Ah quelle belle vie mes amis ! J'ai décidé de tenir un journal intime pour vous narrer toutes mes heureuses et merveilleuses aventures. Aujourd'hui, ma magnifique Ali vient de m'annoncer qu'elle attendait notre second enfant. Et dire que le premier vient tout juste d'apprendre à dire « Papa », ça va très vite tout ça. Heureusement, ma gamine est là pour m'aider à tenir mon rôle de père. Ah, Lexi, une vraie perle cette môme. Elle apprend à se battre avec Maryah, venue vivre pas trop loin de nous pour me permettre de voir mon fils. Vous ai-je parlé de notre maison ? Une petite chaumière au bord de la mer avec juste ce qu'il faut d'arbres pour que ma rousse ait sa forêt. On ne travaille pas, pas besoin. Je pêche tous les jours et nous avons un vaste potager auquel est attenant un modeste enclos contenant deux vaches et une brebis. La belle vie, moi je vous le dis. J'ai arrêté mes conneries d'infidélités et je ne bois plus que modérément. Les drogues ? Alors, ça, c'est très rare ! Seulement les vingt-neuf février. Diego et Vector passent me voir occasionnellement, eux aussi se sont rangés, ils ont choisi UNE femme chacun et ont donné les autres à l'église. Ma Kachi, je la vois de temps en temps, elle aime venir contempler son filleul. Ma sur, j'ai fini par l'apprécier cette vieille peau, elle me file gentiment les thunes de mon héritage familial et évite de me raconter sa vie merdique.
En bref, je suis heureux. Si foutrement heureux qu'il m'arrive de rire bêtement en regardant les nuages ou d'attraper Ali dans mes bras pour la faire tournoyer en riant toujours autant. C'est effarant toutes les choses stupides qui nous amusent quand on est heureux ! Plus besoin d'opium pour planer, vous le faites continuellement.
Ali, ma chérie, appelle Lexi, je veux qu'elle voit le poisson que je viens d'attraper !Il n'y aura pas de réponse.
Parce que cette vie, c'est celle que je n'aurai jamais. Même en arrêtant toutes mes conneries dès maintenant, même en devenant le type le plus parfait du monde. Elles sont mortes, toutes les deux. Lexi et Ali. Maryah me fait passer pour mort auprès de mon fils et se tape Diego qui comptabilise deux mariages et bientôt un troisième. En simultané. Vec, mon bon vieux poto, est quelque part dans le royaume, peut-être mort, comment savoir puisqu'il ne donne plus de nouvelles depuis bientôt un an. Quant à Kachi et Yzy, elles ont toutes les deux le cur meurtri par un mari qui n'est pas celui qu'elles imaginaient et je ne les vois plus, on s'écrit, c'est tout. Parfois. Ma sur, no comment. Peau de vache elle est, peau de vache elle ne m'approchera pas ! Et quelle grippe-sou !
L'alcool et les drogues sont mes meilleurs amis, la preuve, je suis en pleine réunion avec eux. Une taverne, encore. Laquelle ? J'en sais foutre rien. Ce que je sais c'est qu'en continuant à boire je pourrai voir la rousse, celle qui portait mon enfant dans cette autre vie. Elle ne tarde pas à arriver et lorsque, enfin, je sens sa pression familière sur mon épaule, je siphonne le reste de ma bouteille pour être sûr qu'elle restera plus longtemps.
Je suis tout à toi, mon Am...Elle pleure. Elle pleure ?! J'ouvre de grands yeux surpris, comme le ferait un gosse effrayé et effleure du bout des doigts ses larmes irréelles. Quand elle pose ses questions, je sens comme une brûlure sous mes doigts et les retire immédiatement. Et pourtant, en plus d'être tout sauf réelle, elle n'a pas cherché à me brûler. Mais c'est tout comme. Penaud, je baisse le regard et laisse une larme rouler sur ma joue. C'est tellement plus compliqué que ça, avec Alaynna. J'ai essayé de m'éloigner d'elle, de la fuir, de faire en sorte qu'elle me haïsse mais je n'y arrive pas. Je n'arrive pas non plus à fuir et pourtant je déteste Pau et leur saloperie d'hôtel que je suis obligé de raquer tous les jours.
Je me refuse à mettre des mots sur ce que j'éprouve pour l'italienne. Parce que ça signifierait perdre Ali et ça, jamais je ne pourrai l'encaisser. Pas alors que je viens de la retrouver miraculeusement. Pas comme le voudraient les bien-pensants, elle ne deviendra jamais maman et pourtant... Elle est là, c'est tout ce qui compte.
Je te jure que je voulais pas ça. Elle m'a
attiré. Alors j'ai eu envie d'elle, de voir ce que ça pourrait me faire. Mais je voulais pas ça, mon amour, je te le jure.Après ces jérémiades, je me saisis de la main de la rousse et lui lance un regard autoritaire, un qui ressemble à « arrête de monter dans ces foutues charrettes ! » que je devais auparavant lui lancer trois fois par semaine. Au moins.
Tu n'es pas, ne seras jamais et n'as jamais été une fille de transition, idiote ! Je ne connais même pas la patrie de mes parents, ma patrie. Si ça se trouve je suis un anglais. Alors comment peux-tu penser que mon choix se base sur ça ?! Tu aurais pu être une helvète coupée d'angevine avec un arrière goût dAlençon que je t'aurais aimée comme un fou.Et puis elle m'a embrassé. Et j'ai oublié le reste. La mort, les pleurs, les doutes, l'absence et le manque. Je lui ai rendu son baiser avec toute la passion qu'elle m'inspire, mon souffle s'est emballé et j'ai serré mon corps contre le sien. Ce qu'elle m'a dit ensuite n'a pas eu grand impact, j'ai juste acquiescé. Oui, elle a raison, oui je vais l'écouter. Parce que je l'aime et que même morte elle reste ma vie. Son je t'aime a décuplé ma passion et je l'ai prise dans mes bras pour l'emmener jusqu'à l'une des chambres de ce fameux hôtel. Quitte à payer, autant en profiter. L'histoire ne dira pas comment se sont déroulés nos ébats et ne précisera pas les différences entre le fictif et le réel.
En revanche, l'histoire reprend le neuf mars, à minuit. J'ai reçu deux lettres. Les deux Valassi. La femelle m'a écrit une magnifique lettre qui a fait tambouriner mon palpitant sans que je ne puisse ralentir son rythme malgré mes promesses à Ali. Le mâle, lui, m'a pris le chou. Mais d'une force... ! Alors, pour le second, je vais me contenter de l'envoyer bien proprement sur les roses (ou les orties, à voir s'il a un lien avec les mémés) par une lettre bien salée. Et la première... La première, il va falloir que je sois convaincant. Mon but ? La faire retourner vers Roman. Pour cela, j'allais devoir vanter les mérites d'un petit enculé d'italien de mes deux en ignorant mon désir d'être à la place de ce minable. Fantastique, voyez la merveilleuse soirée qui s'annonce.
...Après rédaction, on obtient ceci pour la frangine: