Niallan
« Mon amour, je nous ai perdus
Je suis de ceux qui restent au port,
Je sais quon devait rire encore,
Je suis de ceux, mais tu es de celles,
Qui restent plantées à Bruxelles »*
Mon port à moi était dans le sud, l'Endroit trouvé avec Diego. Et elle, c'était dans son manoir en Normandie qu'elle restait plantée. Mais comment lui en vouloir ? Je lui avais fait tant de mal qu'elle aurait pu rester plantée au fin fond du royaume d'Irlande ou dans le Bursa Sancagr que je n'aurais toujours pas eu mon mot à dire. Et pourtant, je sais que si je ne m'étais pas barré, on aurait pu être heureux encore quelques années. Maintenant, ça, fallait même plus que j'y compte. Si elle ne me foutait pas dehors juste après avoir vu ma tronche, elle me cracherait sans doute son mépris à la figure.
Je connaissais Ali, quand elle était fâchée contre moi elle me frappait avec tous les objets à sa portée. J'avais déjà été assommé avec un livre, de la nourriture, des ustensiles de cuisine et une chope. Mais ça avait son côté attendrissant et étant donné sa force de mollusque paraplégique, elle ne me faisait jamais vraiment mal. En revanche, je redoutais sa froideur. Comment je me sentirai si je lisais dans ses yeux des sentiments que je n'y ai encore jamais vu ? Du mépris, de la haine, de la rancur, de la colère... Quoiqu'en fait le pire ce serait sûrement de ne rien y lire, comme si je n'existais pas.
Je l'aimais encore, de tout mon cur. A ma façon, certes, mais je l'aimais. Je savais bien que de son côté les sentiments seraient sûrement morts mais il était hors de question que je ne fasse qu'envisager qu'il n'y est plus rien du tout. Je préférais qu'elle me haïsse plutôt que je lui sois indifférent. Je préférais qu'elle dise que je suis l'homme qui lui a brisé le cur, le plus gros salopard que la terre ait jamais porté plutôt qu'elle renie jusqu'à mon existence.
C'est avec la peur au ventre que j'avance jusqu'au manoir. Je pourrai m'attarder sur l'esthétisme tout particulier des lieux mais la trombine, ma foi pas terrifiante, du gardien me fait face. Raclement de gorge.
Je suis Niallan. Niallan Ozéra. Je...je suis le père de Juliette et Héléna Lantwyck.
Le gardien me regarde longuement, mes yeux surtout. Si les petites ont hérité de moi, leurs yeux seront de cette couleur si particulière et peut-être même auront-elles une tache de naissance en forme de croissant de lune brune. Et puis le portail s'ouvre. Il me laisse entrer.
Déglutissant difficilement, je lui adresse un pâle sourire et entame ma progression jusqu'au manoir.
Il y a peu j'ai appris que j'étais père. Encore. Je ne me suis jamais douté qu'Ali aurait pu attendre un enfant, encore moins deux, de moi. Elle voulait attendre le mariage pour qu'on ait des enfants et nous n'avions pas encore convolé. Consommé, par contre... Je chasse les souvenirs de nuits passées d'un mouvement énergique de la tête et presse le pas, ignorant les diverses personnes que je peux croiser.
Les trois marches montées, la porte franchie, j'entre enfin dans le manoir pour faire face au tableau qui m'arrache un sourire. Mes filles ressemblent-elles aux deux jumelles représentées ou ont-elles hérité de ma blondeur ? Je fais quelques pas vers le tableau pour observer plus en détail Alicina petite et c'est là que je sens une présence dans mon dos. Frémissant je me tourne pour faire face à une domestique aux cheveux châtains, plutôt banale.
Bonjour. Pourriez-vous m'annoncer à votre maîtresse ? Annoncez Niallan.
Elle semble hésiter un moment, m'examinant des pieds à la tête. Elle ne me verra pas avec ma tenue de baroudeur pourtant extrêmement tendance. Non, elle me verra avec de sobres bottes aussi noires que mes braies et une chemise blanche, elle verra aussi, serré dans ma main, le foulard de pirate offert par ma gamine duquel je me suis départi pour la saluer.
Lorsqu'elle repart, je prends une grande inspiration et ferme les yeux. Quand je les rouvre, c'est pour les planter tout droit dans ceux de la petite Ali, en attendant de vérifier mes craintes dans ceux de la grande.
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Bannière réalisée par les grands soins de JD Calyce.
Je suis de ceux qui restent au port,
Je sais quon devait rire encore,
Je suis de ceux, mais tu es de celles,
Qui restent plantées à Bruxelles »*
Mon port à moi était dans le sud, l'Endroit trouvé avec Diego. Et elle, c'était dans son manoir en Normandie qu'elle restait plantée. Mais comment lui en vouloir ? Je lui avais fait tant de mal qu'elle aurait pu rester plantée au fin fond du royaume d'Irlande ou dans le Bursa Sancagr que je n'aurais toujours pas eu mon mot à dire. Et pourtant, je sais que si je ne m'étais pas barré, on aurait pu être heureux encore quelques années. Maintenant, ça, fallait même plus que j'y compte. Si elle ne me foutait pas dehors juste après avoir vu ma tronche, elle me cracherait sans doute son mépris à la figure.
Je connaissais Ali, quand elle était fâchée contre moi elle me frappait avec tous les objets à sa portée. J'avais déjà été assommé avec un livre, de la nourriture, des ustensiles de cuisine et une chope. Mais ça avait son côté attendrissant et étant donné sa force de mollusque paraplégique, elle ne me faisait jamais vraiment mal. En revanche, je redoutais sa froideur. Comment je me sentirai si je lisais dans ses yeux des sentiments que je n'y ai encore jamais vu ? Du mépris, de la haine, de la rancur, de la colère... Quoiqu'en fait le pire ce serait sûrement de ne rien y lire, comme si je n'existais pas.
Je l'aimais encore, de tout mon cur. A ma façon, certes, mais je l'aimais. Je savais bien que de son côté les sentiments seraient sûrement morts mais il était hors de question que je ne fasse qu'envisager qu'il n'y est plus rien du tout. Je préférais qu'elle me haïsse plutôt que je lui sois indifférent. Je préférais qu'elle dise que je suis l'homme qui lui a brisé le cur, le plus gros salopard que la terre ait jamais porté plutôt qu'elle renie jusqu'à mon existence.
C'est avec la peur au ventre que j'avance jusqu'au manoir. Je pourrai m'attarder sur l'esthétisme tout particulier des lieux mais la trombine, ma foi pas terrifiante, du gardien me fait face. Raclement de gorge.
Je suis Niallan. Niallan Ozéra. Je...je suis le père de Juliette et Héléna Lantwyck.
Le gardien me regarde longuement, mes yeux surtout. Si les petites ont hérité de moi, leurs yeux seront de cette couleur si particulière et peut-être même auront-elles une tache de naissance en forme de croissant de lune brune. Et puis le portail s'ouvre. Il me laisse entrer.
Déglutissant difficilement, je lui adresse un pâle sourire et entame ma progression jusqu'au manoir.
Il y a peu j'ai appris que j'étais père. Encore. Je ne me suis jamais douté qu'Ali aurait pu attendre un enfant, encore moins deux, de moi. Elle voulait attendre le mariage pour qu'on ait des enfants et nous n'avions pas encore convolé. Consommé, par contre... Je chasse les souvenirs de nuits passées d'un mouvement énergique de la tête et presse le pas, ignorant les diverses personnes que je peux croiser.
Les trois marches montées, la porte franchie, j'entre enfin dans le manoir pour faire face au tableau qui m'arrache un sourire. Mes filles ressemblent-elles aux deux jumelles représentées ou ont-elles hérité de ma blondeur ? Je fais quelques pas vers le tableau pour observer plus en détail Alicina petite et c'est là que je sens une présence dans mon dos. Frémissant je me tourne pour faire face à une domestique aux cheveux châtains, plutôt banale.
Bonjour. Pourriez-vous m'annoncer à votre maîtresse ? Annoncez Niallan.
Elle semble hésiter un moment, m'examinant des pieds à la tête. Elle ne me verra pas avec ma tenue de baroudeur pourtant extrêmement tendance. Non, elle me verra avec de sobres bottes aussi noires que mes braies et une chemise blanche, elle verra aussi, serré dans ma main, le foulard de pirate offert par ma gamine duquel je me suis départi pour la saluer.
Lorsqu'elle repart, je prends une grande inspiration et ferme les yeux. Quand je les rouvre, c'est pour les planter tout droit dans ceux de la petite Ali, en attendant de vérifier mes craintes dans ceux de la grande.
*Paroles Boulevard des airs - Bruxelles
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