Kachina
Allez savoir pourquoi, c'est cette ritournelle là qui lui passe dans la tête à cet instant.
La nuit est froide et dense et elle déambule au milieu des tombes, sous l'oeil depuis longtemps éteint des gargouilles qui ornent les murs de l'édifice religieux.
Et la Brune s'interroge sur cette ultime raison qu'ont les hommes de confier leurs êtres chers à un Dieu qui leur a tout pris. Ces ultimes demeures de pierre et de marbre, alignées derrière l'église sont-elles ici mieux à l'abri ?
Mais il n'est pas l'heure de philosopher et encore moins de chanter.
Une brume humide et froide montant des pierres tombales rend l'endroit inquiétant et glauque.
Dans son dos, les buissons de buis s'agitent , malmenés par un vent qui se réclame encore de l'hiver.
Sa voix brise le silence,impatiente et agacée....avec à la fin une nuance tendre qui semble implorer.
Et le regard vert étiré en amande fouille l'obscurité dans l'espoir de l'apercevoir, celui pour qui , elle se trouve là, à se peler les miches...faisant crisser les graviers à chacun de ses pas.
- Sans Nom ? Bordel viens là ! Viens mon tout beau !
Le cri d'un oiseau de nuit, qu'elle vient de déranger et qui s'envole d'un battement d'ailes de l'aile des boucles figées de cet ange de pierre sur laquelle il était posé, est la seule réponse à son appel.
Si le curé trainait encore ses guêtres dans le coin , il s'en étoufferait pour sûr à entendre cette silhouette sombre appeler celui qu'on ne nomme pas tandis que les douze coups viennent de s'égrener au clocher. Surtout que la lune semble de la partie et qu'elle éclaire un instant, alors que se dissipent les nuages, le visage aux traits féminins.
Et si le Diable, lui hantait ces lieux, venant chercher les âmes qui lui sont dues, nul doute qu'il se lècherait les babines à la vue de la silhouette fine, de ces formes féminines et douces habillées de daim souple et des mèches sombres qu'aucun peigne ou pince à cette heure ne vient discipliner.
Elle....Elle préférerait mille fois être attablée dans une auberge, avec un godet d'alcool, et les flammes de l'âtre venant chauffer son dos, les rires amis et des odeurs de ragoût mijotant dans le chaudron à ses narines.
Un frisson parcourt ses reins au cri de la chouette, qui lui rappelle les nuits d'assauts , le signal qu'on donnait pour lancer l'attaque,et elle laisse échapper un juron tout en continuant sa recherche, marmonnant pour elle-même : Foutre Dieu, ceux qui se donnent des rendez-vous galants derrière l'église sont vraiment des tordus !
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(Merci à Jd Axelle pour la bannière)