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[RP] Par flots et parchemins

Arystote
Cinquante-sixième jour de voyage

Le navire avait quitté la Cité égyptienne la veille et Arystote avait regardé avec une certaine mélancolie Alexandrie disparaître dans l'horizon terrestre tandis que la mer redevenait peu à peu leur seul paysage. Il avait passé sa journée à ne rien faire d'autre que pêcher testant son nouveau filet en dehors des côtes.

C'est donc un peu surprit qu'au réveil le lendemain, il avait constaté de nouveau des paysages côtiers dans son horizon. Visiblement le capitaine avait décidé de ne pas traverser en pleine mer mais de longer les côtes. Le Champlecy n'était pas un grand géographe mais il lui semblait qu'ils prendraient inévitablement un peu de retard avec une telle stratégie de navigation. Il ne jugeait cependant pas le maître à bord puisqu'il supposait que ce dernier voulait éviter de croiser des pirates. Haussant les épaules, il sorti de nouveau son filet avec la ferme intention de ne rien faire d'autre que pêcher aujourd'hui encore.

La pêche s'avérait plutôt bonne d'ailleurs, et il put donc faire cuire son propre poisson pour le déjeuner. Ce n'est qu'une fois repu qu'il aperçut une mouette faisant son repas sur les reste du sien. Il allait la chasser lorsqu'il vit un parchemin attaché sur ses pattes. L'absence de scel le rassura, ce n'était rien d'officiel.


Citation:
Bonjorn Arystote,

Les lettres que tu m'envoies son assez étranges pour que j'ai soupçonné un instant que la fièvre alexandrine n'ait eu raison de toi. Tu t'es toujours montré assez froid et résistant face aux difficultés que tu as pu rencontrer en Provence pourtant, je comprends aussi que cet été fut la fois de trop.
Habituellement c'est à toi seul que les gens s'en prennent plutôt qu'à tes amis ou à ta famille. Dans quelle catégorie places-tu la Vicomtesse de Rians et Salon-de-Provence dont l'honneur a été bafoué durant l'été ? Tant et si bien que tu ne parlais plus que d'elle avec cette ride du soucis qui apparait sur ton front quand tu es inquiet.

Je suis rassuré cependant de savoir que ce voyage t'offre des moments apaisant mais tu en trouveras encore à ton retour à Cassis ou Arles. Avant que je prenne la route moi-même les habitants de Cassis venaient régulièrement me demander de tes nouvelles. D'ailleurs Galadrielle m'a demandé de te rappeler que tu as promis de lui rapporter des épices. Quand des personnes nous haïssent il n'est pas rare de voir tout autant de personnes nous aimer. C'est bien d'ailleurs la raison de nombreuses guerres. S'il y avait consensus il n'y aurait ni débat, ni conflits.

Je suis d'abord parti à Entrevaux rendre visite à ma soeur Madeleine. Elle demande d'ailleurs quand tu vas décider à te marier et te passe le bonjour. Je suis en ce moment à bord d'une petite nave génoise qui m'emmène en Sicile, où comme tu le sais vit une partie de ma famille que je n'ai pas vu depuis plusieurs années. Je ne m'en sors plus aussi bien avec l'italien mais j'arrive encore à me faire comprendre heureusement.

J'imagine que vous serez en mer pour fêter l'anniversaire de la Vicomtesse le 27. La date m'a marqué c'est le même jour que je dois arriver en Sicile où nous fêterons de notre côté les soixante-dix-sept ans de mon grand-père. Je crois qu'on vit mieux là-bas que nulle part ailleurs. Je ne saurai dire pourquoi mais de ce côté de ma famille on a déjà vu des personnes vivre jusqu'à quatre-vingt années. J'y resterai une quinzaine de jours afin d'être revenu pour votre retour.

A bientôt.

Michel.


Alors là...

- Bon sang de bonsoir !, s'écria Arystote tout en donnant un grand coup de poing dans le bastingage avec pour seul résultat de ressentir une grande douleur et un craquement dans ses doigts. Il aurait préféré que la culpabilité le quitte. On était le ving-huit novembre. Il avait oublié l'anniversaire d'Eavan.

Il était à présent debout, à faire les cent pas, se maudissant en jurant sur tous les saints du Livre des Vertus. S'il y avait bien un anniversaire à ne pas oublier c'était bien celui-ci... Et il ne risquait pas d'aller cueillir un bouquet de fleurs pour se faire pardonner puisqu'ils étaient en pleine mer. Essayez d'offrir un bouquet de poissons pour voir !
Une heure après il était le nez dans sa malle, des jurons toujours pleins la bouche, il cherchait la moindre chose à offrir à la Vicomtesse. Le contenu composés de vêtements d'homme, d'un sac d'épices, de cailloux, de pains et de sacs de maïs ne lui vint pas en aide.

Alors, soupirant, il s'assit sur son hamac pour réfléchir, et quelques instants après il sortit de la cabine à la recherche de la Gaelig. Ne la trouvant nulle part il supposa qu'elle était dans sa cabine. Il revint donc dans la sienne pour y enfermer Platon avant de venir frapper trois coups discrets sur la porte de celle de la Vicomtesse.

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Eavan
Cinquante-septième jour de... ah non... Cinquante-sixième jour de voyage... encore...

Lire ça et là quelques hagiographies de Saints étaient pour la vicomtesse un excellent moyen de tenir à distance toute pensée lubrique. Eh oui ! Même elle devait parfois user de stratagème. Donc Hagiographie de Saint Arnvald dans une main et l'autre grattouillant nonchalamment le cou de Gizeh, allongée dans son hamac, la vicomtesse profitait du léger tangage pour se bercer.

Soudain, elle releva le nez de l'ouvrage et fronça un peu les sourcils. Avait elle entendu frapper ? Un instant elle hésita à quitter sa position confortable mais finalement s'y résolut, se disant qu'il valait mieux ne pas laisser quelqu'un à la porte de sa cabine attendre bêtement.
Qui plus est, il lui semblait avoir entendu une voix bien familière laisser échapper quelques jurons et elle avait préféré ne pas s'imposer, tout en s'inquiétant un peu de savoir Arystote troublé ainsi.


Je viens.

Le ton était haut mais point trop. Juste de quoi s'assurer que cela soit bien entendu depuis la coursive et elle se redressa. Le livre fut soigneusement reposé sur son coffre et de plates excuses furent présentées au félin qui grogna quelque peu avant de faire contre mauvaise fortune bon coeur et se lova dans le hamac, à l'emplacement qu'occupait la vicomtesse l'instant d'avant.

Eavan s'approcha de la porte d'un pas décidé avant de se rendre compte, la main suspendue à quelques pouces de la poignée qu'elle n'avait pas boutonné sa chemise. Corrigeant cela avant de ne s'afficher un peu trop dévêtue, c'est à dire en chainse apparente, elle eut un petit sourire. La situation aurait pu être cocasse à n'en pas douter.

Elle entrouvrit sa porte. Découvrant ainsi Arystote dans la coursive.

Com ? Qu'y a-t-il ?

Le ton de la surprise. D'un peu de préoccupation. Il était assez rare qu'il vienne frapper à sa porte.
Un bref instant de réflexion.


Voulez vous entrer ?


Elle n'allait pas l'inviter à lui livrer ses états d'âme dans une coursive, tout de même.
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Arystote
Cinquante-sixième jour de voyage toujours...

Il l'avait entendu dire qu'elle arrivait et avait donc patienté nerveusement derrière la porte quelques instants. Il l'aperçu alors dans l'entrebaillement de la porte et bien qu'inondé de culpabilité, il ne retint pas son sourire en la voyant. Sourire qui s'effaça aussitôt prit de court par la question.


- Euh..., dit-il d'un air hébété avant qu'elle ne l'invite à entrer.

Se mouvoir jusqu'à l'intérieur de la cabine, forcer les muscles de son corps au mouvement lui permit de reprendre contenance. Il se tourna donc vers elle tout en passant sa main dans ses cheveux d'un air gêné.


- Je viens vous présenter mes excuses, j'ai oublié votre anniversaire hier. Ma première idée fut de cueillir des fleurs moi-même pour vous en apporter, dit-il lui qui avait plus pour habitude de commander des fleurs que d'en cueillir mais comme vous pouvez le constater, nous sommes en pleine mer. J'ai fouillé toute ma malle mais je n'ai rien qui soit digne de vous sur ce navire.

Rien que des mots pour vous dire combien je suis désolé. Je comprendrai que vous me jetier votre gant, si je pouvais je jetterai mon propre gant pour me combattre en duel afin de laver votre honneur.

J'ai réfléchis toute la journée à une façon de me faire pardonner mais aucune ne m'apparait assez convenable.


Il avait parlé d'une traite comme il l'avait fait plusieurs semaines plus tôt lors de sa confession, comme si dire plus vite les choses les rendaient moins graves.
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Eavan
Cinquante-sixième jour de voyage, mais dans la soirée, quand même...

Il y eut quelques émotions qui se succédèrent. Un sourire, qu'elle partagea. Puis un air pareil à celui d'un lapin surpris au milieu d'une sente par un cheval au galop. Cela dit à la différence d'un lapin, Eavan aimait à pouvoir sonder le regard azur du cassidien.
Puis une fois qu'ils furent tous deux dans la cabine et qu'elle eut refermé la porte par discrétion, elle le vit avoir ce geste habituel qui souvent, trahissait une certaine gêne. Elle avait bien noté au fil des années que ce n'était pas un geste banal. Le comte n'était pas souvent gêné. Peut être plus face à elle que face à d'autres... Elle y trouvait quelque chose d’attendrissant.

Enfin, il vida son sac.
Comme un malfaiteur à la conscience lourde, il avoua ses crimes et leurs circonstances.

Eavan, elle, commença par être touchée. Il y avait une tendresse certaine dans son regard et aucune once de reproche, bien sur. Puis elle eut un léger mouvement de tête, comme pour la secouer mais de manière infime et sans violence. Quelle idée que de vouloir lui offrir quoi que ce soit.
Enfin, il se passa quelque chose dans le flot continue du récit d'Arystote que l'on aurait pu intituler : de l'oubli de l'anniversaire et de ses terribles conséquences... Il se passa, donc, que le comte de Cassis évoqua un gant. Se jeter un gant. Qu'elle lui jette un gant, tout d'abord, puis de se jeter un gant à lui même.

Et ce fut ce moment précis... Celui où elle commença à sentir les muscles de son corps tressaillir. D'abord au niveau de sa cage thoracique puis se répandant telle une onde. Elle parvint in extremis à garder contenance jusqu'à ce qu'il ait fini, dans un sursaut de politesse d'une violence rare. Mais sitôt qu'il se tut, elle éclata de rire.
De ces rires spontanés et naturels, fils de l'absurde, du ridicule et autres joyeusetés.


Mon pauvre ami, parvint elle à hoqueter.

Un gant ?
Pour avoir oublié son anniversaire ?
Se le jeter à lui même ?

L'esprit vicomtal était déjà en train de se figurer la farce dans son ensemble. Quel dramaturge Arystote pouvait il être. Et le pire, me direz vous, était qu'il l'était à son insu ! C'est à dire que l'homme ne se percevait pas dans l'exagération. Ce n'était pas une manoeuvre rhétorique pour asseoir la justesse de sa position. Non. C'était de la culpabilité poussée au stade du ridicule.
Bien sûr, Eavan n'aurait pas du rire.
Cela ne l'empêchait pas de s'en tenir les côtes. Car ce qui avait commencé avec une certaine retenue l'avait bien vite abandonné. C'était un fou rire. Un véritable. Et absolument pas moqueur de surcroit.


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Arystote
Cinquante-sixième jour de voyage, encore.

Il y avait dans cette cabine comme un air de déjà vu et Arystote, qui s'était senti grandi ces dernières semaines, se sentait à nouveau étrangement jeune et naïf comme cette fois où il avait rendu visite à la Gaelig sur le campement de l'Ab Ira Leonis.

Et comme cette fois là, Arystote lui avait parlé avec un grand sérieux et elle avait ri tout simplement. Il avait cru qu'elle se moquait, il n'en était rien.

Aussi en ce soir de novembre, sur ce navire, il ne s'empourpra pas. Il savait qu'il ne s'agissait pas de moquerie. Il cherchait cependant à comprendre ce qu'il avait bien pu dire de ridicule mais il ne se vexait pas de ce rire. Il avait surtout craint qu'elle ne se fâche pour son oubli, finalement le rire était rassurant.

Et puis, elle était belle quand elle riait et elle ne riait que trop peu souvent alors s'il devait être l'objet de l'amusement il voulait bien se dévouer.


- J'ai encore dit une bêtise ?, demanda t-il, les sourcils froncés, quand il eut le sentiment qu'elle se calmait un peu mais avec la crainte que ces simples mots ne relancent le fou rire. Il avait remarqué lors de ses propres sourires que parfois, une fois calmés, le simple fait de briser le silence pouvait relancer les choses en moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire.
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Eavan
Cinquante-sixième jour de voyage... poussez pas derrière...

Eavan se calmait. Le rire subsidiait.
Le regard plein de tendresse se posa sur Arystote.


Mais enfin Comte... Un gant !

Et de devoir contrôler ce moment critique où elle sentit son diaphragme avoir un petit spasme, comme pour repartir dans un rire tant l'idée était absurde.

Je ne vais pas jeter un gant pour un anniversaire oublié...

Les épaules s'agitent un peu malgré les efforts de sérieux.

Vous imaginez le nombre de duels que j'aurais sur les bras ? Une seule personne a pensé à me le souhaiter cette année... C'est dire le travail titanesque que j'aurais si je devais m'en fâcher.

Et de sourire, plus taquine cette fois, en le regardant dans les yeux.


Par contre j'ai songé un instant à vous encourager à vous jeter un gant à vous même. Je suis sure que la suite eut été très divertissante...

Elle imaginait un comte en train de se battre contre lui même à la manière de certains comédiens qui surjouaient des farces en place publique. Et les épaules de toujours être secouées de soubresauts rieurs.
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Arystote
Nous vous laissons deviner...*

Arystote avait écouté la réponse à sa question et il comprenait à présent que c'était d'avoir évoqué le gant qui l'avait tant amusée. Après tout, était-ce là une si mauvaise idée ?

Il sourit en coin à son tour.


- N'est-ce point là tout ce que je peux vous offrir ?, demanda t-il avant de toussoter pour s'éclaircir la voix.

L'instant suivant il retirait de ses doigts un gant imaginaire et se le jetait en pleine face.


- Oublier l'anniversaire d'Eavan, Comte de Cassis, vous commettez là un outrage sans précédent. Il me faut donc laver l'honneur de la Vicomtessà. Je vous défie dans un duel à mort !

- Je relève le défi Votre Grandeur puisque moi et moi sommes de rang égal.

C'est à présent lui qui s'empêchait de rire, afin de terminer son spectacle ridicule jusqu'au bout.

- En garde ! lança t-il tout en positionnant ses pieds pour le combat. Il n'avait pas son épée sur lui aussi se contenta t-il d'attraper la canne qu'il avait offert à la Vicomtesse quelques semaines plus tôt et qui siégeait non loin de lui.

Durant quelques instants il échangea des coups d'épée dans le vide tel ce rêveur espagnol que Cervantes n'avait pas encore inventé. A un moment il tourna la canne contre lui-même comme si une épée venait lui transpercer ses entrailles avant de cheoir au sol. Puis se relevant et regardant le sol où il était allongé lui-même quelques secondes plus tôt.


- Ah te voilà fini vil pendard !

Et de se tourner vers la Gaelig

- Ai-je lavé votre honneur par ce combat ? demanda t-il avant d'à son tour partir d'un grand éclat de rire.

* Quand le narrateur croit lui aussi être plusieurs et parle à la première personne du pluriel.

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Eavan
Devine...

Après un bref instant d'incompréhension face à l'attitude relativement mesurée d'Arystote, il se passa quelque chose qu'Eavan n'aurait jamais pu prédire. Ou anticiper. Jamais elle n'aurait pariée sur une telle réaction du comte de Cassis.

Elle souriait déjà en grand de le voir mimer un retrait de gant. Et la suite... Mon dieu la suite. La Gaelig voulait profiter du spectacle dans son ensemble et c'était là sa seule motivation à ne pas déjà se laisser terrasser par le rire. Même Gizeh, derrière elle, observait la scène avec circonspection.
Eavan, elle, opta pour l'accompagnement. Un petit raclement de gorge pour garder trouver le bon ton et voilà qu'elle ponctuait d'un "Ohh" le jet de gant et sa relève. Elle s'écarta d'un pas pour laisser se dérouler le duel qui saurait décider qui d'entre le comte de Cassis et le comte de Cassis remporterait la juste faveur du Très Haut dans le premier duel à mort dont elle était jamais témoin.

Les quelques coups furent ponctués par la vicomtesse qui surjouait un peu l'inquiétude.


"Votre garde !"
"Oh quel coup !"
"Quelle audace !"
"En quarte ! votre flanc !"



Enfin, vint l'assaut final, l'envoi définitif et sans retour. Arystote chut. Et Eavan peinait plus encore à garder une ultime parcelle de sérieux pour le dénouement. Le mot de la fin vint et le comte, frais de sa jeunesse, lui demanda si l'honneur était lavé.
La Gaelig eut à peine le temps de répondre, l'amusement transpirant de sa voix :


Jamais il ne fut aussi propre !


Avant qu'ils n'éclatent tous deux de rire.
Bon sang, avait elle jamais rit aussi ? Un homme avait il jamais fait le pitre ainsi pour l'amuser ? Le rire dura, quelques larmes même coulèrent et les muscles crièrent merci.

Puis, lorsqu'ils en furent tout deux rendu à échanger des regards brillants d'amusement et de complicité, la vicomtesse parla à nouveau.


Je n'ai pas souvenir de plus beau cadeau Arystote. Merci.

Et de se rapprocher, reprenant le ton du jeu mais pas aussi prononcé qu'auparavant.


Au noble Comte ayant su défendre mon honneur, une juste récompense.


De déposer doucement et chastement les lèvres sur la joue du jeune homme, juste au bord de la moustache.

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Arystote
Est-il besoin d'encore le préciser ?

Ce qu'il y avait de bien à jouer les chevaliers galants, c'était le baiser de la Dame protégée. Et Arystote rosit légèrement lorsqu'Eavan vint déposer un chaste baiser sur sa joue.

Ce n'était pas sans lui rappeler ce murmure au creux de son oreille qui l'avait hanté pendant plusieurs jours. S'il pouvait être hanté tous les jours par son souffle contre sa peau, il saurait s'en satisfaire.


- Je devrai prendre votre défense plus souvent, plaisanta t-il.

Il se rendait compte que sa bêtise avait finalement réussi à offrir un bon moment à Eavan et bien qu'il fut conscient d'avoir été parfaitement ridicule, il était assez content de lui.

Que cela faisait du bien de pouvoir se permettre quelques folies. Il se souvenait de ces soirées en taverne marseillaise. Il y avait toujours quelqu'un pour proposer de jouer à un "action ou vérité". Il n'avait déjà que peu d'estime pour ce jeu auquel il se pliait toutefois pour faire plaisir. Il ne le faisait bien entendu qu'à la condition de n'être soumis qu'à des questions "vérité" refusant de prendre le risque qu'on lui impose une "action" indigne de son rang. La noblesse vous enferme parfois...

Mais ici nul rang à tenir et sa seule contrainte, qu'il s'imposait lui-même d'ailleurs, était de se montrer digne de la Gaelig. Avec elle, il ne savait plus pécher d'orgueil et n'avait de cesse de craindre d'être en-dessous de tout.

Il se rendait compte qu'en mettant de côté ses doutes et en se laissant aller à quelques représentations ridicules, leur complicité n'en ressortait que grandie. Mais il n'y avait pas que de la complicité entre eux, en tout cas c'est ce qu'il ressentait, et il aurait bien détourné quelque peu son visage pour que le baiser ne se pose pas sur sa joue. Il garda pour autant cette pensée pour lui, ne la traduisant que par un sourire et une légère plaisanterie.

La Vicomtesse lui avait offert un chaste baiser alors, à son tour, il s'inclina et saisit sa main pour l'effleurer de ses lèvres.


- Alors, mon honneur à moi aussi est sauf et je peux sans m'inquiéter m'eclipser et vous laisser à vos occupations.

Il avait aperçu quelques parchemins et soupçonnait de l'avoir interrompue dans ses correspondances. Lui-même devrait s'y mettre mais l'envie lui manquait encore.
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Eavan

Cinquante-septième jour de voyage...

La nuit avait été bonne.
Le repos, serein.
Le fou rire de la veille avait été tant libérateur qu'il n'avait pas fallut longtemps à la vicomtesse pour s'endormir du sommeil du juste, comme l'on aurait pu dire.

La journée se déroula sans que rien de particulier ne vienne la troubler ni l'enrichir. Les manoeuvres se déroulaient tranquillement, quelques regards complices étaient échangés avec Arystote et replongeaient Eavan dans les souvenirs de la farce de la veille, renouvelant un amusement beaucoup plus discret cette fois. Finalement, la seule chose que la Gaelig nota d'étrange était leur proximité d'avec la côte et le bord qui lui faisait face.

Pourquoi allaient ils au nord ?
Ces eaux étaient dangereuses. Il était bien connu que les eaux turques étaient celles de nombreux pirates dont certains particulièrement acharnés. A quoi pensait donc le capitaine ?

Sa part de travail fourni, Eavan se retira dans sa cabine et mis à profit d'avoir un peu de temps pour copier avec application ses notes prises à terre. La tâche l'occuperait sans doute un long moment...

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Eavan

Cinquante-huitième jour de voyage...

Le bénéfice du doute se dissolvait à chaque jour qui passait. Chaque heure même, enfonçait un peu plus la conviction de la Gaelig quant au fait que le capitaine ne choisissait pas l'itinéraire le plus sûr.

Ainsi, après quelques heures de manoeuvres éprouvantes à longer la côte au plus près tout en tentant d'éviter le naufrage sur les roches éparses qui affleuraient, Eavan finit elle par aller confronter le capitaine. Ses mots furent durs. Proportionnels à son inquiétude. Mais face à elle, elle n'eut que le silence et ce qui semblait s'apparenter à un profond dédain.
Après un geste d'humeur consistant à accompagner un "laissez tomber", la vicomtesse retourna dans sa cabine poursuivre son oeuvre de copie afin de se calmer. Ce retour promettait énormément de frustration si le capitaine pensait ses passagers trop idiots pour comprendre d'éventuelles explications. Et le tout était d'autant plus malvenu qu'il avait fait payer le comte de cassis au prix fort la traversée et s'était déjà permis de faire une escale pour ses affaires personnelles sans vraiment les en informer avant le départ.

Les heures avançant, la vicomtesse s'apaisa dans le travail minutieux et les ronronnements félins.
Chasseur de souris et anti-stress.
Adopter Gizeh avait été une bonne décision.

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Eavan

Cinquante-neuvième jour de voyage...

Près des côtes, certains vents devenaient violents et le tangage bien plus présent. Le réveil ne fut ainsi pas particulièrement doux. Et la Gaelig s'autorisa un soupir avant de descendre de son hamac. Si tous les jours étaient comme celui là, le retour serait long et éprouvant.

La vigilance devait toujours être maintenue au plus haut.
A tribord il fallait veiller aux rocs affleurant.
A bâbord il fallait guetter d'éventuelles voiles.
Bah oui, collé contre la côte, on aurait eu vite fait d'être totalement prit au piège.

En fin de quart, la Gaelig vit une mouette se poser non loin. Un petit parchemin accroché à la patte. Si petit qu'elle peina à le distinguer de prime abord.


Candyce a écrit:
Eavan,

Me voilà inquiète.
Est-ce que tout va bien ?
Avez-vous eu mon courrier d'il y a une dizaine de jours ?

Ne mourrez pas.

C.


C'était court.
Et d'autant plus éloquent.
L'inquiétude était sincère et Eavan s'en voulu de ne pas avoir trouvé le temps de donner de ses nouvelles à la nouvelle arlésienne. Plus si nouvelle à mesure que le temps passait d'ailleurs.

Il lui faudrait répondre...

Un autre petit carré de parchemin joint au premier attira son regard. Et surprit profondément la Gaelig.


Sabdel a écrit:
Marraine!

J'espère que vous allez bien! ?
Vous êtes sur le chemin du retour?
Parce que ... vous allez encore être fâchée sur moi. Et pour une fois, je n'y suis pas pour grand chose.

Je pense souvent à vous, mais je n'ose pas vous le dire.

Que Dieu vous garde des flots sauvages.

Sabdel


Que penser ?
Déjà étonnant que sa filleule lui écrive.
Plus étonnant encore qu'elle se soucie de savoir si elle allait bien. Et ainsi elle pensait souvent à elle ? Le mauvais esprit d'Eavan eut volontiers ajouté "en mal sans doute, pour changer". Mais elle su s'abstenir.
Bien sur, un autre point la fit froncer les sourcils d'un air un peu contrarié. Etre fâchée ? Pourquoi ? Qu'avait elle encore fait qu'Eavan ignorait ? Léger soupir. Cela promettait d'être encore bien épineux.

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Eavan

Soixantième jour de voyage...

Un phénomène étrange eut lieu en ce second jour de décembre. D'abord quelques flocons isolés vinrent d'écraser de manière feutrée sur le pont, non loin d'Eavan. Puis, semblant amené par le vent, ce fut un véritable blizzard. La neige était si compacte qu'on eut parfois dit être frappé de véritables boules de neige.
Le long des côtes ottomanes.
Allez savoir.

En quelques heures à peine, il y eut quelques pouces de neige sur le pont et la vicomtesse ne fut pas la dernière à se saisir de l'occasion. Tout ses compagnons de voyage mangèrent au moins une fois une boule dans la tronche. Les projectiles fusèrent ainsi de longues heures. Le combat faisait rage et les pertes étaient lourdes de tout côté. Certains tentaient de trouver un abri, d'autres restaient fièrement en plein milieu du pont comme pour narguer leurs adversaires. Les vents changeant rendaient les tirs parfois complexes mais somme toute la Gaelig n'était pas peu fière de sa précision.

Le soir, la douceur revint, le climat s'apaisa et tous étaient relativement épuisés par cette bataille intense qui venait d'avoir lieue.
Cela donna cependant une idée taquine à la Gaelig qui envoya un message à Felipe, resté en Provence.


Eavan a écrit:

Felipe,

J'espère que tout se passe bien en Provence. Je te remercie des nouvelles régulières que tu me fais parvenir. Comme toujours, il est très précieux pour moi de savoir que je peux te faire confiance. Tu me permets de voyager sereinement et je crois que tu ne te figure pas à quel point c'est extraordinaire.

Je t'envoi cette missive pour que tu mette en place une embuscade.
N'aie crainte, il n'y aura aucun blessé. Je pense à une embuscade neigeuse et bon enfant.
J'ignore si vous aussi en Provence vous avez ces chutes de neige tout à fait surprenantes mais si tel est le cas, j'aimerais que tu trouve quelques enfants provençaux en mal d'activité ludique et que tu leur fournisse des munitions sous forme de boules de neige. Je te joins une liste de cibles qu'il faudra toucher.

Récompenses-les à la touche. Deniers, gâteaux, fruits de saison, lait chaud, chaussettes... Je te fais confiance concernant ce qui pourrait égayer leur fin d'année.

Surtout reste discret. L'on ne doit pas soupçonner que cela vienne de nous mon cher Felipe. Une bonne embuscade ne connait aucun commenditaire. Et que le mot d'ordre soit le suivant : "Qu'importe la victoire que le spectacle soit beau".

Sincèrement,

Eavan Gaelig


Liste de cibles a écrit:

Meilleures cibles
- Oursaring
- Hersende

Cibles honorables
- Sabdel (pas au ventre)
- Adelheid (pas au ventre)

Cibles communes
- Kyrahn
- Candyce
- Ludovi
- Richard
- Diane
- Max
- Guirre

Cibles complémentaires
- Les Alaric


Le forfait serait sans aucun doute accomplis, peut être même avec grand zèle. La vicomtesse se demandait quand même s'il y aurait des enfants assez fous pour tenter de s'en prendre à la marquise en personne, ou pire, à l'irritable Sage de la Noblesse...
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Eavan
Soixante-et-unième jour de voyage...

Toujours la cote en vue. Il faudrait donc s'en contenter.

La neige ne tombait plus. Il n'y eut donc pas de poursuite des vélléités à bord et faute de boules de neige le combat cessa.
Profitant d'une journée peu venteuse, la Gaelig se lança dans une réponse due depuis déjà quelques jours. Tant qu'elle en avait inquiétée son amie. Une faute, à n'en pas douter.
C'est enroulée dans une épaisse cape en ours qu'on lui avait offerte quelques années plus tôt que la vicomtesse se mit à l'ouvrage.


Eavan a écrit:
Candyce,

Soyez rassurée. Je vis.

J'ai reçu votre courrier un peu tardivement... Un marin l'avait détachée de la patte du volatile messager et le bougre avait oublié de me la faire parvenir. Je crois bien qu'il n'y avait pas de mauvaise intention, nous sommes tous un peu tendus ces temps cis. Tous sauf le Capitaine qui semble bien insouciant.
Nous avons perdu une semaine au port d'Alexandrie, en voyant chaque jour des voiles non loin... Un jour, ce furent bien trois navires que nous pouvions distinguer et nous en étions tous à prier qu'ils ne soient pas pirates. Il s'est avérer que le Capitaine pensait devoir attendre un passager supplémentaire... alors même que nous étions tous là. S'il n'en tenait qu'à moi j'exigerai que les maîtres de navire sachent compter un peu avant de se voir confier un bâtiment. Et voilà qu'au départ, enfin, il prend à l'Est ! L'Est ! Les Ottomans ! Les pirates... Et nous voilà donc à longer les côtes dans cette direction...
Donc à bord, nous sommes tous inquiets, sauf le Capitaine qui a l'air de savoir ce qu'il fait. L'air n'étant désormais plus suffisant pour m'inspirer confiance. Intuitivement nous sommes tous davantage sur le pont à guetter d'éventuelles voiles que dans nos quartiers... Je prie chaque jour qu'il finisse par s'éloigner de cet endroit et reprenne enfin la direction de Provence autrement qu'en longeant l'ensemble de la Méditerranée.

Vous saurez sans doute distinguer l'agacement dans mes lignes. C'est davantage de l'inquiétude. J'ai même demandé à ma suzeraine la Marquise si elle saurait tolérer une exception concernant les dispositions testamentaires qui, en temps normal, mettent un mois à pouvoir s'appliquer après réception dudit testament. Voilà mon niveau de préoccupation.

Mais il suffit de mes petites misères sur lesquelles, ma foi, je n'ai guère de pouvoir...
Votre courrier m'a fait grand plaisir. Et cela même s'il suinte de cette frustration que vous m'y confiez franchement.

Je n'ai absolument aucun doute quand au fait que vous sauriez porter la tenue de là bas de manière à en exploiter tout à fait le potentiel. Je l'ai déjà promis à une amie, mais si elle y renonce une fois que je toucherai terre, si Dieu le veut, je saurais donc à qui l'offrir. La question de savoir si c'est bien raisonnable, je saurais la mettre de côté. Comme vous le dites, on ne peut vivre d'un contrôle permanent.
Je veux bien croire que vous et les soeurs du couvent ayez eu une cohabitation quelque peu difficile. Mais vous êtes sortie de cette épreuve en vie ! Je souris quelque peu, bien sur. Plus sérieusement, s'il était si simple de lutter contre nos démons, nous serions déjà, vous et moi, des parangons de perfection, dignes de se rapprocher de la sainteté. Mais voilà, vous la chair et moi l'ire... cela fait parti de nous. Le tout Candyce, est de ne pas se laisser happer par ces démons. Ne le laissez pas pour autant vous modeler à son image à lui. Soyez vous. Je ne sais guère comment vous le dire.
Je suis moins sévère que l'on veut bien le croire. Je n'ai pas, je pense, l'orgueil de croire que j'ai déjà outrepassé tout les obstacles et tentations. Ne croyez pas que je suis vierge de toute idée de péchés. Sans faire aussi cru que vous, bien sur, j'ai eu quelques idées qui auront su raviver une chaleur gourmande quant à la manière de profiter de certains lieux de ce périple. Mais l'idée de m'abandonner à un inconnu est pareille à une douche froide. Et de mes compagnons de voyage, l'ami duquel je suis proche... Disons que comme vous pour cette jeune soeur, je n'ai pas envie de l'inciter à s'écarter de son chemin. Il ne mérite pas d'être simplement victime de mes envies. Outrepasser les règles doit se faire à la fois en toute conscience et de manière consentie. C'est vrai pour la chair, comme pour toute autre chose.

En somme, le tout, selon moi, est de se respecter soi même, et de respecter l'autre. Tant qu'on a pas une insigne raison de ne pas le faire.
J'ai le désagréable sentiment de faire dans la leçon de morale. J'espère que non. Dites moi si cela y ressemble trop.

Je suis à la fois amusée et contente que vous vous entrainiez. La lance donc ? Prête à embrocher quiconque tenterait de profiter de mon angle mort en vous plaçant un pas en retrait pour bénéficier d'une meilleure vue du combat ? Je vous sens l'âme d'un stratège. Vous faites bien, aussi, de vous habituer à l'armure. Cela demande du temps. Mais il n'est rien de plus redoutable qu'un combattant parfaitement à l'aise avec son équipement.Voulez vous que je vous envoi mon intendant salonais ? L'homme s'appelle Felipe. Il a des années d'expérience à mettre et retirer mon armure et saura peut être vous donner quelques conseils à l'occasion. Et je vous en conjure, quand je vous dis que je vous l'envoi, je pense simplement à une aide concernant l'armure. Rien. D'autre. Il m'accompagne toujours en campagne militaire, rarement au combat, mais par pitié, ne me le déconcentrez pas !
Je ne parviens même pas à savoir si je dois être absolument sérieuse en écrivant ces lignes ou si je peux laisser aller ce petit rire qui me vient.

Concernant Arles...
Merci de m'en avoir tenue informée. En effet, personne n'aura jugé bon de me le dire. Certains vont sans aucun doute en entendre parler à mon retour.
Concernant mon choix d'attendre le mariage, attention Candyce, il est une ligne qu'il ne faudrait pas franchir. Puisque selon vous c'est ce qui justifie qu'il se soit détourné de moi, sachez que c'était aussi son choix. J'ai en horreur d'être rendue seule responsable de choses pour lesquelles il faut nécessairement être deux.

Concernant l'Eglise... C'est un vaste sujet. L'Eglise que vous décrivez existe bel et bien et je n'ai pas la naïveté de prétendre le contraire. Mais il est aussi des gens au sein de cette institution qui sont sincères. Mais nous ne sommes pas dans des temps de principes et de vertus. C'est vrai partout. Hors Eglise et au sein de l'Eglise. Et même s'il y a énormément d'hypocrites qui ne voient rien dans le mariage, je n'en suis pas. Le mariage a pour moi un sens. C'est un engagement, une promesse. Outre le fait que cela soit un passage obligé concernant les affaires nobiliaires et le statut des héritiers, c'est une promesse. A mes yeux c'est sacré. Le tout, finalement, est simplement de se marier avec quelqu'un qui le considère aussi de cette manière.
Je suis triste de voir la simplicité avec laquelle beaucoup brisent ces liens. Mais des gens qui brisent leurs promesses, leur parole et déforment leurs soi disant vertus, il y en aura toujours.
Nous le savons déjà vous et moi, je suis une utopiste.

Pour finir...
Le chat fut baptisé Gizeh, lorsque nous étions au sanctuaire car nous avons entendu parler de constructions gigantesques de forme pyramidale dans un lieu qui s'appelle Gizeh. Cela représente, quelque part, cette envie de toujours avancer pour découvrir davantage. Sur soi comme sur le monde. Nous étions bien philosophes au sanctuaire.
Par ailleurs nous avons sauté. L'atterrissage a été rude mais moins que ce que la hauteur ne présageait. Nous en fumes quitte pour deux jours de repos, à deviser sur ces lieux mystérieux par delà le désert... Vers lesquels aucune piste à ce jour n'a été ouverte.

Amitiés,

Eavan G.



La Gaelig hésita un infime instant avant de sceller. Etait ce bien sage d'envoyer Felipe à Candyce ? Il n'était pas prude mais tout de même, la nouvelle arlésienne savait y faire coté provocation. Après une brève inspiration et un petit air amusé à tenter d'imaginer ce que cela donnerait, elle scella. Il lui fallait aussi avoir confiance en le salonais pour savoir se tenir et résister à la tentation.

On toqua à sa porte de cabine.
Ce n'était pas le toqué léger et discret du Comte de Cassis mais bien quelque chose de bien plus brut. Ouvrant, la vicomtesse vit un marin lui tendre un pli et ajouter qu'ils avaient aperçu une voile.


Je serai parée si nécessaire, confirma-t-elle avec gravité.

Définitivement, beaucoup étaient tendus.
Une fois de nouveau seule, après s'être équipée pour un éventuel combat, la vicomtesse prit connaissance du pli. Une réponse de l'Illustre qui, cette fois, lui faisait l'honneur d'un courrier. La réponse de l'Illustre se voulait apaisante en un sens. Elle ne faisait pas les choses à moitié. Après l'avoir parcourue avec attention, la vicomtesse alla la ranger parmi son courrier avant de se diriger vers le pont, prête à ce qui pouvait se produire.

Plusieurs heures plus tard, tandis que le soleil venait de passer l'horizon, la voile aperçue venait enfin de disparaitre. Le soulagement fut palpable et Eavan rejoignit sa cabine et son hamac...

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Eavan

Soixante-deuxième jour de voyage...

Toujours vers le nord. De ce point de vue là, la vicomtesse s'était plus ou moins résignée.
Il y avait de pires conditions après tout. Chaque fois qu'elle croisait le regard d'Arystote, des images du Sanctuaire lui revenaient, et parfois même, le souvenir de ce jeune comte se tournant en ridicule pour l'amuser lui faisait avoir un petit rire discret. Clairement, il y avait pire.

Coté provençal, Felipe avait accusé réception de son étrange demande. La vicomtesse ignorait ce que le salonais pouvait bien penser de tout cela. Riait il ou bien suspectait il qu'une violente insolation ait grillé la cervelle de sa maitresse ? Mystère.

La journée fut calme et ponctuée seulement d'un courrier en provenance d'Arles. Le tracé était soigné, appliqué. Et s'il n'y avait pas de sceau, Eavan savait malgré tout à qui rattacher ces lignes.


Hooke a écrit:
Dame Eavan,

J'ai fait envoyer ce mot à Arles, et je ne sais pas si quelqu'un saura vous le faire parvenir, où que vous soyez. Dans le doute, mes instructions secondaires sont de le laisser chez vous, en espérant que vous le trouviez. Je note que ma prochaine invention sera un moyen de communication longue distance, sans tous ces intermédiaires animaux ou humains. Bref, je m'égare.

Cette fois, je vous envoie ce courrier non en réponse mais bien en début de dialogue. Je ne sais pas - beaucoup d'incertitudes depuis le début de ce courrier, manifestement - si vous avez reçu mon précédent mot, ni même s'il a dépassé les frontières.
Ma foi, il était principalement composé de fausse - quoique - jalousie envers vos découvertes et votre voyage à l'autre bout du monde. J'espère que vous allez toujours bien, et que rien ne vous est arrivé, autant en mer que sur terre. Il vous faudra me prévenir lors de votre retour, que je glisse quelques mots à notre Très-Haut afin qu'il vous garde en forme.
De même, si vous saviez me donner le mois de votre retour sur notre bonne terre Provencale, je vous en serais fort gré.
Encore une fois, n'hésitez pas à me ramener quelques cartes célestes, que je vois si de l'autre bout de la terre la perspective est la même. Enfin, si le coeur vous en dit, je ne voudrait pas vous donner d'ordres, Madame.

Bref, me voici de même sur les chemins en compagnie d'Antares. L'air d'Arles se faisait étouffant et un petit trajet tous les deux nous fait le plus grand bien - elle après son mandat, moi après quelques embrouilles. La bête humaine est parfois, comme son nom l'indique, bête.
Nous sommes donc à l'heure où j'écris ces lignes en Bourgogne, mais je doute que nous y soyons toujours lorsque vous recevrez ce mot. Antares voudrait participer à un tournoi de bagarre à Fribourg en Janvier, aussi je pense que nous allons passer Noel dans une ville étrangère.
Une petite pincée au coeur, puisque je ne sais pas si j'aurais, pour la première fois de ma vie, les flocons et les sapins blancs de mon Vesoul natal. Il reste un espoir cependant, puisque nous allons peut être rendre une visite à mon père.
Mes travaux, vous vous en doutez, sont au ralenti. Je ne peux que faire des observations astronomiques à la volée, mais je crois pouvoir en tirer un résultat fascinant qui saurait confirmer quelques textes que j'ai reçu d'Arabie et de l'antique Grêce. Nous avons eu une lune splendide, gigantesque et brillante hier, et je crois avoir trouvé une explication rationnelle mais ô combien splendide. Si vous l'avez vu, pourriez vous me transmettre son diamètre, si vous pouvez m'en donner un sans trop d'incertitudes ?

Dame Eavan, je vous souhaite un excellent voyage, et j'ai hâte de vous retrouver, à Arles ou ailleurs. Vous avez votre place dans les prières du soir, aussi j'espère qu'elles vous sont utiles.

Sincèrement vôtre,
Hooke.


Les demandes étaient inhabituelles et les nouvelles somme toute surprenante pour la Gaelig. Mais rien n'était insurmontable et Eavan songea qu'au moins cela l'occuperait que de faire quelques relevés et d'ordonner ses notes pour l'arlésien. Concernant la promenade d'avec Zantares, elle avait bien entendu quelques rumeurs mais cela la surprit. Les deux n'étaient pas vraiment semblables dans leurs philosophies mais enfin parfois c'était plutôt les opposés qui s'attiraient que les ressemblants qui s'assemblaient... A méditer.

Forte de savoir que cela pourrait servir à un autre, et de cet enthousiasme témoigné par Hooke, la Gaelig reprit ses notes, ses observations et ses compilations avec une application redoublée. Une question demeurait : aurait elle assez de parchemins ?!?

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