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[RP] Le repaire des deux salopiots.

Niallan



C'était en automne. Je ne me souviens plus du jour, ni même du mois. Je sais juste qu'il faisait raisonnablement beau et que j'étais raisonnablement sobre quand j'ai décidé de tout plaquer. J'étais pas parti pour résoudre une énième catastrophe ni même parce que j'avais besoin de me murger la gueule pour oublier. Non, je suis parti comme ça. Parce que j'en avais envie, parce que j'en avais marre. Je voulais faire une pause, ou mieux arrêter. Tracer ma route, comme avant.
J'étais allé rejoindre Diego et je lui avais demandé poliment s'il voulait m'accompagner. Quoique à la réflexion, ça ressemblait peut-être plus à « eh, italien de mes deux, lâche ta morue et bouge le cul, j'ai un plan ». J'avais pris une mandale mais après avoir écouté mon plan, le fameux italien m'avait suivi.
Mon plan, parlons-en justement.

Il consistait à parcourir les routes jusqu'à ce qu'on trouve l'Endroit. Avec un grand E. Celui dans lequel on est toujours bien, celui qui échappe aux catastrophes.
Un matin, sans savoir comment, on s'était réveillés sur un colline à cuver l'alcool de la veille. Un petit coin tranquille, rien de bien folichon. Mais on était sûrs de nous, c'était l'Endroit.
En bas, il y avait la mer et une barque qui n'était pas de première jeunesse. Sur la colline, il y avait des oliviers et une bicoque délabrée. Cette bicoque, on l'a retapée, tout comme la barque. Et c'est devenu chez nous. On descendait souvent au village, un bled paumé entre l'Italie et le sud de la France. On bossait un peu et on claquait l'argent plus ou moins durement gagné dans les rares tavernes avoisinantes.

Ali ? Bien sûr que je l'aimais quand je suis parti, tout comme je l'aime encore aujourd'hui et l'aimerai sûrement toute ma vie. Mais un matin j'en ai eu assez d'avoir peur, assez de douter. Je me suis repassé notre histoire en boucle et j'ai compris qu'il y aurait toujours un nouveau malheur qui nous tomberait dessus. Alors, bien sûr, ça n'aurait sûrement pas été tout de suite. Mais c'était pour un jour prochain et j'estimais qu'il y avait assez de drames dans lesquels je tenais un rôle principal.
Mes gosses ? Faut pas rêver, c'est pas l'air frais et les bonnes soirées qui font oublier la mort du premier, l'absence du deuxième et la future haine du troisième. Mais ça aidait. Je pensais souvent à eux, aux promesses que je n'avais pas tenu et aux erreurs que j'avais pu commettre. J'y pensais, ouais, mais j'avais décidé d'y survivre.
Parfois il m'arrivait de penser à la fantastique Aphrodite et à tous nos bons moments. Et puis je pensais au jour où j'avais trouvé son corps à côté du nouveau-né qui aurait pu être notre fils s'il n'était pas mort lui aussi. Alors j'arrêtais d'y penser et j'allais rejoindre mon collègue de beuverie. Parfois, je pensais aussi à Erilys, Vector et même Fleur sûrement clamsés quelque part, je tirais la tronche et je haussais les épaules. J'avais appris à vivre avec parce que la mort, sincèrement, ça commençait à bien me gonfler comme sujet de réflexion. Parfois je pensais à Kachi qui m'attendait et à Maryah qui voulait toujours autant me buter, je grimaçais mais là encore j'encaissais. Parfois je pensais à Alaynna et à notre rupture … (remplacez les points de suspension par « tragique », « dramatique » ou « arrête d'essayer de nous amadouer, l'enfoiré qui disparaît tout le temps »). Au vu du qualificatif, vous comprendrez bien que je ne vais pas m'étendre là-dessus, les adieux ou au-revoir aux allures de tragédies grecques, me gonflant tout aussi sévèrement comme sujet de réflexion. Parfois il m'arrivait aussi de penser au mariage d'Yzy que j'avais manqué et aux autres engagements que je n'avais pas tenu et là encore je passais à autre chose.
Avec le rital, on parlait ni du passé ni de l'avenir. Et pour le présent, on se contentait de l'essentiel. Je savais pas ce qu'il avait fait de ses mômes, encore moins de sa gonzesse ou de Maryah. Et lui, il savait rien non plus. C'était mieux comme ça, bien mieux.

J'étais juste moi, Niallan. J'étais même plus un Ozéra, j'en avais plus rien à carrer des thunes que pouvait bien daigner me donner ma frangine. J'étais plutôt du genre salaud mais j'étais pas mauvais. Il m'arrivait bien de participer -voir d'être l'auteur- de certaines bastons en taverne, tout comme je continuais à lever un peu trop de jupons. Mais j'étais pas mauvais. D'accord, j'étais un connard avec un sens de l'humour parfois douteux doublé d'un incapable et d'un irresponsable notoire mais j'étais pas mauvais. Un peu paumé, un peu taré, drogué ou que sais-je encore. Mais pas mauvais.

On se sentait merdeux mais on était heureux. Un peu. Enfin disons qu'on faisait au mieux.

Et puis un jour j'ai décidé de...

Partir.

Devant la mine perplexe de Diego, j'ai enchaîné.

Je vais partir d'ici. J'ai envie de bouger, de repartir sur les routes.

Il n'a rien dit, sûrement parce que je ne lui en ai pas laissé le temps.

Je sais pas encore quand je reviendrai mais je reviendrai. Et je veux qu'on se fasse une promesse : cet endroit, c'est le nôtre. Jamais on emmènera qui que ce soit ici, jamais. C'est chez nous.

La promesse avait été scellée par plusieurs bouteilles de scotch et le lendemain, baluchon sur le dos, je repartais.

HRP : RP écrit en accord avec ljd Diego. En raison de nos emplois du temps respectifs, on ne peut pas être présents autant qu'on le voudrait alors voilà notre échappatoire et celle de nos pantins. Mais comme les royaumes et écrire avec vous nous manquait, on se laisse aussi par ce biais la possibilité de revenir. Des bisous.

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Bannière réalisée par les grands soins de JD Calyce.
--Trois_pattes
J'étais tranquille pépère. Et puis... paf ! des fesses. J'ai eu peur, d'abord, de l'asphyxie. Mais en fait, c'est chaud, moelleux et assez confortable de se faire asseoir sur le coin du nez. Ca change des rats qui tentent de vous rogner les pieds par les temps de disette, ou tout simplement parce qu'un rat, c'est con comme un manche à balai. Des fesses, donc. C'est nettement plus doux, comme activité. Pas mal du tout même. J'ai commencé à bien apprécier la nouvelle compagnie. J'avais enfin un truc intéressant à faire.

Le summum, quand même, c'est que j'avais pas une mais deux paires de fesses rien que pour moi. Le comble du bonheur. Quand une paire partait, l'autre la remplaçait. Pas le temps de se refroidir. Pour sûr, mon bois était bien lustré, à force. Je passerai sous silence les accidents très courants qui auraient pu mettre à mal notre relation paradisiaque. De type échouage violent de fesses, écrasage de face contre ma selle, coups de pieds intempestifs, titubage suivi souvent d'entravement et du fameux « écrasage de face contre ma selle ». Mais comme j'avais toujours le réconfort d'une paire douce et chaude par la suite, j'ai toujours tout pardonné. Et je n'ai retenu de ces jours-là que l'attention constante de ces fesses.

La louche pense que des fesses sont des fesses. Toutes les mêmes. On a eu un grand débat un soir de grande solitude. Elle sait pas, elle. Elle sait pas, que des deux qui m'habitent, je sais faire la différence. Le poids a beau être quasiment le même, la largeur identique, la souplesse similaire, quelque chose d'indescriptible les rend à part. L'odeur, peut-être. Minuscule subtilité qu'une louche ne perçoit pas. C'est con, une louche. Ca cause que de langue et de dents. J'ai arrêté de lui causer, d'ailleurs, depuis que j'ai mes sublimes fesses rien que pour moi.

Seulement, voilà. Le bonheur est éphémère. Je vais chopper froid, si ça continue. Une paire s'est barrée. Elle nous a abandonnés. La louche fait que chialer. Elle me gave les arpions. Elle croit quoi ? Ces fesses-là manquent à tout le monde. Fait chier, la vie de tabouret.
Diego_corellio
J’ai ouvert les yeux en sursaut et j’ai hurlé. Hurlé à la mort pour vérifier que je ne l’étais pas (mort). Puis j’ai constaté que ça n’était pas le cas et j’ai refermé mes yeux de déception.

P’tain ça a la peau dure un italien ! Ou seulement les suicidaires ?

Je médite sur la question plusieurs minutes avant de me rendre à l’évidence : en fait je m’en cogne, tout c’que j’veux moi, c’est crever. J’allonge le bras droit à côté de moi pensant y trouver un corps de femme. Au contact du bois froid je n’ai pas cherché à comprendre ou j’étais. Qu’importe l’endroit pourvu qu’il y ait l’ivresse.
J’ai soupiré longuement. Encore une journée comme toutes les autres. Tous les après-midi quand je me réveillais, la gueule enfarinée c’était le même rituel :

1) Ronchonner
2) Réfléchir sur un sujet débile à voix haute
3) Marmonner
4) Attendre un verre d’eau qui ne viendrait jamais. Ne jamais dire jamais. Il était arrivé qu’il vienne et bien accompagné ce con. Puis des fois c’était un très très grand verre quand même. Ou peut-être simplement un seau ? Encore une question qui méritait méditation.
5) Tenter de se rappeler les évènements de la veille.
L’étape cruciale, déterminante de toute une journée. Plusieurs options. Soit la soirée avait été bonne, j’avais séduit une prise de choix et je me trouvais dans son lit. Soit, la prise était toujours de choix avec un indésirable : le mari qui rappliquait fumasse. Ou sinon je me retrouvais dans un endroit crado qui puait la pisse, et j’étais réveillé par un vieux con qui tentait de me refaire mes bottes.

Je renifle l’air ambiant pour tâter l’atmosphère : juste une odeur de bois. Je récapitule dans ma tête doigts levés : Je ne suis pas dans un lit. Personne ne m’a apporté à boire. Aucune douleur notoire ne témoigne de la venue d’un mari jaloux. Je n’ai pas l’air d’être dans un trou à rats. En fait tout est trop calme et sent trop bon.

Ce qui nous emmène à la prochaine étape :
6) sortir pisser. Je me lève, ouvrant progressivement les yeux sans faire gaffe à ce qui m’entoure et me dirigeant à grands pas vers la sortie. L’air est froid, étonnamment pur. Je regarde le jet d’urine imbiber l’herbe puis de river mon regard sur l’horizon.
Et là, c’est le choc. Je cligne plusieurs fois des paupières, me mets quelques baffes. Toujours ce paysage verdoyant devant les yeux.

Oh putain… Mais qu’est-ce que t’as branlé Diego …

Mon esprit s’affole pour trouver une réponse cohérente à la situation : comment ça se fait que je me réveille en France dans Notre Endroit alors que la veille j’étais encore en Italie ?
Je déroule le fil de mes souvenirs embrumés, un à un, cherchant une explication.
Un flash et je repars un mois plus tôt. Là-bas.
Je revois cette femme si triste dans cette taverne si classe. J’avais surement dû me perdre ce jour-là et le hasard fait mal les choses.
Six verres de trop et je la couchais dans son grand lit conjugal aux draps de satins. Six mois plus tard dans cette même taverne, cette même femme, rayonnante, devenue ma maitresse et enceinte, la folle.
De l’insouciance, un peu d’amour et beaucoup d’alcool et d’opium plus tard, ses rires seraient fixés dans cette chambre trop belle, pour l’éternité à venir.

Les flashs se succèdent et mes yeux se ferment sur ce que j’ai chassé de mon esprit.
Son regard passant du désir à l’horreur. La flaque de sang. Sa main inerte, si pleine de vie l’instant d’avant.
Dans mon esprit tout s’accélère, je revois tout. Mon cœur s’affole au souvenir de ce visage fou de haine. Du poignard qui entaille ma joue. De ces bottes impeccablement lustrés qui s’abattent, vengeresses sur mes côtes.
Les images défilent immuables de sens, crachant leur sinistre vérité. Puis survient la chute et le craquement sec d’un os qui se brise. Le gout de mon propre sang dans ma bouche. Le visage de ma fille Callie, de sa mère, avant de sombrer dans les ténèbres.

La violence du choc me ramène dans la bicoque construite avec Niallan. Tout me revient. Les détails sont violents et les visions laissent en bouche un gout amer de culpabilité.
C’est dans cette putain de bicoque que tout avait commencé. Niallan et son envie de se tirer. Moi et mon envie de partir. La boucle est bouclée, je venais de revenir. Mais était-ce seulement un retour au bercail ou une simple fuite ? L’Italie n’avait plus rien à m’offrir si ce n’est une vie d’homme traqué.
Ce n’était pas une vie. J’pourrai partir en Ecosse chercher Ellana…Mais à quoi bon fuir ?

Je m’assois sur le bord du lit, tête entre les mains réfléchissant à la situation et décidant de la suite, discutant avec ce qui me fait office de conscience. Cette même foutu conscience qui me souffle des idées stupides.

Bon Diego, faut que tu te bouges à retrouver tes mômes que t’as du laisser par là en bas au village. Que tu te laves avant parce que tu pues la vieille charogne. Que t’annonce ton retour à la vie aussi.
A qui écrire ? Bah d’abord à Niallan parce que c’est ton seul poto et qu’il va te tirer de ce pétrin. Ensuite à Maryah parce que c’est la seule qui te comprenne comme t’es réellement, qui t’accepte comme tel et parce que, gros menteur t’as beau l’nier mais tu l’adores. Et pour finir à Dae, ta femme, parce que ça fait deux ans que tu te ronges les sangs à son sujet et que tu crèverais d’amour pour elle.
Commence donc par aller te laver, ton odeur risque d’imprégner le parchemin.


Très bien, mais c’est la dernière fois que je t’écoute saloperie… et parce que je n’ai pas d’autres idées. J’peux plus retourner en Italie. J’veux r’voir, ceux j’aime. Et ma fille. C’est elle qui m’a guidé jusqu’ici, j’en suis sûr. Ou j’suis fou. J’suis surement fou à parler tout seul.

Je quitte à la hâte la bicoque, recherchant à tâtons dans mes souvenirs le ruisseau qui coulait en contre bas. Les frusques sont abandonnées sur le bas-côté, immergé dans l’eau, lavant avec soin et minutie un passé un peu trop récent pour partir comme ça. J’observe mon corps maigri et meurtri. De toute façon d’ici à ce que je me mette en route les bandages seront enlevés et ne restera que de légers bleus.
La chemise rouge, offerte par la belle Maryah est rangée. Elle m’avait servi de nombreuses fois, c’était celle que je portais quand je voulais séduire une femme. Maryah ne s’était pas trompée en me l’offrant, elle m’allait à merveille, collant à la perfection à mon tempérament.

C’est vêtu d’une chemise blanche, annonçant le retour de « l’italien sage », que je me dirige vers la cabane, bien décidé à y écrire trois lettres. Le nécessaire est sorti et les mots de filer sur le vélin.
A Niallan, d’abord.

Citation:
Putain Niallan, j’ai merdé. Mais vraiment cette fois.
J’ai besoin de toi.
Rapidement.

Diego.


Avec Niallan, ce qu’il y a de bien c’est qu’il n’y a pas fioritures. On va droit au but et que l’écriture soit soignée ou non les mots gardent tout le poids de l’urgence.
La prochaine est pour Dae. Des mois que je tente de lui écrire. Des mois que rien de vient. Aujourd’hui je sens qu’il faut que je lui écrive. Pour savoir. Pour la revoir.

Citation:
Dae,

Je ne vais pas y aller par quatre chemins. Je me suis comporté en Idiot (note bien la majuscule). Et en Lâche. Ou en Lâche et en Idiot dans le sens que tu voudras. Je ne viens pas, par cette lettre quêter ton pardon, ce serait trop demander, d'autant plus que je suis impardonnable d'avoir fui, une femme parfaite et une fille magnifique.

Laisse-moi t'expliquer.
Je ne suis pas parti pour une autre. Car personne ne te remplacera jamais.
Je suis parti parce que j'avais peur de cette vie trop parfaite.

Un matin je me suis levé et je me suis souvenu des mots d'une vieille amie qui n'avait que trop raison. Elle m'avait dit que je pouvais tout tenter, jamais je n'arriverai à me défaire de mon passé. J'étais né dans les bas-fonds des quartiers sales de l'Italie, dans une famille de salauds et que jamais, je ne pourrai échapper à ce qui me forge.
Je suis un Connard. Un putain de Salaud. Né d'une trainée et d'un ivrogne. Leur sang coule dans mes veines, nous sommes faits du même alliage.

Un matin je me suis levé. Vous dormiez toutes les deux et j'ai compris que je devais partir avant de briser la seule chose de belle que je n’ai jamais faite.
C'est ce que j'ai fait Dae. Je suis parti sans me retourner.
Je n'ai jamais voulu que tu me détestes que tu me haïsses, j'ai voulu que tu m'oublis.
Mais c'est en voulant que tu m'oublis que je me suis oublié moi.

J'ai sombré. Encore.

C'est fou comme nos pas se souviennent le chemin qu'ils font prendre à nos pieds pour retourner à la maison.
Je suis retourné là-bas. Chez moi. En Italie. J'ai embrassé mon sombre passé jusqu'à ce qu'il fasse corps avec le présent et qu'il me dessine un avenir tout aussi noir.

J'en ai même oublié mes gosses. Tu te rends compte, ce qui compte le plus pour moi, ce que j'ai toujours cherché à protéger, eux aussi j'ai bien failli les perdre.

Je ne sais pas à quel moment j'ai eu le déclic. Surement le soir où j'ai frôlé la mort de si près que j'y ai vu ton visage et celui de notre fille. Je me suis souvenu, alors, que j'avais eu une famille autre que ces fumiers d'Italie.

C'est pour cela que je suis rentré.

Cela fait un mois que je suis rentré. Un mois que chaque jour je m'assieds devant un parchemin et que je tente de t'écrire. Un mois que rien de satisfaisant ne vient. Un mois que les mots restent coincés au creux de ma plume. Surement parce qu'ils sont durs d'une vérité trop cruelle.

Je t'ai écrit en Italie. Tous les jours. Les pigeons sont morts avant d'avoir atteint tes douces mains. Je les ai tués. Tous. Parce que je ne devais pas t'écrire. Je devais te laisser vivre ta vie et trouver quelqu'un de mieux.

Je ne sais toujours pas si t'écrire était une bonne idée. Mais je l'ai fait.

J'espère un jour Vous revoir.

Diego.


Et enfin reste à écrire à l’épicée.
L’ennui, c’est que si je me souviens de la « séparation » avec Dae, je ne me souviens pas de la manière dont Maryah et moi nous étions quittés. Je ne me souviens pas si j’avais été con ou non et si elle me détestait ou non.
Il fallait donc que je trouve une solution pour l’obliger à me répondre. Le meilleur moyen à cela était d’aborder le sujet de notre chère Ellana. Celle à cause de qui notre relation avait débuté et qui m’avait poussé à tromper Eliance.

Citation:
Cara Maryah,

Je sais pas trop par où commencer, surtout que je ne me souviens plus dans quelles circonstances nous nous sommes quittés... Je ne sais plus non plus à quand remonte nos dernières lettres ... Tu me diras je ne sais plus grand-chose.

Puisqu'il faut un début en voici un : je me suis barré en Italie vla...longtemps ... et devine qui j'ai retrouvé ? Ellana ! Sarah ! NOTRE Ellana. Toujours aussi belle, toujours aussi... Sauvage.
Pas mal l'entrée en matière non ?

Bon je t'avoue que c'est compliqué d'écrire à quelqu'un que l'on a pas vu depuis si longtemps, et surtout quand on ne sait pas dans quel état d'esprit cette personne se trouve.

Toujours est-il, chère Maryah que tu avais raison le jour où tu as dit qu'on ne pouvait pas renier ses origines qu'elles étaient en moi et qu'un jour ou l'autre, j'avais beau faire semblant ce n'était qu'un putain de leurre et qu'elles me rappelleraient à elles. C'est ce qui est arrivé. Je suis retourné en Italie, Chez moi. C'est fou la vitesse à laquelle le passé nous rattrape et les fantômes avec.

J'en ai même oublié mes mômes.

M'enfin bon... Ce n’était pas le but de cette lettre.
Je voulais surtout savoir comme vous alliez Percy et toi ? Je ne t'ai pas oublié Maryah. Ou plutôt en sombrant j'ai oublié tout le monde.
Mais me revoilà.
Enfin je crois.
Je ne sais pas si c'est une très bonne nouvelle. L'avenir me le dira. Nous le dira.

Au plaisir de peut-être te lire.

Diego.


Par ces trois lettres, je venais officiellement d’annoncer le retour du Dracou. Restait plus qu’à retrouver les mômes et à me mettre en route pour retrouver une vie qui dormait depuis deux ans, attendant le retour de son propriétaire un peu négligeant.
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Ban : JD Calyce
Niallan
[The boys are back
And they're looking for trouble*]


A peine j'ouvre les yeux que je sais où je suis. J'ai la certitude que ce plafond n'est autre que celui de l'Endroit pour l'avoir souvent regardé à l'envers.
Par contre, je sais pas pourquoi j'y suis.
Le plan, c'était Montpellier. Mais l'Endroit, c'est pas Montpellier.
Le plan, c'était d'offrir à Diego le meilleur des enterrements de vie de garçon sur deux semaines de beuverie. Mais je sais pas où il est et je sais pas quel jour on est.
Le plan c'était de rentrer entiers, en bonne santé et certainement pas amochés. Mais j'ai mal partout.
Le plan a échoué, faut que je trouve un nouveau plan.

Dieg' ? Eh, moustachouette, t'es là ?

Un grognement pas franchement avenant s'élève de la gauche et me pousse à tourner la tête dans cette direction. Mes yeux cernés se posent sur une tronche que je reconnaîtrai entre mille, celle du poto. Je souris. Au moins, je pourrai toujours tenir ma promesse consistant à le ramener auprès de nos dames. J'avais juré qu'il serait entier, aussi, je procède à une vérification supplémentaire, descendant mon regard de sa trogne à ses pieds. A priori, il a tous ses morceaux. Mais. Décidément aujourd'hui cette foutue conjonction de coordination est coordonnée à mes jonctions de conneries. Mais, donc, ses frusques sont déchirées et il saigne. Ou a saigné. Inquiet, je me redresse sur un coude en retenant un grognement de douleur.

Eh, oh, Diego, ça va ?
Ma nouvelle posture me permet d'analyser avec plus de précision les marques sur le corps italien. De longues et profondes griffures dont je peine à identifier le coupable donc je demande à la victime.
Qu'est-ce que t'as foutu ? Qui t'a fait ça ?

Mais il répond pas alors, tel le héros des temps modernes que je suis, j'ignore mes envies de gerber, ma tête en vrac et les énigmatiques douleurs que je sens du torse aux cuisses pour me redresser. Comme je suis un peu curieux, avant d'aller l'examiner, je m’entraîne sur moi.
Putain, c'est quoi ça ?!
Les mêmes griffures que lui. Ça explique la douleur. Petit à petit, les pièces du puzzle se mettent en place. Lèvres pincées, je passe une main sur mon front pour en retirer une bouillie infâme que je porte à mon pif. Je grimace, pas plus avancé sur l'origine de celle-ci. Faut que j'aille pisser. Titubant, je me redresse et me vautre sur la porte. Je jette un coup d’œil au rital qui a fini par ouvrir les siens.
Je reviens, je vais essayer de trouver de l'eau. Et mon caleçon.
Oui parce qu'il faudra aussi m'expliquer pourquoi j'ai le cul à l'air, cul qui porte des griffures plus légères que Diego pourra observer et qui donnent à la lecture « babord » et « tribord ».

Complètement à la ramasse, je galère à ouvrir la porte et pousse un gémissement en sentant la morsure du soleil sur ma gueule enfarinée. Je ferme les yeux et ne dois qu'à mes talents de survivant de les rouvrir à temps pour voir un ours foncer sur moi. Après avoir poussé un hurlement tout sauf viril, je claque la porte -une fois à l'intérieur, quand même- et me vautre sur mon derche tagué. Hébété, j'ouvre et ferme plusieurs fois la bouche en quête d'explications. Je me souviens vaguement d'un type qui tenait un ours enchaîné, je me souviens d'avoir dit à Diego que ça pourrait faire un très joli doudou pour Anna. Je me souviens de son soutien marqué par un coup sur la tête du montreur d'ours. Et après, comme si c'était moi qui avais pris le coup, c'est le néant. Désireux de mettre des mots sur mes réflexions, je bafouille un :
N'ouvre pas la porte, c'était pas un ours en peluche...

Mais ça, c'est une petite culotte.
Les yeux ronds, je fixe la dentelle fine qui s'est échappée d'une poche de ma chemise à ma chute. Ça explique la nudité. Envahi par un immense sentiment de culpabilité, j'oublie momentanément l'ours pour tenter de me souvenir de ce que j'ai bien pu faire et avec qui.
Je revois notre départ, je revois le groupe de gitans sur lequel on est tombés dès le premier soir. Je nous entends dire « on vous suit », j'entends les verres qui n'en finissent plus de s'entrechoquer. Je revois ces brunes aux fessiers bombés, et puis ces blondes aux seins défiant la gravité. Je me remémore ce type tatoué qui nous tend à chacun un bol au contenu inconnu avec un clin d’œil encourageant. Et après, j'aimerai mieux pas me souvenir.

On a merdé, complètement merdé...
Je ferme les yeux bien fort en me disant que si je me souviens de rien c'est comme si rien ne s'était passé. Mais c'est trop tard. Je revois les frusques qui s'enlèvent, les corps qui s'entremêlent. Question comme ça : si je couche avec plusieurs femmes -et hommes, mais de loin- en même temps, j'ai trompé une ou plusieurs fois Neijin ? Quelle que soit la réponse, la nausée me prend de plus belle pour que je finisse par dégobiller dans un coin de la bicoque. Mais quel con.
Mais quel con !

Le pire c'est que la petite culotte précédemment révélée n'appartient même pas à une des femmes. A quatre-pattes au-dessus des restes de la veille, je me souviens d'un autre épisode de notre escapade. Un cirque dans une ville reculée. De l'alcool, encore. La fumette, toujours. Et puis des femmes, encore et toujours.
Deux jumelles, deux rousses aux allures d'Erilys.
Une chacun et on tourne.
Et ça me retourne l'estomac.
Comment j'ai pu faire ça ? Comment j'ai pu lui faire ça ? Incapable de lui rester fidèle plus de trois mois, je suis foutrement irrécupérable. Je vais finir par lui dire, parce que je peux pas lui mentir. Et elle va me larguer, parce que je suis un enfoiré.

Faut qu'on se tire d'ici.
Un grognement à l'extérieur me rappelle que ça risque d'être aussi périlleux que complexe. Après m'être relevé avec difficulté, je cherche des yeux ce qui pourrait nous aider. Un tabouret, une louche, une bouteille vide, un type en train d'aiguiser une hachette, une table... Retour sur le type à la hachette. Réminiscences d'une rencontre pas tout à fait cordiale. Là, j'arrête momentanément de culpabiliser pour flipper comme pas permis. Je me baisse pour me retrouver à la hauteur du rital qui porte autour du cou un médaillon appartenant à notre nouvel ami.

Je sais que t'aimes pas que je te brusque quand t'as la gueule de bois mais...va falloir qu'on choisisse entre lui et l'ours.
Tilt. Éclair de génie.
A moins qu'on laisse l'ours choisir entre lui et nous...


*Dropkick Murphys - The Boys Are Back
Traduction « Les garçons sont de retour et ils cherchent les problèmes »

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Bannière réalisée par les grands soins de JD Calyce.
Diego_corellio
Je fixe le plafond, les yeux grands ouverts et l’index levé, concentré comme jamais. Ça doit faire à peu près une heure que je suis dans cette position-là. Contrairement à d’habitude je me contrefous de savoir où je peux bien être. On s’en cogne de toute manière. J’ai ignoré la douleur qui vadrouille dans à peu près chaque parcelle de mon corps, alors je peux bien passer outre là où je suis.
Je ferme un œil. Le rouvre. Ferme l’autre. Calme la respiration, la calque sur un rythme régulier. Soupire quand le blondinet cause et émet un vague grognement de réponse de l’air de dire « oui oui je suis là mais si tu pouvais la boucler ça serait vraiment top ». Soupire de plus belle, quand il cause plus fort. Explose quand il cause encore.

Mais bordel chuuuuut, quella cazz* di bocca !
Mais bordel chuuuuut, ferme ta gueule !


Bien sûr c’est affectif hein, n’allez pas en douter. Je l’aime mon Niallan. Sauf quand il parle et que je suis con-centré. Je ne sais pas trop d’ailleurs si je suis plus con ou bien… ?
L’index gigote en l’air, agace le vide, s’énerve et s’agite, avant que la dextre ne s’abatte avec violence sur le sol dans un bruit fort.
Je roule sur le côté droit pour avoir le blondinet dans mon champ de vision et lui lance d’un air dépité :

Non mais j’y étais presque ! Tu t’rends pas compte, j’avais presque réussi à toutes les compter… Deux minutes sans que tu causes et c’était bon ! On n’saura même pas si on a battu notre record. Franchement t’fais chier hein !

Lui s’inquiète pour ma santé. Moi je m’inquiète de savoir si oui ou non dans l’orgie à laquelle nous avons participé hier, nous avons culbuté plus de donzelles que dans celle d’avant-hier. C’est crucial de savoir, même fondamental. Non parce que franchement si on n’a pas réussi je suis D-E-P-I-T-E.
Finalement et faute de mieux à faire, la caboche carrément en vrac, je me mets à compter les mouches qui me volètent autour et qui me trottent dessus.
Un. Deux. Quatre. Je me masse les tempes à nouveau en pleine réflexion et reprend depuis le début fixant les machins volants.
Un. Deux. Cinq ? Non, mais en fait je suis sûr qu’il manque un chiffre.
Uno. Due. Quattro.

Niallan, après deux c’est quoi déjà ?

Finalement, incapable de compter correctement, je décide, que grosso-modo il doit y en avoir une quinzaine. Une quinzaine de mouches c’est beaucoup non pour une seule personne ? J’agite ma main pour les faire partir et pose mon bras en travers de mon visage, prêt pour une sieste matinale. Éternue quand l’une d’elle me chatouille le nez. Hurle carrément quand elles envahissent mon visage.
Est-ce que Niallan a encore laissé trainer une bestiole crevée par-là ? Je renifle, plisse le nez, ça sent le sang. Puis la chair en putréfaction. Me tâte et lève mes deux mains devant mon visage.

OOOOhhhhh bordel NIIIIIAAAAALLLLAAANNNN !!!!!

Je regarde mes doigts maculés de sang. Est-ce que je suis mort ?
Non, probablement pas, puisque je viens très certainement de déboiter les oreilles du blond. Mais c’est quand même moi la charogne là. Et puisque je ne suis pas mort, je dois être sacrément amoché pour saigner comme un goret et gueuler comme une truie. Mais il faut croire que lui aussi à le même souci avec le « Putain, c’est quoi ça » qu’il nous lâche. Je me tripote de plus belle.

Et ben qui m’a fait ça euh… C’est p’être Maryah ? Elle griffe bien hein et puis elle est sauvage aussi, mais bon je ne t’apprends rien. Grrrraaouuhhh.


Oui je viens vraiment de faire ça. Avec le geste en prime, presque aussi sensuel que le ton précédemment employé. Il faut excuser le pauvre italien bourré comme un coing que je suis. Il faudrait que je m’amuse à compter, juste pour voir, en un an, combien de jour j’ai été sobre et combien de jour je ne l’ai pas été.

Pffff pas d’l’eau…
Mon premier brûle le gosier.
Mon second fait décoller.
Mon troisième fait oublier la douleur.
Je suis ?


Toujours couché au sol, je lui adresse un grand sourire qu’il ne verra pas puisqu’il sort pisser. Je me redresse difficilement sur les coudes, un œil fermé et l’observe se dandiner, la démarche vaguement chancelante. Je crois aussi que je le vois flou. J’observe, à travers le voile laiteux déposé sur mes yeux, le fessier presque parfait de Niallan. Les sourcils se froncent.

Niallan, t’as un truc écrit sur l’cul…
T’as dit quoi ?


Bordel, ma tête elle est sacrément lourde. Pourtant, ce n’est pas comme si elle était très remplie …Pour ce qu’il y a dedans en plus… Elle est lourde et elle fait mal aussi. Je suppose qu’avec la cuite qu’on s’est pris hier c’est un peu normal. Niallan trouve qu’on a merdé. Moi je trouve qu’on s’est bien amusé. J’ai repris mon rythme du début et de la fin de l’Italie. Les 3B avec Niallan c’est top. Et puis, on ne risque pas de merder puisqu’on est libres. Pas d’femmes = pas d’emmerdes. Le paradis. Parce qu’on n’a vraiment pas idée de vouloir se marier, quand on peut avoir toutes les femmes que l’on veut en un claquement de doigts sans se faire houspiller par la suite pour une éventuelle infidélité.

Je crois que je ne me marierai jamais Niallan. C’est nul le mariage.

En réponse je l’entends vomir. Je crois que ça veut dire qu’il est d’accord avec mes propos. Juste, il aurait quand même pu vomir ailleurs que dedans. Ça sent déjà le rat crevé. Surement moi qui dégage cette odeur. Je me relève rapidement (et surtout naïvement), chancelant et titubant jusqu’à la porte contre laquelle je m’écrase lamentablement. Le contact du bois rugueux contre ma trogne, loin de me faire émerger et de me remettre la cervelle en place me sonne légèrement. Pas suffisamment pour m’empêcher d’ouvrir la porte et d’avancer paupières mi clauses sous le soleil de plomb. Un soleil de plomb et de fourrure. Si, si, vous avez bien lu. De fourrure. Je me suis heurté à une fourrure. Et même qu’elle était très très en colère la fourrure.
Sous le coup j’ai ouvert grand les yeux. Ronds comme des soucoupes. Je n’ai pas crié en voyant l’ours. Pas contre j’ai vomi. Sur l’ours. Sans faire exprès. Juste comme ça, parce que j’ai tellement la frousse qu’avant un son c’est ce qui a passé la barrière de mes lèvres en premier. J’ai lui ai gerbé de plus belle dessus. Il s’est énervé, a balancé sa grosse paluche qui effleure l’épaule nue.
Heureusement que l’homme est doté d’un instinct de survie puissant, parce que je crois bien que sans ça je serai transformé en diné de luxe pour peluche géante et vivante. Au lieu de quoi je me suis empressé de claquer la porte en priant très fort pour qu’elle soit solide.

Je n’ai pas eu le temps de me poser de question. Il m’a suffi de suivre le regard de Niallan pour comprendre que l’ours ça ne suffisait pas comme problème. Et d’ailleurs contrairement au blondinet, ce n’est pas la bestiole qui a déclenché la série de flash-back de notre soirée. C’est la gueule du crétin édenté.
Peut-être que j’avais été un peu loin. Même un peu trop loin en piquant leur sainte relique de merde. Je l’avais trouvé jolie et je l’avais prise. Un peu comme avec les femmes. Et puis, s’il ne m’avait pas interdit d’y toucher, ça ne me serait même pas venu à l’esprit de la piquer. Comme quoi, l’attrait réside dans l’interdis (à méditer pour plus tard).
Une tape dans le dos du blond coupe le sourire à venir dans son élan et me tire une grimace de douleur. Je regarde mon bras et mon torse pisser littéralement la sanguette. Les temps sont durs.

Laisse-moi l’type, je gère …

Je fixe l’autre dans son coin qui attend son heure. Parce que c’est sûr que buter deux types saouls ce n’est pas très drôle donc il a préféré attendre qu’on se réveille. Je m’approche d’une démarche pas des plus assurée et me plante devant lui pas aussi confiant que j’en donne l’air.

Un combat, tous les deux, l’premier qui perd a gagné. La médaille et s'en va sans faire d'histoires.


Cherchez l’erreur docteur.
J’ai parlé vite très vite. Surement parce que je ne savais pas encore trop ce que j’allais lui proposer. Et aussi parce que je me suis surpris du brillant agencement que les mots ont pris d’eux-mêmes. Je crache dans ma main et la lui tend. Il fait de même et me serre la pince.
Il se lève, sans y aller par quatre chemins, organise une rencontre sanglante entre son poing et mon nez, à trois reprises. La première parce qu’il faut frapper. La seconde, pour achever l’ennemi. La dernière, parce c'est bien connu, « jamais deux sans trois ». Je m’écroule lamentablement au sol. Lève le pouce pour lui accorder la victoire. Me relève tant bien que mal.

T’as gagné. J’ai perdu. Tu fous l’camp maint’nant triple buse.

Je crois qu’il ne l’entend pas de cette oreille. Non parce que déjà, à la base, se faire abuser c’est emmerdant. Se faire abuser par un italien quand on est espagnol c’est très emmerdant. Mais le pire du pire, c’est se faire abuser par un italien bourré. Parce que là, clairement, ça veut dire qu’on est un sombre crétin. Au grand sourire que je lui offre il succombe. Il a raison ça fait un moment que j’ai pas cogné dans une arène. Aujourd’hui, l’arène c’est l’Endroit et Niallan c’est l’arbitre.

T’inquiètes Niallan je gère.

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Ban : JD Calyce
Niallan
Vous savez ce qu'est qu'une discussion en canon ?
Non ? C'est normal, je viens de l'inventer. En gros, on est pas synchros.
Quand il me parle de notre record, je suis trop accaparé par mon envie d'uriner. Quand il me demande de jouer les profs de maths, je lutte pour rejoindre la porte. Quand il gueule puis procède à une imitation de notre amante commune, je me bats avec la poignée. Quand il me concocte une charade qui n'en est pas une, je m'avance dehors et affronte la lumière du jour. Quand il cause de mon fessier, j'essaye de le sauver. Quand il me décrit l’institution maritale, je rends le contenu de mon estomac en signe d'approbation. Quand il tapote mon dos en m'annonçant qu'il va gérer, je douille sévère et tente sans succès aucun de voir si j'ai d'autres griffures sur le recto -pas rectum, non-. De ce fait, quand il s'avance vers notre nouvel ami qui a l'air aussi sympathique que Jack l’Éventreur, il ne faut pas s'étonner que je sautille d'un pied sur l'autre en me disant que quand même, j'ai vraiment envie de pisser. Et accessoirement que je reprenne la discussion là où je l'avais laissée.

Tu sais qu'on pourra vraiment pas les compter si on crève ici ?
Puis je te fais peut-être chier, mais moi je voudrai vraiment pi...


Le premier coup de poing a pour effet de me faire fermer mon clapet. J'avais pas compris ça, moi. Les yeux écarquillés, je regarde la trogne ensanglantée du rital et pousse un cri quand le type lui en allonge une autre.
Mais attendez, j'avais pas dit partez !
Piètre tentative pour assumer mon rôle d'arbitre, vite avortée quand l'espagnol remonté gratifie mon poto d'un nouveau coup.
Non mais il va se calmer le Ha..aaaaaaah !

J'allais dire Hacheur mais c'était avant que je manque de me faire couper les parties d'habitude protégées par des braies avec l'arme qui lui vaut ce surnom. Les mains placées stratégiquement sur la précédente cible de notre ami, j'essaye encore de sauver la situation.
Attends, attends, je sais qu'on est partis sur de mauvaises bases, nous trois mais...
Mais Diego l'a insulté, on est mal barrés. J'essaye quand même.
Bases, il voulait dire bases. Pas buse.

On sait jamais, sur un malentendu ça peut marcher . Mais le type entend bien, est bien tendu et commence à tendre sa hachette vers le brun qui gère rien du tout.
Réfléchir. Vite.
Diego, si tu roules sur le côté droit dans approximativement...
Ma main se pose sur la poignée de la porte, je poursuis sans le regarder.
...deux secondes...
Je prends une profonde inspiration et commence une rotation du poignet.
...je te dis ce qui vient après deux !

La désynchronisation, ça a du bon. Ça me permet d'utiliser sa question comme technique de marchandage prompte à nous sauver la vie.
Mais parfois, être synchronisés, ça pourrait nous aider. Surtout quand un ours furieux déboule dans l'Endroit et que Diego ne trouve rien de mieux à faire que de rouler à gauche. Qui est sa droite, certes, mais c'est ma gauche. Aussi, je suis parti en trombe du mauvais côté et ne dois qu'à une pirouette qui me rapporterait des cacahuètes de rejoindre l'italien, me vautrant allègrement sur lui.
Aaaaaaah ! Aaaaaargh ! AAAAAAAAAAAAAH !
Ça, c'est la réaction que me procure une proximité effrayante avec un ours qui n'a rien de Bouba le petit ourson. Heureusement pour nous, il est pour le moment occupé à faire la joie et l'admiration de sa famille en affrontant un hirsute hacheur. Profitant de l'occasion, je me redresse en chancelant et agrippe les chevilles d'un Diego qui a l'air bien parti pour compter les moutons et non plus les mouches.
Je te préviens, ça va faire mal.

En temps normal, se faire traîner par les pieds sur une moyenne distance à vitesse rapide n'est pas tout à fait agréable. Par les temps durs qui nous infligent des griffures profondes, ça doit être une torture. C'est ce que je me dis à chaque fois que j'entends le corps italien buter dans une racine ou une pierre alors je lâche des « pardon », des « oups », des « ah, je l'avais pas vue celle-là », en bon ami que je suis. Quand je ralentis un peu le rythme, essoufflé et à deux doigts de tomber, je ahane difficilement :
Au fait, tu sais tout à l'heure...
On en revient à notre discussion en canon, tentative pour détendre l'atmosphère et lui faire oublier que je le prends pour une brouette.
Après deux, c'est trois. Et puis ta charade, ben c'est pas une charade. Faut que ton premier désigne autre chose que ton second, puis ça forme ton tout. Qui peut être ton toutou. Ahah, c'était nul.

Faut pas m'en vouloir, je suis encore saoul, comme en témoignent ma démarche chaloupée et mon élocution difficile. C'est un grognement de l'ours qui me ramène à l'urgence de la situation et me pousse à accélérer le pas, traînant toujours mon précieux fardeau. Au terme d'une course folle, un rayon de soleil vient éclairer, tel une apparition divine, une charrette en haut d'une colline. J'accélère. A quelques dizaines de mètres, je commence à me dire que ce sont des tout petits chevaux attelés à la charrette. A trois mètres, je comprends que ce sont des tortues. Et je me souviens. On a voulu organiser une course entre elles et des lièvres. Et on a donnera tort plus tard à un certain monsieur de la Fontaine.

Tiens bon, on est arrivés.
A bout de souffle, je hisse le corps meurtri de mon meilleur ami dans la charrette avant de prendre en considération l'occupation de celle-ci par une charmante donzelle courtement vêtue et ronflant fortement. Tant pi, on fera avec.
Bon, écoute, c'est moi qui la tire...
Coup d’œil à la charrette, à la Belle au bois dormant.
...la charrette. Jusqu'à ce qu'on trouve des chevaux. Si on trouve pas, tu me remplaces.

Et nous voilà repartis.
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Bannière réalisée par les grands soins de JD Calyce.
Diego_corellio
Dans le genre arbitre nul à chier, contactez Niallan. Dans le genre arbitre qui arbitre rien, contactez Niallan. Un arbitre qui n’en est pas un et un poto qui écoute que dalle. Et ben avec ça on est bien barré.
Heureusement que je m’emmerde à lui préciser que je gère hein. Heureusement qu’il me fait confiance hein. C’était stratégique de laisser l’autre me cogner, lui faire croire qu’il prend le dessus et au dernier moment, quand sa vigilance se relâche bam coup fatal. Sauf qu’en bon poto qu’il est, il voit seulement la partie ou moi je me fais proprement défoncer.
Heureusement qu’il m’avait jamais vu en Italie, quand tellement amoché, je restais couché au sol et qu’ils étaient obligés de venir m’évacuer. D’ailleurs je m’étonne d’avoir encore toutes mes dents. Elles doivent être sacrément bien accrochées. Un peu comme le cœur tiens, qui n’a toujours pas lâché.

L’arbitre se réveille et colle un carton rouge à notre ami qui voit violet. Et comme on le sait tous, le rouge ça énerve les taureaux qui ont encore plus envie de foncer dans le tas. Ce n’est pas avec sa corne qu’il veut m’embrocher mais avec sa machette. Le blond l’excite et c’est moi qui récolte, na mais j’te jure !
Je peste contre Niallan quand celui-ci me tombe littéralement dessus. J’expie dans un « euhh » pas très classe le peu d’air qu’il restait dans ce qui me sert de poumons, souffle coupé sous la charge Niallanesque. Je peux vous dire qu’un Niallan c’est lourd.

Lourd et à poil.
Oh putain il est à poil sur moi ?! No mais moi je ne suis pas … Bon j’arrête vous avez raison, c’est surement pas le plus important. Vous trouvez que je fais ma mijaurée de pas le vouloir nu sur moi alors qu’on a passé la nuit à s’échanger des femmes et à se les taper l’un à côté de l’autre ? Ouai, surement que j’abuse. Et surement que c’est pas le sujet du moment non plus. Ni ce qui devrait me tracasser là, tout de suite maintenant.

Je débats avec moi-même quand je sens vaguement qu’il m’agrippe les chevilles. Je suis tellement déconnecté de la réalité, tellement ailleurs, perdu dans les méandres de ma propre caboche, que sur le coup, je ne rechigne même pas. Je me laisse faire, ne dérogeant pas à me réputation de « larve du moment », ne comprenant même pas qu’on me tire et encore moins que je bouge. C‘est seulement une fois passé la porte, et que le sol devient irrégulier que je me rends compte que je me suis déplacé sans marcher ni même ramper. Oh bordel c’est curieux ça
Je me retourne légèrement et tombe nez à nez avec le fessier divin de mon ami, avec lequel j’entame une conversation dont le niveau ne dépasse pas la ceinture (normal, quand on discute avec un cul nu) :

Vous savez quoi ? Franchement je ne comprends pas pourquoi vous avez marqué ça. C’est nul. Vraiment. Ou alors c’est juste bizarre de s’faire tatouer ça. Tss parlez pas d’ma croix latine, elle, elle claque, c’est l’symbole que j’emmerde profondément cette putain de religion de me… c’est bon je me calme mesdemoiselles portugaises.
Vous savez que vous êtes drôlement poilus ? Moi j’dis vous pourriez faire concurrence aux portugaises. Si, si je suis sérieux pourquoi vous en doutez ? Même que je me propose gentiment pour vous faire un ravalement façade gratos et des tresses. Bah bien sûr que si que je sais les faire les tresses, j’ai une fille caquita ! Savez, normalement les italiens s’entendent pas avec les portugais, mais vous, vous êtes plutôt charmantes…


Ne me demandez pas ou je vais pêcher les réponses des fesses en question. Toujours est-il qu’elles me répondent et que c’est le principal, parce que pour faire une discussion, être deux c’est quand même vachement mieux. Là vous vous dites surement que je ne suis pas tout seul dans ma tête. C’est très probablement le cas. J’aime bien converser avec moi-même au moins, je ne me contredis pas. Ou presque pas. Parce que j'ai une conscience très très emmerdantes. je me demande d'ailleurs si c'est pas une bonne femme pour être aussi casse couille.

Je finis par me laisser à nouveau retomber au sol et trainer, encore. Mais cette fois je relève plus de la limace que de la larve voyez (non non, je ne bave pas encore, c’est mon dos qui saigne contre le sentier caillouteux). J’entends le blond qui s’excuse, et moi, je ne comprends pas vraiment pourquoi. J’ai beau être torse nu, je ne sens plus la douleur. L’alcool à cette merveilleuse propriété qui est d’anesthésier le corps qui l’ingurgite. Je ne ressens pas les écorchures des pierres qui raclent la peau de mon dos, ni même les racines qui agrippent la chair déjà à vif. Je dois surement, en cet instant plus tenir du hachis Parmentier que de l’humain. Ce qui me dérange le plus, ce sont les soubresauts qui me donnent la gerbe.
Endolori, je tapote le mollet du poto quand enfin il décide de s’arrêter, afin qu’il se retourne.

Hé Niallan, on a inventé une nouvelle manière de peindre ! On est des génies, regarde notre œuvre !


L’œuvre en question, c’est la trainée carmin, mélange de mon sang et de la poussière. Je suis très fier d’avoir découvert une manière révolutionnaire pour remplacer pigments et pinceaux. Et je suis aussi très fier d’avoir battu Kandinsky et d’être l’auteur de la première peinture abstraite.
Je pense que demain, je serai un peu moins fier quand l’alcool sera retombé et que je grimacerai de douleur à faire soigner le champ de bataille qui me sert de dos.
J’hoche vaguement la tête quand il me cause de tirer la charrette, parce que je n’ai aucune intention de la tirer moi cette charrette, je ne suis ni un canasson ni un esclave. Et puis, si j’ai oublié la raison pour laquelle nous avons fait ce voyage, je sais en revanche que je suis, du moins pour notre périple, un personnage important (en témoigne le collier de culotte que j’ai retrouvé, pas plus tard que tout à l’heure autour de ma taille. Ben quoi ? Y en a bien, quand ils reviennent d’Hawaï, qui ont autour du cou un collier de fleurs. Bah là c’est pareil, mais avec des culottes (elles ne sont pas toutes propres d’ailleurs…)).

Oooohhhhh Niallan ! Regardeeeee !

Là je lui désigne l’attelage bancal et ce qui fait office de chevaux. Contrairement à lui, je n'ai aucun souvenir du pourquoi ni du comment nous en sommes arrivés à faire cela.

Toi tu ramènes l’ours pour Anna et moi je ramène les tortues pour les jumeaux. Ils vont être trop contents !


Je rampe vers les bestioles, les attrape avec difficultés et en cale une sous chaque bras.
Quand il me hisse dans la charrette, tortues contre moi, les paupières lourdes de sommeil, je lui adresse un sourire reconnaissant pour tout ce qu’il a fait et tout ce qu’il fait pour moi et marmonne, déjà une partie de la cervelle avec Morphée :

Je n'ai pas d'ami *
comme toi
oh non non non
pas d'autre ami
comme toi
Je n'ai pas d'ami
comme toi
oh non non non
pas d'autre ami
comme toi


Parce que Morphée est ma maitresse la plus régulière et que je ne peux jamais me refuser à elle, le sommeil m’emporte sur les derniers éclats d’une pensée disparate et d’une conversation au blond inachevée.
Je comprends mieux le monde
en t'observant
je crois que j'y vois plus clair
je n'ai pas trouvé la clef
du mystère
mais je m'en suis approché

Le mystère en question, c’est pourquoi il a de tatoué sur le cul « bâbord et tribord » sur son cul et plus plutôt « Tic et Tac » ou « pince mi et pince moi ». « Pince mi et pince moi » c’est vraiment top. Il faudrait que j’y pense pour mon prochain tatouage. Ou plutôt « touche mi et touche moi », non parce que ça marche aussi hein, si on réfléchit. Réfléchir. Oui c’est moi qui dis ça… Le monde tourne à l’envers.

Surement que, pendant que je dormais Niallan m’a causé. Surement aussi qu’il n’a pas remarqué que la charrette était plus légère d’un italien et de deux tortues. Surement aussi que lorsqu’il s’en est rendu compte c’était trop tard. Et surement aussi, que je dois d’être encore vivant à un putain de canasson. Parce que j’ai ouvert les yeux précisément en entendant le martèlement de sabots frapper le sol sur lequel je m’étais vautré. Un cavalier a fait sauter son destrier au-dessus de mon corps qui lui servait d’obstacle, le second m’a évité de justesse et le troisième moins adroit, a vu son cheval cabrer, le désarçonner avant de piétiner et piaffer.
Moi, je suis resté vautré sur les bestioles toujours contre moi, et c’est seulement, après un temps infiniment long à ramer au milieu de mes neurones égarées que j’ai compris qu’étant seul il allait falloir rejoindre Niallan à pattes. J’ai compris que j’avais enfin décuvé quand je me suis vu grimper (maladroitement) sur le cheval et partir dans un trot approximatif vers Marseille.
Very good trip.



* Stephen Eicher "Pas d'ami comme toi".

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