera peut être pour une autre fois.

D'ici quelques jours nous serons à Alexandrie et je pense que nous ne tarderons pas à rembarquer. J'espère que le retour sera plus rapide que l'aller. Vingt jour tout de même entre Provence et Alexandrie.

Si le coeur vous en dit et que votre plume est inspirée, donnez moi de vos nouvelles.
Sinon, il n'y aura aucune honte à avoir.

Sincèrement,

Eavan Gaelig


Elle préféra ne pas s'étendre sur les rigueurs du désert. Nul besoin d'inquiéter qui que ce soit.
Le vent ne baissa pas avant le milieu d'après midi et la vicomtesse eut même le temps de rédiger un autre pli, à destination de l'Université de Provence cette fois ainsi que de faire une sieste, malgré le boucan. Lorsqu'ils émergèrent tous de leurs chrysalides, les visages étaient marqués. Le petit rappel des dangers de leur voyage était bien passé et ils se hâtèrent de reprendre la route.

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Eavan
Quarante-deuxième jour de voyage...

Le climat fut plus clément les jours suivants. Ils repassaient à nouveau par des zones de verdure intense et riche. Le constraste était tout aussi saisissant au retour qu'à l'aller. Eavan prenait des notes régulièrement. Elle maudissait son peu de talent au fusain lorsqu'il s'agissait de faire des esquisses et se contentait de tracés cartographiques, de quelques plantes qu'elle mettait à sécher entre deux feuilles de parchemin bien serrées et de se remplir les yeux autant que possible.

Lorsqu'au soir, Guizè sur ses genoux, dégustant un peu de poisson séché, la vicomtesse observait le ciel, annotant quelques positions astronomiques qui sauraient plaire à Hooke, le vésulien désormais arlésien, il lui vint la pensée que cela faisait quarante deux jours, tout de même, qu'ils voyageaient. Long et court à la fois. Quarante deux jours loin de Provence et de son agitation. Comme son esprit c'était apaisé. Elle avait quitté son cher comté le coeur à vif et les nerfs à l'air libre... Eavan se sentait être une tout autre personne.


Piouut!*

Ce fut le son singulier d'un oiseau qui la tira de ses réflexions. Son corps se tendit un instant durant lequel son regard alla au félin sur ses genoux avant de se relâcher. Trop occuper à mâchouiller son dîner, le chat ne daignait même pas accorder l'once d'un regard au piaf. Ledit volatile, lui, gardait un oeil méfiant sur le mammifère et quelque distance de sécurité.
La vicomtesse, trop confortable d'avoir un plaid chauffant sur les genoux, entreprit d'appâter le messager afin qu'il soit à portée de main et qu'elle puisse le délester du parchemin roulé à sa patte sans avoir à bouger. Les vacances ont parfois cet effet que de vous empâter un peu.
Toutes ces péripéties surmontées, la Gaelig prit connaissance des quelques lignes manuscrites.


La bretonne à la poêle a écrit:
Chère Eavan

Je vous écris du couvent. oui vous lisez bien. C'est pratique, c'est gratuit, et il y fait un peu moins froid que dehors. Mais bon, je vais bientôt en sortir. Quant à avoir le coeur tendre, encore faut il ma chère que l'homme en face mérite que l'on brise l'armure pour qu'il y accède. Et là que nenni!!! Donc non pas que je sois solide, mais j'ai su être prudente. For once.

Bien. Sinon, mon voyage à Genève est un échec cuisant. Non seulement "ON" m'a collé en retraite parce que parait il "ON " a une vie et qu'en plus " ON" *semble penser que ma vie à moi n'est pas importante, mais en plus mon Vieux Camarade n'est plus là.

Merdenbarre.

Bref. Je vais bientôt sortir de ces murs accueillants, je pense m'en aller passer Noël dans ma chaumière en Bretagne avant de revenir sur Arles. Qu'en pensez vous?

Bien à vous, en espérant que vous vous portez bien

Gwen


Ah les mésaventures de la bretonne...
De la chance, pour sûr, elle n'en avait guère en ce moment.
Au moins n'avait elle pas été trop blessée des manigances d'Adrian... C'était déjà cela. Quant à l'idée de passer la Saint Noël chez elle, cela semblait une idée raisonnable. Est ce qu'eux seraient rentrés à temps ? Une moue apparut sur le visage vicomtessal. Peu de chance mais qui sait ? Peut être qu'avec de bons vents...

Elle rangea le parchemin et retourna à ses cartes astronomiques jusqu'à sentir ses paupières s'alourdir.


*Ne me jugez pas!

_________________
Eavan

Quarante-troisième & quarante quatrième jour de voyage...

Au fleuve riche succéda de nouveau un peu de désert. Alexandrie approchait, lentement mais sûrement.
Les journées étaient calmes.
Peut être chacun prenait il conscience à l'heure de rejoindre la cité que leur voyage était vraiment dans sa deuxième moitié. Repartir. Rentrer. Avaient ils hâtes ou bien aimaient ils cette ambiance orientale ? Eavan, elle, n'était pas certaine de pouvoir apporter une réponse ferme.

Au dernier jour, comme une borne romaine des temps antiques, ils croisèrent le feu de camp qu'elle avait installé. Il restait quelques vivres qui furent les bienvenus, et des bières aussi. La soirée dura un peu pour la Gaelig qui la savoura. Savourer le silence avant le fourmillement de la cité. Savourer l'air avant celui du bateau. Savourer. Encore et toujours. Avec une gourmandise certaine.



    Un froissement inhabituel.
    Les sens se mirent en éveil.
    Des années de combats forgent le corps et l'esprit.

    Ouvrir les yeux, rester immobile, d'abord.
    Distinguer un mouvement, puis deux.

    Le coeur se fit battant contre sa poitrine.
    Une embuscade.
    Une attaque.
    Sous la couverture, elle tend discrètement le bras pour refermer ses doigts sur le cuir usé mais rassurant du manche de son épée.

    Une silhouette s'approcha un peu plus du feu mourant et Eavan dû se contrôler pour ne pas trahir sa surprise. La silhouette était recouverte de la tête aux pieds de lambeaux de vêtements et de grandes robes, sans doute destinés à la protéger du soleil et du sable. Elle portait à la main une arme primitive, une sorte de masse aiguisée. Soudain la Gaelig se souvint d'histoires entendues à Alexandrie lorsque les locaux avaient consommés un peu trop d'alcools... Il se racontait l'existence de tribus vivant exclusivement dans le désert, ne se mêlant jamais à la civilisation. Des barbares violents et très territoriaux qui hantaient les dunes, sans visage.
    Les Hommes des Sables.

    Un cri ressemblant davantage à un grognement animal s'éleva.
    Un frisson désagréable parcourut l'échine de la vicomtesse.
    L'attaque.

    Eavan bondit sur ses pieds de son mieux, tâchant d'alerter ses compagnons et épée au clair, il lui fallait déjà se protéger d'un coup de masse d'armes. Tout était confus. Ses compagnons se redressaient, armes au clair et les sons du combat déchirèrent la quiétude du désert.
    Deux silhouettes faisaient face à la Gaelig.
    Grands.
    Très grands.
    Presque fantomatiques.
    Derrière le tissu et le cuir, elle ne parvenait pas à distinguer des yeux.

    Leur style de combat était brute. Presque plus sauvage qu'humain. Elle en tua un mais cela ne sembla pas affecter l'autre qui poursuivit ses assauts. Soudain la masse percuta sa tempe et elle s'effondra dans le sable.



Eavan se redressa, haletante.
La nuit était avancée.
Et calme.
Le regard se posa sur le feu qui mourrait doucement et sur les reste de la soirée bien arrosée. Peut être trop.
Ce n'était qu'un cauchemar.
Elle se rallongea et tâcha de se rendormir, gardant malgré tout l'image des Hommes des Sables bien imprimée dans son esprit.
Etrange.

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