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[RP] Perdu de recherche *

Alicina
* Les Inconnus

    - Quelque part en France, mais où ? -



Quand on n'est pas doué, on n'est pas doué. La veille au soir, je m'étais assoupie dans une charrette pleine de choux. Il faisait froid, je m'étais glissée sous une couverture. Je voulais essayer de dormir à la belle étoile. Une nouvelle expérience que je voulais tenter.
Pour une fois, Pantoufle avait été gentil. Il s'était blotti contre moi sans chercher à s'enfuir. Et bêtement, je m'étais bel et bien endormie.
Sauf qu'au matin, je n'étais plus au même endroit. Et c'est là qu'avait commencé mon calvaire.

Je ne reconnaissais rien, même en plissant les paupières très fort. J'avais beau tenter de prendre ce cours d'eau inconnu pour un ami de longue date, y'avait pas moyen. J'étais paumée au beau milieu de nulle part. Comment la charrette avait bien pu bouger toute seule ? Il ne me vint que bien tard l'idée qu'un paysan avait dû partir sans me remarquer. Sans doute qu'entre les choux et les carottes, j'avais du passer inaperçu. Flatteur, n'est-ce pas ?
Mon matou dans les bras, je quittai sans plus tarder la charrette voyageuse. J'arpentai les rues, essayant sans grand succès de ne pas paniquer. Allais-je oser demander mon chemin ? Mais comment formuler ma question ? « Bonjour, je tombe du ciel, vous pourriez m'indiquer le chemin le plus court jusqu'au village d'où je viens et dont je ne connais pas le nom, s'il vous plait ? » Un coup à finir à l'asile, ça.

– On est mal, mon gros.

Pantoufle ronronna. Il m'était d'un sacré soutien, assurément. Mais voilà qu'un havre de paix se dessinait devant moi. Une auberge. La « Boussole ». Ce qui tombait plutôt bien. Je me hâtai dans cette direction. J'entrai en silence, détaillant les consommateurs. Tous des bonhommes. Et moi, dans ma robe à l'ourlet crotté, le chignon en pagaille, je faisais tâche. Une rousse et un chat orange dans une auberge, ça attirait les regards. Je vis tous les visages converger vers moi. Je tentai un sourire qui ressemblait plus à une grimace.

– Salut la compagnie ! On se rince le gosier ?

Mon public restait impassible. Aucune émotion. Rien. Néant absolu. Mon art n'était pas assez reconnu. Je m'approchai du comptoir, Pantoufle toujours dans les bras. J'étais pas prête de lâcher mon seul allié, qui ne semblait pas pressé de quitter le foyer rassurant de ma poitrine.

– Un verre d'aligoté ! mandai-je à voix forte. Comme si j'étais confiante. Moi paniquée ? Mais pas du tout !

Le vin arriva à point nommé. Je l'avalai d'une traite. Dieu que ça faisait du bien ! J'en commandai un autre. Et maintenant, les choses sérieuses.

– On est où, exactement ?
– La Boussole.
– Ouais, je sais. Mais la Boussole de quelle ville ?
– Paye ton coup.

Je soupirai. Je portai la main à ma ceinture en souriant... avant de grimacer comme je venais de boire un jus de navet. (J'ai horreur des navets.) J'avais perdu ma bourse dans mon périple.

– Euh... Disons que j'ai pas de quoi, là, mais je peux travailler gratuitement pour payer. Ca se fait. Je suis écrivain public, sinon. Vous n'avez pas un parent éloigné à qui donner de nouvelles ?

Un mauvais sourire s'étala sur la face horrible du tavernier. Il contourna son comptoir, l'œil lubrique. Je tâchai d'imaginer que ce regard écœurant n'était pas le reflet des intentions du bonhomme. Il devait penser à sa femme. Ou à sa maîtresse. Ou à sa sœur. Ou à...

– T'peux payer en nature aussi.

... ou à moi. Je m'autorisai à paniquer, maintenant.

– En nature ? Vous voulez que j'aille vous cueillir... des fleurs ? Non, c'est pas la saison. Ou des fruits ? Oh, pas la saison non plus. Mais je connais un type qui vend des choux, c'est bon pour le transit, le chou. Non ?
– En nature. Fais pas ta mijaurée.

Il posa l'une de ses paluches sur mon épaule. Pantoufle feula mais l'autre n'y fit pas attention.

– Attention, c'est un chat dangereux. Vous connaissez la légende des chats-garou ? Je crois que c'en est un et...

Il affirma sa prise et tendit l'autre main vers ma poitrine menue.

– Euh... Quelqu'un ? A l'aide ? couinai-je d'une voix aigüe.
Niallan
[Devrais-je rester ou devrais-je partir ?*]

Pour une fois je bois pour fêter quelque chose. Ma femme m’a annoncé hier qu’elle portait notre enfant, ce petit « nous » auquel nous pensions ne pas avoir droit. Elle ne pouvait pas avoir d’enfants et moi j’avais déjà ma gamine. Et puis j’aime pas les chiards, d’abord. J’ai aucun instinct paternel et le fait que j’aime ma môme à en crever et que je lève une mini armée pour la défendre n’a rien à voir là-dedans. J’aime pas les chiards, j’aime juste les miens. Aussi, lorsqu’une rouquine paumée se pointe dans la taverne que j’occupe et essaye d’entamer la discussion, je l’ignore superbement. C’est que j’ai une quête à préparer moi, des courriers à envoyer, des gens à prévenir… Et puis elle se débrouille bien toute seule, la preuve, elle demande à boire.

Pas franchement concentré sur ma rédaction, je retiens de justesse un rire en entendant sa question. Et après on s’étonne que je considère que les possesseurs de tignasses rousses sont tous des tarés ? Pas un n’échappe à la règle, encore moins ma demie-fille, j’ai nommé Léna. Parlant de Léna, si j’avais fait un peu plus attention à la donzelle inconnue, j’aurais remarqué les traits qu’elle partage avec elle. Mais je n’y ai pas fait attention, j’ai autre chose à foutre. Sifflant d’un trait la fin de mon godet, je m’apprête à poursuivre l’atelier écriture quand une phrase du tavernier me fait sérieusement tiquer. En nature, mouais. D’accord la rouquine n’est plus une gamine et d’accord j’ai dit que je ne préoccupais pas des emmerdes des autres (j’en ai suffisant de mon côté) mais je laisse tomber ma missive pour les regarder, bras croisés.

Non, je n’interviendrai pas. Hors de questions que je m’en mêle, surtout si c’est pour me faire exploser la tronche. C’est pas ma faute si la roukmoute est fauchée. Chacun sa merde. Y n’empêche que ma lèvre inférieure se met à trembler dangereusement quand le vicieux pose sa main sur l’épaule féminine. Non, je ne m’en mêlerai pas. Je me rétablis déjà difficilement de la blessure infligée par une lame franc-comtoise et surtout, pour aller zigouiller le grand-père de ma fille et les mercenaires qu’il s’est donné la peine d’envoyer, faut que je sois au top de ma forme ce qui implique le fait d’éviter toute action pseudo-héroïque. Et puis il approche son autre main de la poitrine de la rousse. Me reviennent en mémoire des images que j’aurais préféré oublier. Ma fille en pleurs, un téton arraché. Violée par un malade à Vienne. Je vais m’en mêler. Et pas plus tard que tout de suite. Délaissant choppe vide et parchemin à peine entamé, je me dirige vers le comptoir, un sourire faussement affable sur les lèvres.

Eh bien Léna, j’ai failli attendre. J’ai bien cru que tu allais me poser un lapin…

Ouais, bon, m’emmerdez pas pour le prénom, j’ai pris le premier qui me venait à l’esprit, surtout qu’elle lui ressemble étrangement… Souriant toujours, je glisse mon bras autour de la taille de l’inconnue et la tire doucement en arrière pour éviter la main baladeuse. Et maintenant le mec. Résister à l’envie de le traiter de porc et d’achever de le défigurer, voilà qui me parait bien difficile mais j’y arrive.

Elle est avec moi.

Mes yeux traduisent ce que je n’ai pas dit : tu la touches, je te bute. Et, glissant mon bras libre le long de ma hanche, je m’empare de la bourse glissée à ma ceinture de laquelle je sors quelques écus. Ecus posés aussitôt sur le comptoir.

J’imagine que ça compense largement ce qu’elle vous doit.

Le problème c’est que le gars n’a toujours pas viré sa main et ça commence à sérieusement m’agacer, d’ailleurs je crois que le matou me rejoint dans mon agacement puisqu’il approche ses griffes de ladite main.

Non, c’pas assez.
Et moi je suis sûr que si, virez votre saloperie de main avant qu’il me prenne l’envie de vous la couper. Et pas seulement la main.

Et ça y est, c’est parti. En même temps, il m’a cherché. Il se décide à la relâcher mais c’est pour aller farfouiller dans son comptoir, le tout sans me lâcher de ses petits yeux vicieux. Je suis certain qu’il cherche une arme, un gourdin sans doute. Les habitués du bouge se jettent des regards du genre « on se lève et on fout une raclée au petit nouveau ? » alors que moi j’affiche le sourire du petit con insolent, celui qui se prend toujours des raclées mais avec le sourire qui agace. Ouais mais là j’ai pas très envie de me faire maraver la tronche par ces demeurés. Je me glisse brièvement à l’oreille d’Alicina dont j’ignore le nom :

Préparez-vous à courir.

Un des habitués se lève et se dirige vers la porte au moment où je commence moi-même à le faire. Il a un sourire mauvais qui laisse apparaitre des dents pourries mais il est aussi bien beurré. Esquissant un sourire des plus amicaux je continue ma progression vers la porte.

Bonjour ! Moi c’est Paul et vous ?

Le type semble surpris de cette entrée en matière et sa surprise me permet de lui décocher une droite bien sentie. Il se viande au sol, j’ouvre la porte. Les autres se lèvent, ça gueule.

On court !

La main de la jeune femme dans la mienne, je commence à courir, pestant intérieurement contre ma tendance à m’attirer des embrouilles.


*Traduction The Clash - Should I Stay Or Should I Go

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Bannière réalisée par les grands soins de JD Calyce.
Alicina
[Il faudra que je cours, tous les jours]
Kyo « Je cours »


Si je doutais de l'existence divine, maintenant, je savais que Dieu existait. Preuve, Il m'envoyait un sauveur. Sans doute qu'Il en avait marre de me voir tout le temps plongée dans des embrouilles diverses et variées. Et qu'Il m'envoyait un ange-gardien. Pas bête du tout, cette idée. Faudrait que je songe à brûler un cierge, un de ces jours.
Enfin bref, mon ange-gardien était là. Il me prenait par la taille pour m'éloigner du tavernier. Sauf que le vicieux n'était pas décidé à lâcher l'affaire. Donc moi. Mais rien n'arrêtait Angy - l'ange-gardien quoi - qui le menaçait. Carrément. Il avait des ailes planquées sous sa chemise, le sauveur ? Parce qu'à part s'envoler, je voyais pas comment on allait se sortir de cette situation. Mais après tout, Dieu était avec nous. Relax, Max.

Ce qui m'interpella, c'était qu'il me donne le diminutif de ma sœur. Angy avait dû se gourer de fiche, il m'avait confondu avec ma jumelle. Mais à vrai dire, il aurait tout aussi bien pu m'appeler Gertrude que j'aurais été contente.
J'étais avec lui, oui, absolument. Pourvu qu'ils y croient, pourvu qu'ils y croient... Ah bah non, ça marchait pas. Le libidineux farfouillait derrière son comptoir avec un sale air. Le genre de type qui poignarde ses victimes dans le dos. Merde, on était pas en train de lui tourner le dos, là ?
Angy gérait la situation. Il me disait de courir, j'allais le faire. Sauf qu'un bonhomme se mit en travers de notre chemin. Et alors que mon sauveur lui foutait une beigne qui m'aurait tué sur le coup, le tavernier se redressa en brandissant un truc non identifié. Ni une ni deux. Je lui balancai Pantoufle à la figure.
Mon chat, sifflant, crachant, lui laboura le visage avant de détaler par la porte ouverte, nous sur ses talons.

Angy m'attrapa par la main, et nous détalâmes version lapins dopés. Je manquai de m'étaler, alors je soulevai ma robe d'une main. Mes chaussettes hautes, blanches, étaient révélées aux yeux de tous. Si ma mère me voyait...
Hors d'haleine, je forçai mon compagnon de galère à ralentir jusqu'à l'arrêt total. Etant donné que je ne connaissais pas le village, je ne savais pas si nous étions loin de la « Boussole », mais je décidai qu'on ne risquait plus rien. Devant nous, des champs. Je ne connaissais rien du monde, mais une chose était certaine. Il devait être recouvert aux trois quarts de champs. Les mains sur les genoux, je repris mon souffle aussi gracieusement qu'un bœuf.
A quelques mètres devant nous, Pantoufle agitait sa queue qui avait triplé de volume.

– Merci Paul, vous m'avez sauvé la vie. J'espère que vous êtes pas du coin ? Si c'est le cas, songez à déménager.

Je me redressai, posant les mains sur mes reins. Il faisait beau, froid mais pas trop. Dommage qu'on ait une bande d'ivrognes à nos trousses, ça aurait pu être une chouette journée.

– Je m'appelle Alicina, au fait. Mais appelez-moi Al'. M'enfin, vous devez déjà savoir tout ça, hein ?

Je lâchai un « ah ah » de connivence. Il comprendrait. Ou pas. Je regardai les environs, guettant les signes annonciateurs du rapprochement de nos poursuivants. D'ailleurs, si je me concentrais bien, n'était-ce pas la douce rumeur d'une bande de poivrots en colère que j'entendais, non loin ? Sauf qu'à part des champs, dans le coin... Ils allaient nous voir. Et jouer au chat et à la souris n'était pas mon activité favorite. Mais, cette grange, là-bas...

– Venez, Paul. A moins que vous préfériez finir en tourte à la viande.

D'un geste, je récupérai Pantoufle. Et à pas de loups, je me dirigeai vers le bâtiment, à quelques mètres de nous. La porte était ouverte. Ma poisse tournerait-elle ? A l'intérieur, il y avait des vaches.

– N'ayez pas peur, elles ne nous trahirons pas. Hein les filles ?

J'escaladai l'échelle, mon matou sous le bras. La paille me grattait déjà mais c'était ça où pire que la mort. Je me laissais choir, jambes croisées. Il n'y avait plus qu'à attendre la nuit. Les femmes des bonhommes les rappelleraient à grand renfort de soupe et de menaces diverses, comme savent si bien le faire les paysannes.

– Alors, Paul. Vous faites quoi, ici ? Enfin, pas dans la paille. Dans ce bourg. Moi, je me suis perdue. J'étais dans les choux, littéralement. Une charrette. Je me suis endormie. Et quand je me suis réveillée, j'étais ici. Je ne sais pas du tout où nous sommes. Vous savez, vous ?

Pantoufle piétina allègrement mes cuisses, labourant mes genoux dénudés de ses griffes acérées. Je ne m'en occupai pas vraiment, j'avais tellement froid aux jambes que j'étais anesthésiée. Je me contentai de poser des dizaines de questions à Angy alias Paul, en bonne bavarde que j'étais.
Niallan
[Je suis le passager, et je me promène, et je me promène
Je promène à travers l'arrière de la ville*]



Ouais, bon, on est d’accord, niveau promenade on fait mieux. Je sais courir vite (et heureusement pour moi sinon je me serais pris un nombre incalculable de branlées) mais je fume. Hein, vous le savez que je fume ? Et je bois, aussi. Du coup mes poumons n’apprécient pas franchement que je leur impose une course version sprinteur jamaïcain. Mais je le fais quand même parce qu’il est hors de questions que je clamse alors que pour une fois je n’ai rien fait de plus que mon devoir de bon citoyen, les menaces en plus. Donc, nous courons. Plus vite que nos poursuivants, moins vite que le matou (lui il triche, il a quatre pattes). Et lorsqu’enfin la rouquine se décide à s’arrêter, je la remercie intérieurement. Une minute de plus et je m’effondrais.
Haletant et visiblement épuisé, j’adopte sa technique pour récupérer mon souffle. Courbé en deux, mains sur les genoux avec la grâce caractéristique des bœufs. Et, dans le même temps je procède à un auto-enguirlandage dans les règles de l’art. Putain, c’est pas croyable ça, j’étais obligé d’être dans cette saloperie de taverne à ce moment-là ?! Et surtout, j’étais obligé d’intervenir ?! C’est vrai quoi ! C’est pas mes affaires tout ça. En plus je suis pas un type bien, je préfère (et de loin) qu’on me voit comme un c0nnard fini que comme le bon samaritain prêt à tout pour sauver son prochain. Parce que le problème, avec cette vision c’est que c’est toujours sur votre épaule qu’on vient taper après. Qu’elle tape sur mon épaule, elle, tu vas voir que je vais la ramener moi-même aux poivrots.

Et là voilà qui parle à son chat ! Vraiment pas finie cette donzelle. Bah oui, Paul, forcément c’est le chat. Et non ce n’est pas lui qui lui a sauvé la vie, lui n’a fait que griffer. C’est MOI. Folle et ingrate, on a le duo gagnant. Et puis je capte, tardivement mais je capte. Paul c’est moi. Pourquoi j’ai donné ce prénom, moi ? J’ai un ennemi qui s’appelle Paul ?

Ah, hum. Oui.

Très loquace je suis. Surtout que je n’ai rien compris à sa phrase, tout occupé que j’étais à percer l’identité de Paul. Loquace je le suis encore moins en entendant le bruit de nos poursuivants. Sans déconner, faut recommencer à courir ? Regardant Al’ (puisque maintenant je connais son prénom) d’un mauvais œil, je m’apprête à traverser le champ en courant quand elle propose une idée qui me botte carrément. Sans prendre le temps de répondre, je lui décoche beau sourire et lui emboite le pas, direction la grange.
Parlons-en de la grange. Des vaches, partout des vaches ! Etouffant un grognement, j’évite avec difficulté une bouse bien fraiche et contourne en mode crabe collé au mur un attroupement de ruminants. Pendant ce temps on a la rousse qui continue de parler pour rien dire. Une caractéristique propre à la gente féminine, ça.

La prochaine fois je la laisserai se démerder…

Et hop, me voilà en haut de l’échelle. La paille m’arrache un sourire alors que je me vautre dedans. Un brin de paille entre les doigts, je me prends à me remémorer de vieux souvenirs… Combien de filles j’ai pu culbuter dans la paille ? Combien de fois ai-je été heureux de pioncer dans une grange les soirs de grands froids ? Même que parfois je combinais les deux. Et c’était bon et c’était beau. Et ma petite séquence nostalgie est interrompue par Alicina en personne. Chieuse jusqu’au bout, hein ?
Me redressant sur les coudes, j’incline la tête sur le côté pour l’observer. Je n’arrive pas à déterminer si elle m’amuse ou si elle m’exaspère.

Je m’appelle Niallan.

Eh ouais, d’abord. Ensuite…

Je bats la pampa à la recherche de ma fille et pour tout vous dire je sais pas exactement où on est. Dans la campagne, ça c’est clair. Quelque part dans le Limousin, ou l’Auvergne, allez savoir.

Et enfin, un petit effort de ma part :

Mais dites-moi, qu’est-ce que vous foutiez dans une charrette ? Vous savez qu’il y a des auberges pour dormir ? Et les auberges ça ne se déplace pas pendant la nuit.

Décidément, le ton moralisateur ça me va pas du tout. J’ai dormi dans tellement d’endroits bizarres que la reprendre là-dessus me parait ridicule. Mais tant pis, je souris et c’est l’essentiel. Peut-être que j’ai bien fait de jouer les héros finalement.


*Traduction Iggy Pop - The Passenger

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Bannière réalisée par les grands soins de JD Calyce.
Alicina
[Bienvenue dans ma vie]
Simple Plan « Welcome to my life »


Niallan ? Niallan ? Pas Paul ? Bon, s'il le disait. Je dévisageai le bonhomme. Il ne savait pas non plus où nous étions. Le Limousin ? L'Auvergne ? Oh, merde. Je posai Pantoufle dans la paille et me levai d'un bond. Enfin, j'essayai. Parce que tout ça n'était pas très stable, et je retombai sur le derrière avant de me redresser, plus lentement. Soulevant ma robe jusqu'au milieu de mes cuisses pour circuler plus facilement, je me dirigeai en levant bien haut les pieds jusqu'à l'œil de bœuf. Je me moquais comme de ma première chute qu'Angy alias Paul alias Niallan reluque mes jambes. Je ne possédais pas un physique de rêve. Mince, voire un peu maigre, mes formes n'étaient pas de celles qui ravissaient l'œil.

– L'Auvergne ? Diantre ! On dirait bien des montagnes, ouais. Bien ma veine.

Je retournai m'asseoir, me laissant tomber dans la paille. Je soufflai sur ma frange. Je n'avais décidément pas de bol. M'allongeant de tout mon long, bras en croix je poussai un soupire digne d'une tragédienne grecque. Ce genre de trucs, ça n'arrivait pas aux autres. Ca n'arrivait qu'à moi.

– Vous cherchez votre fille ? Mon père aussi passait beaucoup de temps à me chercher, quand j'étais petite. Une fois, il m'a retrouvé dans la soue, avec les cochons. Je vous plains !

Le regard perdu au plafond, je me laissais bercer par le meuglement des vaches. Niallan me remontait les bretelles. Mais la question était plus ou moins légitime. Dormir dans une charrette inconnue n'était pas très malin. Mais je ne pensais pas souvent au lendemain. Si je passais la journée, je m'estimais heureuse. Faire de projets ? Penser à l'avenir ? Pas pour moi. J'étais incapable de passer vingt-quatre heures sans me plonger dans une embrouille quelconque. Alors pensez bien que réfléchir sur la durée...

– Une nouvelle expérience. Je voulais dormir à la belle étoile, mais le sol est trop froid. Alors... La charrette m'a semblé l'endroit idéal. Il ne m'était pas venu à l'idée que le propriétaire pouvait voyager.

Je commençai à avoir faim. Et soif. Pantoufle dormait tranquillement. Mon sauveur mâchonnait son épis. Et je ne faisais rien. Je rêvais d'une bonne tranche de pain beurré, de fromage, de lait frais, de...

– Eeeeeh !

Je me redressai d'un bond en position assise. J'avais l'œil pétillant et un large sourire aux lèvres, ce qui n'augurait rien de bon. Précautionneusement, je me trainai jusqu'à Niallan, m'effondrant à moitié sur lui. De la paille plein les cheveux, je me redressai en prenant appui sur son torse. J'avais peut-être l'air un peu folle, mais je m'en fichais pas mal. Je venais d'avoir une idée de génie.

– On risque d'attendre longtemps. Ca vous dit du lait ? Allez, venez !

Je lui tirai sur la jambe et descendis l'échelle en quelques bonds. Les vaches me faisaient face. Je n'avais jamais fait ce genre de travaux de ferme. Mais traire une vache ne devait pas être beaucoup plus compliqué que d'écrire une lettre d'amour.
Un seau, dans un coin, acheva de me décider. Je sautillai sur place, ne sachant laquelle choisir. Je me décidai pour la première. Agenouillée devant les mamelles, je plaçai le récipient en dessous.

– Vous faites quoi dans la vie, Angy ? Enfin, Niallan. Vous seriez pas fermier par hasard ?

Je réchauffai mes mains sous mes bras avant de m'emparer d'un pis. Je tirai dessus doucement pour ne pas faire de mal à l'animal. Rien ne sortit. Je recommençai, pressant plus fort. Un jet de lait frappa le fond du seau. Je poussai un cri de joie, et me pris la queue de la vache dans la figure. Argh. Je frottai ma joue rougie et repris mon opération « tirage de pis ».

– Alors, dites-moi tout ! Vous êtes marié ? Vous avez plusieurs enfants ? Racontez-moi ! On va rester là un moment, alors autant faire connaissance, non ?

Je changeai de vache, emplissant allègrement mon seau de lait. J'avais furieusement soif, maintenant.
Niallan
[Je t'ai rencontrée du côté de Narbonne
Je t'ai trouvée vachement bonne
Tu mangeais une pizza comme une conne*]


D’accord, Narbonne c’est pas la porte à côté et d’accord je l’ai pas trouvée vachement bonne mais je suis sûr que si les pizzas existaient elle en aurait mangé une comme une conne. Eh ouais, je suis visionnaire. Ou un truc dans le genre. En tous cas, ce qui est certain c’est que je ne la prendrai pas nue dans la Simca 1000, soucis d’époque voyez-vous. Par contre, vous pouvez m’expliquer ce qu’elle trafique avec sa robe ?! Elle est en train de se désaper, là ? Mauvais plan, Niallan, très mauvais plan. Toi seul avec une donzelle dans une grange, la donzelle en question qui te fait voir ses gambettes…ça va finir en roulé-boulé dans la paille, ça !
N’importe quoi. Ça ne me fait rien du tout. Je me mets à mâchonner mon brin de paille, style mec blasé qui est totalement détendu. Et je l’écoute parler toute seule. Elle me plaint ? Oui, moi aussi je me plains. J’ai le chic pour me trouver dans des situations pas croyables. Remarquez, le côté tendancieux de la situation m’a tout l’air de s’être évaporé. Elle s’est couchée gentiment dans la paille et déblatère sur sa nuit en charrette. Je souris parce que j’ai bien dû le faire des dizaines de fois. J’ai toujours dormi à la belle étoile, les auberges étant trop chères. Ou alors je squattais le plumard d’une inconnue.

Sinon, si vous êtes près d’un port, et port avec un « t » je précise, vous avez les barques. Ça berce, on y est bien. En été et au printemps, les champs c’est plus que pas mal, vous pouvez même vous caler contre un arbre. Et en hiver, les granges, bien sûr.

Niallan ou le guide des SDF. Ayant fini ma petite leçon de vie, je repense à certains de ces lieux. Oh, bien sûr des fois ça a mal fini : des pêcheurs qui embauchent encore plus tôt que d’habitude, un paysan très axé sur la propriété ou un fermier caractériel. Mais, allez, dans le pire des cas j’avais droit à quelques insultes et quelques coups (ça c’est quand je courais pas assez vite). Je sais ce que c’est de ne pas penser au lendemain, de se contenter de vivre le présent sans jamais se soucier de l’avenir. Mais maintenant j’ai plus vraiment le droit d’ignorer le futur. J’ai une gamine, deux femmes qui portent le fruit de nos amours et puis tous les autres membres de ma famille adoptive. Je suis plus tout seul. Je suis plus heureux, aussi. J’ai pas le droit de tout foutre en l’air…
C’est pourquoi recevoir la rousse sur moi me fait sérieusement sursauter. Non mais à quoi elle joue ?! La paille plein les cheveux ça me rappelle des après-galipettes. Et puis prendre appui sur mon torse, non mais je vous jure ! Etouffant un grognement je me concentre sur le manchonnage de mon brin de paille.

A quoi vous jouez ? Vous êtes pas obligée de…

…me payer en nature. Je déteste qu’on se barre avant que j’ai fini mes phrases, ça a le don de m’agacer au plus haut point. Un grognement non étouffé cette fois suit son idée bizarre. Quoique c’est peut-être pas si con de chercher de quoi bouffer, on en a pour un moment avec les ruminants. Mieux vaut que j’arrête de ruminer. Ahah. Je rejoins le plancher des vaches à sa suite. Re-Ahah. Bref.
Place à la traite ! Fermier, moi ? Est-ce que j’ai une tronche à être fermier ?! J’ai bien passé deux semaines dans la baronnie de Kerouec mais pour tout vous dire je m’occupais plus des pis de la fille du baron que de ceux des vaches qui m’étaient confiées. Et puis c’était il y a longtemps, plus de dix ans.

Euh…

Ah, une réponse tellement claire. Suivie d’un éclat de rire lorsque la queue de la vache atteint la trombine d’Alicina. Décidément, cette nana est bien siphonnée du bulbe. Mais je préfère ça qu’une donzelle effarouchée qu’il aurait fallu que j’entende chouiner toute la journée. Je révise néanmoins bien vite cette opinion à la question suivante. Marié… C’est la première fois depuis que je le suis qu’on me pose la question. Alors, Niallan, t’es marié ou t’es dispo ? Non parce que le côté père ça pourrait t’ajouter des points séduction si tu élevais ta gamine seul depuis la mort de sa mère. Mais si en plus t’es marié et que ta femme est enceinte, t’as plus aucune chance. La rouquine est plutôt mignonne, pas de formes mais du charme. Et puis cette grange… Fleur n’en saurait jamais rien. Oui mais hier elle m’a annoncé qu’elle portait notre enfant et moi je lui ai promis de lui être fidèle. J’ai pas envie de tout foutre en l’air, vraiment pas envie.

Oui.

Oui, quoi ? Demeuré, va !

Oui, je suis marié. Au début je la détestais, même que je passais mon temps à lui pourrir la vie et elle me le rendait bien. Et puis…j’en suis tombé amoureux. Non, pas amoureux. C’est pire que ça. J’en suis fou, vous comprenez ? Si elle est heureuse, je le suis. Si elle meurt, je meurs.

Ouaaah, c’est pas possible ! J’ai vraiment dit ça ? Sans déconner ! Vec’ me verrait, il me tuerait ! Pour me donner contenance je m’empare d’un autre seau et m’attaque à une autre vache. Mes gestes ne sont pas franchement assurés mais j’y arrive. Me concentrer sur autre chose que sur mes confidences me permet même de poursuivre ces dernières :

Hier elle m’a annoncé qu’elle portait notre enfant. Alors vous voyez, j’ai tout intérêt à rester en vie et éviter nos nouveaux amis parce que je veux voir son ventre s’arrondir, je veux la voir devenir mère et je veux voir notre enfant grandir.

Ouais, c’est ça que je veux. C’est ça mon avenir. Ma môme, ma femme et Mini-Nous.

Et vous, vous voulez quoi ?


*La simca 1000 - Les Chevaliers Du Fiel

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Bannière réalisée par les grands soins de JD Calyce.
Alicina
[Je t'emmène faire le tour de ma drôle de vie]
Reprise de « Ma drôle de vie » de Véronique Samson par Géraldine Nakache et Leïla Bekhti

Mais c'est qu'il pouvait causer, le blondinet ! Et qu'il pouvait aussi se rendre utile. Comme quoi, aucune cause n'était perdue d'avance. Il me parlait, et moi j'écoutais. Ce qui me faisait tout drôle parce qu'en général c'était le contraire. Mon seau était à moitié plein (ou à moitié vide, selon votre état d'esprit) et celui de Niallan s'emplissait allègrement. Si seulement nous avions eu un morceau de pain...
Je me concentrai sur les confidences de mon sauveur. Je savais bien, d'ailleurs, que c'était un ange. Il avait bien deux L planqués dans son nom. J'avais vraiment un humour merdique, en fait.

– Eh bien, ça, c'est de l'Amour. C'est beau. Mais y'a un truc qui m'échappe.

Je le regardai, sourcils froncés. Un détail qui avait quand même son importance me turlupinait drôlement.

– Pourquoi vous l'avez épousé, au départ, si vous la détestiez ? Un mariage arrangé ? Choix de la famille, ce genre de choses ?

Et là, il me lâche un monument. « Vous voulez quoi ? ». Il était fou, Angy. Me demander ça, à moi ? Je revoyais mon père - ou plutôt celui que j'avais cru être mon père - demander à ma mère dans un soupir « ce qu'ils pourraient bien faire de moi plus tard ». Toujours crottée de la tête aux pieds. Toujours à battre la campagne. Toujours fourrée dans une quelconque embrouille. Toujours en train de faire ce qu'une jeune fille de mon rang n'aurait jamais dû faire. Je n'étais pas idiote, j'apprenais bien mes leçons. Je savais écrire, lire, un peu compter, jouer de la harpe, dessiner relativement convenablement, broder... J'étais une jeune fille accomplie. Mais trop sauvage, trop impulsive. Je suivais mes émotions sans m'occuper du reste. « Cela te perdra, ma fille. Tu ne trouveras personne pour t'aimer, nous serons obligés de te trouver un parti prêt à fermer les yeux. Heureusement que tu as ta dot, sinon tu finirais vieille fille. » Leçon de vie, ou comment ma mère me rassurait sur les indéniables qualités.

Alors oui. Qu'est-ce que je voulais ? J'étais libre désormais. Ou presque. Que voulais-je faire de ma vie ? Cette question m'effraya. Je n'en savais rien. Ou je ne voulais rien savoir. Et avait-il besoin de le savoir, lui, Niallan ? C'était définitivement pas ses oignons.
Mais il s'était confié, il avait livré ce qu'il avait sur le cœur. Et c'était moi qui avais demandé à ce qu'on fasse connaissance.
Je repoussai ma frange d'un revers de main pour m'essuyer le front. Je délaissai ma vache pour m'exiler un peu plus loin. J'avais assez de lait, et j'avais faim, soif, et des tas d'autres trucs qui m'occupèrent l'esprit suffisamment longtemps pour que je puisse imaginer une réponse.

– Ce que je veux. Vivre, tout bonnement. Vivre libre. Trouver quelque chose qui me ferait rester quelque part. Un but. Oui, je veux un but à ma vie.

C'était vrai. J'attendais ma Révélation. Quelque chose, quelqu'un, qui me ferait enfin comprendre la raison de ma venue sur Terre. Une cause, un homme, n'importe quoi, pourvu que je me sente enfin à ma place dans ce monde. J'évitais de laisser mes pensées se tourner vers ce gouffre effrayant et m'intéressai au fruit de mon labeur.
Je plongeai une main en coupe dans le lait chaud et en bus une gorgée. Des moustaches blanches autour des lèvres, je souris largement. C'était délicieux. J'adorais le lait. Je recommençai l'opération, encore et encore.
Comme appelé par on ne savait quel pouvoir mystique, Pantoufle fit son apparition. Les chats sentaient le lait à des lieues à la ronde, j'en fus aussitôt intimement persuadée. Je replongeai ma main pour la lui tendre. Il but avidement, et le contact de sa langue râpeuse dans ma paume me fit rire. Je lui redonnai, mon autre main occupée à lui caresser le dos.

– Et vous allez avoir un bébé, repris-je. Mais ce n'est pas le premier que vous aurez, si j'ai bien compris, puisque vous cherchez votre fille. Elle ressemble à quoi, votre femme ? Elle vous aime aussi comme vous l'aimez ? Comment on sait qu'on aime quelqu'un ? Enfin, je veux dire... ça vous fait quoi, quand vous la voyez ? Quand vous pensez à elle ? Quand vous l'embrassez ? Quand vous la touchez ? Occupe-t-elle tout le temps vos pensées ? Est-elle... une obsession ? Pensez-vous qu'un jour vous n'allez plus l'aimer ? Avez-vous peur qu'elle ne vous aime plus ? Est-elle la personne à laquelle vous tenez le plus au monde ?

Beaucoup de questions. Et je pris soudainement conscience de quelque chose. J'étais écrivain public, j'écrivais souvent des lettres d'amour. Et pourtant, je ne savais qu'à peine ce qu'était que l'amour. Tout ceci était étrange. Mais Angy allait éclairer ma lanterne.
Niallan
No comment.*

J’ai sauvé une donzelle inconnue et me suis donc foutu dans de nouvelles emmerdes. No comment. On squatte une grange, perdus entre un nombre indéterminé (ça c’est surtout parce que j’ai la flemme de compter) de vaches. No comment. Je lui parle de ma femme, de ma gosse, de mon futur mioche au lieu de l’allonger dans la paille. No comment. Y’a un truc qui lui échappe… Ah ? La question qui suit me fait presque sursauter, tellement bien que je tire trop fort sur le pis de la ruminante et me prend un coup de queue. No comment.

Rhaaa, putain !

Bon, allez, ça suffira, le seau est assez rempli. Je m’écarte prudemment de la sensible bête blanche et noire pour m’appuyer contre le mur de la grange. Zieutant la rousse, je me demande ce que je peux lui dire ou pas. Certes, rien n’interdit de consommer des drogues dans ce merveilleux Royaume mais j’ai comme l’impression que c’est absolument pas son genre. Elle c’est plutôt promenades innocentes, aventures loufoques et expériences amusantes. Je hausse une épaule, reprenant mon air blasé et, amenant le seau à hauteur de mes lèvres, j’entame sa descente. Boire dans ma main ça me botte franchement pas, trop long. Par contre, je bois de telle façon que du lait vient couler sur mon menton et se perdre sur ma chemise. No comment.
Exit le côté classe, de toute façon je cherche pas à la séduire. Je suis marié. Même qu’il est temps de répondre à sa question. Pourquoi je me suis marié… Une histoire de drogue, de manque de fric. Je peux tout lui dire, je la reverrai jamais de toute façon, pas vrai ? Et puis, en tant que sauveur, j’ai le droit d’avoir quelques travers !

Oui, c’était un mariage arrangé. Un arrangement entre elle et moi : opium contre mariage. Elle, elle voulait avoir un mari dans sa liste d’objets bizarres et se marier à Nostre-Dame. Moi…moi j’étais complètement fauché et j’avais besoin d’une donzelle capable de me fournir tout ce que je voulais en opiacés, belladone et autres drogues. Voyez le genre ?

Et si elle ne voit pas, je vais pas pouvoir faire mieux. Notez quand même que je ne suis pas le seul à avoir du mal à répondre aux questions, elle prend un temps fou pour répondre à la mienne. Et de manière très succincte, hein. Surtout pas donner trop de détails. Sourire au coin des lèvres, j’essuie les gouttelettes de lait qui subsistent sur mon menton. Attends ma cocotte, tu vas pas t’en tirer comme ça. J’ai dû te déballer des choses compromettantes pour ma réputation d’homme à femme parce que, c’est bien connu, un homme qui se marie arrête d’être un homme à femmes pour devenir l’homme d’une femme. Allez, continuons un peu à parler d’elle !

Moi aussi c’est ce que je voulais avant. Sauf que pour moi, vivre libre était un but en soi. Pourquoi vous voulez en trouver un autre ? Vous savez, avoir des buts réels, ça empêche d’être libre. Que ce soit un homme qui vous retourne la tête ou une idée qui vous fasse vibrer, vous ne vivrez plus pour vous mais pour ça. Et puis soit dit entre nous, la stabilité c’est chiant ! Ne vous installez pas quelque part alors que les chemins vous attendent ! Qui je vais sauver, moi, après ?!

Mon sourire s’élargit parce que j’ai bien aimé mon humour de pseudo-héros et que j’ai l’impression d’avoir mis un terme aux discussions embarrassantes. Pauvre niais que je suis. Si moi j’ai fini d’en parler ce n’est certainement pas son cas. Je grogne, je peste. Ma pipe en bois est sortie de ma poche ainsi qu’une boule d’opium déjà bien entamée. Bah quoi ? Vous avez vu ce qu’elle me demande ?
Sans un regard pour elle, concentré, j’allume la pipe pour la porter à ma bouche. Ça faisait longtemps que j’avais pas fumé, tiens, au moins depuis hier après-midi. Trois bouffées, même quatre avant que je daigne la regarder à nouveau. Les volutes de fumée m’empêchent de la voir complètement, tant mieux, ça facilitera mes révélations. Je sais que je pourrai l’envoyer bouler et garder mes émotions pour moi mais après tout, c’est la première et sans doute la dernière avec qui j’en parlerai. Je ne la reverrai pas, personne ne saura que le blond complètement dingue de sa femme c’était moi. Alors, pourquoi pas ? … Dodelinant légèrement de la tête, je poursuis encore un peu mon activité fumette et me lance :

Elle est magnifique. Une beauté italienne, cheveux noirs, yeux bruns. Un sourire incroyablement beau, un corps parfait. Autant vous dire que je n’ai pas fini de la désirer et de procéder à la création de Mini-Nous.

Belle manière pour lui dire que j’adore le sport de chambre. Reste encore pas mal de questions alors je prends autant de bouffées que j’aurais pu compter de vaches dans la grange et c’est seulement quand vient le moment de recharger ma pipe que je reprends la parole. Mes mains s’activent autour de l’opium et du tabac, mes yeux restant fixés sur le tout.

Je pense qu’elle m’aime comme je l’aime, oui. Mais vous savez, on est jamais sûrs de rien, quand on aime on croit toujours que tout va s’arrêter du jour au lendemain. Que l’autre peut se foutre de votre trogne sans même que vous le sachiez. M’enfin je vois mal pourquoi elle se servirait de moi, je suis toujours fauché, carrément instable et absolument pas prêt à me transformer en gentil petit mari soumis.

La pipe à nouveau pleine retrouve sa place entre mes lèvres et je reprends.

Y’a pas de définitions concernant l’amour, vous savez. Enfin non, vous ne savez pas, sinon j’aurais pas eu droit à toutes ces questions. Mais croyez-moi, si un jour vous aimez, vous saurez. Ça rend dingue, vous perdrez le contrôle, vous vous sentirez sombrer… Et là, vous aurez deux choix : plonger toujours plus ou vous barrer en courant. Choisissez la première option, vous allez morfler mais ce sera toujours mieux que de vous transformer en bonne femme aigrie et méfiante.

Pris d’une soudaine générosité, je lui tends le morceau de bois travaillé responsable de bon nombre de mes problèmes et lui décoche un sourire.

Vous voulez essayer ?
Oh et, pour continuer à vous répondre… ce n’est pas la personne à laquelle je tiens le plus au monde.

Dans un murmure :

C’est mon monde.

No comment.


*No comment - Serge Gainsbourg

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