Un bref sourire vint naître sur les lèvres de lévêque. La promesse dArystote valait tout l'or du monde. C'était un début de rédemption, une tentative d'amélioration. Fallait il qu'il soit buté pour avoir autant tarder, ou que la Marquise soit autant inacceptable pour lui, pour qu'il en soit arriver là. Car le brun l'oubliait souvent, mais le comte de Cassis était jeune. Pour dire le vrai, il avait quasiment le même age. Portalis devait être laîné d'un ou deux ans, tout au plus. Mais les aléas de la vie, les conséquences de nombreux actes passés, semblait avoir vieilli plus que de raison Arystote aux yeux du monde, et aux yeux de Portalis. Ses démêlés avec Hersende l'avait mûri trop tot, en même temps qu'ils avaient forgés un homme. Bien malin qui comprendrait un jour les rapports entre la Marquise et le Comte! Le chapelain ne s'y risqua pas et écouta plutot la suite avec respect, tortillant par moments ses pouces entre eux.
La suite de la confession le laissait de plus en plus songeur, et dubitatif
Mmmh, fit il après un instant de réflexion, eh bien...
Tout d'abord, je suis sincèrement désolé pour tous ces drames qui vous ont frappé étant encore jeune enfant. A les entendre ainsi, on comprends mieux votre caractère farouche de prime abord, cet air de suffisance que vous avez parfois. Ne riez pas, ou ne le prenez pas mal. J'avoue etre tombé dans le piège souvent, face à vous, j'en étais même impressionné par trop, j'en finissais par ânonner des anneries.
Le brun marqua une pause, revenant mentalement à une réception dans un salon de Cassis, ou il avait enchaîné les bourdes, avant de chasser l'idée de la main et de reprendre
Mais ceci est une couverture, qui cache l'enfance meurtri d'un tout jeune garçon, qui avait déjà le sens du devoir - et sans le savoir celui de la mère patrie - au point d'accepter sans rechigné des fiançailles qui ne lui plaisait point.
Et cela montre encore une autre chose, vos rapports avec le sexe opposé. Votre mère, Prunille, Aliénor, Hersende.... Toute votre vie s'est construite autour de figures féminines, qui plus est, de ce que je sais, ou entends, de fortes figures. Pour elles, ou contre elles, vous avez affirmé votre caractère, bataillé, guerroyé, jeté dans des projets tantot sages, tantot fous, tenu des promesses par respect, dénoncé des promesses par rancune. Votre candidature contre Aliénor en est la preuve ultime - je laisse de coté Hersende, sinon nous n'en finirons jamais... Vous reconnaissez vosu meme que chacun s'est présenté pour enquiquiner l'autre. mais dans votre famille, au sens large du terme, ce n'est pas à prendre à la légère. Comme le Marquisat. Et le Marquisat tue, de différentes manières, mais il tue... sauf Hersende.
Ce n'est pas votre faute si Aliénor est morte. Chacun est maitre de son destin, de ses actes. Aliénor est morte de son choix, mais pas d'avoir voulu vous enquiquiner avec ça, ni de vous faire payer l'humiliation d'une dénonciation d'un mariage arrangé qui n'arrangeait personne. Non. Aliénor est morte du Marquisat, chronophage, bourreau, maître et esclave. usiez vous été tenté de vouloir l'aider, qu'elle aurait assurément refusé, à cause de votre lourd passé commun et de cet héritage qui ne l'était pas moins.
Non, mon fils, vous n'y êtes pour rien dans le suicide d'Aliénor. la Provence a tué Aliénor, et Aliénor s'est tuée en connaissance de cause, à cause de la Provence. On ne peut refaire l'histoire et le passé, hélas. On doit vivre avec, et c'est un grand poids parfois.
Légère pause, le temps de se tourner vers lui, et de dire d'une voix douce, apaisante
Je n'ai qu'un conseil à vous donner, pas en tant que confesseur, mais en tant qu'un potentiel, bien que maladroit ami : pardonnez vous, Ary. Pardonnez vous votre passé. pardonnez vous de ne pas etre ce qu'on voulait que vous soyez. Pardonnez vous d'avoir grandi trop tot, trop vite. Pardonnez les morts de vous avoir abandonner.
Vous etes quelqu'un de bien. Quelqu'un de tout simple finalement. Car vous êtes juste Ary. et Ary est quelqu'un de bien
Puis, toussotant un peu plus que de coutume, le confesseur conclut sa diatribe
En tout cas, de tout ceci, le Très Haut vous pardonnera par mon absolution.
Il sarrêta, le laissant maître de la suite des événements, ou pas.