Niallan
[Musique !]
Ici personne ne me propose démission mais cest tout autant délicat. Ouais, cest délicat pour moi de parler de moi. Peut-être pas comme tout le monde, jen connais, du style des mecs hyper imbus deux-mêmes ou des gonzesses qui idolâtrent profondément leur vie qui adorent parler deux. Jaime pas décevoir, je suis daccord avec ce gus, le principe de lautre personnage, du dédouanement, de lirresponsabilité ça me parle. Ça me parle même très bien. Cest peut-être pour ça que je suis courtisan plutôt quamant, petit-ami (pour prendre de lavance sur mon temps) plutôt que mari, compère plutôt que père. Quand je suis moi je déçois. Inévitablement. Alors jévite de lêtre. Au fil des années je dois reconnaître que jai appris à plutôt bien gérer le rôle du parfait connard égoïste, vrai que je merdais de temps en temps en me laissant aller à aimer et par conséquent à laisser le vrai Niallan saffirmer avec lélue. Vrai que je merdais aussi en étant moi avec quelques proches comme la Louve et cet enfoiré de Vec. Mais dans le fond, reconnaissez que je suis assez doué pour ça.
Et je pense moi aussi que jai jamais trouvé dautres qualités à ce que je savais faire quacteur. Dessinateur jai pas essayé. Sauf si repeindre un mur avec mon vomi un soir de beuverie est considéré comme une preuve de savoir bien dessiner. Jai essayé de rejoindre la célèbre clique des pilleurs Corleone mais cétait laborieux. Pour être sincère, ça ma vite gonflé. Me terrer comme un rat en allant en taverne quà certaines heures pour, au final, beugler comme un dingue après minuit en tapant sur des gardes et des paysans dans le but de gagner quelques sacs de farine et des écus très vite reperdus dans le procès qui suit trois jours après, cest pas pour moi. Jai bien essayé dêtre un gentil petit paysan mais ça aussi, cétait laborieux. Jai jamais compris lhistoire de la tonte des moutons et quand est-ce quil fallait les crever. Au final, jai brûlé mon champ. Et les moutons avec, comme ça, pas de prise de chou.
Côté regrets, par contre, je méloigne de ce bon vieux Poelvoorde. Je passe mon temps à regretter ce que je fais. Ma conscience et moi, ça fait déjà un bon bout de temps quon est en froid. Ya peut-être un lien avec le fait que jétais à lautre bout du royaume à batifoler quand ma gamine a été tuée lors dune révolte. Ou alors avec le fait que la femme avec qui je batifolais est morte parce quelle ne pouvait pas supporter toutes mes absences, mes mensonges et, pire, mes silences. Ou alors, cest peut-être en lien avec le fait que mon double au féminin est mort en couches alors que javais promis dêtre là et que jétais, en réalité, à des lieues de ma promesse, littéralement, dans les bras de je ne sais quelle donzelle levée pour la soirée.
Est-ce que je suis un séducteur ? Oui. Je peux pas men empêcher, ça fait partie de mes talents dacteur. Ça maide à me sentir bien, à oublier. Ne rêvez pas trop, le sourire dune femme parmi dautres ne fait oublier que lespace dune seconde que vous ne verrez plus celui de celle que vous aimiez. Ou de celles.
Cest maintenant quon laisse de côté les dires dun homme qui ne vivra que plus de cinq-cents ans après moi. On va parler femmes. Elles mont fait disjoncter. Je suis parti en vrille, je ne me souviens plus de la date exacte, je sais juste que cétait après avoir encore trop bu.
Je venais de piquer Alaynna Valassi à Roman Corleone. Javais fait fort, ce jour-là, puisque cétait aussi le jour de leur mariage. On aurait pu sattendre à un conte finissant par « et ils vécurent heureux et eurent beaucoup denfants » mais ce serait oublier que je me complais dans mon rôle de connard égoïste. Quoique, là, cétait pas tout à fait ma faute.
Figurez-vous que la femme évoquée plus haut, non pas mon double mais celle que jai tué avec mes absences, est revenue dentre les morts pour me hanter. Je la voyais quand je buvais jusquà ne plus savoir où jétais et cétait presque comme avant. Sauf quil y avait Alaynna alors Ali ne disait plus tout à fait les mêmes choses. La mort lavait changée. Je savais quelle me manipulait quand elle me disait « si tu te lies avec cette... Alaynna, je ne pourrai plus venir te voir, mon tendre amour. Ce sera comme si tu me chassais pour toujours loin de toi. » mais je ne disais rien, pas plus que je ne répondais autrement quen secouant farouchement la tête quand elle posait ce genre de questions : « Tu veux me perdre encore une fois ? ». Moi, je fermais ma gueule et je profitais de son fantôme. Parce que je laimais, au-delà de la mort.
Le problème cest quil a fallu que je fasse un choix. Et lautre problème cest que cétait tout sauf un choix simple du genre : pain rassis ou poisson savamment grillé ? Non, là cétait plutôt : mer ou montagne ? Soleil ou étoiles ? Pour aller au-delà des métaphores, javais ma défunte rousse qui me disait « Moi, je veux rester avec toi, mon amour. Mais je ne pourrai pas si tu restes ici, auprès d'elle. Je voudrais qu'on voyage tous les deux, en tête à tête. Comme avant. Tu te souviens ? » et ma vivante brune qui me faisait rêver avec ses « J'ai réalisé que le seul homme auprès duquel j'aurai pu être heureuse, c'est Toi Niallan. Tout aussi courtisan et salaud que tu sois. ». Je devais choisir et cest typiquement le genre de truc que je sais pas faire. Qui est laborieux.
Alors jai pas choisi. Je me suis barré. Comme ça, du jour au lendemain. Sans rien dire à Alaynna et en évitant tout ce qui pourrait ramener Alicina de lau-delà. Oh, je navais pas fait beaucoup defforts : concernant la distance avec la ritale il mavait suffi de trouver un bouge extrêmement miteux dans les environs et un tenancier discret et pour la paradisiaque (cest comme ça quon dit quand on habite au paradis ?) il mavait suffi de trouver un tord-boyaux qui portait assez bien son nom pour menvoyer dormir sans avoir assez bu pour ouvrir la brèche entre les vivants et les morts.
Deux mois que je maccommodais de cette vie. Je ne donnais de signe de vie à personne. Je ne répondais plus à Kachina que je devais rejoindre, nécrivais plus à mon fils malgré ma promesse et ignorais délibérément les courriers dAlay. Jusquau jour où
Mon gars si tavais vu cte donzelle à Pau ! Une beauté italienne, fin beauté, beauté macabre ! Ouais, jte jure, je laurais crue morte si elle avait pas manqué dmarracher la main quand jai essayé dla toucher à travers les barreaux. Et cpas tout, paraît quson frère cest un grand marchand, moi jcomprends pas trop pourquoi quil laisse sa frangine pourrir là-ddans, mais stu veux mon avis cest parce
Savez-vous comment elle sappelle ?
Eh merde. Javais ouvert ma gueule. Là, voilà, cétait trop tard. Jaurais pu continuer à siphonner ma bouteille en faisant comme si je navais pas compris de quelle italienne il parlait. Jaurais dû, même.
Alors là mon grand un peu que jle sais ! Jai entendu les geôliers en parler vant quils me relâchent. VA-LA-SSI. Eh, Manfred, tu pourras dire à ta Valérie : Val, assis !
Jétais parti avant que les rires gras ne séteignent. Direction Pau. Je ne comptais pas la revoir, juste la sortir de taule. Parce que ça me plaisait pas trop quelle soit là-dedans, mon ex-femme mavait bien expliqué à quel point les geôliers peuvent se montrer tactiles. Disons que cétait ma façon à moi de me faire pardonner pour les larmes et les faux espoirs. Avec un peu de chance, si elle venait à me croiser, elle ne me reconnaîtrait pas. Ça devait faire bonne semaine que je nétais pas passé par la case nettoyage et bien deux mois que ma barbe poussait. Sans oublier les loques qui me servaient de vêtements et les diverses blessures, souvenirs de bastons de taverne, qui courraient sur mon corps.
Bonjour. Je me présente, Niallan Ozéra. Frère de la non moins Ozéra Marion qui est aussi De Trévière. Je viens demander la libération dAlaynna Valassi, son emprisonnement étant une grossière erreur de votre part. Mais je suis bon prince, je vous pardonne.
Oh, Monsieur Ozéra, jai tellement entendu parler de vous ! Ma femme ma dit que vous étiez un partenaire extraordinaire et elle a recommandé vos services à ses amies. Veuillez pardonner notre erreur, la dame sera libérée dans la journée ! Et histoire de vous prouver notre bonne foi, que diriez-vous de quelques bonnes bouteilles ?
Ça, cétait le déroulement idéal de ma venue.
En réalité, jai à peine eu le temps de dire « bonjour » quils mattrapaient sous les bras pour me jeter au trou en agrémentant leurs prouesses dun « manant ! » bien appuyé. Jaurais JAMAIS dû louvrir.
Fait chier.
Putain de toi
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Bannière réalisée par les grands soins de JD Calyce.
Ici personne ne me propose démission mais cest tout autant délicat. Ouais, cest délicat pour moi de parler de moi. Peut-être pas comme tout le monde, jen connais, du style des mecs hyper imbus deux-mêmes ou des gonzesses qui idolâtrent profondément leur vie qui adorent parler deux. Jaime pas décevoir, je suis daccord avec ce gus, le principe de lautre personnage, du dédouanement, de lirresponsabilité ça me parle. Ça me parle même très bien. Cest peut-être pour ça que je suis courtisan plutôt quamant, petit-ami (pour prendre de lavance sur mon temps) plutôt que mari, compère plutôt que père. Quand je suis moi je déçois. Inévitablement. Alors jévite de lêtre. Au fil des années je dois reconnaître que jai appris à plutôt bien gérer le rôle du parfait connard égoïste, vrai que je merdais de temps en temps en me laissant aller à aimer et par conséquent à laisser le vrai Niallan saffirmer avec lélue. Vrai que je merdais aussi en étant moi avec quelques proches comme la Louve et cet enfoiré de Vec. Mais dans le fond, reconnaissez que je suis assez doué pour ça.
Et je pense moi aussi que jai jamais trouvé dautres qualités à ce que je savais faire quacteur. Dessinateur jai pas essayé. Sauf si repeindre un mur avec mon vomi un soir de beuverie est considéré comme une preuve de savoir bien dessiner. Jai essayé de rejoindre la célèbre clique des pilleurs Corleone mais cétait laborieux. Pour être sincère, ça ma vite gonflé. Me terrer comme un rat en allant en taverne quà certaines heures pour, au final, beugler comme un dingue après minuit en tapant sur des gardes et des paysans dans le but de gagner quelques sacs de farine et des écus très vite reperdus dans le procès qui suit trois jours après, cest pas pour moi. Jai bien essayé dêtre un gentil petit paysan mais ça aussi, cétait laborieux. Jai jamais compris lhistoire de la tonte des moutons et quand est-ce quil fallait les crever. Au final, jai brûlé mon champ. Et les moutons avec, comme ça, pas de prise de chou.
Côté regrets, par contre, je méloigne de ce bon vieux Poelvoorde. Je passe mon temps à regretter ce que je fais. Ma conscience et moi, ça fait déjà un bon bout de temps quon est en froid. Ya peut-être un lien avec le fait que jétais à lautre bout du royaume à batifoler quand ma gamine a été tuée lors dune révolte. Ou alors avec le fait que la femme avec qui je batifolais est morte parce quelle ne pouvait pas supporter toutes mes absences, mes mensonges et, pire, mes silences. Ou alors, cest peut-être en lien avec le fait que mon double au féminin est mort en couches alors que javais promis dêtre là et que jétais, en réalité, à des lieues de ma promesse, littéralement, dans les bras de je ne sais quelle donzelle levée pour la soirée.
Est-ce que je suis un séducteur ? Oui. Je peux pas men empêcher, ça fait partie de mes talents dacteur. Ça maide à me sentir bien, à oublier. Ne rêvez pas trop, le sourire dune femme parmi dautres ne fait oublier que lespace dune seconde que vous ne verrez plus celui de celle que vous aimiez. Ou de celles.
Cest maintenant quon laisse de côté les dires dun homme qui ne vivra que plus de cinq-cents ans après moi. On va parler femmes. Elles mont fait disjoncter. Je suis parti en vrille, je ne me souviens plus de la date exacte, je sais juste que cétait après avoir encore trop bu.
Je venais de piquer Alaynna Valassi à Roman Corleone. Javais fait fort, ce jour-là, puisque cétait aussi le jour de leur mariage. On aurait pu sattendre à un conte finissant par « et ils vécurent heureux et eurent beaucoup denfants » mais ce serait oublier que je me complais dans mon rôle de connard égoïste. Quoique, là, cétait pas tout à fait ma faute.
Figurez-vous que la femme évoquée plus haut, non pas mon double mais celle que jai tué avec mes absences, est revenue dentre les morts pour me hanter. Je la voyais quand je buvais jusquà ne plus savoir où jétais et cétait presque comme avant. Sauf quil y avait Alaynna alors Ali ne disait plus tout à fait les mêmes choses. La mort lavait changée. Je savais quelle me manipulait quand elle me disait « si tu te lies avec cette... Alaynna, je ne pourrai plus venir te voir, mon tendre amour. Ce sera comme si tu me chassais pour toujours loin de toi. » mais je ne disais rien, pas plus que je ne répondais autrement quen secouant farouchement la tête quand elle posait ce genre de questions : « Tu veux me perdre encore une fois ? ». Moi, je fermais ma gueule et je profitais de son fantôme. Parce que je laimais, au-delà de la mort.
Le problème cest quil a fallu que je fasse un choix. Et lautre problème cest que cétait tout sauf un choix simple du genre : pain rassis ou poisson savamment grillé ? Non, là cétait plutôt : mer ou montagne ? Soleil ou étoiles ? Pour aller au-delà des métaphores, javais ma défunte rousse qui me disait « Moi, je veux rester avec toi, mon amour. Mais je ne pourrai pas si tu restes ici, auprès d'elle. Je voudrais qu'on voyage tous les deux, en tête à tête. Comme avant. Tu te souviens ? » et ma vivante brune qui me faisait rêver avec ses « J'ai réalisé que le seul homme auprès duquel j'aurai pu être heureuse, c'est Toi Niallan. Tout aussi courtisan et salaud que tu sois. ». Je devais choisir et cest typiquement le genre de truc que je sais pas faire. Qui est laborieux.
Alors jai pas choisi. Je me suis barré. Comme ça, du jour au lendemain. Sans rien dire à Alaynna et en évitant tout ce qui pourrait ramener Alicina de lau-delà. Oh, je navais pas fait beaucoup defforts : concernant la distance avec la ritale il mavait suffi de trouver un bouge extrêmement miteux dans les environs et un tenancier discret et pour la paradisiaque (cest comme ça quon dit quand on habite au paradis ?) il mavait suffi de trouver un tord-boyaux qui portait assez bien son nom pour menvoyer dormir sans avoir assez bu pour ouvrir la brèche entre les vivants et les morts.
Deux mois que je maccommodais de cette vie. Je ne donnais de signe de vie à personne. Je ne répondais plus à Kachina que je devais rejoindre, nécrivais plus à mon fils malgré ma promesse et ignorais délibérément les courriers dAlay. Jusquau jour où
Mon gars si tavais vu cte donzelle à Pau ! Une beauté italienne, fin beauté, beauté macabre ! Ouais, jte jure, je laurais crue morte si elle avait pas manqué dmarracher la main quand jai essayé dla toucher à travers les barreaux. Et cpas tout, paraît quson frère cest un grand marchand, moi jcomprends pas trop pourquoi quil laisse sa frangine pourrir là-ddans, mais stu veux mon avis cest parce
Savez-vous comment elle sappelle ?
Eh merde. Javais ouvert ma gueule. Là, voilà, cétait trop tard. Jaurais pu continuer à siphonner ma bouteille en faisant comme si je navais pas compris de quelle italienne il parlait. Jaurais dû, même.
Alors là mon grand un peu que jle sais ! Jai entendu les geôliers en parler vant quils me relâchent. VA-LA-SSI. Eh, Manfred, tu pourras dire à ta Valérie : Val, assis !
Jétais parti avant que les rires gras ne séteignent. Direction Pau. Je ne comptais pas la revoir, juste la sortir de taule. Parce que ça me plaisait pas trop quelle soit là-dedans, mon ex-femme mavait bien expliqué à quel point les geôliers peuvent se montrer tactiles. Disons que cétait ma façon à moi de me faire pardonner pour les larmes et les faux espoirs. Avec un peu de chance, si elle venait à me croiser, elle ne me reconnaîtrait pas. Ça devait faire bonne semaine que je nétais pas passé par la case nettoyage et bien deux mois que ma barbe poussait. Sans oublier les loques qui me servaient de vêtements et les diverses blessures, souvenirs de bastons de taverne, qui courraient sur mon corps.
Bonjour. Je me présente, Niallan Ozéra. Frère de la non moins Ozéra Marion qui est aussi De Trévière. Je viens demander la libération dAlaynna Valassi, son emprisonnement étant une grossière erreur de votre part. Mais je suis bon prince, je vous pardonne.
Oh, Monsieur Ozéra, jai tellement entendu parler de vous ! Ma femme ma dit que vous étiez un partenaire extraordinaire et elle a recommandé vos services à ses amies. Veuillez pardonner notre erreur, la dame sera libérée dans la journée ! Et histoire de vous prouver notre bonne foi, que diriez-vous de quelques bonnes bouteilles ?
Ça, cétait le déroulement idéal de ma venue.
En réalité, jai à peine eu le temps de dire « bonjour » quils mattrapaient sous les bras pour me jeter au trou en agrémentant leurs prouesses dun « manant ! » bien appuyé. Jaurais JAMAIS dû louvrir.
Fait chier.
Putain de toi
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Bannière réalisée par les grands soins de JD Calyce.