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[RP] Les âmes italiennes

Gyllaume
Pas besoin d'être à Pau pour savoir que les choses ne vont pas.
Ca n'allait pas depuis le début de toute façon. Le brun l'avait toujours dis, il le sentait pas ce Corléone de malheur.
Un faignant qui oublie de suivre le groupe et traine des pieds, un homme qui n'a même pas de quoi satisfaire une femme.
Un homme absent, et pour finir un menteur.

Bref, un homme avec tout les vices qui vont avec.

C'est avec enthousiasme et c'est peu dire que le brun avait accueilli le "retour" de Niallan. Enthousiasme de court durée quand même. Le gars semblait avoir quelques soucis lui aussi . Décidemment. Alaynna cumule les gars perdus.

Celui là était un coincé. Le genre de gars traumatisé par l'amour qui raconte sa vie. A croire que celui ciavait perdu la fougue de sa jeunesse.

Une missive s'imposait avant l'arrivée du brun à Pau.



Citation:
A Niallan,


Il parait que t'as des vues sur ma sœur ? Sur ma moitié ?


Lis bien mon gars.
J'en ai rien à faire de tes petits soucis d'amour et des hantises que te donnent tes ex femmes. J'ai vu le papier c'est touchant et tout, mais on s'en branle.

Je vais d'abord t'expliquer deux points :

    De un tu vas te comporter en homme. Tu vas te bouger, aller voir ma sœur et lui dire ce que tu ressens entre tes braies. J'ose espérer que t'ai quelque chose ici.

    Deuxième point, les promesses à la con de mariages ou autre j'aime pas. Donc que j'en entende pas parler. Le mariage ce sera dans six mois, terminé. Les mecs qui se marient juste pour faire des gosses on sait que ca existe.



Ensuite t'as pas intérêt à jouer les fantômes. Il n'y a pas de faignants chez les Valassi. On traine pas de villes en ville la tête vers les étoiles. On bosse, on commerce.
Va falloir que tu y mettes du tient si tu veux que la belle famille te respecte.


Je serai à Pau demain.
Réglez vite vos petits problèmes, parce que ca échauffe ma moitié, elle se plaint et ca m'énerve.


Ciao
Gyllaume Valassi.


Plus que quelques heures avant de retrouver sa chair...
_________________
Niallan
Ah quelle belle vie mes amis !

J'ai décidé de tenir un journal intime pour vous narrer toutes mes heureuses et merveilleuses aventures. Aujourd'hui, ma magnifique Ali vient de m'annoncer qu'elle attendait notre second enfant. Et dire que le premier vient tout juste d'apprendre à dire « Papa », ça va très vite tout ça. Heureusement, ma gamine est là pour m'aider à tenir mon rôle de père. Ah, Lexi, une vraie perle cette môme. Elle apprend à se battre avec Maryah, venue vivre pas trop loin de nous pour me permettre de voir mon fils. Vous ai-je parlé de notre maison ? Une petite chaumière au bord de la mer avec juste ce qu'il faut d'arbres pour que ma rousse ait sa forêt. On ne travaille pas, pas besoin. Je pêche tous les jours et nous avons un vaste potager auquel est attenant un modeste enclos contenant deux vaches et une brebis. La belle vie, moi je vous le dis. J'ai arrêté mes conneries d'infidélités et je ne bois plus que modérément. Les drogues ? Alors, ça, c'est très rare ! Seulement les vingt-neuf février. Diego et Vector passent me voir occasionnellement, eux aussi se sont rangés, ils ont choisi UNE femme chacun et ont donné les autres à l'église. Ma Kachi, je la vois de temps en temps, elle aime venir contempler son filleul. Ma sœur, j'ai fini par l'apprécier cette vieille peau, elle me file gentiment les thunes de mon héritage familial et évite de me raconter sa vie merdique.
En bref, je suis heureux. Si foutrement heureux qu'il m'arrive de rire bêtement en regardant les nuages ou d'attraper Ali dans mes bras pour la faire tournoyer en riant toujours autant. C'est effarant toutes les choses stupides qui nous amusent quand on est heureux ! Plus besoin d'opium pour planer, vous le faites continuellement.

Ali, ma chérie, appelle Lexi, je veux qu'elle voit le poisson que je viens d'attraper !

Il n'y aura pas de réponse. Parce que cette vie, c'est celle que je n'aurai jamais. Même en arrêtant toutes mes conneries dès maintenant, même en devenant le type le plus parfait du monde. Elles sont mortes, toutes les deux. Lexi et Ali. Maryah me fait passer pour mort auprès de mon fils et se tape Diego qui comptabilise deux mariages et bientôt un troisième. En simultané. Vec, mon bon vieux poto, est quelque part dans le royaume, peut-être mort, comment savoir puisqu'il ne donne plus de nouvelles depuis bientôt un an. Quant à Kachi et Yzy, elles ont toutes les deux le cœur meurtri par un mari qui n'est pas celui qu'elles imaginaient et je ne les vois plus, on s'écrit, c'est tout. Parfois. Ma sœur, no comment. Peau de vache elle est, peau de vache elle ne m'approchera pas ! Et quelle grippe-sou !
L'alcool et les drogues sont mes meilleurs amis, la preuve, je suis en pleine réunion avec eux. Une taverne, encore. Laquelle ? J'en sais foutre rien. Ce que je sais c'est qu'en continuant à boire je pourrai voir la rousse, celle qui portait mon enfant dans cette autre vie. Elle ne tarde pas à arriver et lorsque, enfin, je sens sa pression familière sur mon épaule, je siphonne le reste de ma bouteille pour être sûr qu'elle restera plus longtemps.

Je suis tout à toi, mon Am...

Elle pleure. Elle pleure ?! J'ouvre de grands yeux surpris, comme le ferait un gosse effrayé et effleure du bout des doigts ses larmes irréelles. Quand elle pose ses questions, je sens comme une brûlure sous mes doigts et les retire immédiatement. Et pourtant, en plus d'être tout sauf réelle, elle n'a pas cherché à me brûler. Mais c'est tout comme. Penaud, je baisse le regard et laisse une larme rouler sur ma joue. C'est tellement plus compliqué que ça, avec Alaynna. J'ai essayé de m'éloigner d'elle, de la fuir, de faire en sorte qu'elle me haïsse mais je n'y arrive pas. Je n'arrive pas non plus à fuir et pourtant je déteste Pau et leur saloperie d'hôtel que je suis obligé de raquer tous les jours.
Je me refuse à mettre des mots sur ce que j'éprouve pour l'italienne. Parce que ça signifierait perdre Ali et ça, jamais je ne pourrai l'encaisser. Pas alors que je viens de la retrouver miraculeusement. Pas comme le voudraient les bien-pensants, elle ne deviendra jamais maman et pourtant... Elle est là, c'est tout ce qui compte.

Je te jure que je voulais pas ça. Elle m'a … attiré. Alors j'ai eu envie d'elle, de voir ce que ça pourrait me faire. Mais je voulais pas ça, mon amour, je te le jure.

Après ces jérémiades, je me saisis de la main de la rousse et lui lance un regard autoritaire, un qui ressemble à « arrête de monter dans ces foutues charrettes ! » que je devais auparavant lui lancer trois fois par semaine. Au moins.

Tu n'es pas, ne seras jamais et n'as jamais été une fille de transition, idiote ! Je ne connais même pas la patrie de mes parents, ma patrie. Si ça se trouve je suis un anglais. Alors comment peux-tu penser que mon choix se base sur ça ?! Tu aurais pu être une helvète coupée d'angevine avec un arrière goût d’Alençon que je t'aurais aimée comme un fou.

Et puis elle m'a embrassé. Et j'ai oublié le reste. La mort, les pleurs, les doutes, l'absence et le manque. Je lui ai rendu son baiser avec toute la passion qu'elle m'inspire, mon souffle s'est emballé et j'ai serré mon corps contre le sien. Ce qu'elle m'a dit ensuite n'a pas eu grand impact, j'ai juste acquiescé. Oui, elle a raison, oui je vais l'écouter. Parce que je l'aime et que même morte elle reste ma vie. Son je t'aime a décuplé ma passion et je l'ai prise dans mes bras pour l'emmener jusqu'à l'une des chambres de ce fameux hôtel. Quitte à payer, autant en profiter. L'histoire ne dira pas comment se sont déroulés nos ébats et ne précisera pas les différences entre le fictif et le réel.
En revanche, l'histoire reprend le neuf mars, à minuit. J'ai reçu deux lettres. Les deux Valassi. La femelle m'a écrit une magnifique lettre qui a fait tambouriner mon palpitant sans que je ne puisse ralentir son rythme malgré mes promesses à Ali. Le mâle, lui, m'a pris le chou. Mais d'une force... ! Alors, pour le second, je vais me contenter de l'envoyer bien proprement sur les roses (ou les orties, à voir s'il a un lien avec les mémés) par une lettre bien salée. Et la première... La première, il va falloir que je sois convaincant. Mon but ? La faire retourner vers Roman. Pour cela, j'allais devoir vanter les mérites d'un petit enculé d'italien de mes deux en ignorant mon désir d'être à la place de ce minable. Fantastique, voyez la merveilleuse soirée qui s'annonce.


...Après rédaction, on obtient ceci pour la frangine:

Citation:
Alaynna,

Je ne sais plus si je dois vous tutoyer ou vous vouvoyer mais comme il s'agit très certainement de la dernière lettre que vous recevrez de moi, je m'en tiendrai au lointain vouvoiement.

J'aime ma fiancée. De toutes mes forces, au-delà de la mort. Et je suis profondément désolé de vous avoir plongée dans de tels tourments. J'ai été con, égoïste et stupide. Comme à chaque fois, ça ne changera pas.
Je ne suis pas prêt à aimer et n'ai pas envie de l'être parce que ça signifierait perdre cette femme que j'aime, celle qui aurait pu être la mienne. Je ne veux pas être heureux avec vous. Parce que vous allez mourir, inéluctablement. Et je vais en souffrir. C'est inéluctable, ça aussi.

En vérité, vous aimez le Corleone. Vous avez l'impression que votre palpitant bat pour moi uniquement parce que je suis l'homme de votre premier baiser et, peut-être que ma détresse vous donne envie de me sauver. Mais vous ne me sauverez pas, pas plus que vous ne me rendrez heureux et que je ne vous rendrai heureuse.
Roman est *grosse tâche d'encre* beau, intelligent et il vous aime. Beaucoup, assez pour avoir fait de vous sa femme. Les Corleone sont *nouvelle tâche* gentils. A leur façon. Ils seront toujours là pour vous, comme je ne pourrais jamais l'être.

Oubliez-moi, oubliez-nous. Parce que moi, j'oublierai tout.

Prenez soin de vous,

Niallan.


Et cela pour le frangin:

Citation:
*Le pigeon revient avec une patte en moins*

Gylgyl,

Tu aimes ton nouveau surnom ? Il te rend plus aimable que les gentils mots que tu m'as adressé. Mots qui m'en ont touché une sans faire bouger l'autre.
Si ta sœur est ta moitié, épouse-la, ça fera une personne entière et ce sera moins chiant à compter. En revanche, ne m'invite pas au mariage, je risquerai de m'ennuyer. Et je n'aime pas m'ennuyer.

J'ai bouffé la patte de ton pigeon, c'était fort goûteux. Je t'en remercie. Au moins t'arrives à satisfaire quelqu'un. Comment se passe le divorce ?

Je te souhaite beaucoup de réussite dans ton travail qui m'a l'air chiant au possible et embrasse affectueusement ton derrière avec mon pied.

Niallan.

P.S: J'ai pissé sur cette lettre.



Edit pour fautes.

_________________

Bannière réalisée par les grands soins de JD Calyce.
Alaynna
J'attends que le ciel me tombe sur la tête. - Dash Berlin - Till the sky falls down -

Moi aussi je sais parler aux morts. J'ai même passé toute la soirée avec une morte. Mammà. Ma mammà chérie à moi, qui me manque toujours autant. Et aujourd'hui plus que jamais.


La journée avait plutôt bien continué. En fait, pourquoi continué ? Tout simplement parce que la nuit dernière Alaynna n'avait pas dormi. Elle avait passé la soirée de la veille à prendre une murge digne de ce nom mais elle avait été assez lucide pour reconnaitre la silhouette de Roman se diriger vers la chambre du blond. L'Italienne n'est pas née de la dernière pluie, elle sait très bien que le Corleone va vouloir se venger. Et il est prévisible, du moins dans l'esprit de la Ritale qui a appris à bien le connaitre. Car oui tout de même, si elle l'a épousé, c'était pas vraiment pour faire joli.
Elle aimait Roman ouai. Mais certainement pas de la même manière dont elle aime Niallan. Notez bien l'imparfait pour l'un et le présent toujours d'actualité pour l'autre.
Mais elle était déjà bien imbibée et finalement le sommeil n'avait pas eu raison d'elle. Et au petit matin, la taverne lui ouvrait grand ses portes alors qu'elle s'exclamait d'une voix avinée qu'elle le sentait ouai, que cette journée allait bien commencer.

Et ça. Pour bien commencer ce fut le cas.

Elle ne tarda pas à voir entrer Roman qui lui déposa son anneau d'argent sur la table en lui disant qu'il partait le soir même. Et c'est à un Adieu des plus froids qu'elle eut droit. Etrangement, elle se sentait tellement vide à l'intérieur qu'elle n'avait ressenti..rien. Comme si elle n'était plus rien que le néant. Il lui semble se souvenir qu'elle lui avait simplement répondu de prendre soin de lui avant qu'il ne sorte comme il était entré.

Nulle satisfaction pour elle de se savoir libérée d'un mariage, mais nul regret non plus. Non. Juste un énorme vide intersidéral qui la consumait.

Elle l'avait dit. Cette journée dès le matin lui apparaissait comme la pire qu'elle allait vivre depuis la mort de sa mère.
Sa soeur était passé, cherchant à lui remonter le moral. Cela partait d'un bon sentiment de la gamine mais Alaynna n'avait su que l'enguirlander pour ce qu'elle avait bavassé à Niallan.

Qu'avais tu besoin d'aller lui dire que je l'aimais hum ? Tu ne pouvais pas te la boucler ?

C'est pas moi, c'est les cailloux lui avait rétorqué la peste.

Et fatalement, Alaynna hargneuse, lui avait de nouveau reproché la mort de leur mère.

Finalement la brune italienne avait profité de ce que sa jeune soeur soit repartie pour aller se poser le fessier au sol contre l'un des murs du fond de la taverne, et les genoux remontés au menton avait alors commencé un long monologue avec sa mère, tout en continuant de descendre les bouteilles de chianti qu'elle avait entassées en douce un peu plus tôt. De cette longue discussion en était ressorti que la jeune femme avait finalement tenu sa promesse, qu'elle avait épousé et offert sa virginité à un Italien. Oui, le Corleone était le grand gagnant sur ce point là. Telle que la promesse avait été arrachée à une gamine de dix ans, la femme qu'elle était devenue grâce à l'Italien avait tenu sa promesse. Mais elle avait tout de même spécifié avec rage à sa mère que celle-ci s'était trompé dans ses prévisions. Parce que le Salaud dont elle était tombé amoureuse lorsqu'il lui avait donné son tout premier baiser, n'avait rien d'Italien lui.

Et Alaynna s'était alors mise à pleurer tout en racontant à sa mère la teneur des lettres qu'il lui avait écrites, et elle lui avait décrit longuement Niallan, lui narrant aussi leur rencontre parisienne. Mais là où elle ne tarissait plus ses larmes c'est lorsqu'elle lui dit qu'il ne voulait pas d'elle à cause des personnes qu'il avait perdues et qui étaient mortes.

Elle aurait bien voulu que sa mère la conseille et lui dise ce qu'elle devait faire, mais malheureusement tout ce qu'elle voyait, c'était les longs cheveux bruns de mammà et ses bras qui berçaient alors contre elle la gamine de dix ans qu'elle était.

Encore une fois, Alaynna avait alors réalisé que sa mère ne reviendrait jamais et l'une des bouteilles de chianti encore pleine avait valsé au travers de la taverne allant se fracasser au sol et déversant son contenu sur le parquet.
Pour sûr que si Flex voyait qu'elle avait abimé une partie du sol de sa taverne, elle allait passer un sale quart d'heure !

Et l'humeur de la Valassi ne s'était pas arrangé plus la soirée passait. Elle avait envoyé une longue lettre à Niallan finissant par avouer l'inavouable. Si elle n'avait pas été sous l'effet du vin italien, sans doute ne l'aurait-elle même pas fait.
Puis Alina était revenu et avait trouvé sa soeur affalée à même le sol. De nouveau elle avait tenté de lui remonter le moral en lui disant que Gyl arrivait le lendemain et qu'il allait tout arranger.
Ce à quoi Alaynna avait répondu de manière ironique que bien sûr , Gyl qui la voulait pour lui tout seul, son jumeau, la chair de sa chair, allait sûrement tout arranger avec Niallan ouai. Elle avait vu la guerilla qui avait sévi entre eux deux toutes ces dernières semaines avec le Corleone. Elle ne s'attendait pas à moins entre Niallan et lui. Et heureusement que la Ritale ignorait alors que son frère avait écrit à Niallan. Car si jamais elle apprenait la teneur de ce qu'il lui avait écrit, nul doute que cela ne plairait pas à Alaynna.

Mais alors qu'elle espérait toujours voir arriver le blond courtisan, c'est une missive de sa main qui lui fut délivrée. Au fur et à mesure de la lecture, le visage de la Madone se décomposa et elle lâcha le feuillet pour répondre à chaud sur ce qu'elle venait de lire.

Elle vit du coin de l'oeil Alina prendre connaissance de la lettre et lâcher un Haaaan !

Que lui répondit donc Alaynna ? Elle-même serait bien incapable de se souvenir de ce qu'elle lui écrivit. C'est à peine si elle eut conscience de mentionner que oui elle allait mourir mais pas de la manière dont lui le concevait. Elle l'était déjà au plus profond d'elle-même. Néanmoins s'il croyait qu'elle allait cesser d'éprouver ce qu'elle ressentait il se foutait grandement le doigt dans l'oeil le courtisan. Elle a certainement dû balancer qu'on ne trouve pas le bonheur avec une morte, qu'on vit avec mais qu'on oublie pas mais que si c'était ce qu'il voulait, qu'il fasse donc. Elle du également lui dire que son mariage était mort et terminé et qu'il n'y aurait aucun retour en arrière. Que le Corleone partait ce soir. Elle avait aperçu de loin la charrette et la silhouette du jeune Peter Barkie. Elle n'était pas même étonné que l'enfant ne soit même pas venu la voir, elle se doutait bien que le Corleone avait du oeuvrer. Peu lui importait d'ailleurs, il n'en serait plus au premier mensonge près.
Et elle dut certainement conclure par des paroles dont la teneur ne regardent que Niallan et elle, mais ce qui est certain, c'est qu'en réponse à son prenez soin de vous elle lui a écrit qu'elle lui interdisait de lui dire ça car elle est de toute manière incapable de prendre soin d'elle.

La douleur était terrible et elle devait être plus que livide lorsqu'elle se releva, embarquant la missive de Niallan avec elle et ne s'embarrassant d'aucun mot pour sa soeur. Elle quitta la taverne dans un silence de mort.

Encore une nuit où elle ne dormirait pas.

Et la nuit prochaine, elle comptait bien se carapater en douce. Pas pour rejoindre le Corleone non sûrement pas.
Mais pour avancer et si possible droit dans un mur bien costaud.

C'est au bord du Gave qu'elle partit finir sa nuit. Sur ce même banc où elle s'était installé le premier jour de son arrivée sur Pau.

Seulement, les larmes coulaient sans même qu'elle ne les sente ou s'en aperçoive. Elle n'était plus qu'un néant sans nom.

Une morte vivante qui ne ressentait plus rien. Hormis tout cet amour qu'elle vouait au courtisan et dont la flamme, qu'il le veuille ou non, ne s'éteindrait nullement.

_________________
--Alicina


    [Et t'as crié, crié, Ali,
    Pour que j'revienne]

    Libre adaptation d'Aline, de Christophe.


Cette fois, ça arriva alors que j'étais toute seule. Je lisais tranquillement un livre, tournant les pages, admirant les illustrations magnifiques qui l'ornaient. Et puis, je me sentis brutalement aspirée dans un drôle de tourbillon. Et j'atterris brutalement sur une table, jambes croisées en tailleur, mais sans mon livre. Pile devant moi, Niallan. Cela ne m'étonna pas un instant, étant donné qu'il était le seul à savoir me ramener. Ce qui m'ennuyait un peu, c'était que, comme je m'apprêtai à dormir pour la nuit, j'étais en chemise de nuit. Parce que oui, même quand on est mort, on a besoin de sommeil. C'est une autre forme de vie, mais on garde les bases de celle qu'on a quitté. On mange, on boit, on dort, etc. Et là, j'allais dormir. Le col de ma chemise de nuit avait glissé sur mon épaule gauche, la dénudant en partie. Mes jambes étaient couvertes jusque sous les genoux, guère davantage. Je me serai senti affreusement mal à l'aise si je ne m'étais pas souvenue à temps que seul Niallan pouvait me voir. C'était déjà ça.

Je fis le tour de sa tête, relus en souvenir la rédaction de ses lettres. La seconde ne m'intéressait pas, la première nettement plus. Le texte était bon. Mais je ressentis comme une brûlure en parcourant ses sentiments. Il avait bien semblé regretter d'avoir dû rédiger ces lignes. Et ça ne m'allait pas du tout. S'il tombait amoureux de cette fille, je n'aurais plus de raison d'être ici, et en plus, j'assisterai à tout cela. J'étais sûre qu'il serait assez gonflé pour me convoquer lors de leurs ébats, ou pendant le mariage. Je devais intervenir. Bien. Comment le séduisais-je autrefois ? Comment arrivais-je à lui plaire ? La dernière fois que j'étais venue, il m'avait promis de ne plus penser à elle. Et puisque le changement ne venait pas de l'extérieur, il devrait venir de l'intérieur. Donc de moi. J'allais devoir me comporter très laidement, mais tant pis. Il fallait vraiment faire quelque chose.

Je m'étirai devant lui, agitant sous son nez l'un de mes petits pieds nus. Je secouai ma chevelure, détachée cette fois-ci. J'exhalai une délicieuse odeur de violette et d'un petit quelque chose paradisiaque - sans doute avais-je pris l'odeur de l'endroit où je vivais maintenant. Je posai la pointe de mon pied tendu sur son torse, avant de me laisse glisser au bas de cette table. Je passai derrière lui, enroulant ses épaules de mes bras, aventurant ma main sous sa chemise. Je parsemai la peau de son cou de baisers légers. Il devait être mûr pour la cueillette. C'était le moment de capter son attention, et de profiter de sa faiblesse momentanée pour lui susurrer à l'oreille deux ou trois idées.

– C'est bien mon amour. Ta lettre était très bien. Mais tu n'as plus de raison pour rester à Pau maintenant, n'est-ce pas mon Niallan ?

Aurais-je fait ça comme ça de mon vivant ? Je n'en savais rien. Peut-être. Pour compenser, je l'embrassai tendrement.

– Et puis, Kachina va s'inquiéter de ne pas te voir venir. J'aimerais tellement la voir !

Je pris place sur ses genoux. Mon seul et unique but était de lui faire quitter cette satanée ville. Il fallait qu'il s'en aille, ou il finirait par céder à cette Italienne. Je la détestai de toute mon âme, celle-là.

– Et tu sais, poursuivis-je d'un ton plein de sanglots, si tu te lies avec cette... Alaynna, je ne pourrai plus venir te voir, mon tendre amour. Ce sera comme si tu me chassais pour toujours loin de toi.

J'eus un goût amer en bouche. Je n'aurais jamais joué comme ça sur la corde sensible de mon vivant. Ou alors, je ne connaissais pas cette partie de moi. A moins que cette certitude, cette peur de me perdre s'il s'attachait à une autre, vienne de lui ? De Niallan ? Et qu'il me la transmettait pour je l'incite à agir ? Je n'en savais rien du tout. Toujours est-il que je le faisais. Je le manipulais. Quelle horreur. Et je ne pouvais m'empêcher de parler, même si je le souhaitais. Je devais parler.

– Tu veux me perdre encore une fois ?

Je le regardais, de mes grands yeux bleus emplis de peur et de tristesse. Triste, je l'étais. Et au fond de moi, j'aurais pu me résoudre à le laisser être heureux avec cette Italienne, si je n'étais pas emplie d'un violent sentiment de jalousie et de possessivité.

– Moi, je veux rester avec toi, mon amour. Mais je ne pourrai pas si tu restes ici, auprès d'elle. Je voudrais qu'on voyage tous les deux, en tête à tête. Comme avant. Tu te souviens ?

Je restai là, sur ses genoux, fragile et malheureuse, tandis que je me faisais l'effet d'être un affreux petit serpent.
Alaynna
Les rives du Gave de Pau. La silhouette Transalpine est debout face à l'onde. Et elle s'effondre à genoux, le visage entre les mains, s'abandonnant à l'émotion qui la submerge. Elle était épuisée par le manque de sommeil. Hantée par ce remords, cette culpabilité et cet amour inconditionnel qu'elle vouait au courtisan.

Seule, terrifiée par la profondeur et la violence de sentiments dont elle ne fait que découvrir la portée, rongée par la culpabilité de l'avoir cru mort, rongée par la dernière missive qu'il lui avait fait apporté, elle se sent plonger dans un désespoir sans fond.
Elle peut comprendre qu'il ait besoin de faire son deuil. Elle peut comprendre qu'il l'aime et l'aimera toujours d'une certaine manière cette morte qui fut sa fiancée. Mais elle est morte. Et à part dans ses pensées, dans son esprit, il ne pourra être heureux avec l'image d'une morte. Elle aussi elle aurait tellement voulu que sa mère ne soit pas morte, qu'elle soit toujours de ce monde. Mais cela n'est pas et ne sera jamais plus. Ce qui n'empêche pas qu'elle vive au plus profond de son esprit et de son coeur.

On ne remplace pas une morte. Jamais.

Mais vivre. Etre heureux. Se contenter de ce que la vie nous offre. C'est simplement rendre à nos morts le plus bel hommage qui soit.

La tête est basse et les azurites vidées de toute émotion se posent dans le creux de sa main. Là où reposent les deux anneaux d'argent du Corleone. Le bras se détend au-dessus de l'Onde, y lachant les deux bijoux.

Mort et enterré ce mariage désormais. Julian avait raison. Trop vite, trop rapide. Et cette lettre reçue de Niallan le matin même de ce mariage était pourtant un signe du destin. C'est du moins ce qu'elle s'était pensé en lisant ses révélations. En lisant cette vie qui avait été la sienne et qu'il lui dépeignait, qu'il partageait avec elle.
Mais c'était aussi l'aveu de cette terrible souffrance qu'il portait en lui. Elle était pourtant là elle, bien vivante, bien présente pour l'aider à la surmonter, pour l'entourer de cet amour qui l'étreignait depuis le premier jour où elle avait posé ses yeux sur lui.
Mais il s'y refusait, s'astreignant , s'escrimant à la rejeter alors qu'elle savait au plus profond d'elle qu'ils étaient fait l'un pour l'autre.

Les larmes roulent, brûlantes sur ses joues. Elle ne le hait pas bien qu'il fasse tout pour cela. Après tout, il avait bel et bien éveillé en elle un amour irrépressible et de cela, elle en était seule responsable. Si elle n'avait pas traversé cette ruelle parisienne elle ne l'aurait jamais connu et rien de tout cela ne se serait produit.
Oui mais voilà, le destin en a voulu autrement.

Allongée sur ce banc qu'elle a rejoint, celui qui l'avait reçue lors de son arrivée quelques mois plus tôt à Pau, elle se recroqueville. Frissonnante dans l'attente de l'aube libératrice, le froid la pénétrant jusqu'aux os et pourtant, elle ne le sent même pas. L'esprit embrummé de chagrin, elle repense à tous ces évènements qui l'ont conduite jusqu'à cette révélation.
Alaynna aime Niallan. Cela est indéfectible. Glacée d'effroi, elle ne savait plus que faire hormis partir puisqu'il ne voulait plus d'elle. Ce n'est pas faute d'avoir essayé de l'aider. Ce n'est pas faute d'avoir fini par lui avouer l'Inavouable. Ce n'est pas qu'elle baisse les bras ou abandonne non. Mais jamais elle ne forcera quelqu'un à faire ce dont il n'a pas envie. Désormais, s'il doit venir, c'est de lui-même qu'il faudra que vienne l'initiative. C'est à lui de venir à elle et pas le contraire.
Même si sa dernière lettre l'a poignardée, elle ne cessera jamais de L'Aimer. Jamais.

Mais encore cette nuit, elle ne trouva pas le sommeil. Complètement désemparée, elle restait allongée sur ce banc, sans bouger ni émettre un son. Il régnait un tel chaos dans son esprit qu'elle n'avait plus ni la force, ni la volonté de rien.
Elle passa toute la nuit dans une position inconfortable et ne se sentit la force de la quitter que lorsqu'elle vit les premières lueurs du jour poindre.

Au petit matin, elle quittait Pau. Dans une complète confusion. Ame solitaire qui n'avait plus rien à perdre. A l'heure où le soleil brillait à son zénith, son avenir était réglé.

Une vie sans Lui.

Sans avoir revu personne, elle quittait la cité, dans un état de zombitude avancée.


Marvin & Phyllisia Ross - ma vie sans toi -
_________________
Alaynna
Mai 1463


Je sortais de deux mois de descente aux enfers. Mais ces deux mois je ne les avais pas vu passer. Devenue insensible à tout, je m'étais abreuvée de substances et de plantes de toute sorte, l'alcool aidant à un oubli qui se voulait total mais qui n'était en fait qu'éphémère. J'avais tout fait pour éviter de garder des pensées cohérentes afin de ne pas subir les affres et les douleurs d'une absence, d'une trahison, d'une fuite en avant. Et je ne voulais pas reconnaitre que mon frère ait pu avoir raison au sujet de celui qui fut mon époux. Et pourtant, aujourd'hui, alors que j'avais entamé mon sevrage suite à l'horreur qui m'était arrivé quelques semaines auparavant et dont j'avais enfin accepté de prendre conscience, je me trouvais assise sur mon lit, avec sur les genoux ce coffret de bois dans lequel reposaient une rose rouge séchée offerte ainsi que ce billet reçu lors d'une fête des amoureux. Une lettre d'adieu. Et deux anneaux que je venais de glisser rejoindre le tout. Symboles que j'étais allé repêcher récemment à l'endroit même où quelques mois plus tôt, je les avais balancé, animée par une rage et un désespoir féroces. Il y a quelques semaines, j'avais perdu ce que je ne m'étais pas même aperçue que je portais. Parce que je ne connais rien à ce genre de chose, et très certainement aussi parce que c'est moi même qui était la meurtrière, alors que je m'étais laissé aller à perdre tout contrôle sur moi même et sur ma vie.
Niallan avait disparu par quatre fois. J'étais certaine que c'était lui que j'avais aperçu il y a deux semaines sur Pau. Mon ex mari m'avait quitté, me prouvant ainsi à quel points ses belles paroles énamourées n'avait en fait été que du vent. Comme dirait mon frère, et ça a encore malgré tout le don de m'agacer..c'est un Corleone. Désormais, je considérais qu'à sa façon, Roman avait été tout aussi Salaud que Niallan. Mais pour mon propre bonheur, ou malheur, je n'en sais rien, aucun autre homme que mon ex-mari ne m'avait touché. Je pouvais sciemment dire à l'heure actuelle qu'il était le premier et le dernier homme que j'ai vraiment connu de manière intime.
Il avait choisi de me rayer de sa vie, j'en avais fait autant, réalisant malgré tout que lorsqu'un homme aime vraiment une femme, il fait tout pour la garder et ne s'envole pas à la première difficulté venue. L'avais-je testé ? Sans doute inconsciemment, est-ce ce que j'avais voulu faire. J'en prenais conscience seulement aujourd'hui. Au moins, le courtisan m'aura été d'un secours inestimable sur le sujet. L'un qui tourne les talons à la moindre contrariété. L'autre qui fait sa vie avec une morte. Y'a pas à dire Alaynna, tu as le don ma fille pour aller t'empêtrer dans des histoires foireuses et pour te démolir ton petit coeur.
L'avantage de tout ça, c'est qu'aujourd'hui, je suis devenue indifférente. Un masque d'impassibilité. Il y a des sentiments que j'ai étouffé au fond de moi et que je ne suis pas prête d'aller réveiller.

C'est sans doute pour cela que j'ai pris le parti d'accepter ce qu'auparavant je n'aurais jamais voulu.

Laisser mon frère adoré gérer ma propre vie, et me plier à sa décision de vouloir organiser un mariage arrangé, me concernant.
Après tout. Aimer n'est rien d'autre qu'un arrangement jusqu'à ce que celui-ci ne soit plus tenable. Et il semblerait qu'un mauvais mariage soit encore préférable à une bonne séparation.

" - Après tout, j'ai déjà tout perdu, je ne pourrais perdre davantage et je n'ai rien à y gagner."

Une fois que j'avais établi ce constat, je me moquais bien de ce qu'il pouvait advenir maintenant. Je comptais bien donner du fil à retordre à celui auquel mon frère prendrait le parti de lier ma vie.

Restait à savoir de quelle manière, lorsque ce jour arriverait. J'avais encore tout mon temps pour m'y préparer.

Je referme mon petit coffret de bois. J'y ai glissé un morceau de parchemin, où figure une annotation dessus.


RIP-10 juin 1463.

Je suis la seule à savoir ce que cela signifie. Ce jour où j'étais consciente et que j'ai vu ce sang s'écouler sur mes cuisses. A demi Valassi, à demi Corleone.
Depuis ce jour-ci, je n'ai plus pris une seule goutte d'alcool ni avalé la moindre substance qui puisse annihiler ma conscience.

Je suis une meurtrière infanticide.

Fin d'un chapitre de ma vie.

_________________
Roman.
Ailleurs... l'esprit bien éloigné de ces drames...

Roman avait pris la décision de ne plus penser à Alaynna. Comme il l'avait dit à ses parents, il la considérait à présent comme une traîtresse incapable de tenir parole. Blessé, vexé, il avait définitivement tourné le dos à ce premier amour qui avait foulé aux pieds son honneur, sa dignité, et les sentiments qui pourtant étaient des plus sincères. À présent qu'il vivait éloigné de ces préoccupations, les mois ayant passé, il s'était résolu à recommencer à vivre. La rencontre d'une jeune fille Italienne, Giannah, avait assez retenu son attention pour qu'il décide de faire un brin de route avec elle.

Il se laissait même aller à charmer et à se sentir charmé. Giannah lui plaisait. Giannah était belle. Giannah était naïvement sensuelle. Giannah avait réussi à s'attirer son affection... Les gestes entre eux étaient doux; les rapprochements se faisaient de plus en plus chaque jour. Des effleurements, des baisers... Ils partageaient la même couche, et pourtant ils n'avaient pas encore partagé leur véritable intimité. Malgré des jeux très sensuels, et l'affection pleine de désir qu'ils se vouaient l'un à l'autre, ils n'avaient toujours pas consommé leur attirance. Roman n'en ressentait pas le besoin immédiat : il se satisfaisait de vivre à ses côtés.

Ce nouvelle équilibre fut brisé par l'arrivée inattendue d'une lettre, destinée au Corleone. Fort heureusement, Giannah n'était pas présente lorsqu'il lut la missive... sinon, elle aurait vu le visage de l'Italien refléter sans masques les émotions les plus violentes, de la colère à la peine, de l'envie de tuer au souvenir brûlant d'un amour absolu.

En quelques paragraphes, Alaynna avait à nouveau bouleversé sa vie et ses conceptions du monde.

En quelques mots, à nouveau, elle existait pour lui.

De cette lettre, elle se risquait à mettre en balance un fragile équilibre : donner à l'Italien l'envie de la tuer, ou celle de l'aimer.


Citation:

    Buongiorno Roman,

    J'ignore si c'est la meilleure idée que j'ai que de t'écrire.

    Je crois que nous nous sommes fait mutuellement du mal, et surtout, que nous sommes tellement têtus et orgueilleux tous les deux, que l'on a préféré laisser s'installer un énorme malentendu. Enfin tout du moins en ce qui me concerne. Toi je n'en sais rien. Je me dis surtout que j'aimerai que ce soit quelque chose comme ça pour toi aussi mais si ça se trouve c'est pas le cas. De toute façon tant pis, rien ne peut être pire alors je m'étais promis de ne pas t'écrire mais faut croire que je dois pas être douée pour les promesses que je me fais à moi-même.

    Je voulais que tu saches que depuis que tu t'es empressé de prendre la poudre d'escampette loin de moi, j'étais très en colère après toi. Parce que je me dis que si tu m'avais vraiment aimé tu ne m'aurais jamais fait ça. Tu aurais essayé de creuser un peu plus en moi puis tu te serai aperçu qu'en fait, malgré toutes les horreurs que j'ai entendu, j'avais confiance en toi. Au lieu de ça, juste parce que je t'ai balancé sur la colère que je te croyais pas tu es parti. Et tu m'as laissé.

    Résultat, j'ai fait que des bêtises depuis. Mais je vais t'épargner les détails et puis de toute façon vaut mieux pas que tu saches. Tu serais pas content je crois. Ou alors je me dis que tu t'en fous ce qui serait encore pire à mes yeux. Alors la seule chose que je veux quand même que tu saches parce que tu es concerné, c'est qu'il y a une chose sur laquelle je suis vraiment désolée. Peut-être que si tu étais resté auprès de moi, toi tu t'en serais aperçu mais moi j'ai pas su le voir, et puis j'étais pas en état de m'en apercevoir non plus je crois bien.

    J'ai compris quand j'ai vu cette flaque de sang qui dégoulinait entre mes cuisses, pendant que j'étais en prison. Je m'en suis aperçue trop tard que c'était important.

    Voilà. Maintenant t'es plus le seul assassin, moi aussi j'en suis une. J'ai tué notre enfant parce que je me suis pas aperçu que je le portais. Et s'il y a une chose que je me pardonnerai jamais c'est bien celle là. J'espère que t'es pas assez débile pour t'imaginer que ça pourrait être celui d'un autre. Parce que tu es le seul homme qui me connait assez intimement pour être le père, que j'ai eu personne depuis toi et que de toute façon, y'aura personne d'autre. Parce que j'ai décidé que tu serai le premier et le dernier.

    Je vais pas te promettre de plus faire de bêtises parce que ça serait te mentir, et que à moins de trouver un médecin, mais un bon, pas un charlatan, je pense pas que mon état va s'arranger, même si je fais des efforts. Parce que j'ai beau avoir perdu ce bébé, je continue toujours à vomir et à être malade. Je pense que mon organisme a du trop s'habituer à certaines de mes bêtises.

    Mon frère pense que je dois quitter Pau, il veut m'emmener vivre dans le Languedoc, pour monter un comptoir pour sa compagnie, mes sœurs vont rester à Pau. Je m'en cogne d'aller là ou ailleurs en Savoie rejoindre des cousins, ça n'a plus vraiment d'importance maintenant.

    Tu peux déchirer ma lettre ou la brûler ou en faire ce que tu veux. Je doute que tu y répondes mais au moins tu es au courant que j'ai perdu ce petit bout de nous. Si j'avais su, si j'avais compris, ça aurait sans doute été l'enfant le plus choyé de la terre. Maintenant c'est trop tard et je vais vivre avec ça jusqu'à mon dernier souffle. Et même si j'espère que je crève vite, je me dis que je mérite de vivre longtemps pour souffrir de la perte des deux êtres que j'aurai sans doute le plus aimé dans ma vie. Toi et cet enfant. Mais ma mère avait raison, au moins, j'aurai épousé un salaud d'italien, c'est sans doute la seule promesse que j'aurai tenu.

    Je ne te demande même pas pardon d'avoir perdu notre enfant parce que c'est impardonnable. Peut-être juste que je vais te demander pardon de t'avoir laissé partir ce jour là et de n'avoir pas su mettre mon orgueil et ma colère de côté. Si tu as cru ce jour là que je ne t'aimais plus, tu t'es mis le doigt dans l'oeil Corleone.

    Fais attention à toi.

    Alaynna.


Un enfant...

Un vide immense se fit en lui, lui arrachant le coeur au passage, et il se sentit pleurer tandis que les vagues brutales de colère, d'amour, de désespoir et de haine se bousculaient et se fracassaient en lui pour tenter de combler le vide qui s'était créé.

Trois jours. Il avait mis trois jours à lui répondre. Sans mettre le nez dehors, sans parler à qui que ce soit, sans même vouloir revoir Giannah qui trouvait alors porte close lorsqu'elle montait à l'auberge. La pauvre ne pouvait même imaginer ce qui se passait alors dans la tête de l'Italien. Celui-ci mit bien du temps à trouver les mots qui répondraient à la lettre d'Alaynna... Et ses émotions se bousculaient toujours.


Citation:

    Alaynna,

    Votre lettre m'a extrêmement troublé et je ne sais même pas quel sentiment je dois en concevoir. Je ne sais si je suis en colère, heureux ou désespéré. Je ne sais si je dois encore vous aimer ou choisir de vous détester... Je ne suis pas parti par manque d'amour pour vous. Je suis parti parce que vous m'aviez crié à la figure que vous faisiez confiance à un autre que moi. Vous avez mis en doute ma parole alors que j'offrais, pour la première fois, toute ma sincérité et ma plus grande naïveté. Mes plus grands espoirs, aussi.

    Sachez que je ne vous ai jamais détestée et qu'aucune autre femme n'a partagé charnellement ma couche, bien que je vive actuellement avec une demoiselle d'Italie. Je n'ai pas encore eu la flamme d'avoir avec elle une relation que je n'ai partagée qu'avec vous...

    Je suis vraiment troublé. Imaginer qu'un enfant... aurait pu naître... est une idée éprouvante et heureuse à la fois.

    J'aimerais vous revoir. Parler avec vous. Être face à face pour que les mots, insuffisants, soient soutenus par les regards.

    Portez-vous bien. Prenez soin de vous. Vraiment.
    Nous sommes tous deux orgueilleux, mais ne crevez pas pour autant. Soignez-vous.
    Un mot de vous et je prendrai la route vers vous. Je viendrai vous soigner.

    Roman.

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Alaynna
- Ginie Line - jusqu'à la tolérance -


Il a fallu que l'on me secoue violemment pendant de longues minutes, pour que je reprenne conscience. Malgré ces longues heures de repos, je me réveille plus épuisée que jamais et d'une humeur de chien enragé. J'ai mal partout et le moindre mouvement me fait souffrir, mais j'ai surtout un mal de crâne qui me vrille le cerveau et la gorge aussi sèche et brûlante que les terres les plus reculées de mon Italie natale. Et alors que je ne rêve que de replonger dans mon inconscience bienfaitrice, une petite voix finit de me décapiter le cerveau, au milieu du bordel et du chaos indescriptible que sont les lieux.

Signorina, Corleone il a donné une missive à moi et que fallait que je vous la donne rien qu'à vous il a dit....sinon ...couic !

" - Corl...hein ? Qu'est ce que tu me racontes bambino ? "

Me voilà debout devant le gamin prête à lui arracher la missive en question des mains. Et oui, je suis bien réveillée et non pas en train de rêver.

Moi y'en a dit que le signore Corleone l'a dit de vous porter une lettre. Même qu'il m'a donné trois écus !

" - Ah si ? tiens attrappe ça , Corleone il est radin, moi je t'en donne cinq écus pour que tu t'en ailles et puis si tu lui dis que tu ne m'as pas trouvé je t'en donne dix de plus !"

Ma qué no, je ne peux pas lui mentir sinon il a dit que couic !

Et le gamin de mimer de se tordre le cou avec les mains en tirant une langue explicite et roulant des yeux.

" - Oui bon ça va. Oublie les dix écus bambino."


Je referme soigneusement la porte derrière le jeune messager et je décachette la missive tout en me demandant ce que me vaut l'honneur de recevoir un vélin écrit de la part de l'Italien. Je ne me pose aucune question sur l'identité de l'envoyeur, le seul Corleone que je connaisse fut celui que j'avais épousé. Celui qui fait les choses à sa façon, quand il le veut, et sans jamais faire de compromis.

Mais à la simple lecture de la première phrase je me retrouve le fessier au sol, m'étouffant à moitié sous la colère et l'hallucination.

Non mais comment ça il a reçu ma lettre ? Qui ! mais quiiiii a osé lui écrire en se faisant passer pour moi !

Les mains tremblantes et moites, je ne peux détourner mes yeux du vélin que mes doigts torturent inconsciemment de mille façons. Je m'adosse contre le montant du lit et je respire profondément pour essayer de me relaxer. Je crois que si j'avais Roman sous la main là tout de suite, je serai capable de causer un nouveau meurtre, de lui décocher un soufflé en pleine trogne digne de la Valassi que je suis, je me laisserai emporter par la colère et je lui donnerai des claques partout où mes mains se poseraient ; et de finir étrangement par me réfugier contre son solide torse ou l'une de ses accueillantes épaules pour y pleurer tout mon soûl. Sauf que là, c'est mon estomac qui se révulse et je n'ai que le temps de reconnaitre l'habituelle brûlure âcre qui monte dans ma gorge avant de me précipiter sur le seau qui depuis des semaines est habitué à ce genre de traitement.

Je n'aime pas que l'on voie de moi, cette partie que je ne laisse entrevoir à personne. Cette part de fragilité que je m'emploie à cacher aux autres et qui se révèle au fur et à mesure que je lis les mots et les maux de l'Italien. Je me souviens que je voulais alors à l'époque où j'ai accepté de l'épouser, qu'il soit le seul à l'origine de mes sourires, de mes larmes, de mes joies, de mes peines. La puissance de mes émotions me fait peur. Elle m'intoxique et je me révèle sans défense face à cette lettre. Mais le plus percutant, c'est que je ne me souviens nullement lui avoir écrit et je me demande bien ce que j'ai pu aller lui écrire, pour qu'il me réponde en se livrant ainsi à moi. Pour que j'ai droit à des explications, pour qu'il vienne poser des mots sur les souffrances qui me tenaillent depuis ce putain de jour de mars ou tout a explosé entre nous et qu'il s'est fait la malle. A la lecture de cette lettre, il réveille en moi des sentiments plus complexes et mon inquiétude se change en panique viscérale. J'ai toujours pensé à l'époque de Nous, que lui et moi étions la moitié exacte d'un ensemble parfait. Un peu comme je le suis avec Julian mon frère, mais d'une manière totalement opposée.

Qu'y a t'il de plus injuste que cela ? Nous nous sommes disputés, il est parti sur un coup de tête et aujourd'hui il partage une partie de sa vie avec une autre italienne. Et moi avec un danois, même si le danois en question est un chiot.


Ma che ho potuto bene scriverti affinché mi riveli così il tuo anima Corleone ?


Il a raison, je dois trouver quelqu'un pour me soigner. Mais si je crois me souvenir que son père est médecin, j'ai du oublié que lui l'était, je me souviens surtout qu'il est un empoisonneur et un assassin.

Je suis contente de ne plus avoir à sourire et de m'épancher, les bras noués autour du cou de mon Apollo et l'inondant de toutes les larmes qui n'ont pas coulées depuis trois mois. Je suis au bout du rouleau mais c’était sans compter sur la chaleur. Il fait terriblement chaud et bien que la nuit soit tombée depuis des heures, aucune brise ne rafraîchit l’air. Et ces fichues douleurs et vomissements qui me collent à la peau.

Et comment je vais m'y prendre pour lui répondre maintenant sans lui avouer que je ne me souviens absolument pas de lui avoir écrit ? Et sans qu'il ne se doute que je ne vais vraiment pas bien ?

Rien que cette pensée-ci, me laisse les jambes tremblantes et le coeur au bord des lèvres.


Mi sono messa in una bella m.ierda.

Peut-être que je devrai écrire au Corléone Père sous une fausse identité et lui demander de venir me voir en consultation. Parce que je me vois mal demander à la seule médecin béarnaise que je connaisse, la chancelière Mélian, de le faire. Et puis ce n'est pas comme si Roman ne m'avait pas fait l'éloge des talents de médecin de son père.

Mais qu'est ce que j'ai bien pu t'écrire pour que tu me révèles ainsi ton âme Corleone ?
Je me suis mise dans une belle merde.

_________________
Roman.
N.B. : Dialogues de taverne en version très condensée


- Giannah... Je dois vous parler.

Voilà comment avait commencé cette discussion, quelques minutes à peine après des retrouvailles qui avaient été douces et tendres, Giannah encore blottie contre lui au milieu de la taverne. Elle s'était jetée dans les bras du Corleone lorsqu'il était entré, enfin, après trois jours de silence et d'absence.

- Il faut que je vous explique pourquoi je m'étais retiré.

Les mots alors avaient du se former entre eux deux pour tisser le lien entre les interrogations et préoccupations de la belle Italienne et les émotions indécises et brutales de l'assassin Italien. Il se sentait instable et cela le mettait en danger. Alaynna avait touché de plein fouet la corde sur laquelle il dansait habituellement. Il était inenvisageable que Roman reste ainsi perturbé par des événements sentimentaux : il prenait le risque, alors, de perdre sa vigilance et d'être lui-même assassiné. Le risque, lorsque l'on est mercenaire - ou toute autre profession nécessitant les mêmes capacités d'ôter la vie à autrui - c'est de voir les membres de l'entourage du défunt chercher vengeance. Et un assassin distrait est un assassin mort.

- Giannah... Alaynna a perdu l'enfant qu'elle portait. Un enfant de moi. Elle est souffrante, mais je ne désire pas sa mort. Je pense aller la soigner.

Stupeur... Questionnements... Colère... Emportée, Giannah se dévoila sous un jour surprenant. Elle lui parla de l'honneur de sa famille, de mort et de violence. Roman alla jusqu'à lui demander "qui" était cette Giannah ! À cette question, immédiatement, elle se calma. Elle s'excusa même. Roman n'y vit rien d'autre qu'un emportement dicté par les affections féminines qu'elle avait à son égard : il ignorait encore tout du secret que cachait sa compagne.

- Mais je ne peux pas y envoyer mon père... Il a mis sa tête à prix ! Il la tuera s'il apprend que c'est elle.

Giannah parlementa. Elle avait bien compris que l'Italien était troublé par la nouvelle du décès d'un enfant, mais elle s'inquiétait de sa propre place dans cette histoire. Il reprit dans les siennes ses mains qu'elle avait retirées à l'annonce précédente, tandis qu'elle se fâchait, et il interrompit le discours véhément de la jeune fille :

- Giannah... je voudrais... un enfant de vous.

La porte d'un monde chaotique s'était ouverte autour de lui. Giannah serait-elle sa planche de salut, sa nouvelle moitié, ou la raison de sa perte ? Et Alaynna... serait-elle autre chose qu'une ex-compagne qu'on oublie volontiers ? Dans la tourmente, Roman cherchait ses appuis. Et en l'absence du reste de sa famille, ce fut à son père qu'il écrivit, après avoir passé une nuit plus sereine auprès de Giannah.

Citation:

    Mio Padre,

    J'ai quelques nouvelles à t'annoncer par cette lettre, j'espère que tu n'es pas en train de régler des affaires trop importantes en ce moment car j'ai besoin de tes conseils. Je compte sur ta franchise. Pardonne-moi de ne pas avoir écrit plus tôt, Madre doit sûrement se demander où j'ai disparu ! Rassure-la tout d'abord en lui disant que j'ai rencontré Eleus en Périgord et qu'il se portait très bien. Dis-lui aussi que je l'embrasse et que Giannah est tout à fait charmante...


Introduction diplomatique... un petit mot pour la mère; se placer en fils attentif et en frère concerné. Laisser de côté - toujours, dans les lettres ! - la moindre mention des assassinats ou vols récemment perpétrés : une lettre interceptée était le meilleur moyen de mettre toute la famiglia en danger. Il fallait donc que tout cela ressemble le plus possible à un échange normal au sein d'une famille normale, et pas à une lettre d'un fils assassin à un père tueur et médecin.

Citation:

    J'ai reçu très récemment une lettre de la femme qui a été, un moment, mon épouse : Alaynna Valassi. J'en ai été fort surpris, mais surtout son contenu m'a dérouté, et c'est pourquoi je t'écris pour avoir ton conseil. Elle dit avoir perdu, par ignorance, l'enfant qu'elle portait. Un enfant de moi. Et elle est de plus en plus malade. Je sais qu'elle se trouve à Pau; je suis à Sarlat avec Giannah. J'ignore que faire à présent, mais je sais que je ne veux pas la laisser mourir aussi stupidement.

    Padre, je sais que tu avais mis sa tête à prix. Mais je voudrais la soigner. Je ne désire pas sa mort car penser qu'elle portait un enfant de nous me ...


L'encre avait visiblement séché entre ce dernier mot et le suivant. Roman ne savait même pas quel mot employer. Ni l'italien ni le français ne l'aidaient à exprimer le profond trouble dans lequel l'annonce de la mort de son enfant avant même sa naissance le mettait.

Citation:

    ... fait comme un poids sur le coeur. Je crois que j'aurais été heureux d'être père, si tout ne s'était pas passé ainsi. Sais-tu, elle s'est excusée de notre rupture : elle s'est laissée emporter par sa colère et son orgueil, aussi bien que moi. Mais le passé est le passé, et ce sujet-là n'est pas celui qui me taraude.

    Je voudrais, père, que tu m'aides à la soigner. Je n'ose pas te demander de venir jusqu'à elle sachant ton sentiment à son égard. Mais guide-moi, au moins, pour que je puisse moi-même la conseiller ou lui faire porter les bons remèdes. Je n'ai confiance qu'en toi. Les médecins du Royaume de France sont des charlatans ou des incompétents. Aide-moi à la soigner, même si tu refuses de te déplacer.

    Je sais que tu ne voudras pas.
    Je sais que tu veux...


Non, impossible d'écrire "la tuer" dans une lettre qui pourrait être lue. Il avait déjà parlé de "mettre sa tête à prix", expression qui revenait souvent dans la bouche des assassins italiens, mais qui pouvait encore convenir à la colère d'un père devant la rupture de son fils, considérant que la femme était responsable du désastre. Il fallait un mot plus neutre.

Citation:

    ... qu'elle se débrouille sans moi, sans nous. Mais je t'en prie, padre : pense qu'elle aurait été la mère de mon enfant.

    Aide-moi seulement à la guider pour qu'elle ne meure pas de sa mauvaise santé. Ce serait une mort trop idiote pour une personne qui a partagé ma vie.

    J'espère que Mère adoucira un peu ton opinion à son égard, je suis sûr qu'elle comprendra le trouble dans lequel je suis.

    Donne-moi bientôt de vos nouvelles.

    R.C.


Il relut le dernier paragraphe. Il savait comment son père allait comprendre la formulation d'une des phrases en particulier. Si Amalio acceptait d'être médecin et non assassin, cela mettait Alaynna en danger à moyen ou long terme tout en la sauvant à court terme. Car ce que signifiait "qu'elle ne meure pas de sa mauvaise santé", serait sans aucun doute compris aussi de la sorte : "Tu n'aurais aucun honneur à la savoir morte de maladie, alors qu'assassiner une personne en bonne santé est un défi à la mesure de la vengeance que tu veux exercer sur elle. Si tu la soignes, tu pourras la tuer."

Toute la question était de savoir si Amalio mettrait de côté la vengeance de l'honneur familial pour sauver une femme que son fils avait aimée, ou s'il profiterait de l'aubaine pour assouvir son projet d'assassiner celle qu'il considérait comme une traîtresse ayant foulé aux pieds l'honneur de son fils. Mais Roman n'aurait confié à personne d'autre que lui les soins à apporter à Alaynna...

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Alaynna
La fin de nuit m'a enfin vu trouver un sommeil agité mais le réveil n'en est que plus douloureux. A peine mis les pieds au sol, celui-ci se met à tanguer de nouveau dangereusement et le divin seau est là pour accueillir les premières éclaboussures de la journée. Et pour couronner le tout, j'ai des envies de fruits juteux et de viande rouge et saignante. Je me laisse tomber sur le bord de ma couche, et le visage défait je regarde Apollo, qui sagement assis à mes pieds, lève son adorable regard sur moi, la tête un peu penchée, l'air de vouloir me demander ce qu'il se passe.
Une douleur au ventre me tenaille et je me recouche en chien de fusil, dans l'attente sans doute très idiote, que cela passe tout seul. Et puis soudain, je me redresse et je me cale contre mes oreillers. Je glisse une main sous ma chainse, à même la peau de mon ventre et je ne sais pas si je deviens aussi pâle que la mort soudainement, mais ce qui est certain c'est que je viens de subir un choc de nature à réveiller un mort. Je reste immobile, hébétée. Je cherche à comprendre. A déceler une réalité qui pourrait, alors que je croyais avoir perdu une part de moi-même, s'avérer plus fracassante encore et totalement inespérée.

Dans ma naîveté, je pensais qu'il ne pouvait pas me quitter. Pas après que j'étais tombé amoureuse de lui, après que nous nous soyons épousés pour ce qui devait être pour le restant de notre vie et bien au-delà, pas alors que je me suis dressée contre mon propre frère pour lui.
Mais aujourd'hui, non seulement il était parti sur un coup d'orgueil mais il m'avait déjà remplacée. Ou quasiment, il a beau m'écrire ne pas avoir franchi un certain cap il n'en reste pas moins que lui en a une autre dans sa vie. Et là encore, la silencieuse et étrange douleur qui me ronge et cette petite voix dans ma tête qui me serine que s'il m'avait aimé vraiment il ne m'aurait pas si aisément remplacée. Est-ce que je l'ai remplacé moi ? Non. Et si ce que je suis en train de supputer se confirme, alors la situation risque de se compliquer davantage encore. Et je ne peux en parler ni à mon frère qui hait le Corleone, ni à mes soeurs qui iraient lui répéter tout ce que je pourrais leur dire dans la minute qui suit à mon jumeau. Pas de père à qui me confier et encore moins une mère qui me manque à ce moment, plus que jamais.
Ma colère a mis trois mois à s'estomper. Mais la douleur que je cache elle, n'est toujours pas partie. Insidieuse, elle est là. Je la sens battre en moi, prête à surgir à n'importe quel moment, surtout depuis que je fais l'impasse sur l'alcool et les substances peu recommandables que j'ai ingurgité ces derniers mois. Mais je m'en veux encore plus de ma stupidité et de cette naïveté qui ne me ressemble pourtant pas.

Alors aujourd'hui, il est peut-être temps que je regarde les choses en face. Je suis mal à l'aise dans mon corps alors qu'il y a quinze jours j'ai subi cette perte. Après m'être longuement observé dans le miroir sans percevoir une notable différence dans mon corps à part peut-être une poitrine un peu plus pleine et un petit bedon plus rebondi à peine visible pour un non averti, mais qui ne m'a pas alarmée jusqu'à aujourd'hui. J'ai relégué comme je sais si bien le faire, dans un coin de mon cerveau ce mal être. Je n'étais pas inquiète car je ne suis jamais malade.

Je crois que j'ai pleuré comme une enfant pendant une bonne demi-heure. Mais c'était à la fois des larmes de chagrin et de joie mêlée, même si je n'ai pour l'heure aucune confirmation de ce que mon esprit s'évertue à tenter de me faire comprendre. Dans la famille, il est courant d'avoir des jumeaux. Il y a Julian et moi. Et puis il y a eu les deux soeurs tueuses de mère, Nuccia et Alina.

Je reste les azurés posés sur mes mains, silencieuse, comme si d'elles, pourraient surgir la solution à mes tourments. Je suis totalement paniquée, encore plus qu'hier. Pas parce que je n'aime pas les enfants ou que la nouvelle me parait terrible non, au contraire, je crois qu'avec ou sans père, l'enfant que je porte, ce survivant, si c'est bien ce que mon cerveau m'envoie comme message, sera choyé comme jamais. Même s'il est évident que c'est mieux pour un enfant d'avoir son père également. Encore que moi je hais le mien et j'ai pourtant vécu à son côté durant dix-sept ans mais c'est une autre histoire. Parce qu'il est responsable de cette horrible séparation avec mon frère et puis s'il avait pas mis ma mère enceinte, elle ne serait pas morte en couches et les tueuses de mère ne seraient pas là non plus.

Mais je n'ai pas su voir ce que j'aurai du voir, mais aujourd'hui, alors que je sors d'un drame qui me laisse bien plus blessée que je ne veux le montrer, il est peut-être un survivant dont je me suis aperçu et qui n'a pas à subir un sort identique à ce qu'il s'est passé il y a quinze jours. Parce qu'aujourd'hui j'ai un doute et que je m'en veux de ne pas avoir pu empêché ce drame. Je ferai tout pour qu'un autre ne se produise pas.

Comme une automate, la plume crisse sur le papier.


Citation:
Signore Corleone,

Vous me connaissez sans doute de nom sans m'avoir jamais vue. Je suis celle qui aurait du rester votre belle-fille à vie, si vous n'aviez pas une ex belle-fille et un fils aussi têtus et orgueilleux l'un que l'autre.

J'ai pensé vous écrire en me présentant sous une autre identité mais ce serait trop facile alors je me présente telle quelle à vous. Alaynna Valassi.
Je me tourne vers vous parce que vous êtes sans doute le seul qui puisse intervenir. Et puis Roman m'a laissé entendre que malgré tous vos défauts, vous êtes un père et un médecin remarquable. Vous savez j'ai vécu dix-sept ans auprès du mien et pourtant je le hais pour tout le mal qu'il m'a fait.

J'ai été emprisonnée il y a quelques semaines de cela, et durant ce séjour forcé j'ai fait une fausse couche. J'ai perdu un enfant. Celui de votre fils. Sachez tout de même que j'étais vierge lorsque je l'ai épousé. Et qu'il a été le seul homme à me connaitre intimement. Il n'y en a pas eu d'autres. J'ai une notion de la famille assez poussé. Par contre j'ai l'orgueil facile et quand je suis blessée je me referme telle une coquille d'huître. Et quand votre fils est parti, je me suis tournée vers l'alcool et les plantes dont les toxicités sont connues et reconnues. Et je n'ai pas compris que je portais la vie. Jusqu'à ce que je la perde il y a quinze jours.

Vous allez me dire que tout est parfait alors si l'on puis dire. Mais non. J'ai réalisé ces derniers jours que quelque chose ne va pas. J'oscille entre me croire malade ou oser penser que je porte un miraculé de la vie en mon sein. Les naissances gémellaires sont choses courantes dans ma propre famille.
J'ai annoncé à Roman que j'avais perdu son enfant il y a quelques jours. Mais je n'ai pu me résoudre tant que je n'en ai pas la certitude formelle, de lui dire que un et un font deux et que j'ai de sérieux doutes sur le fait qu'au creux de mes entrailles, une petite vie est tenace et se bat pour survivre.

Est ce que vous connaissez une solution miracle pour être sûr de cela ? Est-ce que je peux vous demander de me recevoir en consultation ? Si vous ne voulez pas vous déplacer dans le Béarn, je le ferai, je viendrai à vous. Je trouverai bien une excuse à raconter à mon frère, je ne tiens pas à ce qu'il soit au courant de quoi que ce soit pour l'instant car il hait votre fils et toute discussion le concernant reste source de conflit entre mon jumeau et moi. Et puisque vous êtes médecin, autant que ce soit vous que je consulte. Question discrétion, je crois savoir que vous êtes doué pour ça. Et c'est ce dont j'ai besoin.

Sachez juste une chose. S'il s'avère que ce dont je doute se confirme, je donnerai jusqu'à la dernière goutte de mon sang pour cet enfant. Parce qu'il est tout ce qui me reste. De Lui. Et que chez nous, la famiglia, c'est sacré. Tout autant que chez vous.

J'attends votre réponse et j'aviserai ensuite votre fils.


Alaynna Valassi


Quelques heures plus tard, j'ai fait le tour de la ville et j'ai trouvé la personne que je cherchais. Je m'approche du gamin, et je lui ébouriffe les cheveux.

" - Hey Bambino, tu les veux ces dix écus ? Porte ce pli au Corleone mais pas au même signore que la dernière fois. Au moins cette fois je vais me souvenir que je t'ai demandé de le faire. Amalio Corleone. Ne remets cette lettre qu'à lui seul. C'est important bambino."


Ma mission accomplie auprès de mon jeune messager, je m'en retourne m'enfermer dans ma chambre. Sans avoir vu quiconque depuis une semaine, sans même passer devant les tavernes. Je veux juste être seule en ce moment. Avec mon Apollo.

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Amalio
Le Languedoc... sous une chaleur écrasante et sèche. Encore une de ces régions qu'Amalio affectionnait un tant soi peu en France : une de ces régions qui sentait presque l'Italie. Bien sûr, ce n'était qu'un ersatz, pâle reflet de son pays natal, mais c'était déjà mieux que la froide humidité du nord du royaume. Au moins sa vieille carcasse était-elle réchauffée par l'astre solaire qui, s'il n'avait pas la pitié d'épargner les blanches peaux de rougeurs et de cloques, daignait accorder au cuir tanné de l'Italien une paix épidermique.

Sous un grand arbre qui lui accordait une ombre apaisante, Amalio grattait de sa plume l'une ou l'autre des feuilles de vélin qu'il avait apportées là et qui, en attendant son écriture et ses corrections, reposaient sous un caillou qui empêchait le vent d'emporter les secrets de ses potions et cataplasmes. L'un de ces vélins était une lettre. Lettre qu'il avait lue et relue, pensif, perplexe; tout d'abord plein de colère; puis plus mesuré. Le temps passait. Et avec le temps, les enjeux s'affirmaient. Il n'avait toujours pas répondu. Était-ce par mauvaise volonté de sa part ? Il n'aurait su le dire lui-même. Mais sa conscience avait fini par parler en la faveur de la femme, d'autant plus que Roman avait tout fait pour présenter les choses de manière différente : pour le père, il s'agissait à présent de soulager le fils; au lieu d'être l'assassin qui voulait mettre fin au déshonneur causé par une catin. Un soupir intérieur parcourut le grand corps adossé au tronc. Était-ce la vieillesse qui sapait peu à peu la dureté de ses pensées ? Ou bien le fait d'avoir trop d'enfants... dont certains parvenaient à se faire une place auprès de lui.

Il rangea une liste de simples et se saisit de la lettre d'Alaynna pour la relire une dernière fois... Oui, il fallait à présent répondre.


Citation:
Signorina Valassi,

Votre lettre était moins qu'attendue et elle contient bien des écueils. Je ne saurais cependant vous laisser mourir et laisser mourir un possible enfant de mon fils. Malgré votre détestable existence et la manière dont vous avez bafoué l'honneur de mon fils - même si j'entends bien vos explications à ce sujet, et que je puis les comprendre, à défaut d'avoir envie de les accepter - la lignée Corleone ne peut être délibérément abandonnée. Si vous portez un second enfant de mon fils, il sera aussi de mon sang. Restez où vous êtes, je prends la route. Astreignez-vous à ne plus boire la moindre de ces drogues de charlatans, en dehors de toutes celles que je pourrais vous conseiller moi-même. Il en va de la santé de votre foetus. Tâchez de garder le repos. Je sais que vous n'êtes pas fermière ni pêcheuse, ce qui vous permettra sans doute de laisser à d'autres le soin de s'activer à votre place. J'exige de votre part une obéissance absolue au sujet de votre santé.

Amalio Corleone.


Le paraphe fit crisser la plume. La chaleur sécha l'encre plus vite que n'importe quel sable. Quelques minutes plus tard, le courrier était confié à un coursier à cheval; et à la tombée de la nuit le vieil Italien était lui-même parti. Il ne lui faudrait que deux jours pour se rendre en Béarn, par les sentiers qu'il connaissait et en exigeant de sa monture une cadence de guerre. Peu importait : l'animal était habitué. Le maître était exigeant, la bête obéissante.

Au troisième crépuscule, il se faisait annoncer à la porte de la Valassi par quelques coups portés du poing sur le lourd bois du vantail. La lettre ne l'avait probablement pas devancé de beaucoup.

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Alaynna
Neuf mois plus tard.

A quelques semaines dépassées, c'est le terme auquel aurait du naître la gémellité qu'elle avait alors conçue avec le Corleone.
Seulement elle n'a pas su voir ni même sentir la vie en elle. L'une s'en est allé alors qu'elle se trouvait en prison avec dans la cellule en face de la sienne, celui-là même qui était la cause de ses tourments et dont elle apprendra bien plus tard, qu'il était venu dans l'espoir de la faire libérer. Niallan. Et totalement anéantie, elle était retombée plus bas encore dans son Enfer, et malgré l'intervention du père de Roman, Amalio Corleone, la gémellité s'en était éteinte sans même que cette fois-ci elle n'en ait la moindre conscience, tellement elle était descendue loin, profondément, pour danser pieds nus dans les Incandescences infernales.

Si loin qu'elle était même devenue encore plus sauvage et rebelle qu'elle ne l'était, jusqu'à ne plus donner signe de vie au seul membre de sa famille qui aurait sans doute pu, peut-être, l'aider à se relever. Julian. Son frère jumeau.Jusqu'à ne plus supporter la vue d'une femme enceinte. Jusqu'à presque se sentir défaillir à chaque fois qu'elle croise un enfant. Elle s'était même infligé le supplice de voir Niallan avec ses petites filles dans le creux des bras. Non pas que cela la gêne de le voir avec ses enfants, bien au contraire, mais parce que la moindre tête chérubine qu'elle peut croiser lui rappelle atrocement ce qu'elle a perdu. Et ce qu'elle s'imagine qui ne pourra plus être.

Le temps n'avait pas fait son oeuvre non. Loin de là. Elle ne cessait de tenter d'expier. Pour l'absence et l'abandon de cet homme qui, malgré tous les efforts qu'elle avait bien pu faire, n'était jamais sorti ni de son esprit, ni de son coeur. Celui à qui elle avait accordé et par qui elle avait reçu son tout premier baiser. Aujourd'hui, elle avait enfin compris pourquoi. Quand on n'a jamais connu l'Amour, qu'il est difficile de s'apercevoir de ce que l'on éprouve. Mais si dans le plus profond de son être, elle savait désormais ce qu'il en était, jamais ce sentiment n'avait fleuri en parole sur ses lippes. Elle était incapable de mettre des mots sur ce sentiment. Parce qu'inconsciemment, elle continuait d'expier et se punissait, s'interdisant de reconnaitre qu'elle puisse aimer Niallan.
Elle expiait pour ces deux petites vies qu'elle avait tuées par ignorance. Qu'elle avait méthodiquement et délibérément assassinée, sous couvert de drogues, d'alcools et d'autres substances totalement illégales mais qu'elle savait se procurer, juste pour obtenir l'apaisement d'une Amnésie de quelques heures.
Mais elle se refusait d'expier pour le Corleone. Parce qu'elle continuait de penser que s'il avait été moins orgueilleux, il avait encore le moyen de sauver ce qui pouvait l'être et il n'en avait rien fait.

C'est également à la même période, qu'elle a fait cette étrange rencontre sur Limoges avec l'une de ses ex belle-soeur, Fallone Corleone, qui lui a annoncé de la manière la plus naturelle qui soit, la mort de Roman.
Niallan lui a demandé, lors de leurs retrouvailles, si elle l'avait aimé. Elle lui a répondu que non. Parce qu'elle sait aujourd'hui que les sentiments qu'elle a pu éprouver pour le Corleone, étaient différents de ceux qu'elle éprouve pour le Salaud de sa vie.
Ce n'était pas de l'amour, c'était de la passion. Et elle a récemment découvert que ces deux notions là, sont, contrairement à ce que beaucoup de gens peuvent en penser, totalement différentes l'une de l'autre.
Bien évidemment que l'annonce de la mort de Roman lui a causé un choc. Et puis pourquoi aurait-elle du mettre en doute ce que lui disait la Corleone, bien qu'elle ne corresponde pas du tout au portrait familial qu'avait pu lui brosser Roman ?
Il avait sans doute désormais rejoint les deux petits êtres issus de sa chair qui se trouvaient en Enfer par sa faute à elle, et ces trois là devaient sans doute être en train de la maudire à l'heure qu'il est.

Aujourd'hui, elle avait retrouvé le Salaud de sa vie. Elle était même devenu sa compagne. Et bien qu'elle ne voulait pas de promesses entre eux, sachant pertinemment de quoi pouvait être capable Niallan, à la plus grande de ses surprises, c'est lui qui lui avait arraché la promesse de ne jamais le quitter. Prononçant quelques mots en italien qui l'avaient totalement désarçonnée. Mais quand bien même voudrait-elle lui hurler ce qu'elle ressent, le bloc de glace qui s'est formé depuis qu'elle a quitté les enfers, refuse d'être brisé et elle est incapable de laisser certaines paroles franchir ses lèvres.

Et pourtant. Sans le savoir, Niallan a fissuré le glacier. Par deux fois en quelques jours. Mais elle n'en montre rien. Quand elle a appris au détour d'un jeu, qu'il avait déjà pensé à lui demander sa main. Et lorsqu'il lui a arraché cette promesse il y a quelques jours.
Puis il y a eu tout à l'heure, un peu plus tôt. Lorsqu'arrivant dans une taverne bondée, il s'est levé pour suivre une femme qui lui était inconnue et qu'il s'est gratté la tête, quelque peu gêné, alors qu'elle le regardait. Et il y a Kachina, qui a du remarqué quelque chose de différent dans la lueur d'azur de l'ITalienne, qui a posé une main rassurante sur la sienne et qui par deux fois lui a dit de ne pas avoir peur. Elles ont échangées un regard et elles se sont souri. La veille au soir, les deux compères s'en étaient devenues plus complices encore alors qu'Alaynna avait du relever l'un des fameux Cap de Kachina. L'amie d'enfance de Niallan avait raison. Aimer différemment le même Salopard, ça crée des liens.

Elle avait également appris avec stupeur, il y a quelques soirs, que l'une des habituées qui partageait l'une des tavernes saumuroises avec eux, n'était autre qu'une Corleone. La chope qu'elle tenait en main ne lui avait pas échappé elle ne sait trop comment, mais l'exclamation et le juron étouffé qu'elle avait laissé s'échapper en disait long.
Persuadée devenait-elle de plus en plus, que Corleone cherchait par tous les moyens à la tourmenter.

Il y avait d'abord eu Fallone. Ensuite il y avait un ex beau-frère, Gabriele Corleone qui lui enjoignait de ramener sa soeur Fallone auprès de sa famille. Si elle se souvenait que Roman lui avait parlé de ce frère, elle se souvenait également que Niallan, dans l'une de ses anciennes lettres, lui avait demandé de lui foutre un gnon de sa part si jamais un jour elle le rencontrait. Et maintenant, il y avait cette Julya.

Et elle venait de se souvenir, qu'elle avait une missive à envoyer au Corleone. Sauf qu'elle n'était pas du tout en train de ramener Fallone auprès d'eux. Et que pour le moment, elle avait tout fait pour protéger la jeune Corleone, refusant de l'entrainer avec leur troupe au beau milieu de territoires en guerre.

Si elle avait déjà tué les deux Corleone qu'elle avait porté en son ventre, il était néanmoins hors de question qu'elle emmène au massacre l'une de ses ex belle-soeur. Elle n'oubliait pas que le père de Roman avait mis sa tête à prix et bien qu'elle soit particulièrement allumée du bocal en ce moment, elle n'était pas folle au point d'aller réveiller certaines rancoeurs.

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Roman.
Lettre pour Amalio Corleone, rédigée au soir du 30 mars 1645, accompagnée d'un feuillet gribouillé de poissons au fusain côtoyant une fleur ainsi que le dessin d'un bébé mort affublé de moustaches, près duquel est tracé, d'une autre main, une croix avec le nom "Andrea Corleone".

Beaucoup de choses s'étaient passées... depuis deux années.


Citation:

    *rédigé en italien

    Papa,

    Je suis depuis quelques jours à Limoges avec une partie du clan. Il y a ici Arsène, Gabriele et sa femme avec la petite Maï, Nizam, et d'autres égalements dont je ne sais s'ils sont amis ou membres. La ville est assez animée, et à vrai dire je m'y plais assez pour m'y arrêter actuellement.

    Je ne sais pas si tu es loin d'ici, si tu es toujours à Bourges ou si tu es reparti sur les routes. Je n'ai pas encore écrit à Maman mais je vais le faire également. Je voulais te parler d'abord. Je ne suis pas très à l'aise avec Gabriele, tu le connais mieux que moi. Il y a une affaire qui prend de l'importance d'une manière étonnante et désagréable.

    Il y a quelques jours, une fille étrangère, une Perse, s'est moquée de moi, et après plusieurs avertissements, je lui ai attrapé le poignet pour lui faire mal. Elle m'a giflée, je l'ai giflée, et elle m'a mis un coup de genou dans les parties. Autant te dire que je n'ai plus contenu ma colère et que je l'ai un peu égratignée : rien de bien grave, je lui ai coupé légèrement l'arrière de l'oreille. L'affaire aurait pu s'arrêter là mais Gabriele me toise à présent de haut, et refuse de me reconnaitre comme son frère, au prétexte que toi, tu n'aurais jamais fait cela, et que donc je ne peux être ton fils. Je ne sais si tu as déjà blessé une femme, je l'admets, mais je ne comprends pas une telle réaction de rejet de la part de Gabriele.

    Je voulais aussi te parler de Fallone. Je l'ai rencontrée il y a quelques jours et j'ai découvert ses problèmes. Ils sont très déroutants. Je lui ai à peine tapoté le bras qu'elle a commencé à faire une sorte de crise de panique ou de tétanie. Stain (tu le connais, m'a-t-il dit, il a ton âge) conseille de la faire boire et dessiner, ça a l'air de fonctionner, mais je voudrais ton avis de médecin là-dessus.

      [Ici est dessiné un gros lapsson, un poisson avec des oreilles de lapin, amoureusement tracé par Fallone]


    Une autre chose, et non des moindres. Alaynna est ici également. Tu te souviens peut-être d'elle, mais il s'agit de celle qui était ma femme, et qui par l'ingestion de drogues a perdu les deux enfants de moi qu'elle portait. Je n'ai plus aucun sentiment amoureux pour elle, et à ma grande honte, j'ai bien davantage envie de la blesser. Aussi, tu n'as plus besoin de tenir ta promesse de ne pas la tuer. Si tu le souhaites, fais-le, cela m'ôtera la peine de voir trop souvent son visage et de repenser à ces enfants qui me hantent. Je m'occuperai un de ces jours de tuer Niallan.

    Et juste pour finir, sur une note plus positive. J'ai rencontré une fille, Lucie, qui veut apprendre un peu les poisons. Je pense qu'elle est davantage que mon élève. Elle me plait, elle est vive, gracieuse, intelligente et délicate, sans fards et sans timidité superflue. J'espère que nous poursuivrons notre relation.

    J'ai aussi fait la rencontre d'une amie, Mellyne. C'est étonnant, cela me change des amis masculins. Je suis surpris qu'elle parvienne à me faire bavarder aussi facilement, même en français. Elle est un peu comme maman, je pense : ouverte et agréable. J'espère que nous pourrons continuer à nous fréquenter également.

    Tu vois, cela fait trop longtemps que je ne t'ai pas vu, je t'écris bien trop longuement.

    Réponds un de ces jours, ça me fera plaisir, même si déjà t'écrire c'est une bonne chose.

    Je pense qu'ici ça ferait plaisir à pas mal de monde de te revoir.

    Roman.

_________________
Amalio
Evénement rarissime : une lettre ! Le vieux Corleone l'avait reçue juste avant de quitter la ville pour reprendre sa route. C'était de la part de l'un de ses fils, accompagné de dessins de l'une de ses filles. C'était bien la première fois qu'ils se mettaient à deux pour lui envoyer quelque chose ! Aussi cela méritait-il une réponse, pour une fois, et même rapide, puisqu'il allait ensuite traverser la forêt pendant presque deux jours et qu'il risquait d'oublier s'il ne s'en occupait pas instamment.

Citation:
Salut, fils !

Tu tombes bien, je suis sur les routes, pas très loin de Limoges. Je vais passer vous voir pour vérifier que vous n'avez pas encore détruit complètement la réputation familiale avec vos petites engueulades de gosses. Gabriele est une grande gueule et il a raison sur le fait qu'il ne faut pas frapper une femme. Cependant, tu as raison concernant le fait que je t'autorise personnellement à frapper une femme qui a mis en danger la lignée Corleone via une tentative de blessure virile. Cela étant dit, je pense, mon fils, que ton métier t'a déjà rendu nécessaire le meurtre de créatures féminines. Gabriele a de belles convictions, qui sont toutes à son honneur, mais le monde est bien plus cruel que lui.

Fallone est une drôle de petite, c'est vrai. Je ne la connais pas assez mais elle a quelque chose de particulier. Je ne sais pas pour quelle raison. Je ne suis vraiment pas resté longtemps avec sa mère, puisqu'elle avait un mari, donc je n'ai même pas eu connaissance de son existence avant longtemps. Je ne sais pas comment soigner ces troubles, bien que je me soie renseigné à ce sujet auprès de collègues médecins.

Quant à ton Alaynna, je ne comprends pas pourquoi tu ne l'as pas déjà égorgée. Tu as encore la faiblesse sentimentale de ta jeunesse, Roman. Méfie-toi, cela te perdra. Tu as le coeur bien trop tendre. Et ne parle donc pas trop à tes "amies", on ne sait jamais quelles sont leurs vraies attentions. Concernant Stain, tu peux lui causer, je l'apprécie, tu ne craindras rien. S'il te met une taloche un jour, il aura raison, je lui donne mandat. Tout comme Nizam.

La prochaine fois que tu veux donner une leçon de vie à une personne qui te manque de respect, fais-lui plutôt une coupure au cul : ainsi elle sera bien moins prompte à s'en plaindre assez pour devoir le montrer à autrui.

J'arrive dans quelques jours pour vous botter le cul, à quelques-uns.

A.C.

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Roman.
La réponse ne s'était pas fait attendre ! Chose rare, le patriarche avait eu la plume rapide. Sans doute les dessins de Fallone y étaient-ils pour quelque chose ! Le vieux avait-il eu le coeur un brin attendri par la communication de sa fille ? Toujours est-il que Roman profita de la disponibilité paternelle pour renvoyer un second message, dès le lendemain.

Citation:
Salut Papa.

Ta réponse est la bienvenue, surtout avec une telle rapidité ! Merci. Je suis heureux de lire ton opinion concernant Gabriele car toute cette histoire me navre. Mais je ne vais pas reparler de ce sujet maintenant.

Je t'écris à nouveau ce soir pour te demander de te hâter afin de porter assistance à une femme du clan, prête à donner naissance. Je l'aiderais si tu n'arrives pas assez tôt. Il s'agit de Neijin, j'ignore si tu la connais. Elle est proche de Gabriele. Elle est grosse et devrait accoucher dans quelques jours, si ce n'est heures. Elle semble tenir à ta présence, comme Tigist.

Fallone aussi serait heureuse de te voir. Elle était radieuse à l'idée de faire des dessins pour toi hier.

Roman.


Il n'écrivit pas que cela lui ferait plaisir à lui aussi, parce qu'il trouvait cela ridicule de faire pareille déclaration, mais il ne voulait pas écrire non plus qu'il espérait que le Padre botte le cul de Gabriele, dont il trouvait le comportement injuste.

Amalio n'avait pas mentionné dans sa réponse le dessin fait par Alaynna : la petite tombe avec le nom de l'enfant. Le fils que Roman et elle auraient du avoir. Andrea Corleone.

Elle avait lâché le morceau, finalement : il y avait une tombe. Une vraie tombe quelque part. Avec cet enfant dedans, mort né, sorti du ventre de sa mère avant d'être viable. Mais il n'y avait pas de tombe pour le premier... Alaynna avait parlé d'un amas sanguinolent. A l'entendre, Roman en avait eu le coeur retourné, de dégoût et de tristesse, et encore de colère. Mais il s'était tu et n'avait pas été de nouveau cruel avec son ancienne épouse.

Et de cela, il voulait discuter avec son père. Mais seul à seul, et pas à l'écrit.


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Moins d'une heure plus tard, une seconde lettre, cette fois écrite avec bien moins de soin et d'une main visiblement plus rapide, fut envoyée au père.

Citation:
Padre,

Tigist vient de dire que Neijin, celle qui va accoucher, se drogue à l'opium. Prend de quoi composer avec cela. Il semble qu'elle n'ait pas réussi à arrêter sa consommation avant la mise au monde de son enfant.

Roman


L'urgence se sentait dans la manière d'écrire, hachée et inhabituelle, tandis que déjà le jeune Corleone réfléchissait à préparer ses propres remèdes pour essayer de minimiser le problème. Il n'avait cependant pas l'expérience de son père... Amalio avait 25 ans de plus que lui, soit autant d'années de pratique !
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