Niallan
♫
C'était en automne. Je ne me souviens plus du jour, ni même du mois. Je sais juste qu'il faisait raisonnablement beau et que j'étais raisonnablement sobre quand j'ai décidé de tout plaquer. J'étais pas parti pour résoudre une énième catastrophe ni même parce que j'avais besoin de me murger la gueule pour oublier. Non, je suis parti comme ça. Parce que j'en avais envie, parce que j'en avais marre. Je voulais faire une pause, ou mieux arrêter. Tracer ma route, comme avant.
J'étais allé rejoindre Diego et je lui avais demandé poliment s'il voulait m'accompagner. Quoique à la réflexion, ça ressemblait peut-être plus à « eh, italien de mes deux, lâche ta morue et bouge le cul, j'ai un plan ». J'avais pris une mandale mais après avoir écouté mon plan, le fameux italien m'avait suivi.
Mon plan, parlons-en justement.
Il consistait à parcourir les routes jusqu'à ce qu'on trouve l'Endroit. Avec un grand E. Celui dans lequel on est toujours bien, celui qui échappe aux catastrophes.
Un matin, sans savoir comment, on s'était réveillés sur un colline à cuver l'alcool de la veille. Un petit coin tranquille, rien de bien folichon. Mais on était sûrs de nous, c'était l'Endroit.
En bas, il y avait la mer et une barque qui n'était pas de première jeunesse. Sur la colline, il y avait des oliviers et une bicoque délabrée. Cette bicoque, on l'a retapée, tout comme la barque. Et c'est devenu chez nous. On descendait souvent au village, un bled paumé entre l'Italie et le sud de la France. On bossait un peu et on claquait l'argent plus ou moins durement gagné dans les rares tavernes avoisinantes.
Ali ? Bien sûr que je l'aimais quand je suis parti, tout comme je l'aime encore aujourd'hui et l'aimerai sûrement toute ma vie. Mais un matin j'en ai eu assez d'avoir peur, assez de douter. Je me suis repassé notre histoire en boucle et j'ai compris qu'il y aurait toujours un nouveau malheur qui nous tomberait dessus. Alors, bien sûr, ça n'aurait sûrement pas été tout de suite. Mais c'était pour un jour prochain et j'estimais qu'il y avait assez de drames dans lesquels je tenais un rôle principal.
Mes gosses ? Faut pas rêver, c'est pas l'air frais et les bonnes soirées qui font oublier la mort du premier, l'absence du deuxième et la future haine du troisième. Mais ça aidait. Je pensais souvent à eux, aux promesses que je n'avais pas tenu et aux erreurs que j'avais pu commettre. J'y pensais, ouais, mais j'avais décidé d'y survivre.
Parfois il m'arrivait de penser à la fantastique Aphrodite et à tous nos bons moments. Et puis je pensais au jour où j'avais trouvé son corps à côté du nouveau-né qui aurait pu être notre fils s'il n'était pas mort lui aussi. Alors j'arrêtais d'y penser et j'allais rejoindre mon collègue de beuverie. Parfois, je pensais aussi à Erilys, Vector et même Fleur sûrement clamsés quelque part, je tirais la tronche et je haussais les épaules. J'avais appris à vivre avec parce que la mort, sincèrement, ça commençait à bien me gonfler comme sujet de réflexion. Parfois je pensais à Kachi qui m'attendait et à Maryah qui voulait toujours autant me buter, je grimaçais mais là encore j'encaissais. Parfois je pensais à Alaynna et à notre rupture (remplacez les points de suspension par « tragique », « dramatique » ou « arrête d'essayer de nous amadouer, l'enfoiré qui disparaît tout le temps »). Au vu du qualificatif, vous comprendrez bien que je ne vais pas m'étendre là-dessus, les adieux ou au-revoir aux allures de tragédies grecques, me gonflant tout aussi sévèrement comme sujet de réflexion. Parfois il m'arrivait aussi de penser au mariage d'Yzy que j'avais manqué et aux autres engagements que je n'avais pas tenu et là encore je passais à autre chose.
Avec le rital, on parlait ni du passé ni de l'avenir. Et pour le présent, on se contentait de l'essentiel. Je savais pas ce qu'il avait fait de ses mômes, encore moins de sa gonzesse ou de Maryah. Et lui, il savait rien non plus. C'était mieux comme ça, bien mieux.
J'étais juste moi, Niallan. J'étais même plus un Ozéra, j'en avais plus rien à carrer des thunes que pouvait bien daigner me donner ma frangine. J'étais plutôt du genre salaud mais j'étais pas mauvais. Il m'arrivait bien de participer -voir d'être l'auteur- de certaines bastons en taverne, tout comme je continuais à lever un peu trop de jupons. Mais j'étais pas mauvais. D'accord, j'étais un connard avec un sens de l'humour parfois douteux doublé d'un incapable et d'un irresponsable notoire mais j'étais pas mauvais. Un peu paumé, un peu taré, drogué ou que sais-je encore. Mais pas mauvais.
On se sentait merdeux mais on était heureux. Un peu. Enfin disons qu'on faisait au mieux.
Et puis un jour j'ai décidé de...
Partir.
Devant la mine perplexe de Diego, j'ai enchaîné.
Je vais partir d'ici. J'ai envie de bouger, de repartir sur les routes.
Il n'a rien dit, sûrement parce que je ne lui en ai pas laissé le temps.
Je sais pas encore quand je reviendrai mais je reviendrai. Et je veux qu'on se fasse une promesse : cet endroit, c'est le nôtre. Jamais on emmènera qui que ce soit ici, jamais. C'est chez nous.
La promesse avait été scellée par plusieurs bouteilles de scotch et le lendemain, baluchon sur le dos, je repartais.
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Bannière réalisée par les grands soins de JD Calyce.
C'était en automne. Je ne me souviens plus du jour, ni même du mois. Je sais juste qu'il faisait raisonnablement beau et que j'étais raisonnablement sobre quand j'ai décidé de tout plaquer. J'étais pas parti pour résoudre une énième catastrophe ni même parce que j'avais besoin de me murger la gueule pour oublier. Non, je suis parti comme ça. Parce que j'en avais envie, parce que j'en avais marre. Je voulais faire une pause, ou mieux arrêter. Tracer ma route, comme avant.
J'étais allé rejoindre Diego et je lui avais demandé poliment s'il voulait m'accompagner. Quoique à la réflexion, ça ressemblait peut-être plus à « eh, italien de mes deux, lâche ta morue et bouge le cul, j'ai un plan ». J'avais pris une mandale mais après avoir écouté mon plan, le fameux italien m'avait suivi.
Mon plan, parlons-en justement.
Il consistait à parcourir les routes jusqu'à ce qu'on trouve l'Endroit. Avec un grand E. Celui dans lequel on est toujours bien, celui qui échappe aux catastrophes.
Un matin, sans savoir comment, on s'était réveillés sur un colline à cuver l'alcool de la veille. Un petit coin tranquille, rien de bien folichon. Mais on était sûrs de nous, c'était l'Endroit.
En bas, il y avait la mer et une barque qui n'était pas de première jeunesse. Sur la colline, il y avait des oliviers et une bicoque délabrée. Cette bicoque, on l'a retapée, tout comme la barque. Et c'est devenu chez nous. On descendait souvent au village, un bled paumé entre l'Italie et le sud de la France. On bossait un peu et on claquait l'argent plus ou moins durement gagné dans les rares tavernes avoisinantes.
Ali ? Bien sûr que je l'aimais quand je suis parti, tout comme je l'aime encore aujourd'hui et l'aimerai sûrement toute ma vie. Mais un matin j'en ai eu assez d'avoir peur, assez de douter. Je me suis repassé notre histoire en boucle et j'ai compris qu'il y aurait toujours un nouveau malheur qui nous tomberait dessus. Alors, bien sûr, ça n'aurait sûrement pas été tout de suite. Mais c'était pour un jour prochain et j'estimais qu'il y avait assez de drames dans lesquels je tenais un rôle principal.
Mes gosses ? Faut pas rêver, c'est pas l'air frais et les bonnes soirées qui font oublier la mort du premier, l'absence du deuxième et la future haine du troisième. Mais ça aidait. Je pensais souvent à eux, aux promesses que je n'avais pas tenu et aux erreurs que j'avais pu commettre. J'y pensais, ouais, mais j'avais décidé d'y survivre.
Parfois il m'arrivait de penser à la fantastique Aphrodite et à tous nos bons moments. Et puis je pensais au jour où j'avais trouvé son corps à côté du nouveau-né qui aurait pu être notre fils s'il n'était pas mort lui aussi. Alors j'arrêtais d'y penser et j'allais rejoindre mon collègue de beuverie. Parfois, je pensais aussi à Erilys, Vector et même Fleur sûrement clamsés quelque part, je tirais la tronche et je haussais les épaules. J'avais appris à vivre avec parce que la mort, sincèrement, ça commençait à bien me gonfler comme sujet de réflexion. Parfois je pensais à Kachi qui m'attendait et à Maryah qui voulait toujours autant me buter, je grimaçais mais là encore j'encaissais. Parfois je pensais à Alaynna et à notre rupture (remplacez les points de suspension par « tragique », « dramatique » ou « arrête d'essayer de nous amadouer, l'enfoiré qui disparaît tout le temps »). Au vu du qualificatif, vous comprendrez bien que je ne vais pas m'étendre là-dessus, les adieux ou au-revoir aux allures de tragédies grecques, me gonflant tout aussi sévèrement comme sujet de réflexion. Parfois il m'arrivait aussi de penser au mariage d'Yzy que j'avais manqué et aux autres engagements que je n'avais pas tenu et là encore je passais à autre chose.
Avec le rital, on parlait ni du passé ni de l'avenir. Et pour le présent, on se contentait de l'essentiel. Je savais pas ce qu'il avait fait de ses mômes, encore moins de sa gonzesse ou de Maryah. Et lui, il savait rien non plus. C'était mieux comme ça, bien mieux.
J'étais juste moi, Niallan. J'étais même plus un Ozéra, j'en avais plus rien à carrer des thunes que pouvait bien daigner me donner ma frangine. J'étais plutôt du genre salaud mais j'étais pas mauvais. Il m'arrivait bien de participer -voir d'être l'auteur- de certaines bastons en taverne, tout comme je continuais à lever un peu trop de jupons. Mais j'étais pas mauvais. D'accord, j'étais un connard avec un sens de l'humour parfois douteux doublé d'un incapable et d'un irresponsable notoire mais j'étais pas mauvais. Un peu paumé, un peu taré, drogué ou que sais-je encore. Mais pas mauvais.
On se sentait merdeux mais on était heureux. Un peu. Enfin disons qu'on faisait au mieux.
Et puis un jour j'ai décidé de...
Partir.
Devant la mine perplexe de Diego, j'ai enchaîné.
Je vais partir d'ici. J'ai envie de bouger, de repartir sur les routes.
Il n'a rien dit, sûrement parce que je ne lui en ai pas laissé le temps.
Je sais pas encore quand je reviendrai mais je reviendrai. Et je veux qu'on se fasse une promesse : cet endroit, c'est le nôtre. Jamais on emmènera qui que ce soit ici, jamais. C'est chez nous.
La promesse avait été scellée par plusieurs bouteilles de scotch et le lendemain, baluchon sur le dos, je repartais.
HRP : RP écrit en accord avec ljd Diego. En raison de nos emplois du temps respectifs, on ne peut pas être présents autant qu'on le voudrait alors voilà notre échappatoire et celle de nos pantins. Mais comme les royaumes et écrire avec vous nous manquait, on se laisse aussi par ce biais la possibilité de revenir. Des bisous.
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