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[RP] Par flots et parchemins

Eavan
Soixante-quatorzième jour de voyage...

Ce qui était sûr, c'est qu'Eavan avait rarement eu une activité épistolaire aussi soutenue. Les courriers semblaient arriver et partir à flux tendu et c'était sans compter les rapports de ses intendants... La progression, elle, était toujours lente. Ou plutôt loin de la ligne droite. La navigation en mer de Thrace ressemblait à une épreuve d'esquive. De celles pratiquées parfois à cheval pour tester l'adresse et la dextérité des cavaliers devant contourner des obstacles le plus rapidement possible... A défaut de cheval, c'était avec un navire et en lieu d'obstacles artificiels, il fallait voir les îles grecques.
Leur nombre était impressionnant.

Comme chaque matin, la vicomtesse prit connaissance de ses courriers, commençant par celui de Candyce.


Candyce a écrit:
Eavan,

Rien à pardonner vous plaisantez ?
Je prends tous vos mots, je suis aussi là pour cela. J'aime pouvoir, si je le peux, vous aider à canaliser votre colère.

Je veille sur elle oui. Je vais l'accompagner à Aix à la fin de son mandat de maire, dans une dizaine de jours environ.

Vous pouvez tout me dire. Concernant Sabdel, je lui ai mentionné par courrier de ne plus laisser l'amour ou la passion altérer son jugement, sans dire le pourquoi du comment. Nous verrons si elle en parle. Depuis quelques jours, on ne fait que se louper en taverne.

Appelez-moi comme vous voulez, je vous le répète, et puis plusieurs personnes connues m'appellent toujours Candyce.
Concernant la Noblesse, je partage totalement votre vision. Mais je voulais dire me concernant que je ne me sentais pas digne d'une quelconque noblesse. Je n'ai encore rien fait qui soit digne de quelque reconnaissance que ce soit. Service dans mon cas, est un service dans l'ombre, un service sans rien en retour, sans récompense. Je ne mérite rien, rien du tout.

Votre soutien m'est précieux. Je ferai tout pour être digne de votre confiance et de votre amitié, ma chère presque sœur. En ce qui concerne mon péché mignon de luxure, c'est grâce à vous que je ne m'y suis plus vautrée depuis ma dernière lettre, alors que j'aurai pu le faire plusieurs fois là.
Vous voyez, je me bats pour relever la tête même si parfois, je me laisse aller.

Mon nom est certes différent, mais je suis toujours la même personne que celle que vous avez connue et mes objectifs sont les mêmes. Mais comme vous dites, je désire me détacher de tout mon passé afin de renaître pour regagner tout ce que j'ai perdu au fur et à mesure. Pour redevenir moi-même... Celle que j'étais lorsque j'ai quitté mes parents, ma famille et vécu les plus belles années de ma vie qui s'est terminée trop tôt.

Me frayer un chemin parmi les couches des Italiens ? Je plaisante... Si Dieu vous permet de revenir en ce monde, je viendrai vous chercher où que vous soyez pour vous faire des câlins ainsi que la danse de la victoire. Et accessoirement, vous escorter chez vous ! Ouais, tel un chevalier. Mais je préférerais quand même que vous restiez en vie. Je n'ai pas du tout confiance en ce Dieu, comme vous le savez, car à moi, il m'enlève tout ce que j'aime. Alors évitez de mourir ! Sinon, je serai contrariée. Et si vous restez dans les eaux, je serai alors là effondrée. Alors arrêtons de parler de votre mort prochaine et faites plutôt bouger le cul à votre capitaine en bois.

La Thrace ! Un mois ! Deux mois ! Mille million de mille coccinelles en rut ! Mais où va-t-on ! Reviendrez-vous un jour ?? Vous allez vraiment mourir de faim en fait ! Ah non, pas de mort. Mangez le capitaine ! J'ai vu à l'université que vous étiez un doyen de la navigation, prenez donc la barre ! D'ailleurs pour parler de cela, EmmuzZzZzZzZz a fait un beau portrait de vous. Et des autres.

Dans quelques jours, j'entrerai moi-même à l'université en tant qu'étudiante de la voie de l'armée. Je suis vos traces ! Et puis, cela a toujours été ma voie. C'est bien non ?

Sardines en vue ! Jetez vos filets mignons ! Nous on a des morues. C'est pas mieux.

La Rouquine... Oui. Profitable, sans doute. Tant qu'elle ne m'empêche pas de vivre ma nouvelle vie comme je l'entends, tant que je peux vous voir, vous, ou Sabdel, sans qu'elle me fasse une crise de jalousie. Surtout vous en fait, vu que je vous suis de plus en plus proche et il n'est pas question que je me retienne. Cela elle devra l'accepter. Et ma vie aussi, sur le fait que possiblement, je désirerai m'investir avec vous dans quelque chose de concret, ou le comté, ou la cité, enfin voyez.


Ooh...
De la jalousie ?
Eavan ne s'y attendait guère.
Il n'y avait après tout rien de que de l'amitié, profonde et sincère, certes, mais de l'amitié entre elle et Candyce. Rien qui ne puisse faire concurrence à sa relation d'avec Ilya. D'autant plus qu'Eavan ne se permettrait jamais de restreindre les fréquentations de l'Hollandaise. Qu'elle les apprécie ou non, qu'elle les comprenne ou non.

Candyce a écrit:
Donc nous verrons bien tout cela une fois qu'elle sera là. Rien n'est fait, rien n'est gagné et je ne suis pas trop du genre conciliante pour certaines choses. Mais je ferai de mon mieux. Parce que je l'aime cette femme. Même si je l'aime mal et que je ne peux pas lui donner tout ce qu'elle recherche, qu'il y a des parties de moi inaccessibles pour quiconque et que je ne peux plus me donner totalement à quelqu'un. Et en plus, je suis assez difficile à vivre, au vu de mes changements soudain, mes humeurs, tout cela... mis ensemble.

Ce qui est bien aujourd'hui, c'est que comme je vous l'ai dit, je pense avoir trouvé ma voie et ma place. Donc déjà, ce sera mieux de ce point de vue, il ne devrait plus y avoir d'envie de changements de vie. Ce sera plus stable de ce point de vue.

J'essayerai de faire des efforts pour cet amour que je chéris à ma manière maladroite.

Pour ce qui est du fléau, je m'entraîne sans armure pour le moment... Alors je ne serais pas assommée si je fais une erreur, mais je me ferais éclater la tête, tout simplement ! Ou alors avec un peu de chance, la boule restera juste plantée dans mon crâne... Ce qui reviendrait évidemment au même résultat. Amusant n'est-ce pas ? Mais je fais attention, j'y vais doucement en essayant de trouver les meilleures façons de faire. Je m'entraîne toujours ou le plus souvent seule au début. Je cherche et met en œuvre des coups dans un deuxième temps, lorsque je suis à l'aise avec l'arme en question, en prenant un partenaire. J'ai quasiment toujours appris seule. Mon propre style créé par moi-même. Et je me fiche qu'il soit moins efficace que les autres. Il évolue au fil du temps.

Votre vision de la religion est finalement identique à ce que j'en dis sur le plan de la morale et d'un cadre de vie que l'Église pense sain. Mais le problème... C'est qu'elle n'applique pas elle-même ses préceptes dans la majorité des cas. Il a bon dos le dogme. La morale de l'Église fait loi par la force. Elle cherche et a toujours cherché à forcer les gens à croire en elle, à vivre selon ses préceptes. Tu le fais pas, t'es une merde. T'es aristotélicien ou t'es rien. C'est un reproche que je fais.

Mais pour avoir une morale, nulle besoin d'elle.
Et je crois en Dieu. Mais pas dans le fait qu'il régisse le monde. Il n'est pas ici, il ne fait rien pour nous. Rien de concret. Il se contente d'observer son monde. Il observe, il se fiche de ce qu'il s'y passe.
Quant à avoir la foy, je ne l'ai aucunement en cette Église qui se sert de la croyance pour assouvir ses desseins de contrôle et de domination.
J'attends avec hâte ma rencontre avec Dieu. Je suis impatiente de le rencontrer... et de lui confesser mes péchés en personne !

Nous croyons tous. Vous ne me décevez point, allons. Même si vous croyez en l'Église. Vous n'êtes pas stupide non plus. J'ai employé ce mot pour l'Église et le fait qu'elle pousse sa morale à un point qui ne laisse aucune place au plaisir de vivre. Tout simplement. C'est cela qui est stupide. Mais je me pose quand même la question du fait que vous croyez au dogme sans vous poser de questions sur certains passages... rocambolesques.

Et pour parler d'autre chose... Bien joué GaGa ! Sabdel a l'air d'avoir retrouvé le sourire grâce à vous et votre courrier. Imaginez-vous, elle m'a dit que derrière votre carapace austère, vous étiez une femme géniale !
Ne changez jamais chère presque sœur. Sinon, je vous botte le cul.

Amitiés,

Ys

PS : GaGa pour GaGaelig ! J'espère que vous ne m'en voudrez point !


Gaga donc.
C'était nouveau. Mais c'était aussi associé à l'idée que Sabdel allait mieux alors bon, elle n'allait pas faire la fine bouche et commencer à discuter des détails.

En parlant du loup d'ailleurs, elle en voyait la queue, sous la forme d'un coin du pli suivant. Pli qu'elle entreprit de déplier, par esprit de contradiction sans doute. Puis vint le temps de la lecture...


Sabdel a écrit:
Marraine,

désolée, c'est encore moi et .... ça ne va pas.
Il est tard, je devrais me mettre au lit mais là, j'ai juste envie de me pendre là.

L'infâme individu a envoyé un messager ce soir pour faire afficher des bans laconiques.
Je n'ai, comme vous l'imaginez, aucune envie de participer à cette mascarade de mariage prévu pour le 06 janvier prochain.

Ai-je une alternative ou maintenant qu'il a publié des bans, je suis obligée de m'y contraindre?
Que puis-je faire tout en me protégeant?
Peut-on le laisser librement faire afficher des bans et partir en promenade avec sa dulcinée?

Dois-je aller jusqu'à dire oui à ces épousailles et attendre ensuite, après la naissance de l'enfant j'imagine, qu'il fasse annuler ledit mariage?

Si oui, aucune sanction à son encontre?

Ensuite, s'il part au lendemain de la naissance rejoindre sa dulcinée, puis-je faire constater un abandon? est-ce prévu par nos lois héraldiques? et en ce cas, subira-t-il une sanction autre que celle d'interdiction de remariage pendant x mois?

Navrée de vous imposer un interrogatoire mais je suis anéantie et vous êtes la plus à même de me répondre de manière correcte.

J'ai appris par votre amie Ys ce soir que vous étiez encore bien loin du retour.
Cette journée n'a donc été qu'une succession de mauvaises nouvelles et je commence à en avoir plus qu'assez de ces journées merdiques.

Je suis une boule de nerfs sur pattes, je vais retourner faire un tour du village histoire de décompresser.

Que le Très-Haut vous ramène rapidement.
Affectueusement,
Sabdel


La Gaelig ferma les yeux. Pris une bonne inspiration et tacha de rester calme.
Il y avait de nombreuses questions dans ce courrier.
Il y avait aussi de nombreuses choses qui posaient problème et Eavan allait devoir s'appliquer dans sa réponse pour tenter de clarifier tout ça.
Finalement le plus frustrant était que Sabdel se retrouvait de nouveau au plus bas.

Un grognement et la décision d'Eavan fut prise.
Ce n'était pas à sa filleule qu'elle adressait sa prochaine lettre.


Eavan a écrit:

Votre Majesté,

Je vais vous adresser à très peu près les mots que j'ai couché sur parchemin à l'intention de la Vicomtesse des Arcs sur Argens.

Je pense que vous savez à la fois pour l'état de la Vicomtesse d'Orange, qui se trouve être ma filleule, et pour l'union supposément prévue de celle ci d'avec Adrian, votre vassal.
J'ignore si vous savez qu'il l'a abandonné au profit de son ancienne fiancée, la plaçant de ce fait dans une situation tout à fait inacceptable. En somme il lui fait croire à un projet commun de famille, un enfant est conçu, une promesse de mariage effectuée, des bans déposés puis le lâche voyant une ancienne conquête revenir, délaisse tout à fait la désormais enceinte Vicomtesse.

Vous me connaissez un peu, je crois.
Vous devez bien imaginer que je n'ai pas vraiment apprécié ce nouveau trait d'esprit de sa part. Peut être cette fois ci y verrez vous autre chose que son absolue "droiture" ? Mais enfin, le sujet c'est votre vassal. Vos vassaux même. Mais particulièrement celui des deux qui se moque tout à fait du rang qu'il porte.
Peut être même, me connaissant, êtes vous soulagée que je sois en mer et non en terre provençale. Il est certain que je ne réagis pas "bien".

Ainsi donc, comme à Atchepttas d'Ysgarde, je fais ce rappel : le suzerain est responsable de son vassal en actes comme en paroles.
Je précise également la même information : si votre vassal me croise, je doute qu'il en sorte indemne.

Je vous rappelle par ailleurs qu'au delà de la bienséance, il est question du mariage. Un sacrement de notre Très Sainte Eglise Aristotélicienne. Je vous rappelle que les nobles sont censés être tous des fidèles aristotéliciens et de ce fait, doivent respecter le dogme et les préceptes que nous transmet notre Très Sainte Eglise. Il est donc du plus mauvais effet de voir un noble renier à ce point la sacralité du mariage et de la famille.

La Vicomtesse des Arcs sur Argens me demande si vous avez prit des mesures, si vous envisagez d'agir. Je l'enjoindrai à vous envoyer ses questions directement. Je ne suis, par bonheur, pas suzeraine de cet énergumène.
Je suis simplement une marraine inquiète pour sa filleule et son enfant.
Je suis simplement une noble qui aimerait ne pas avoir honte de ses titres provençaux. Après tout, je préfèrerai de loin ne pas avoir à partager le même statut qu'un individu comme Adrian.

J'en conclus par un sobre "bon courage".
Dans l'espoir d'avoir quelques nouvelles à ce sujet.

Au large de Saint Georges, Grèce,

Eavan Gaelig


Il fallut de nombreuses heures de manoeuvres, de travail au gréement pour que la Gaelig se sente capable d'aller s'allonger dans son hamac sans ressasser davantage ce qui était hors de sa portée. La frustration de l'éloignement devenait chaque jour plus pénible...

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Eavan
Soixante-quinzième jour de voyage...

Le temps se gâtait un peu ce jour. L'amplitude de la houle donnait un mouvement de balancier au hamac si important qu'il en réveilla la vicomtesse. Il lui fallut peu de temps pour être prête et sur le pont. Après tout si le vent forçait, il leur fallait être attentifs et réactifs pour éviter les dégâts à la voilure et aux gréements.
Le jour passa sans que personne ne puisse tout à fait se reposer, et ce malgré la rotation des quarts. Il y avait tout simplement trop à faire.

Ce n'est qu'à la nuit tombée, lors des quelques heures de repos que le capitaine lui avait octroyé, que la Gaelig pu lire une missive reçue dans la journée. Une réponse de la marquise. Rapide, au moins.


Hersende a écrit:
Vicomtesse,

Sachez que je suis également extrêmement préoccupée par cette affaire. Outre l'affection qui me lie à la Vicomtesse d'Orange, actuellement très abattue - et on le serait à moins! - celle-ci est ma vassale à qui je dois protection, victime d'un autre de mes vassaux qui s'est comporté d'une manière ignoble.

J'ai déjà sommé celui-ci de clarifier rapidement la situation, puisqu'il m'affirme vouloir tenir parole...

Nous sommes en contact avec la Vicomtessse des Arcs pour envisager une sanction commune s'il ne respecte pas ses devoirs. L'essentiel est actuellement de sauver l'honneur de Sabdel.

Je reste, Vicomtesse, à votre disposition pour toute information complémentaire.

Hersende


Rapide et brève.
Brève mais informative.
Eavan était trop fatiguée pour s'y attarder et elle rejoignit son hamac oscillant pour s'endormir sans trop de difficultés.

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Eavan
Soixante-seizième & soixante-dix-septième jours de voyage...

Au soir du soixante-dix-septième jour, la voile tomba peu à peu. Le vent avait retrouvé une force habituelle. Le gros temps était passé. Et cette conclusion provoqua une vague de soulagement et même quelques exclamations de joie sur le pont. Les deux jours précédents avaient été intenses. Les mains de la vicomtesse, pourtant désormais habituées à l'exercice, étaient rougis du frottement des cordages, ses muscles raides, ses articulations endolories et son corps criait au besoin de sommeil et d'un bon repas. Pas forcément dans cet ordre.

Lentement, elle regagna sa cabine. Là, elle entreprit de se changer, de se laver. Sa chemise lui semblait presque tenir toute seule tant les embruns l'avaient imbibé de sel. Ce même sel était partout et formait à certains endroits une pellicule sur la peau de la vicomtesse. Peau qui était sèche, tirait et par endroit commençait à gercer. Malgré sa fatigue, Eavan prit le temps de retrouver un peu de propreté. L'étape la plus longue fut de s'occuper de ses cheveux et elle songea avec un petit rire qu'il y avait peut être de quoi récolter un boisseau complet de sel dans l'affaire.
Une fois désalée et dans des vêtements propres, secs et peu riche en sodium, la Gaelig se prépara un petit encas. Il lui fallut se contrôler pour ne pas manger trop vite et elle adopta bien vite la technique imparable qui consistait à nourrir Gizeh entre deux de ses propres bouchées.

Le félin avait tenu ses distances jusqu'à ce qu'Eavan soit propre et sèche. Ce chat avait il des standards d'aristocrate ? Etait ce une influence de la vicomtesse ?

Propre. Repue. La Gaelig du se faire violence pour ne pas simplement s’effondrer dans son hamac comme un vulgaire sac de mais.
Non. D'abord elle avait du courrier à rédiger. Elle n'avait que trop tardé.


Filleule d'abord.


Eavan a écrit:

Sabdel,

Pardonne moi cette réponse qui prit bien trop de temps face à l'urgence de tes lignes. Nous naviguons sur des eaux que le capitaine pense sûres mais je sais encore reconnaitre les erreurs stratégiques. Nous nous faufilons entre des îles et si un pavillon noir apparait, il faudra lutter. Mais ne soit pas trop inquiète pour moi. Tu sais que je défendrai chèrement ma vie et mes compagnons de voyage sauront le faire tout aussi âprement. Couler un pirate ne serait donc qu'un souvenir de plus à raconter.
Il reste que veiller occupe beaucoup de notre temps et que les manoeuvres délicates nous laissent peu de répit.

Enfin, pour tout dire, cela me permet de canaliser quelque peu mes forces que j'aurais bien volontiers mises à user les traits de l'infâme personnage à l'aide de mes phalanges. Quelque part, heureusement que je ne suis pas en Provence concernant ce point, je n'aurais pu promettre une réaction mesurée.

Malheureusement comme te le dis Candyce, nous sommes encore bien loin. Et le capitaine n'est guère causant. Aussi je suis bien incapable de te dire quand je poserai pied à terre.

Assez parlé de moi.

Tu m'envoie beaucoup de questionnements, de doutes. Je les comprends. Et d'abord, le plus important, s'il te plait, écarte donc cette idée de te pendre.

Plusieurs de tes questions appellent deux réponses distinctes de ma part : la marraine, aristotélicienne, sensée te guider dans la foy et son application, et l'amie, qui, au delà du dogme, voit les autres problèmes.

La marraine donc, faisons bref : si tu es convaincue que le mariage n'est pas sincère, le mariage étant un sacrement de notre Très Sainte Eglise à ne pas considérer avec légèreté et qui mérite de la déférence, fais en part les autorités ecclésiastiques. Il est inconcevable pour quelqu'un de prétendre à faire un mariage qui serait un "faux devant le Très Haut" tout en vadrouillant avec une autre. En d'autres mots, pareil comportement, si tu n'avais pas été concernée et victime des évènements, j'aurais pu les dénoncer à la Sainte Inquisition pour rappeler à quelques uns que la religion n'est pas un simple outil dont on se sert comme on le souhaite.

L'amie, maintenant, que je t'enjoins d'écouter : tu es dans une situation précaire, non pas parce que vous avez eu une relation hors mariage, car ce point là est tout de même aisément défendable à bien des égards, mais simplement parce que toi, contrairement à lui, tu portes l'enfant. Ah, les hommes ont bon dos à pouvoir fuir. Ils le font d'ailleurs souvent. Mais donc, toi, tu as cet enfant et donc le spectre de la bâtardise qui plane et serait du plus mauvais effet pour la vicomtesse que tu es aujourd'hui.
Je dirais donc, que malheureusement il faudra en passer par le mariage. Il faut attendre qu'il confirme sa faute et ne respecte pas ses engagements maritaux qu'il prendra alors devant le Très Haut.

Je pense Sa Majesté de ton côté. Elle ne pourra pas tolérer quelque chose d'aussi flagrant de la part de son vassal et je pense qu'il en va de même pour la vicomtesse des Arcs.
Pour l'instant donc, les apparences. Malheureusement. Avec les souffrances que je ne peux qu'imaginer pour toi. Mais surtout, ne te crois pas esseulée. S'il a l'intention de ne pas respecter ses devoirs d'époux ou de tenter de casser le mariage rapidement, je ne serais pas la seule à l'attendre au tournant.

Qui dit annulation dit enquête.
Et ce sera le bon moment pour s'assurer qu'il assume ses responsabilités et les défauts vis à vis de celles cis.
Tromper est grave.
Se marier en sachant d'avance qu'on ne respectera pas le sacrement c'est encore une gravité bien plus appuyée.

Les sanctions héraldiques suivront les autres condamnations. Hormis pour des manquements administratifs ou manifestes à l'allégeance même, il est rare que les sanctions héraldiques précèdent les autres.

Tu n'es pas seule. Même si tu le ressens ainsi. Et toi comme cet enfant serez toujours les bienvenus chez moi. Peu importe l'issue.

Courage.

Ta Marraine,
Ton Amie,

Eavan


La souveraine ensuite.

Eavan a écrit:

Votre Majesté,

Cela devient coutumier, vos lignes sont tout à la fois capables de me rassurer et de me faire chaque fois un peu plus perdre foy en la noblesse provençale.

M'écrivez vous très sérieusement que vous ne ferez qu'envisager des sanctions s'il ne respecte pas ses devoirs ?
Un noble n'est il pas de facto sanctionné lorsqu'il ne respecte pas ses devoirs ?

En toute franchise, cet homme n'en est pas à son coup d'essai et je trouve qu'il va bien falloir cesser de tout lui passer sous prétexte qu'il a le profil agréable ou le parler mielleux, selon ce que vous choisirez de retenir.
Il y a quelques mois, on le voyait comme un ange alors même qu'il affichait très ouvertement qu'il refusait de remplir sa part de l'allégeance. Mots de colère ou sincères, le fait est qu'il a bien cessé de la remplir et que ni vous, ni la Hérauderie, ni même la noblesse dans sa grande majorité n'a trouvé cela choquant. De même, personne ne lui a demandé d'explication quant à ses accusations de traitrise en taverne me concernant, qui, là encore, ne semblèrent gêner que moi et quelques arlésiens.
Vous même vous êtes sentie obligée d'avoir une attitude prudente et avez soigneusement veillé à ne pas le contredire publiquement avant qu'il ne fasse ses excuses publiques théâtrales. J'espèrais au moins que la "confiance" que vous m'écriviez en privée, vous auriez su l'assumer en public.

Je ne reviens pas sur l'évènement pour me plaindre. C'est vain, je le sais.
Il a de toute façon reçu des lauriers pour l'attitude qu'il aura eu envers moi. Soit.
J'aimerais juste que vous ouvriez les yeux quant au caractère de l'homme. Malheureusement aie je presque envie de dire, je n'avais pas un enfant à naître sous le nombril pour vous convaincre de mon honnêteté.

Mais là, s'il vous plait, je vous en conjure, cessez donc de lui conférer une sorte de bénéfice du doute permanent.
Que vous faut il de sa part pour que vous parveniez à le trouver condamnable ?
Une autre prise de château ?
N'y a-t-il rien d'autre qui soit profondément hors de votre perception de la noblesse ?
Ne mérite-t-il pas un avertissement pour ses va et vient dans ses promesses de mariage ?
Pour jouer avec une femme qu'il a mis enceinte, cette chose là nécessitant deux personnes ?
Pour habiter avec une autre alors même qu'il prétent épouser la première ?

Par pitié, il serait peut être temps de taper du poing sur la table !
Attendez vous un mariage qui sera une profonde injure à notre foy aristotélicienne avant de lui rappeler que ses devoirs ne sont pas des possibilités mais des obligations dont le non respect conduira de facto et non "peut être" à des sanctions ?

Cet homme n'a eu de cesse de clâmer que les règles ne l'atteignaient pas. Qu'il était bien au dessus et en toute compétence pour savoir lesquelles suivre ou non selon son bon plaisir.
Lorsqu'une vassale l'a appelée au secours il a délibérément choisi de l'humilier en y associant une interdiction de lui adresser la parole.
Lorsque des conseillers lui ont montré l'illégalité d'une de ses stratégies il a crié à la trahison et a minimisé l'agression de l'un d'eux par un récidiviste. Je vous rappelle d'ailleurs que le Comte de Cassis n'a même pas porté plainte, face à tant d'aveuglement. Oh, vous me direz que c'est Cassis qui a prit cette décision. Certes, mais par pitié, souvenez vous du contexte et pas seulement de ce qui vous sied. Souvenez vous des courriers qu'à montré Cassis dans lesquels l'homme qui était Illustre à l'époque, l'accusait clairement de s'être "fait agresser" "exprès" pour "lui nuire" à lui. Voilà qui est Adrian.

Je vous conjure d'être ferme.

Pour ma part, je suis certaine de deux choses :
* si je le croise, vous risquez d'avoir à me blâmer, parce si vous ne faites qu'envisager de le sanctionner, moi je ne ferais pas qu'envisager de lui faire sentir ma façon de penser ;
* s'il ne respecte pas ses voeux de mariage et reste noble, je ne conçois pas de continuer à porter un titre qui me rattache à une noblesse qui n'accorde aucune importance aux sacrements aristotéliciens. Je soutiens la nécessité d'un mariage pour régulariser la situation de l'enfant à naître mais s'il est parfaitement bafoué alors il faudra faire plus qu'envisager de sévir.
Il faudra sévir.


Je regrette de ne pouvoir être là physiquement pour soutenir la vicomtesse d'Orange. Notre capitaine n'a pas l'air pressé de rentrer. Mais si vous en avez le temps, et l'envie, essayez de soutenir la vicomtesse et de la rassurer sincèrement sur le fait qu'Adrian ne sera pas immunisé aux conséquences de ses frasques.

Dans un vague espoir que vous parveniez à me rassurer,
Entre deux vagues,

Eavagu..
Eavan Gaelig


La volonté de la vicomtesse la porta jusqu'à ce que les deux volatiles s'envolent.
Et jusqu'à son hamac dans lequel elle s'effondra comme un des dignes sacs de mais qu'elle cultive.

_________________
Arystote
Soixante-dix-septième jour de voyage

Le feuilleton provençal, semblait préoccuper Eavan et le Comte de Cassis comprenait qu'elle ait pris son rôle de marraine à coeur. Lui-même, durant sa brève vie de parrain s'était inquiété des épreuves traversées par sa filleule. Encore aujourd'hui, parfois et bien qu'elle ne soit plus aristotélicienne, pensait-il à elle en se demandant avec affection si elle allait bien.

Pour autant, Arystote ne suivait l'affaire que de très loin via les bribes qui lui en parvenait. Lantosque avait d'ailleurs reçu des courriers qui semblaient l'avoir irrités et qui, bien qu'invraisemblables, semblaient aussi être en lien avec les histoires de cu coeur de la Noblesse Provençale.
Il était suffisamment préoccupé par les battements de son propre coeur à chaque fois qu'il croisait Eavan pour ne pas avoir à se préoccuper de ceux des autres.

Aussi s'était-il levé de bonne humeur, d'autant que les vents étaient plutôt calmes, ce qui n'avait pas été le cas les jours précédents. Et les vents calmes ne pouvaient signifier qu'une chose, c'était jour de pêche !

Ce n'est donc qu'après s'être saisi de son filet qu'il aperçut un volatile tenant entre ses pattes un pli dont il reconnut immédiatement le scel. S'attendant au pire, il en prit connaissance.



Citation:


De nous, Mielle de Lauvain, Vicomtesse du Bar-sur-Loup, Dona de Bédoin,
A vous Yueel-Arystote de Champlecy, Comte de Cassis, encore Vicomte de Carpentras
A vous, Assemblée des Hérauts du Marquisat de Provence,

Nous Mielle de Lauvain en notre qualité de Maitre d'Armes de l'Assemblée des Hérauts de Provence.
Nous accusons réception un peu tardivement de votre missive faisant le souhait de céder votre Vicomté de Carpentras à Eavan Maeve Gaelig, Vicomtesse de Salon de Provence et de Rians.
Nous trouvons regrettable que la situation ne se soit pas améliorée avec sa Majesté.

Nous vous informons que nous ferrons le nécessaire avant la fin de la semaine, cela vous laissera le temps de régler vos dernières affaires ainsi que le déménagement.

Recevez toutes nos salutations du aà votre rang

Fait à Aix, le lundi 19 décembre 1465

Maitre d’Armes
Vicomtesse Le Bar-sur-Loup, Dona de Bédoin




Une fois n'est pas coutume, l'Hérauderie avait été rapide à lui répondre et visiblement sans venir s'opposer à sa demande ce qui relevait du miracle. Il aurait aimé s'en réjouir mais il savait aussi ce que cela signifiait : sa suzeraine préférait voir Arystote céder son fief à une autre fut-elle Eavan Maeve Gaelig, plutôt qu'il conserve un fief de mérite. Ce n'était pourtant qu'un détail et il devait affronter un problème bien plus grave... Il n'avait toujours pas parlé à Eavan de son souhait de lui céder Carpentras et elle pouvait encore bien refuser ; plus légitimement se vexer qu'il n'ait pas commencé par le lui demander à elle.

Il s'était tellement attendu à ce que l'Hérauderie soit aussi longue à répondre qu'aussi active à lui mettre des bâtons dans les roues qu'il se retrouvait un peu idiot, la lettre dans sa main.

Il faudrait qu'il s'entretienne avec elle, au mess de préférence, histoire qu'une bière l'aide un peu !

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