Niallan
Ne tinquiètes pas, sois heureux. Voilà ce que dira un grand homme en chanson. Et, bien que plongé dans ma belle époque de la Renaissance et nayant aucune foutue idée de lexistence plus ou moins prochaine de ce gars-là, je suis son conseil avec application. Pourtant, croyez-moi, il y a de quoi être inquiet: je pars à la chasse au dragon. Jusque-là, mis à part le risque assez conséquent de me faire carboniser, que ce soit par les flammes dun dragon ou celles dun bucher joliment dressé par des inquisiteurs, on peut dire que je nai pas de raison de minquiéter. Mais ça, cest parce que vous ne connaissez pas la femme pour laquelle je vais chercher un dragon et que je laisse derrière moi.
Alicina, mon Ali. Jai vécu avec elle plus de choses que durant la vingtaine dannées qui a précédé notre rencontre. Jai galopé tout le Royaume quand elle était mourante, suis resté campé à ses côtés jusquà ce quelle décide de vivre et mavoue ses sentiments, réciproques, évidemment. Pour elle, jai plus ou moins lâché mon rôle de père et le résultat na pas manqué: ma gamine est morte. Ça ma bousillé, je me suis barré. Je ne pensais pas revenir, il y a eu dautres femmes. Et on sest retrouvés. Elle ma pardonné et a pansé mes plaies. On a vécu des mois merveilleux, laimer cétait comme prendre un bon bain chaud après une journée passée à travailler à oilp dans la neige. Jétais heureux. On sest fiancés. Après ça a merdé, Maryah sest pointée, la torturée pour se venger et lui balancer un tableau noirci de qui je suis. Jai culpabilisé, me suis éloigné jusquà ce quelle décide de partir. Un jour, on ma dit quelle était morte. Je suis allé sur sa tombe et ce jour-là, je suis mort une première fois. Ma mort a duré des mois. Jusquà ce que je la retrouve. Vivante. Cétait un lundi, le plus beau jour de ma vie était un lundi. A partir de ce moment-là, je ne lai plus lâchée. Et puis elle ma dit quelle voulait un dragon. Jai dit que jirai lui chercher. Et jy suis allé.
Voyez, il a deux sortes de femmes dans le monde: Ali et les autres. La première veut un dragon, les autres une belle robe. La première veut passer sa vie sur les routes et peu importe ce quelle y gagne, les autres naiment pas marcher sans but. La première aime approximativement tout être vivant, les autres se plaisent à buter tout ce qui peut perdre du sang ou du moins se plaisent à limaginer. Ali croit et espère, les autres ont abandonné.
Le problème, cest quAli manque de mourir accidentellement au moins une fois par jour. Que ce soit en tapant la discute à des pervers psychopathes, en se vautrant, en rencontrant des meubles à pleine vitesse ou en montant dans des charrettes. Alors croyez-moi, ne pas minquiéter en la laissant a été compliqué.
Pour être honnête, sur le chemin menant aux Pyrénées, jai failli faire demi-tour plusieurs fois. Mais javais promis et une conversation ma convaincu. Je vous plante le décor: une taverne qui ne paie pas de mine, un blond qui ingurgite une bière avant de reprendre la route et un tavernier un peu bavard Et con, surtout con.
Le blond a tout son attirail de chasseur de dragons avec lui et ça interpelle le tavernier qui na de cesse de jeter des petits coups dil à la sacoche et à la pioche qui en dépasse. Le blond soupire, se demandant quand il va se décider à poser ses questions. Parce que ça lemmerde, au blond, de voir le type censé remplir son verre ragoter avec dautres clients en le lorgnant du coin de lil. Cest au moment où il tape avec sa chope sur le comptoir pour enfin être servi que lautre se décide.
Dites donc vous, zêtes pas du coin pas vrai ?
Non, pas du tout. Allez, demande-moi ce que je suis venu foutre ici quon en finisse.
Vous êtes de passage alors ?
Bonne déduction. Abruti.
Vous rendez visite à un parent, peut-être ?
Pas du tout, je suis en chasse. Et, maintenant tu vas vouloir savoir de quoi.
Ah, ça chasse les jupons, on en a des jolies donzelles dans le coin !
Moi mon truc cest plutôt les dragons. Normal.
Comment ça ? Zallez pas mfaire croire que zêtes parti pour chasser le dragon ?
Jen ai plutôt rien à carrer que vous le croyiez ou non, vous me posez des questions, jy réponds, ça sarrête là. Je secoue ma chope devant son nez, tu vas me resservir oui ?!
Eh zentendez ça les gars ?! Il va chasser le dragon ! Et pourquoi donc mon ptit monsieur ? Pour le rapporter au roi ?
Je pense avoir une taille plutôt supérieure à la normale, je me passerai donc de ce genre de qualificatif. Et pour répondre à votre question, si le roi veut un dragon, il ira se le chercher, moi cest à ma fiancée que je le ramène. Ressers-moi, tes en train de me gonfler.
Mais mon pauv gars, ça existe pas les dragons. On ta pas appris ça en grandissant ? Va plutôt faire quelque chose dutile !
Ce que jai appris en grandissant cest quil y aura toujours des connards pour te dire en quoi croire et ne pas croire. Crois en Dieu, défonce-toi les genoux sur le sol dune église dégueulasse pour parler tout seul, crois en ceux qui te dirigent, crève pour des gus qui nen ont rien à battre de toi. Et surtout ne crois pas en la magie, lamour ça existe pas, pas plus que toutes les créatures de contes. Tu sais quoi ? Je temmerde, toi et tous les autres. Elle ma dit que les dragons existaient alors ils existent. Et je vais lui en ramener un. Et maintenant tas tout intérêt à dire « oui monsieur » et à me resservir.
Pfff zêtes en train de vous faire mener en bateau. Vot donzelle cest quune pauv folle tout juste bonne à finir au bucher.
Là, il y a une petite coupure dans la conversation. Je me redresse, souris affablement au gus et le frappe avec ma chope de toutes mes forces. Son nez explose et je crois lui avoir cassé une ou deux dents. Sans me presser et en ignorant ses hurlements, je pose un écu sur le comptoir.
Pour la casse.
Je tourne les talons et évite de justesse une chope planante qui sécrase sur le mur à côté de moi. Celle-là, je paierai pas. Arrivé sur le pallier, je me retourne pour regarder le tavernier vociférant.
Jallais oublier: ne parle plus jamais delle comme ça.
Et cest sur de nouvelles insultes de la part de mon nouvel ami que je quitte définitivement la taverne avec une confiance inébranlables en les croyances de ma rousse. Je lui ramènerai un dragon.
Je ne suis pas inquiet, je suis heureux.
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Bannière réalisée par les grands soins de JD Calyce.
Alicina, mon Ali. Jai vécu avec elle plus de choses que durant la vingtaine dannées qui a précédé notre rencontre. Jai galopé tout le Royaume quand elle était mourante, suis resté campé à ses côtés jusquà ce quelle décide de vivre et mavoue ses sentiments, réciproques, évidemment. Pour elle, jai plus ou moins lâché mon rôle de père et le résultat na pas manqué: ma gamine est morte. Ça ma bousillé, je me suis barré. Je ne pensais pas revenir, il y a eu dautres femmes. Et on sest retrouvés. Elle ma pardonné et a pansé mes plaies. On a vécu des mois merveilleux, laimer cétait comme prendre un bon bain chaud après une journée passée à travailler à oilp dans la neige. Jétais heureux. On sest fiancés. Après ça a merdé, Maryah sest pointée, la torturée pour se venger et lui balancer un tableau noirci de qui je suis. Jai culpabilisé, me suis éloigné jusquà ce quelle décide de partir. Un jour, on ma dit quelle était morte. Je suis allé sur sa tombe et ce jour-là, je suis mort une première fois. Ma mort a duré des mois. Jusquà ce que je la retrouve. Vivante. Cétait un lundi, le plus beau jour de ma vie était un lundi. A partir de ce moment-là, je ne lai plus lâchée. Et puis elle ma dit quelle voulait un dragon. Jai dit que jirai lui chercher. Et jy suis allé.
Voyez, il a deux sortes de femmes dans le monde: Ali et les autres. La première veut un dragon, les autres une belle robe. La première veut passer sa vie sur les routes et peu importe ce quelle y gagne, les autres naiment pas marcher sans but. La première aime approximativement tout être vivant, les autres se plaisent à buter tout ce qui peut perdre du sang ou du moins se plaisent à limaginer. Ali croit et espère, les autres ont abandonné.
Le problème, cest quAli manque de mourir accidentellement au moins une fois par jour. Que ce soit en tapant la discute à des pervers psychopathes, en se vautrant, en rencontrant des meubles à pleine vitesse ou en montant dans des charrettes. Alors croyez-moi, ne pas minquiéter en la laissant a été compliqué.
Pour être honnête, sur le chemin menant aux Pyrénées, jai failli faire demi-tour plusieurs fois. Mais javais promis et une conversation ma convaincu. Je vous plante le décor: une taverne qui ne paie pas de mine, un blond qui ingurgite une bière avant de reprendre la route et un tavernier un peu bavard Et con, surtout con.
Le blond a tout son attirail de chasseur de dragons avec lui et ça interpelle le tavernier qui na de cesse de jeter des petits coups dil à la sacoche et à la pioche qui en dépasse. Le blond soupire, se demandant quand il va se décider à poser ses questions. Parce que ça lemmerde, au blond, de voir le type censé remplir son verre ragoter avec dautres clients en le lorgnant du coin de lil. Cest au moment où il tape avec sa chope sur le comptoir pour enfin être servi que lautre se décide.
Dites donc vous, zêtes pas du coin pas vrai ?
Non, pas du tout. Allez, demande-moi ce que je suis venu foutre ici quon en finisse.
Vous êtes de passage alors ?
Bonne déduction. Abruti.
Vous rendez visite à un parent, peut-être ?
Pas du tout, je suis en chasse. Et, maintenant tu vas vouloir savoir de quoi.
Ah, ça chasse les jupons, on en a des jolies donzelles dans le coin !
Moi mon truc cest plutôt les dragons. Normal.
Comment ça ? Zallez pas mfaire croire que zêtes parti pour chasser le dragon ?
Jen ai plutôt rien à carrer que vous le croyiez ou non, vous me posez des questions, jy réponds, ça sarrête là. Je secoue ma chope devant son nez, tu vas me resservir oui ?!
Eh zentendez ça les gars ?! Il va chasser le dragon ! Et pourquoi donc mon ptit monsieur ? Pour le rapporter au roi ?
Je pense avoir une taille plutôt supérieure à la normale, je me passerai donc de ce genre de qualificatif. Et pour répondre à votre question, si le roi veut un dragon, il ira se le chercher, moi cest à ma fiancée que je le ramène. Ressers-moi, tes en train de me gonfler.
Mais mon pauv gars, ça existe pas les dragons. On ta pas appris ça en grandissant ? Va plutôt faire quelque chose dutile !
Ce que jai appris en grandissant cest quil y aura toujours des connards pour te dire en quoi croire et ne pas croire. Crois en Dieu, défonce-toi les genoux sur le sol dune église dégueulasse pour parler tout seul, crois en ceux qui te dirigent, crève pour des gus qui nen ont rien à battre de toi. Et surtout ne crois pas en la magie, lamour ça existe pas, pas plus que toutes les créatures de contes. Tu sais quoi ? Je temmerde, toi et tous les autres. Elle ma dit que les dragons existaient alors ils existent. Et je vais lui en ramener un. Et maintenant tas tout intérêt à dire « oui monsieur » et à me resservir.
Pfff zêtes en train de vous faire mener en bateau. Vot donzelle cest quune pauv folle tout juste bonne à finir au bucher.
Là, il y a une petite coupure dans la conversation. Je me redresse, souris affablement au gus et le frappe avec ma chope de toutes mes forces. Son nez explose et je crois lui avoir cassé une ou deux dents. Sans me presser et en ignorant ses hurlements, je pose un écu sur le comptoir.
Pour la casse.
Je tourne les talons et évite de justesse une chope planante qui sécrase sur le mur à côté de moi. Celle-là, je paierai pas. Arrivé sur le pallier, je me retourne pour regarder le tavernier vociférant.
Jallais oublier: ne parle plus jamais delle comme ça.
Et cest sur de nouvelles insultes de la part de mon nouvel ami que je quitte définitivement la taverne avec une confiance inébranlables en les croyances de ma rousse. Je lui ramènerai un dragon.
Je ne suis pas inquiet, je suis heureux.
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Bannière réalisée par les grands soins de JD Calyce.