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[RP] Si tu veux qu'on s'apprenne..

Adrianah
[Ninna nanna ninna ò
Ninna nanna ninna ò
Questo amore a chi lo do
Lo do a te finchè vivrò
Lo darò alla tua dolcezza
Quando tu mi parlerai
Ad ogni bacio ogni carezza
Che tu mi regalerai
Lo darò ai tuoi desideri
Quando a te mi stringerai
Lo darò a tutti i tuoi sogni
E se vuoi farti un'idea
Di quanto è grande questo amore
Alza gli occhi verso il cielo
E preparati a volare
E quando sarai arrivato
Sul pianeta più lontano
Quello è il raggio del mio amore
Ora sai quanto tia amo
]
- Ninna nanna - Coro Val Padama -

Mon corps alangui et comblé, - pour le moment du moins -, repose tout contre le sien. Mon Salaud s'est endormi après notre corps à corps torride et enflammé. Et le sommeil me fuit. Je me remets tout doucement du choc brutal provoqué il y a quelques jours et j'ai encore du mal à m'endormir. De peur de me réveiller et de ne plus le voir auprès de moi.

Mes pensées m'amènent vers mon frère, dont je suis toujours sans nouvelles, en attente d'une réponse de sa part. Sans doute a t'il besoin de temps pour encaisser la nouvelle de ma grossesse. Je me souviens quand nous jouions à la belle saison. De nos doigts plein d'encre qui faisait fâcher mammà, de nos feuillets aux pages cornées, maltraitées comme les feuilles mortes que l'on bousculait de nos pas.
As-tu toujours le même sourire Julian, celui qui me rassurait lorsque nous étions complices, même si nos rêves nous mentaient ? Rappelle toi que je n'ai jamais cessé d'être avec toi, chaque matin m'apportait la promesse de jeux nouveaux et nos jeunes vies pleines d'ivresse, jamais ne s'essoufflaient.
Julian, écries moi si tu en as le temps, raconte moi encore le village de notre enfance, celui où nous perdions notre temps quand nos rires s'éternisaient pour des bêtises. Quand mammà était encore là. Et je te raconterai ce que tu n'as jamais quitté, même si tu es parti et que tu m'as abandonné sans le vouloir.

Assurément, être le créateur d'un enfant est la plus belle chose et la meilleure réalité que puisse vivre un parent. Niallan a cette chance de pouvoir vivre et surveiller ma grossesse de tout près, d'une manière dont il ne l'a jamais encore vécu. C'est une découverte que nous faisons ensemble. Mais alors que lui est complètement gaga de cet - ou ces- enfant à venir, je viens de vivre ce trimestre avec cette notion de culpabilité toujours présente dans mon esprit. Ce n'est pas que c'est une grossesse indésirable, loin de là. Et bien que cette phrase-ci ait l'air déculpabilisante, dans l'alignement de ces mots, résonne un pan de mon passé, car toute cause à un effet.

Mais voilà. Depuis quelques jours, alors que je n'ai plus aucunes nausées, j'ai ce désagréable sentiment que toutes ces dernières contrariétés n'ont pas fait que me contrarier moi. Depuis l'autre nuit, ce n'est pas une douleur vraiment percutante que je ressens, mais simplement je sens mon ventre tendu. Et cette sensation s'apaise étrangement dès que Niallan pose ses mains sur mon ventre ou que, comme à l'instant, mon bedon s'est glissé tout contre la peau chaude du flan de mon Salaud endormi. Comme si ce petit bout de Nous, choisissait de se caler bien confortablement entre son papa et sa maman. Et là, toute la tension s'envole pour ne laisser place qu'à un océan de douce sérénité et d'une bienfaisante sécurité.
J'imagine alors une petite tête blonde, rieuse et malicieuse, venir nous chahuter et nous réveiller le matin dans notre couche. Et étrangement, j'en frissonne. Comme si cette image avait le don d'éloigner le spectre de ma culpabilité.
Comme si j'acceptais enfin, la vision de notre enfant sans avoir peur qu'il ne lui arrive le moindre mal alors qu'il est encore dans son cocon protecteur maternel.
Pour la première fois depuis que je me sais enceinte, je lâche prise. Et je cesse de veiller sur mon Salaud pour le laisser, lui, veiller sur moi. Veiller sur nous. J'aime à penser qu'ainsi lovée contre Niallan, Mini-Nous, dans son cocon, peut s'en donner à coeur joie et s'étirer de bien-être contre la peau de son père.
A voix basse, je chantonne cette douce berceuse italienne, alors que mon visage s'abandonne contre le torse masculin qui se soulève de manière régulière. Alors qu'il y a quelques jours encore, il me perforait le coeur, je lui ai pardonné et aujourd'hui, je continues d'avoir en lui une confiance aveugle.
Je n'en montre rien, mais je suis émue quand je le vois manger sa gamelle de maïs, lui qui déteste ça, simplement pour le plaisir de m'offrir mon navire. Alors qu'il sait pertinemment, j'ai fini par le lui avouer, que j'ai largement les moyens de m'en offrir un. Mais j'ai accédé à sa demande, celle de lui laisser m'offrir ce cadeau.

L'une de mes mains vient se glisser dans le cou de mon bel endormi, et des doigts tendres viennent effleurer la barbe blonde avant de s'y perdre et de me laisser emporter par le sommeil, rassurée de savoir les Amours de ma vie ne faire plus qu'un avec moi.



Cet amour à qui je le donne,
je le donne à toi tant que je vivrais,
je le donnerai à ta tendresse,
quand tu me parleras,
A chaque baiser, à chaque caresse,
que tu m'offriras,
Je le donnerai à tes désirs,
quand contre moi tu seras,
Je le donnerai à tous tes rêves.
Et si tu veux te faire une idée
de combien est grand cet amour,
Lève les yeux vers le ciel,
et prépare toi à voler,
et quand tu seras arrivé,
sur la planète la plus lointaine,
ce sera le rayon de mon amour.
Maintenant tu sais combien je t'aime.

_________________
Adrianah
Si je devais composer une ritournelle pour le Salaud de ma vie, ce serait sans doute une qui parlerait du [Bonheur.]*C'est une bougie, le bonheur, ris pas trop fort d'ailleurs, tu risque de l'éteindre. On l'veut le bonheur, on l'veut ouais ! Tout le monde veut l'atteindre, mais il ne fait pas de bruit le bonheur, non il ne fait pas de bruit. Non il n'en fait pas. C'est con le bonheur, ouais, car c'est souvent après qu'on sait qu'il était là.*

Alors depuis que nous nous sommes retrouvés, je vis au jour le jour. Même si ces jours s'étirent en semaine, puis en mois, et que silencieusement, je m'octroies le droit de rêver à des années, voire même tout le restant de ma vie. A ses côtés. Même avec ses conneries. Parce que si la vie n'était qu'un long fleuve tranquille, ça se saurait et qu'est ce que le monde serait alors ennuyeux.
Lorsqu'on a connu les Enfers, on prend le temps de savourer ce que la vie daigne nous offrir.
A croire que le destin a choisi de réparer quelques bourdes du passé en remettant Niallan sur mon chemin. Et même si ses ex se sont, chacunes évertuées à leur façon, de me faire comprendre qu'avec lui, rien ne dure et qu'il est doué pour les abandons, j'ai décidé de m'en cogner. Et de profiter de tout ce que cette putain de vie m'offre avec Lui.

Le Bonheur est indescriptible. Parce qu'il peut s'amener à vous sous différente forme. Un sourire d'enfant, un éclat de rire, un câlin, un geste amical, le parfum de la lavande, du lilas, du mimosa. Souffler sur une fleur de pissenlit, croquer dans du nougat, un flocon de neige sur la langue, le château de sable, la vague sous les pieds. Le pépiement d'un oiseau, le réveil sous la couette, le papillon qui vole.
Le parfum de pluie après la canicule sur la terre, l'herbe fraîche coupée, ce brin d'herbe inattendu qui naît au milieu d'un désert, une rose, ce nuage blanc auquel on cherche une forme, une étreinte au coin d'une flambée, un repas partagé, un bon livre.
Tenir la menotte de son enfant.

Ses enfants. On ne peut pas dire que mon Salaud ait été gâté sur le sujet. Je sais ce qu'il a perdu, je sais ce qu'il a loupé, je sais aussi la souffrance dans ses yeux malgré ses silences. Je n'oublierai pas celles que j'ai vu, à plusieurs reprises, dans son regard. Et je respecte ses silences. Parce que je sais que lorsqu'il sera prêt à m'en parler, il le fera. Je n'ai pas vraiment conscience de l'intensité du Bonheur que je lui offre avec mon ventre qui s'arrondit jour après jour. Mais je sais que ce qu'il éprouve n'est pas feint, tout aussi Salaud soit-il. Je n'oublierai jamais cette soirée où je lui ai appris ma grossesse. De toute ma jeune vie, je n'avais encore jamais vu un homme tomber à mes genoux. Encore moins le voir regarder mon ventre, ou simplement moi, avec une adoration et un amour qui ne faillit pas, encore aujourd'hui, à l'heure où mon corps change. Je le revois encore me traiter comme une princesse, s'assurer chaque jour que nous allons bien, m'écrire des missives que je trouve à mon réveil avec des bols de fraises pour mon petit déjeûner. Cette façon qu'il a d'être autoritaire, quand, malgré l'interdiction, je tente par tous les moyens, plus vicieux les uns que les autres, d'outrepasser l'interdit et que je rêve de galopées sauvage à crû sur un cheval.
Mais plus que tout, je fonds complètement lorsque ses mains se posent sur mon ventre, parce qu'alors à ces moments là, je ressens à travers mes chairs, la chaleur intense de son amour pour cette vie - ou ces vies - qui grandit dans mon cocon. Parce que le Bonheur. C'est ça aussi.

Et je profite. Et moi qui ne voulait pas faire de projets à long terme, car le spectre de l'Enfer connu, même s'il s'étiole doucement, n'est pas vraiment absent, je me suis retrouvée à décider d'acheter un mas dans le Sud, avec mon élevage de chiens Danois et de chevaux sauvages de Camargue, des oliviers et l'océan à perte de vue. Parce que le Bonheur c'est également cette installation avec lui. Une nouvelle vie qui prend forme et que je n'ai encore jamais expérimentée. C'est aussi ce navire qu'il veut m'offrir, pour réaliser mon rêve de gamine.
Le Bonheur, c'est toutes ces journées et ces nuits auprès de lui, entre ses bras, ma peau contre la sienne, nos corps qui n'en finissent pas de se découvrir et de s'apprivoiser, de s'aimer. Nos lèvres avides l'une de l'autre, nos nuits de folie, nos moments coquins au beau milieu de la journée, quand l'envie nous prend.

Et ce soir. Le Bonheur c'est tout simplement de le voir arriver, un pot de crème mentholée entre les mains. De m'intimer de rester assise et de ne pas bouger et de le voir se pencher sur les contusions que je porte au visage et se mettre en oeuvre de les soigner. C'est cette confiance qu'il y a entre nous, ces mensonges que nous ne nous dirons jamais. Et c'est la lecture d'une lettre de Maryah, qu'il me glisse sous les yeux, tout en me disant simplement, qu'il a résisté et qu'il ne s'est pas rendu au rendez-vous qu'elle lui donnait. Il ne jubile pas de son acte et moi, je prends conscience, au-delà encore de ce que je peux m'imaginer, de cet Amour qu'il me porte. J'ai enfoui mon visage tout encrémé dans son cou, surtout parce que je sentais les larmes qui piquaient et que je ne voulais pas qu'il les voit. J'étais touchée, émue. Il me prouvait ainsi la force et la véracité de son Amour malgré toutes ses conneries. Et je ne l'en aimais que plus fort encore, si tant est que cela me soit possible, tellement je l'aime à m'en damner. Me glissant sur ses genoux, j'ai doucement attiré ses mains sous ma tunique. Un peau à peau avec mon bedon joliment arrondi. Et ces instants-là, n'étaient que pure magie et Bonheur.

Parce que mon Bonheur peut paraître tout con si je vous dis que c'est de partager ma vie avec Lui. Mais quand l'on sait toutes les conneries que mon Salaud est capable de faire, j'ai bien conscience que ce Bonheur là se décline sous différentes formes.

Et pourtant. Pour au rien au monde, je ne voudrais changer quoi que ce soit à ma vie. D'autant plus que les purs moments de Bonheur, se retrouvent dans les plus simples instants que nous puissions partager.
Et que je sais que ce Bonheur actuel n'est rien, comparé à ce qui nous attend.
Pour la première fois de ma vie, je m'octroies le droit d'y croire au Bonheur. Parce que nous nous le créons ensemble. Et que simplement poser mon regard sur lui, me chavire le coeur de Bonheur et d'Amour.

Parce que ouais. Même un Salaud a le droit d'être heureux. Encore plus quand il s'agit du Salaud de ma vie.




*Christope Mae - Il est où le bonheur.

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Adrianah
[Laisse les flammes s'élever.]

Narbonnes.

Il avait fallu que nous fassions halte de nouveau dans cet endroit que je considère comme maudit, autant pour moi que pour Niallan. C'est là que le Salaud de ma vie m'a porté mon premier coup de poignard en plein coeur, et c'est également l'endroit où lui aussi s'en est pris un. Finalement, ce lieu est celui de toutes les empoignades.

J'avais d'abord eu la surprise d'y retrouver cette femme qui m'avait raflé MES deux beautés Camarguaises lors de la vente aux enchères où je m'étais rendue. Et dire que je l'avais mauvaise n'était qu'un euphémisme, lorsque j'étais tombé sur Elvire en taverne. Finalement, sous les yeux d'un Niallan quelque peu blasé par notre conversation féminine sur les équidés, Elvire et moi nous étions associées.
Etant donné que j'étais enceinte et pas qu'un peu, puisque nous venions allègrement d'entamer le cinquième mois de grossesse, et qu'elle était plutôt douée - autant que moi s'il vous plait ! - pour ce qui est du sujet équin.
Contrat avait été passé. Elle allait me ramener un couple de Camarguais sauvage, et les plus beaux qui soit. Je la paierai uniquement au vu des beautés qu'elle me ramènerait. Je les voulais unique, sauvages, résistants et emplis de vie mes Camarguais.
Forte de notre marché et de ma nouvelle alliée, j'attendais maintenant avec quelque appréhension l'arrivée de cette écossaise dont Niallan m'avait parlé.

Et finalement. Je n'allais pas être déçue de son arrivée. Déjà, lors de mon entrée en taverne, je me suis figée sur le seuil pour assister, de manière désinvolte, à la scène de la baffe qu'elle était en train d'aplatir sur la joue du Salaud de ma vie. Rapport, de ce que j'ai pu comprendre, avec cette femme à laquelle il tenait tant, qui est décédée en couches. Celle-là même dont il avait recu une lettre lui annonçant sa mort et qui avait été le déclencheur de ma propre descente aux enfers, puisque c'est là que Niallan avait pris la décision de m'abandonner, persuadé que je mourrai un jour aussi et qu'il en souffrirait.

Je n'avais pas vraiment tiquée en voyant Niallan se frotter la joue, demandant simplement si c'était jour de baffes aujourd'hui et je m'étais difficilement installée sur un siège près de lui avant de devoir répondre à l'interrogatoire de l'Ecossaise.
Ayla avait en effet décidé, sur l'instant, que puisqu'elle était là, elle allait désormais veiller sur ma grossesse.
Pour ma part, je lui jetais un regard dubitatif, lui demandant en qualité de quoi elle comptait oeuvrer ainsi, car il était hors de question qu'un charlatan me touche et encore moins que j'accepte de laisser n'importe qui m'aider à accoucher. Je voulais quelqu'un de confiance, comme Kachina. Mais l'amie d'enfance de Niallan n'était pas certaine d'être présente lorsque l'heure de la délivrance approcherait, et bien que je sois ignare en matière d'accouchement, j'avais tout de même bien conscience qu'il me serait impossible de garder notre progéniture au chaud dans mon cocon selon mon bon vouloir.

Alors l'idée d'avoir près de moi une Ecossaise qui apparemment, connaissait vraiment son sujet, ne me déplaisait pas. Surtout. Oui ! Surtout ! lorsqu'Ayla, dans l'interrogatoire qui suivit, me dit que pour sa propre grossesse, elle était montée à cheval jusqu'à un mois avant d'accoucher.
Je l'avais regardé, les yeux exultants d'un bonheur sans nom. L'Ecossaise venait de se frayer un chemin tout tracé pour gagner mon amitié sans faille. C'était bien évidemment sans compter sur Niallan qui s'est alors mis à pousser les hauts cris. Et je comprenais fatalement qu'il m'était plus que jamais interdit de monter à cheval. Surtout après la connerie que j'avais faite lors de la vente aux enchères. J'avais voulu me faire plaisir mais ce plaisir là, sans même l'avoir mis réellement à exécution, se faisait payer à l'heure actuelle, par un bon tour de rein.
J'avais fini par expliquer à Niallan que Mini-Nous, n'aimerait sans doute pas les chevaux, ce qui avait eu le don de mettre mon beau Salaud d'humeur joyeuse, car selon lui, Mini-Nous lui ressemblait déjà.

Ce soir donc, en me couchant, j'aurai été assurée de passer une bonne nuit si ce n'avait été un détail dans notre conversation avec l'Ecossaise, qui était venu me chambouler intèrieurement. C'est qu'Ayla avait exigé, que sa fille soit présente durant l'accouchement pour l'assister. J'avais commencé par lui demander si la gamine n'était pas trop encombrante, car je ne veux pas me voir imposé la présence d'un enfant, quel qu'il soit. Depuis ma fausse couche durant laquelle j'ai perdu ma progéniture Corleone, je ne supporte pas la vue d'un enfant, encore moins en bas âge, rongée par la culpabilité qui me taraude encore. Et voilà que là, j'apprends que non seulement Ayla a une fille née en décembre 1460 et que je vais devoir accepter sans condition sa présence lors de mon accouchement. Bouche bée, j'avais fait le calcul que cette petite diva guérisseuse en puissance avait quatre ans. Et je me demandais, comment à cet âge, elle pourrait assister sa mère. Un accouchement n'a rien d'anodin, encore plus pour moi, qui à huit ans, ait vu ma mère mourir en couches sous mes propres yeux. Je me vois octroyé que de toute manière c'est ainsi et que si ça ne me convient pas l'Ecossaise s'en ira.
Je ne sais pas pourquoi, mais cette Ecossaise me plait. Ayla a un franc parler qui me touche et un sacré caractère qui m'interpelle. Alors, connement, j'ai accepté. Sans vraiment prendre conscience de ce que la présence de cette petite fille allait impliquer dans ma propre vie. Pour l'instant je ne l'ai pas encore vu, mais j'ai bien l'intention de me tenir éloignée de l'enfant, comme je le fais depuis le drame que j'ai vécu.

Inconsciemment, mes mains se portent sur mon ventre arrondi, alors que je suis allongée dans notre couche, et que je me remémore notre conversation.
J'ai du finir par m'endormir, d'un sommeil tellement agité dans lequel viennent se mêler la vision de ma mère en plein accouchement, celles de mes soeurs qui venaient de naître, tout ce sang et le dernier regard que ma mère nous a jeté à Julian et moi avant de rendre son dernier souffle. Je me vois sur un linceul, en toile de lin finement travaillé, avec des chandeliers tout autour de moi et j'entends vaguement des pleurs de bébé, alors que le visage d'Ayla et d'une petite fille blonde avec des yeux bleus me fixent étrangement. Et par dessus ça, voila que la vision de deux foetus ensanglantés au travers de hautes flammes, vient accroitre mon agitation et c'est le corps en sueur et en hurlant que je me retrouve assise dans notre couche, une main agrippant fermement le drap et l'autre, secouant inconsciemment Niallan, comme pour un appel au secours. Sans même savoir si mes hurlements l'ont réveillé ou pas, je me retourne vers lui, mon ventre dans laquelle je sens régner une agitation troublante venant se coller contre son flan, mon visage encore tourmenté par mon cauchemar, se glisse alors tout contre le torse masculin, à la recherche de sa présence rassurante. Et mes bras tremblants, l'enlace. D'instinct, je sais qu'il n'y a que lui qui puisse me calmer et me rassurer. Je ne me rends pas compte que mon visage est inondé de larmes.
Tout ce que je veux à l'instant présent, c'est sentir la présence rassurante de cet homme que j'aime au delà de tout. Parce que là tout de suite, je suis morte de trouille et je suis persuadée, à l'instar de l'écho que ce cauchemar laisse en moi, que je vais mourir en couches moi aussi comme ma mère. Madone trop superstitieuse que je suis, qui s'en va trouver des signes même là où il n'y en a pas à chercher. Et je me surprends à avoir besoin de Niallan, comme si je m'abandonnais totalement à lui, même au plus terrible de mes cauchemars.
Je sens l'agitation qui étreint mon ventre, et je suis persuadée que Niallan aussi peut la sentir, lors de notre peau à peau actuel.

_________________
Niallan
[L'amour est tout, eh bien l'amour est tout
L'amour est tout, n'entends-tu pas l'appel
Oh, l'amour est tout ce dont tu as besoin*]


Quand j'étais petit, certes je n'étais pas grand et montrais à de multiples occasions une certaine partie de mon anatomie à mes contemporains. Mais ce qui aurait pu intéresser un anachronique psychologue c'est que j'avais déjà une conception de la vie bien à moi. Comment ça c'est moins intéressant que ma manie d'affoler les foules de mon fessier ? Je pensais que les parents, c'était craignos de pas en avoir mais qu'on s'en passait finalement très bien au-delà un certain âge. Je pensais que les potes, c'était genre super important, que sans eux on était foutus. Et je pensais qu'aimer c'était vraiment pourri, que ça apportait que du malheur mais qu'on atténuait ça en nous faisant croire à des « petits moments de bonheur ». Je pensais que je me marierai jamais, que j'aurai jamais de gosses, que je vivrai toujours libre. Remarquez, je pensais aussi que je serai assez riche pour me permettre de jeter l'argent par les fenêtres littéralement parlant. Tout comme je pensais qu'en mangeant des pépins de fruit, on pouvait faire pousser un arbre dans son ventre.
Alors voyez, faut pas s'étonner qu'aujourd'hui je découvre que je me suis bien planté.

Ma première erreur de raisonnement, je l'ai comprise en rencontrant Lexi. En un regard, elle m'a complètement retourné. Il lui a suffi d'une journée pour me rendre morgan d'elle. Et sa mort a suffi à me briser. Depuis, je n'ai jamais cessé d'être Papa.
La deuxième a été dévoilée le 24 janvier de l'an 1462. J'ai épousé Fleur pour le meilleur et surtout pour le pire. Et là, j'envisage sérieusement de demander sa main à ma ritale en espérant que les proportions de meilleur et de pire s'inversent.
Je sais désormais que mes maux de ventre n'ont aucun rapport avec un arbre grandissant entre mes entrailles, tout comme j'ai fini par comprendre que je serai toujours fauché. Je sais aussi qu'on peut être libre tout en choisissant ses chaînes, même si j'ai toujours du mal avec le concept. Et puis, quand même, l'amour c'est pas si mal. Je n'ai jamais été plus heureux qu'en aimant et en étant aimé. Ehwouais.
Bon, par contre, ma conception des potos et des parents n'a pas changé d'un iota.

J'étais justement plongé dans un rêve délicieux dans lequel, juste après être revenu d'une danse sur la tombe de ma daronne, je trouvais Vector dans une taverne, au milieu de la troupe au grand complet. Alors l'amour a beau être tout, quand je me fais réveiller par un braillement des plus terrifiants, je me dis que quand même, des fois, l'amour c'est casse-bonbons. Et, avant de me prendre pour le chef incontesté de la nouvelle terre Egoista, prenez en compte le fait que je faisais un magnifique rêve, que j'étais crevé et que j'ai pas direct compris ce qui se passait.

Quand j'ai compris, j'ai pas dit grand chose au début. J'ai ouvert un œil et dans le même temps j'ai ouvert mes bras pour les entourer autour de ma brune. J'ai posé une main sur son ventre, accroché l'autre dans ses cheveux et j'ai essayé de faire le mec bien réveillé. A vous de juger.

Chhhhut, rendors toi, Mio amore. Humpf, Amore Mio.

Tandis qu'un pouce effectue des mouvements circulaires sur un bedon rebondi, un autre se balade sur les lèvres tremblantes. Sans oublier le deuxième œil qui s'ouvre.

Tout va bien aller, je suis là. Et je serai toujours là.

Je lui décoche un sourire endormi tout en glissant une mèche brune derrière son oreille avant de refermer les yeux.
Je pensais que l'amour c'était pourri. Mais l'amour est tout. Je tuerais et mourrais pour elle, pour cet enfant qu'elle porte. Ils sont ce dont j'ai besoin, ce que je veux. Ils sont mon rêve à moi. Et, alors que Morphée m'entraîne à nouveau, je raffermis mon étreinte autour du corps italien, murmurant un « je t'aime » juste avant de sombrer.
Alors oui, je me suis planté. Mais c'est peut-être pas plus mal.
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Bannière réalisée par les grands soins de JD Calyce.
Niallan
Je t'aime.*

C'est aussi simple que ça. C'est évident depuis qu'elle m'a dit qu'elle m'acceptait tel que je suis, sans conditions. C'est évident depuis qu'elle porte notre enfant. C'est évident depuis que chaque jour, en m'éveillant auprès d'elle, je réalise quelle putain de chance j'ai. Et c'est tellement évident qu'aujourd'hui je m'apprête à poser LA question. Celle qui officialisera l'évidence, celle qui pourra faire de moi le plus heureux des hommes.

Je l'ai jamais posée avant, parce qu'on m'a jamais vraiment laissé le choix. Alors aujourd'hui, le séant dans ma barque, je me demande si j'en ai pas fait un peu trop. Ou pas assez. Je doute, non pas de ce que je veux mais de ce qu'elle veut elle. De ce qu'elle va répondre. Et pourtant, même plus flippé qu'un goret prêt à être égorgé, je fixe obstinément le ponton, attendant de la voir arriver. Attendant le oui qui changerait ma vie.

Je suis vêtu des habituelles braies noires et chemise blanche pour les occasions. Sauf que pour changer, je suis pieds nus. J'ai vérifié ma coiffure et ma barbe dans l'eau du lac, j'ai soufflé un bon paquet de fois sur ma main pour checker mon haleine et n'ai eu de cesse de retravailler mes futures palabres.

Elle, elle trouvera à côté de son infusion de sauge un pli indiquant ceci « Un homme va t'apporter un canasson, tellement calme qu'on le croirait drogué. Tu as le droit de monter dessus, c'est pas une blague. La bestiole sait où t'emmener, laisse-toi faire. Et pas de folies. Niallan. ». Le canasson la mènera à travers les bois jusqu'à parvenir au lac. Sur la plage, il suivra des lampions, jusqu'à arriver au ponton. Ce même ponton que je fixe, si vous avez suivi. Et au bout du ponton, elle trouvera une barque avec moi dedans. Ce qu'elle ne verra pas c'est cette bague dans ma poche, celle que je ne cesse de faire tourner entre mes doigts. Elle ne verra pas non plus à quel point c'est le bordel dans ma tête, à quel point je me rapproche de la crise cardiaque. A la place, elle verra mon plus beau sourire et m'entendra lui dire de me rejoindre et juste après, elle me verra tapoter la place en face de moi.

Ensuite, advienne que pourra. En espérant que je puisse encore une fois avoir plus de chance que le commun des mortels.


*Traduction Umberto Tozzi-Ti Amo

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Bannière réalisée par les grands soins de JD Calyce.
Adrianah
[‘Cause all of me
Loves all of you
I’ll give my all to you...
I love your perfect imperfection.
You’re my end and my beginning...
Cards on the table, we’re both showing hearts
Risking it all, though it’s hard
I give you all... of me
And you give me all... of you

.
]
- John Legend/Lindsay Stierling - All of me

Mes lèvres plongées dans mon infusion de sauge brûlante, j'ai le regard obnibulé par l'écriture masculine sur ce petit bout de vélin, qui, il ne le sait pas encore et moi non plus, ira rejoindre mon petit coffret de bois ciselé dans lequel je range mes trésors les plus chers.
Dans l'immédiat, mes azurées à peine éveillées, tentent de déchiffrer ce qui peut se cacher derrière ces quelques lignes. No parce que je trouve ça très étrange, qu'après des mois d'interdiction de monter sur le moindre cheval ou tout ce qui peut y ressembler, jusqu'à un âne, mon Salaud de ma vie m'autorise aujourd'hui à monter ce qui semblerait être un cheval drogué. Autant vous dire que ça doit être encore pire que de monter l'âne du Cap'tain.
Alors mon esprit tourne et retourne ces quelques lignes, et ma mine s'assombrit quelque peu. Cette permission de faire quelque chose qui m'est interdit me laisse perplexe et commence même à me ficher la frousse. Je me dis qu'il y a quelque chose qui ne tourne pas rond, un peu comme la dernière volonté accordée à un condamné à mort, le dernier véritable plaisir avant que la pire nouvelle ne vous soit assené sur le coin de la trogne.

Alors je m'enquille mon infusion qui m'ébouillante presque la gorge sans même m'en apercevoir et après avoir fait une toilette rapide, j'enfile sur mon ventre rebondi un jupon de percale blanc cassé qui me descend jusqu'aux chevilles que je laisse nues depuis que nous sommes sur Marseille, juste rehaussées de bracelets de ces perles rouges d'Italie que j'adore. Une tunique de même ton dont je noue les liens lâches sur mon ventre et mon sempiternel tricorne viennent parfaire ma mise laissant seulement s'échapper quelques mèches sauvages de ma coiffure habilement relevée et attachée de manière à laisser ma nuque dégagée.

Une fois dehors, je reste sceptique devant l'animal qui se trouve à attendre paisiblement près de la fontaine de la grande cour de notre mas. L'animal est beau certes, mais ses yeux reflètent une sorte de paresse sans nom et je me demande vraiment si Niallan a drogué l'équidé ou bien si ce sont vraiment ses gênes qui lui donnent cette allure là. Bien évidemment, il ne ressemble en rien aux destriers que j'ai l'habitude de monter et une main posée sur mon ventre dans lequel je sens une agitation se manifester, je tourne autour de l'animal, laissant mon autre main glisser sur la robe équine, et mes doigts en palper la musculature, mes narines s'ennivrant de cette odeur que j'aime tant. Néanmoins, si j'adore monter à cru, je vais devoir cette fois faire avec la selle et les étriers, et si possible, sans me faire un tour de rein comme la dernière fois où j'ai voulu outrepasser l'interdiction. Mais aujourd'hui j'ai la permission, et même s'il semble vraiment que Mini-Nous ne soit pas ravi de l'aubaine que son père nous offre, même si je suis morte de trouille à l'idée de ce qui m'attend, je ne tarde pas à grimper à dos de l'animal, et là encore, je fais l'exception en pensant au confort de l'Enfant avant mon propre plaisir et c'est donc sagement en amazone que je m'installe. Le califourchon et les acrobaties, tant pis j'oublie provisoirement, je remets ça à plus tard, le terme approche semaine après semaine et cet automne, j'aurai tout loisir de m'en donner à coeur joie à galoper à crû.
Je passe une main apaisante sur mon ventre agité, en me disant que notre progéniture n'aime pas les chevaux ou alors en a peur. Et alors que, rennes lâches en main, je presse légèrement mes chevilles contre le flan de l'animal, celui-ci se met en marche, je sens mon ventre s'apaiser et j'entame une sérénade dans ma langue maternelle, tout autant pour rassurer mini-nous que pour me rassurer moi.
Et je ne tarde pas à profiter de cette ballade improvisée, me disant que tout de même, Niallan trouve toujours des idées géniales pour attiser un peu plus ma curiosité et la traversée du bois se fait apaisante sur mes sens en alerte.
Je profite de la fraîcheur des arbres et parfois, les rayons du soleil qui percent leurs faîtes, ont quelque chose de grandiose et magique.
Mon beau blond m'a écrit de me laisser guider alors je laisse faire l'animal et nous ne tardons pas à déboucher sur la plage du lac. Mes yeux sont attirés par les lampions et je me fais la réflexion que je n'avais jamais du encore passer par cet endroit, j'aurai souvenir de ces lampions ou alors...

Ma gorge se noue soudain alors que nous traversons le ponton et que l'animal stoppe son avancée. A quelques mètres devant moi, se trouve LA silhouette aimée. Et comme à chaque fois que je regarde le Salaud de ma vie, je reçois cette espèce de coup de poing au ventre, genre le même que j'ai eu la toute première fois que je l'ai vu et j'ai le coeur complètement chaviré et la déglutition difficile quand je me décide enfin à descendre de l'équidé. Mais là, je reste coite en voyant l'animal ployer ses pattes de devant, comme s'il voulait faciliter ma descente. Je me laisse glisser contre les flans du cheval et bouche bée, je l'observe. Je ne sais pas où Niallan l'a déniché celui-ci, mais en tout cas, il vient de gagner une demeure à vie, parce que je décide alors que cet équidé-ci vient d'entrer dans notre petite famille. Oui j'ai des lubies de ce genre qui me traversent l'esprit parfois.
Puis je franchis les quelques mètres qui me séparent de la barque dans laquelle se trouve Niallan. J'ai vaguement conscience de me dire qu'il m'a fait la surprise d'une promenade en barque mais en fait, son sourire et l'éclat de ses yeux me coupent déjà le souffle et je l'aperçois, comme dans un songe, me faire signe de venir m'installer en face de lui.
Je ne tarde donc pas à me glisser dans la barque d'un pied assuré, et je m'asseois face à cet homme que j'aime par dessus-tout, cachant mon anxiété sous un sourire que je lui offre.

Parce qu'en fait, je suis toujours morte de trouille en me disant qu'il a sans doute quelque chose d'important à me dire, sinon je ne vois pas pourquoi il se serait donné tout ce mal pour me faire venir jusqu'ici.

" - Tu as vu Amore, j'ai été sage, je n'ai pas fait de folies."

J'aurai peut-être du me taire, parce que les trémolos dans ma voix risquent fort de ne pas lui passer inaperçus et je mâchouille mes lèvres tout en rivant mes azurées sur son beau visage, fronçant les sourcils, en m'apercevant soudain que sa barbe est taillée de près, sa mise impeccable.

Et là...ma peur qu'il m'annonce une mauvaise nouvelle monte d'un cran.

" - Bene. Alors...tu avais envie d'une promenade en barque ? "

Mais qu'est-ce que je peux être conne, quand je suis morte de trouille. Je ne pouvais pas trouver quelque chose de plus débile encore à balancer...

Parce que mon être entier aime tout de toi, je te donnerai tout de moi...J'aime tes parfaites imperfections. Tu es ma fin et mon commencement..Cartes sur table nous montrons tous deux nos coeurs, risquant tout bien que ce soit difficile. Je te donne tout de moi, et tu me donnes tout ...de toi.

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Niallan
L'eau, ça apaise.

Quand je la vois tout de blanc vêtu avancer vers moi, j'ai le palpitant qui manque des battements. Et j'oublie jusqu'au dernier des mots que j'avais préparé. Je ne vois plus qu'elle et l'arrondi de son ventre. Elle et son tricorne, ma pirate. Elle et ses chevilles perlées, ma danseuse. Cette nana c'est mon rêve, des pointes de cheveux jusqu'au dessous de ses pieds. Je savais que j'allais être flippé mais à ce point, je pensais pas. J'essuie mes mains moites sur mes braies, déglutis difficilement et plonge mon regard dans le sien. Allez, mec, te dégonfle pas. Facile à dire. Mais en voyant ses yeux, mon cœur a à nouveau des ratés. J'ai jamais été aussi sûr de ce que je veux de toute ma putain de vie. Et pourtant, moi qui suis grande gueule, c'est la première fois que j'arrive pas à causer.

Sauf en cas de circonstances très particulières.

J'ai envie de lui lancer un sourire taquin tout en lui disant qu'elle avait intérêt à être sage. Au lieu de ça, j'étire mes lèvres en un truc qui ressemble à s'y méprendre à une grimace.
Après, j'ai envie de lui dire que non, la barque, c'est parce que je sais qu'elle aime l'eau autant que moi. J'ai envie de lui parler de ce bateau pour lequel je me tue à la tâche, de ce bateau sur lequel, elle et moi, nous voguerons. Au lieu de ça, je me lève, faisant légèrement tanguer l'embarcation. Et puis je me mets à genoux devant elle. Les deux genoux au sol. Parce qu'un genou c'est pas assez. J'ai envie de lui appartenir entièrement, de me donner complètement à elle. J'ai envie d'Elle, de Nous. Pour toujours.
J'aurais pu lui dire ça. Et pourtant, c'est ça que je dégaine :

« Ceci est mon vœu, ceci est ma prière
Je te la fais, les deux genoux à terre

Non non non non non
Non non non non non
Je ne suis plus saoul
Un peu flippé c'est rien
Moi je crois en nous
C'est tout* »


C'est à ce moment-là que la bague que je triturais précédemment est sortie de ma poche et présentée aux azurées italiennes. Oh bordel, je vais défaillir. Je l'ai eue en échange du risque que j'ai fait peser sur ma vie et pourtant, j'ai bien plus peur à cet instant-là. Une garce italienne me l'a jetée à la tronche. Peu importe, j'aurais jamais pu lui offrir quelque chose d'aussi beau tout seul. Elle est en or, un rubis trône au milieu. J'ai fait virer les autres pierres rouges qui trônaient sur l'anneau pour les remplacer par des perles de murano de la même couleur. Traitez-moi d'abruti si vous voulez. Ces perles, c'est Elle. La première fois qu'elle en a porté en ma présence, c'était lors de la guerre d'Anjou. Cette guerre où j'ai cru l'avoir perdue pour toujours, cette guerre qui aurait pu me la prendre. Ma gorge se desserre. J'ai plus peur de me faire jeter, j'ai simplement peur de la perdre. Et peut-être qu'en liant nos vies un peu plus, que ce soit par l'enfant qu'elle porte ou par cet anneau, ça marchera. Elle vivra, elle restera. Et on sera foutrement heureux.
Mes yeux rivés aux siens, je reprends la parole. Cette fois, ma voix est ferme, décidée.

« Epouse-moi. Moi je veux que toi, c'est tout.* »

Et puis je reste là, à espérer que mon vœu se réalise et que ma prière soit exaucée.


*Miossec – Non non non non je ne suis plus saoul, paroles légèrement modifiées à ma sauce.

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Bannière réalisée par les grands soins de JD Calyce.
Adrianah
[Viens juste comme tu es pour moi,
pas besoin d'excuse,
Sache que tu es digne.
Je prendrais tes mauvais jours comme les bons,
je marcherai dans la tempête.
Je ferai tout ça parce que je t'aime...
]



Depuis la toute première fois où je l'avais vu, je savais que c'était Lui. Il y a parfois des révélations qui peuvent vous paraitre totalement aberrantes et pourtant, malgré tout ce que j'ai traversé pour cet homme là, si c'était à refaire, je le referai sans aucune hésitation.
Je savais que beaucoup de personnes ne comprenait pas cette manière que j'ai de l'aimer, de lui pardonner ses conneries, mais je m'en cognais totalement, c'était la seule manière de l'aimer que je me connaissais.
Je savais que pour d'autres, c'était laisser la porte ouverte pour qu'elles s'infiltrent, tenter de détruire notre histoire, notre bonheur, mais de cela aussi finalement, je n'en avais cure.
Je sais que mon amour pour lui est indestructible, quoiqu'il fasse. Parce que je l'aime tel qu'il est, sans réserve, inconditionnellement, et que jamais je ne lui demanderai de changer. Et il en sera toujours ainsi.

Voilà les pensées qui me traversaient l'esprit, alors que mes azurées se noyaient dans ses océans. Putana ! J'ai beau être enceinte de pratiquement sept mois tout rond, je vous assure que ce blond a le don de me mettre dans tous mes émois à peine je pose mon regard sur lui.
Et là en l'occurrence, si ce n'était la raison de me dire que la situation serait risquée et que nous pourrions vite nous retrouver à l'eau avec une barque renversée, il n'en faudrait pas beaucoup pour que je laisse mes instincts prendre le dessus. Ce serait une excellente façon de l'empêcher de m'annoncer cette mauvaise nouvelle à laquelle je m'attends.
Alors je reste là, assise sur le banc de bois de la barque et médusée, je le vois soudain se lever, sentant l'embarcation tanguer dangereusement et quelques secondes après, le voilà à mes genoux.
Ma panique grimpe d'un cran encore, alors que mon coeur fait des bonds de biche apeurée dans ma poitrine et que je sens que dans mon ventre, ça se remet à danser la java.
Je ne l'ai vu que deux fois mettre un genou à terre. La première, c'est quand je lui annoncé que j'étais enceinte et la seconde, c'est quand il m'a officiellement demandé de devenir sa tavernière. Oui bon d'accord, ce jour là, il m'avait fait une demi fausse joie, parce qu'être la tavernière d'un Niallan, je vous assure que ce n'est pas rien non plus !

Mais là aujourd'hui...ce n'est pas un , mais les deux genoux qu'il met à terre et je sens ma gorge se nouer atrocement. Et quand il commence à parler, c'est toute ma chair que je sens me picoter puis se hérisser, et mon souffle se couper. Je ne m'aperçois d'ailleurs pas tout de suite que je retiens mon souffle de toutes mes forces. Et mes emperlées d'azur rivées sur lui, une main posée sur mon ventre agité, je laisse l'autre venir se perdre dans les cheveux blonds. J'ai l'impression que le temps vient de s'arrêter, et chacune de ses paroles m'atteint au plus profond de mon âme et de tout mon être.
Je ne rêve pas cette fois. C'est bien réel. Le Salaud de ma vie est bel et bien en train de me demander ma main. Tout comme le prince charmant dans les contes de fée. Mon aigle royal vient de prendre son envol d'une manière tout à fait inattendue. Et alors que je m'attendais à ce qu'il m'annonce la pire des nouvelles, c'est une avalanche de bonheur qui est en train de me tomber dessus.

« Epouse-moi. Moi je veux que toi, c'est tout.* »


Un rayon de soleil éclatant vient nous éclairer alors qu'il prononce ces mots là. Je m'y perds un instant et l'espace d'un éclair, le visage souriant de ma mère m'apparait et je me souviens de cette promesse qu'elle m'avait arrachée alors que j'étais enfant, celle d'épouser un Salaud, même si dans sa bouche la connotation était différente de la définition même du terme.

Une bague brille dans le creux de sa main et j'écarquille les yeux en reconnaissant les perles dont elle est sertie. Des perles de Murano, certaines sont des Millefiore, d'autres des perles de verre soufflé. Je ne me pose même pas la question de savoir comment il a obtenu une telle merveille, parce qu'au delà de la bague, c'est toute l'intensité de ses paroles qui m'atteint de plein fouet.

Dans un même temps, je ressens un violent coup dans le ventre suivi d'autres moins virulents et je retrouve subitement mon souffle. Je le reprends même en lâchant une légère plainte de surprise, sous le rappel à l'ordre utérin. Apparemment Mini-Nous tient aussi à faire part de son opinion sur le sujet.


" - Humpf ! "

Je reste coîte quelques minutes, assez pour sentir une fraîcheur humide sur mes joues, et c'est dans des larmes que je n'ai pas senties venir, et la voix étranglée par l'émotion que je finis par lâcher enfin un mot.

" - Oui ".

Après, je crois que je l'ai ouvert de nouveau pour lui balancer

" - voglio sposarti, unicamente Tu*..." ; mais je suis tellement tourneboulée que j'ai surtout conscience de nos yeux rivés l'un à l'autre et de ce moment qui restera à jamais gravé dans ma mémoire.

Et je le regarde, mon beau Salaud, sans bouger, le souffle court. Et je n'ai pas besoin de me pincer pour être certaine de ne pas rêver, car l'occupant de mon ventre, Lui, ou Elle ou Eux, s'en donne à coeur joie pour m'assurer que tout ceci est bien réel et non pas issu de mon imagination.


*Je veux t'épouser, uniquement Toi.

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Adrianah
Je suis fiancée désormais. Nous sommes fiancés. Un mois a passé et la grossesse arrive pratiquement à son terme, ainsi que nous l'avions précédemment calculé.
J'ai peur. Ce n'est pas une nouveauté pour moi, et j'ai pris l'habitude de n'en rien montrer. J'ai d'ailleurs ces derniers temps recentré toute mon attention et toute mon énergie sur l'enfant ou les enfants à venir. Je n'ai rien laissé paraître de mes angoisses. Et alors qu'il aurait sans doute fallu que je m'organise pour cette naissance, j'ai finalement pris la décision de vivre au jour le jour, même si je suis morte de trouille.
Après tout, je suis italienne et chez nous, la maternité c'est inné. Pourquoi il n'en serait pas de même pour moi. Ma mère a donné naissance à plusieurs enfants avant de mourir en couches. Si elle l'a fait, je devrais pouvoir moi aussi y arriver.

Je me suis enfermée dans la chambre préparée avec amour et dans la plus grande discrétion pour cette naissance que nous avons tant désiré avec Niallan. Les chaleurs m'épuisent en ce moment, j'ai le ventre qui a pris un tel volume que même mes jupons de taffetas semblent prêt à craquer. Il semblerait que j'ai tout pris du ventre en fait, et mes seins ne sont pas en reste, comme s'ils sentaient le rôle essentiel qu'ils vont devoir jouer sous peu, mais tout le reste de mon corps a été épargné par la grossesse.

Ma tête elle par contre... J'ai du mal à dormir, je fais des cauchemars dans lesquels reviennent de façon récurrente les mêmes images qui tournoient en boucle. Mais je n'en parle pas. Je ne dis rien. Car je ne suis pas une petite nature, et après tout, la femme est faite pour accoucher, c'est ridicule, me dis-je, d'avoir peur d'un accouchement.

Je regarde le berceau que le Salaud de ma vie a concocté de ses propres mains, et dans un élan de tendresse irrésistible, je caresse longuement le bois, tentant d'imaginer la petite silhouette qui profitera bientôt des lieux qui lui sont réservés.
Je dispose doucement les deux petits attrappe-rêve que j'avais fabriqué il y a déjà plusieurs mois pour une toute autre occasion.
Nous n'en avons pas reparlé avec Niallan, mais il va falloir le faire. J'aimerai que nous en discutions, j'aimerai savoir, amore mio, ton ressenti, mais j'aurai voulu ne pas à avoir à t'interroger sur le sujet mais que tu m'en parles de toi-même.

Je ferme un instant les yeux. Il est tard, ou très tôt dans le matin et ne pouvant dormir, j'ai comme à mon habitude poussé la porte de notre taverne dans la nuit. Pour la première fois depuis plusieurs semaines, j'ai senti ce sentiment d'oppression me monter à la gorge et des flash me sont repassés imperceptiblement devant les yeux. J'en ai frémit et je suis rentré me réfugier dans cette chambrée enfantine. J'ai cet instinct infaillible qui parfois, s'il pouvait me faire défaut, me comblerait de bonheur.
Je n'aime pas ça. Je n'aime pas ça du tout.
Je relis une fois de plus la missive de mon frère auquel je n'ai pas encore répondu. Il faut que je le fasse. Je réalise combien il peut me manquer mais je me rends compte aussi du changement qui s'est opéré en moi. J'ai des choses à lui dire et des fiançailles à lui narrer.

Je pourrais tuer pour notre enfant. Je pourrais tuer pour le père de notre enfant. Quiconque viendrait tenter de détruire notre bonheur, notre vie.

L'une de mes mains se pose sur mon ventre qui vient de tressauter allègrement et je prends une longue inspiration, sachant combien parfois, Mini-Nous peut s'avérer remuant, surtout depuis quelques semaines. Mon autre main, elle, essuie la sueur qui perle sur mon front, que j'attribues aux grosses chaleurs que j'ai de plus en plus de mal à supporter.
Toutes ces dernières semaines je les ai passées allonger, à me recentrer uniquement sur le confort de notre enfant. Me nourrissant de cet amour infini que je porte à Niallan et de cette envie et fierté soudaine de pouvoir lui offrir l'un des plus beaux cadeaux de sa vie. Je l'aime à en crever, il n'y a et n'aura jamais que Lui, mon Salaud mais je n'aime pas cet étrange pressentiment qui me gagne. Je le refoule de toute mes forces, crispant ma main libre sur le bois du berceau, mes yeux rivés sur cette bague de fiançaille qu'il m'a offerte et que je porte tous les jours depuis cette demande en mariage.
Mes yeux se perlent de larmes, mais je les ravale, courageusement.

C'est alors que je sens Mini Nous s'agiter de nouveau mais cette fois, l'agitation se prolonge par une douleur vive et la sensation de sentir mon ventre se durcir, et ce durant plusieurs minutes, me coupant vivement le souffle.
Inquiète, je m'essuies de nouveau mon front en sueur et je tente de faire quelques pas, m'arrêtant net au milieu de la chambre, reprise par la même douleur tout aussi vivace mais qui s'estompe de nouveau au bout de quelques minutes.
Cette sensation de sentir mon ventre se durcir est quelque peu étrange, c'est la première fois que je ressens ce genre de chose. Et je comprends que ce doit être les fameuses contractions dont me parlait màmma.
Et je commence à paniquer, parce que cela signifie que le terme approche. Un étrange sentiment de panique mêlé à de la joie.

Je me dirige vers notre chambre, si Niallan avait été là, je l'aurai sûrement réveillé pour lui faire part de ce qui vient de se passer, mais mon Salaud n'est pas là. Ce qui ne fait qu'augmenter mon anxiété. Je sens ma peur revenir, cette angoisse et ces cauchemars sont toujours là, bien tapis en moi.
Mon ventre semble s'être calmé.
Alors, je glisse une chemise de Niallan autour de mon corps, laissant les pans de tissu recouvrir mon ventre, comme si ce simple contact pouvait protéger notre enfant de tout malheur à venir.
A cet instant précis, ce n'est pas moi qui m'importe. Seuls l'homme de ma vie et notre descendance à venir occupent mes pensées et mon esprit. Parce que je les aime l'un et l'autre, comme jamais encore je n'ai aimé personne.

Et je finis par m'endormir dans un sommeil qui sera encore peuplé de visions cauchemardesques.

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Niallan
[Alaynna, tu me fais tomber à genoux
Alaynna, je t'en prie chérie
Alaynna, chérie ne vas tu pas apaiser mon esprit tourmenté*]


Ça fait un bon moment que je nage plus dans le bonheur. Les potos se sont barrés les uns après les autres, la routine s'est ramenée. Mais au final, c'était pas bien grave. J'étais fier de moi, j'étais devenu un bon gars. Sans déconner, je payais même mes impôts. J'étais là pour l'italienne et l'enfant qu'elle attendait. Je suis resté, envers et contre tout. Contre tous. Pas grand monde croyait à mes progrès et vu la multitude de trucs d'enfoiré que j'ai fait, je comprends. Mais ce que je comprends pas c'est pourquoi elle s'est barrée. Pourquoi, du jour au lendemain, elle était plus là. Pourquoi elle a rien dit, pourquoi elle m'a pas expliqué. J'aurais préféré qu'elle me balance un tas de saloperies dans la gueule plutôt que de me laisser comme ça, comme un con. Un gros con, paumé. Seul.

J'ai attendu, je l'ai cherchée. J'ai même essayé de me réconcilier avec le vieux bipolaire là-haut. Je l'ai prié, lui et tous ses saints, de me la rendre. J'ai prié pour qu'elle revienne. J'ai pas crié Aline mais Alaynna. J'ai passé mes nuits et mes journées à la chercher en criant son prénom. Et puis j'ai abandonné. D'un coup, comme ça. Y'a pas eu d'entre-deux, j'ai pas progressivement arrêté de chercher. Y'a juste eu un moment où j'ai plus eu la force, où je suis tombé. Et à partir de ce moment-là, j'ai replongé. Dans toutes les merdes desquelles la ritale m'avait sorti. J'ai claqué mes économies dans l'opium et l'alcool et je les ai gracieusement laissés me ravager les neurones. Je voulais plus rien ressentir, plus rien espérer, plus rien attendre. Mais ça marchait pas.

Son souvenir était partout. Je revoyais nos étreintes dans chaque pièce de la maison, j'entendais sa voix dans tous mes rêves. Je sentais encore son odeur dans nos draps et sur ses frusques. Et, voyez, y'a un jour où tout ça n'est plus supportable. Un jour où le poids est tel, la douleur si grande qu'on peut plus. On peut plus rester, je pouvais plus rester. Alors je me suis barré. J'ai récupéré les rares objets auxquels je tiens, à savoir la mèche de cheveux de ma fille, le dessin de mon fils et la peinture des jumelles. J'ai laissé tout le reste. J'ai même pas pris la peine de fermer la maison, pas plus que de dissimuler nos biens. La plupart diront que je suis abruti et ils auront probablement raison. J'en ai jamais rien eu à carrer de l'argent, j'en ai jamais eu. Et quand j'ai commencé à en avoir, c'était pour eux. Alaynna et l'enfant, cette famille que je m'étais construite. Alors ouais, aujourd'hui, je suis abruti. Abruti par leur abandon, abruti par la douleur. Cette putain de douleur qui me ronge tout entier, qui noircit jusqu'à la plus éclatante image de bonheur que j'ai encore en tête.

Si par hasard des gus venaient à s'approprier la maison, ils verraient que tout a été laissé en état. Tout sauf une chose. Un berceau. Un qui paye pas de mine, pas construit par les meilleurs charpentiers. Un berceau construit par moi, pour mon enfant. Un berceau qui restera vide, un berceau que je supportais plus de voir. Un berceau dans lequel j'ai cogné jusqu'à m'en faire saigner les poings. Un berceau auprès duquel je devais passer de longues nuits à veiller mon enfant. Un berceau que j'ai détruit avant d'en ramasser les lambeaux et de les noyer sous mes larmes. Si c'était une fille, elle se serait appelée Anna. On m'avait jamais laissé le choix mais Alaynna si. Elle avait accepté que je lui donne un prénom qui me faisait penser à ma première fille, Lexianne. Elle avait accepté et puis elle est partie. Et pourtant, mon gosse aurait pu s'appeler Jean-Philibert ou Huberte que je l'aurais aimé tout autant. Mais y aura pas de môme, pas pour moi. Je n'aurai jamais la possibilité d'élever mon enfant, pas plus que de le voir grandir. Ni même de le tenir dans mes bras.

Après avoir quitté le mas, je me suis dirigé vers ma taverne. Celle qui devait accueillir la bande chaque soir, celle qui devait voir tellement de moments heureux. Je l'ai brûlée. J'ai rien récupéré, je me suis contenté de foutre le feu. Et de regarder le tout brûler. J'avoue avoir hésité à faire quelques pas de plus pour rejoindre le brasier mais je me suis dit que, quand même, sur le coup ça allait faire mal. Puis je trouvais ça pas terrible comme mort. Alors j'ai attendu que tout soit réduit en cendres et je suis parti.

Voyez, à ce stade-là, fallait que je choisisse une destination. J'aurais voulu aller retrouver mon garçon, Percy. J'aurais voulu lui donner tout l'amour qu'on m'avait arraché brutalement, j'aurais voulu enfin être là pour lui. J'aurais voulu pouvoir m'accrocher à l'unique raison de vivre qu'il me reste. Mais je l'ai pas fait. Parce que je suis peut-être un père absent mais je ne serai certainement pas un père minable. Je ne serai pas le père qu'il voit picoler, encore et encore avant de s'effondrer. Je ne serai pas le père qu'il doit relever chaque jour de sa vie. Je ne serai pas le père qui se détruit devant lui. Je resterai son Chevalier du Royaume des blonds, son héros. Et tant pi si je crève d'envie d'entendre un « je t'aime Papa », je ferai tout pour que jamais l'image qu'il a de moi ne se ternisse.

Je pourrai aussi partir à la recherche de ce bon vieux Vec ou de tout autre poto porté disparu. Mais même ça, je le ferai pas. Pas plus que je ne m'enfermerai dans le domaine familial ou que je ne retrouverai Diego dans l'Endroit. Des gens racontent qu'il y a un endroit, en Bretagne où on peut voir les morts. Alors j'y vais. Je sais pas si le vieillard qui m'en a parlé était gaga ou s'il se foutait de ma trogne, je ne sais pas ce que je vais trouver. Mais je sais déjà ce qu'il m'est impossible de retrouver en restant ici. Si je ne peux plus compter sur la présence des vivants, je peux peut-être compter sur celle, illusoire, des morts. Je peux peut-être revoir ma fille et lui dire à quel point elle me manque, à quel point j'aurais préféré que ce soit moi. Peut-être que je peux aussi revoir Aphrodite et l'enfant qu'elle portait pour enfin lui demander pardon.

Ce que je ne vois pas venir, par contre, c'est un malfaiteur au fort coefficient qui essaye de me détrousser. Vous allez me dire, vu que je suis parti avec que dalle, j'aurais largement pu lui donner ma miche de pain pas fraîche et mon vieux bout de fromage puant. Mais ça s'est pas passé comme ça. Il m'a regardé, je l'ai regardé. Et là, y'a un truc qui a sauté dans ma tête. Je sais pas vraiment ce qui s'est passé mais je me suis mis à le cogner comme rarement encore j'avais cogné. Y avait du sang, beaucoup de sang. J'ai même continué à le frapper quand il m'a supplié à genoux d'arrêter. D'ailleurs, je suis pas bien sûr qu'il ait compris ce qu'il lui arrivait. Parce que je lui ai dit qu'il avait promis de pas m'abandonner et que je le détestais de m'avoir fait ça. Je lui ai aussi demandé pourquoi il était parti, pourquoi il m'avait laissé. Mais je suis pas sûr qu'il ait entendu parce que quand j'ai arrêté de frapper, il bougeait plus beaucoup. Et j'en avais strictement rien à secouer. Je me suis relevé sans prendre la peine d'essuyer le sang sur mes mains et je suis reparti. Direction Brocéliande.


*Eric Clapton – Layla. Traduction arrangée pour le prénom.

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Adrianah
[Tu nous manque.]


Nous sommes, désormais, les heureux parents d'Anna - Gabriella, qui est venue au monde le 25 octobre 1464, au bout de plusieurs heures de travail, sous un climat loin d'être serein. Non seulement dans tout mon être, dans ma tête, mais également les éléments naturels avaient décidé de s'inviter pour ce jour de fête. Notre fille est née en pleine tempête !

" - Te ne farei della felicità!!"* que j'avais lancé au capitaine italien et son second qui m'avaient accouchée. Mais les deux hommes eux, loin d'imaginer par quels tourments je passais et quelle énormité je venais de commettre en m'enfuyant quelques jours auparavant du mas, de la ville, alors que j'étais persuadée que j'allais mourir en donnant la vie ; riaient aux éclats et se frottaient les mains de cet évènement peu courant, voire même, jamais encore arrivé sur leur navire, et y voyaient là, une occasion de plus de vider quelques bouteilles de chianti et autres alcools plus vigoureux pour fêter la venue au monde de la "Bambina".
Et comme quand je me mets à faire une connerie, je ne la fais jamais à moitié, j'avais mené en bateau tout l'équipage, - c'est le cas de le dire -, en les payant grassement afin qu'ils mettent les voiles au plus vite vers l'Italie, j'allais, leur avais-je raconté avec aplomb et sourire enjôleur avec lequel je sais tout à fait jouer quand la situation s'y prête, rejoindre mon époux et mon frère qui m'attendaient du côté de Naples.
Je cherchais surtout à mettre le plus rapidement de distance possible entre le Salaud de ma vie et moi-même, avant qu'il n'ait l'idée d'aller fouiller et mettre à mal tous les bateaux du port de Marseille et surtout je me refusais à ce qu'il me voit mourir.

En effet, obnibulée que j'étais par la perspective de mourir en accouchant, tout comme ma mère que j'ai vu dans ma jeune enfance, mourir en couches, j'ai, dans un moment de panique après des contractions plus vigoureuses que les autres, pris la poudre d'escampette et terrorisée, me suis enfuie sur le premier navire portant pavillon italien.

Tout ce que j'avais en tête à ce moment précis, c'était d'éviter à Niallan de subir cette horreur et cette peine, me disant que s'il se pensait abandonné il souffrirait certes, mais bien moins que s'il devait affronter ma mort. J'ai même été jusqu'à écrire une lettre en prévision de ma mort imminente, avec mes dernières volontés et j'ai écrit noir sur blanc, oui oui je l'ai vraiment écrit, bien que depuis ces évènements la lettre soit partie au feu, que je souhaitais qu'il élève notre enfant avec la seule personne qui ne lui ferait jamais de mal alors qu'elle m'avait en partie détruite lors d'une certaine nuit remontant à quelques mois. La mère de leur fils, cette femme dont Niallan m'avait raconté l'histoire après qu'il m'eut trompé avec elle. Maryah. Une femme avec laquelle j'avais échangé quelque peu et que j'aurai finalement pu apprécier s'il ne s'était passé ce qui s'est passé.
Aujourd'hui, cela m'est devenu pas totalement indifférent, car il y a toujours cette douleur au coeur quand j'y repense, mais j'ai pardonné à cet homme que j'aime au-delà de tout. Je l'aime tellement que j'ai voulu le protéger du pire et ce n'est qu'après l'accouchement et que je ne suis pas morte contrairement à mes prévisions cauchemardesques, que j'ai compris que j'étais capable d'agir aussi connement que lui, dans un tout autre registre du moins. Et depuis la seconde où Anna-Gabriella est née et que j'ai réalisé que je n'étais pas morte, je culpabilise d'une manière innommable. Si ce n'est pour notre fille, je serai déjà repartie danser dans les flammes. Mais à chacun des moments où je porte le regard sur notre fille, - autant dire à chacune des secondes qui défilent, car je ne lâche pas le nourrisson des yeux -, quand mon regard croise ces prunelles bleues identiques à celles de son père, j'ai le coeur qui se soulève, des frissons dans tout le corps, les larmes impossibles à refouler, et cette culpabilité qui ne cesse de me ronger, j'ai parfois le sentiment d'avoir fracassé Niallan comme j'ai tué dans l'oeuf ma toute première grossesse.

La petite Anna-Gabriella voit le jour au beau milieu de l'Ocean, mais c'est bel et bien de son père qu'elle tient ses magnifiques yeux bleus et sa délicate blondeur. Gageons qu'elle tienne plus de mon caractère que de celui de mon Salaud de blond, quoique, je viens de prouver à l'homme de ma vie que je suis tout aussi douée que lui niveau conneries. A la différence que si je ne les réitère pas, et en commet peu, quand ma connerie prend le dessus, c'est un vrai carnage que je cause.

Pas un seul jour ne s'est passé depuis ma fuite sans que je ne rêve de Lui toutes mes nuits, sans que je ne me remémore chaque moment de chacunes de nos folles étreintes, sans que son odeur ne m'ait un seul instant quitté, sans que je ne me sente l'envie de dépérir comme lorsqu'il m'avait abandonné il y a quelques années, et alors que notre fille a aujourd'hui trois mois et demi, j'estime qu'il est temps d'affronter celui qui est à tout jamais l'homme de ma vie, mon fiancé, celui à qui j'ai accordé ma main. Et surtout...le papa d'une Mini-Nous qui ignore que notre fille est née et se porte comme un charme, contrairement à la maman qui elle, continue de culpabiliser, en oubliant - presque-, les conneries que cet homme que j' aime par dessus-tout m'a fait subir par le passé.

Je suis revenue au mas avec Anna-Gabriella. J'ai vécu les pires moments de ma vie en y remettant les pieds, l'endroit était bien évidemment à l'abandon. J'ai pris un peu plus conscience de mes actes alors que mes yeux se posaient sur les débris du berceau que Niallan avait fabriqué avec amour. Mais en me baissant alors que je tenais Anna lovée dans le porte-bébé que je m'étais fabriquée - et cela me ramenait aux paroles de Niallan qui se faisait une joie de pouvoir porter notre enfant lui-même dans un porte-bébé-, je me suis aperçue que tout le berceau n'avait pas été explosé.
Je n'oubliais pas qu'à ma demande, il l'avait fait tout en bois flotté et j'ai passé les heures suivantes à réunir quelques outils et a tenter le tout pour le tout. Je suis certainement nulle dans le travail du bois, mais question navigation il en va tout autrement et au bout de plusieurs heures de travail acharné durant le sommeil d'Anna-Gabriella, je pouvais déposer notre fille dans une adorable petite couche ressemblant à s'y méprendre à la coque d'un navire dont j'avais bien évidemment stabilisé les fondations.
Mes doigts étaient boursouflés, en sang et quelques ampoules s'étaient formé car je ne suis pas douée pour manier ces outils là, néanmoins j'avais le sentiment d'avoir, pour une fois depuis longtemps, depuis ma fuite, fait quelque chose de bien. Et les deux petits attrape-rêves trônaient de nouveau, à chaque extrêmité de l'adorable nid douillet que j'avais confectionné et qui portait également l'empreinte paternelle de Niallan.

Plus les jours passaient, plus mon anxiété grandissait et bien que je fasse tout mon possible pour n'en rien laisser paraitre, Anna semblait capter les moindres de mes émotions, aussi petite soit-elle.

Et c'est ainsi que je décidais d'affronter la réalité de ma vie actuelle. De notre vie quotidienne qui était complètement vide et incomplète sans la présence de celui qui nous manquait tant, autant à l'une qu'à l'autre. Car oui, je restais persuadée qu'Anna, alors que j'étais enceinte, percevait et réagissait, surtout dans les derniers mois de grossesse, aux caresses que Niallan lui prodiguait, via la peau de mon ventre alors arrondi et tendu.
Ventre aujourd'hui qui était redevenu plat, bien que ma silhouette gardait en mémoire mon accouchement avec une poitrine et des hanches légèrement plus rebondies qu'auparavant.

Incapable de poser des mots sur un vélin sans y verser dessus toutes les larmes de mon corps, j'ai finalement décidé d'opter pour un autre moyen que je sais être d'une efficacité redoutable, afin de le prévenir que non seulement je suis en vie mais notre fille également, par un autre biais...Le flair de mon Danois a toujours été infaillible pour suivre la trace de Niallan, mais aujourd'hui, alors que je ne passe pas une seule journée sans parler à Anna de son papa, j'ai longuement préparé Apollo en lui confiant une expédition de la plus haute importance, vitale, lui nouant un chausson d'un rose pâle, tel un petit bouton de rose à peine éclos à son collier, alors qu'à l'intérieur, bien lovés dans un petit étui de soie d'un rose tout aussi pâle, sont déposées avec un soin particulier, quelques toutes petites mèches de cheveux blonds duveteux.

Je sais mon fiancé doué d'une intelligence au-dessus de la moyenne, nul doute qu'il comprendra le message muet que je lui adresse. La question est de savoir si lui, sera apte à me pardonner ma connerie comme j'ai su lui pardonner toutes siennes. Car je savais que quelques jours encore avant ma fuite, il avait déconné. Encore une fois. Au moment où j'avais le plus besoin de lui. Peut-être inconsciemment cela avait-il ajouté à ma panique et précipité ma fuite.

Et c'est moi qui m'en voulait aujourd'hui parce que je le voulais près de moi pour la naissance de notre fille, je voulais qu'il soit là ou tout du moins, pas trop loin, pour pouvoir porter dans ses bras le fruit de notre amour, et savourer cette naissance tant attendue. Et au lieu de cela, j'avais fui en voulant le protéger de cette mort certaine qui m'attendait. Je réalisais seulement aujourd'hui que cette morte que j'avais vu et rêvé tant de fois ces derniers mois, ce n'était pas moi, mais ma propre mère.
Je comprenais enfin qu'il était temps que je laisse le passé où il était, que je fasse réellement ce deuil maternel que je n'avais jamais su faire et dans les premières secondes où j'ai posé les yeux sur notre fille, j'ai réalisé que ce petit bout de chou, venait de me guérir de mes peurs et culpabilité les plus atroces. Hormis celle qui m'envahissait désormais et je savais que seul le Salaud de ma vie pourrait me l'ôter.

Anna en souvenir de sa première fille Lexianne dont il m'a longuement parlé. Et Gabriella, parce que je m'étais découvert une étrange et viscérale affinité quasi fraternelle avec Gabriel. Il n'avait jamais remplacé Gyl, mon frère jumeau, il ne le remplacerait jamais, mais je lui vouais un amour et une complicité fraternelle. Même Anzelme me manquait alors qu'il m'avait tabassé cette fameuse nuit où Niallan avait rejoint Maryah. Et aujourd'hui, alors que Niallan m'avait amplement prouvé l'amour véritable qu'il me voue, ou me vouait, vu ma dernière connerie en date, rien ne me disait qu'il m'aime encore, je percevais Maryah d'une manière différente, même si je lui en voulais toujours à elle alors que j'avais pardonné au Salaud de ma vie. Etrangement, si j'étais morte, je suis quasiment certaine qu'elle aurait pu élever notre fille avec Niallan s'il m'était vraiment arrivé malheur. Et qu'elle l'aurait aimé. Mais rien de tout cela ne s'était produit, et je me sentais encore plus démunie face à ma connerie.

La seule chose dont j'étais certaine, c'est que je souhaitais retrouver ce bonheur et cette complicité que nous partagions. Et plus encore, je voulais voir les océans de Niallan, s'illuminer de bonheur en découvrant les petites pupilles identiques aux siennes de ce magnifique cadeau, qu'au-delà de toutes nos conneries respectives, la vie venait de nous offrir. Et je me promettais une chose en moi-même, c'est que si j'étais amenée à de nouveau porter un enfant conçu avec Niallan, je l'obligerai dans les dernières semaines de grossesse à m'attacher à lui afin que même au plus terrible de mes peurs, je ne m'enfuis jamais plus.

Mais fallait-il encore pour cela qu'Apollo retrouve Niallan. Il avait fait l'exploit une fois et j'étais certaine qu'il saurait le retrouver de nouveau.
Mon Salaud était parti en laissant tout en l'état, il me fut donc facile de trouver de quoi donner à flairer à Apollo pour remonter la piste.

Et alors que mon Danois était parti sur les traces de Niallan, j'avais déniché l'une de ses chemises dont j'avais déchiré une manche et soigneusement - alors que je déteste coudre - confectionné un petit doudou qui reposait maintenant entre le petit poing serré d'Anna, qu'elle avait ramené d'instinct contre son visage.

Et pour la première fois depuis des mois, un léger sourire ému vint éclairer mon visage qui restait trop souvent totalement inexpressif. Seuls mes yeux parlaient à ma fille mais mon visage n'arrivait pas à se départir de la tristesse et de la culpabilité qui m'habitaient.

J'avais le sentiment qu'elle avait reconnu l'odeur de son père et que ce lien ténu était la continuité de ce sentiment d'amour familial qu'ils avaient commencé à établir, l'un et l'autre, quand Niallan glissait son oreille contre mon ventre, ou bien quand il passait de longs moments à me le caresser et à parler à notre fille.

Je venais de faire le premier pas sur le chemin du retour vers le bonheur et cet amour qui n'avait pourtant pas failli d'un iota alors que c'est moi qui m'étais enfuie.
Restait à voir s'il saurait retrouver lui aussi le chemin vers le bonheur que nous nous étions solidement construit.
Je serrais notre fille contre mon coeur avant de me caler dans un fauteuil et de lui donner le sein, respectant sans faillir ses heures de tétées, même si la nuit, je dormais peu pour satisfaire aux moindres de ses besoins.

Une fois Anna repue et endormie, je fis le tour du mas, prenant soin de bien boucler toutes les portes et fenêtres, car notre meilleur protecteur, à savoir Apollo, était en train de pister Niallan. Dont j'espérais avoir des nouvelles sous peu.

Cette nuit encore, je veillerai sur notre fille, sans moi-même m'accorder un véritable repos, mais c'était ainsi depuis sa naissance. Mes instincts sauvages prenaient le dessus et me permettaient de tenir le choc, même si le manque de Niallan était omniprésent à chaque instant.

Cette famille que nous nous construisions n'est aujourd'hui plus utopie, mais bien réelle. Je t'avais fait une promesse Amore mio, et même avec trois mois et demi de retard, je la tiendrais.



*Je t'en foutrais du bonheur !
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Niallan
[J'ai comme envie de n'importe quoi
Comme envie de crever ton chien
Comme envie de tout casser chez toi
Comme envie d'expliquer comme ça
Je peux très bien me passer de toi*]


Ça, c'est ce que j'ai pensé au début en voyant son chien arriver, sans elle. Quoi, c'est tout ? Elle se barre et elle pense que m'envoyer son clebs va suffire ? J'étais pépère du hamster, au bar, en train de descendre une pinte mais ça, c'était avant. Avant qu'elle décide de me faire ça. Je l'ai mal pris, j'étais complètement paumé et carrément secoué. La fameuse pinte que je descendais a fini éclatée contre le mur, j'ai repoussé Apollo et lui ai lancé un regard mauvais :

Viens pas m'emmerder, saloperie de bestiole. Va donc retrouver ta maîtresse.

Je me suis levé et suis parti dans la plus grande discrétion, si on oublie les chaises renversées sur mon passage et la porte claquée violemment. J'ai la rage. Elle a pas le droit de me faire ça. J'ai besoin d'explications et, jusqu'à preuve du contraire, son foutu cabot ne cause pas. Après tout ça, après quatre mois, j'ai besoin de plus. J'ai besoin d'elle. Je secoue la tête. Qu'elle aille se faire voir, j'ai comme envie de sang sur les murs. J'ai besoin d'air, pas d'elle.

Je tape un sprint jusqu'à... En fait, j'ai aucune idée de l'endroit dans lequel je me rends, je me contente de courir. Comme ce bon vieux Daniel, je cours pour courir, j'ai jamais gagné. En fait, j'ai tout perdu depuis qu'elle est partie, elle m'a tout pris alors qu'elle avait promis. Dents serrées, j'accélère le rythme de ma course. Elle m'a manqué chaque jour, je n'ai jamais cessé de lui en vouloir ; je l'aime de tout mon cœur, je la déteste de toutes mes forces. Je peux très bien me passer d'elle, j'ai pas assez d'elle. J'aime pas les contradictions, j'aime pas quand je suis pas d'accord avec moi-même. J'accélère encore, avant de m'effondrer, à bout de souffle, sur un talus. Fait chier.

Un regard circulaire m'arrache un sourire entre deux reprises de souffle laborieuses. Au moins, j'ai semé le chien. Et maintenant ? Je pourrais réfléchir la tête froide, profiter de ma sobriété pour avoir un avis éclairé. Alors pourquoi je fouille frénétiquement mes poches à la recherche de ma pipe et de mon opium ? C'est de sa faute, c'est elle qui me met dans cet état. Les mains tremblantes, je galère à bourrer ma pipe. Une fois que c'est fait, je tire dessus comme un malade pour l'allumer. Les premières bouffées ne me calment pas, les suivantes non plus. Ça s'améliore quand je perds le compte.

Elle m'a quitté, elle est partie. Sans rien me dire, avec notre enfant.
Elle a fait exactement comme Fleur, exactement comme Ali, alors qu'elle m'avait juré ne jamais, au grand jamais me faire le coup. Putain de merde... Mes poings se serrent, ma lèvre inférieure s'agite frénétiquement, je perds à nouveau le contrôle de mes émotions. Comme si ça suffisait pas, il faut que l'autre abruti à poil longs se ramène.

Non mais c'est pas vrai ! Je t'ai dit de te casser, en plus tu pues.

Il part pas, s'instaure entre lui et moi un dialogue qui donnerait à peu près ceci, en y ajoutant les aboiements. Il part toujours pas. C'est au moment où je m'apprête à lui foutre un coup de branche que je remarque ce qu'il porte autour du cou.

[J'ai découvert l'amour où il n'était pas censé exister
Juste devant moi
Ça m'a ramené à la raison**]


C'est avec la plus grande délicatesse que je détache le petit chausson du cou d'Apollo qui a étrangement arrêté d'aboyer. Les mains tremblantes, je caresse le tissu rose du bout des doigts. Alors elle est née, je suis Papa... Je l'imagine sans vraiment la voir, j'imagine ses tout petits pieds dans ses tout petits chaussons. Retenant les larmes qui me brûlent les yeux, je porte le minuscule chausson à mes lèvres pour y déposer un tendre baiser. J'essaye de deviner son odeur à travers toutes celles laissées par le voyage sans y parvenir. Je pince les lèvres, il me faut plus. J'essaye encore, et encore, sans réussir. J'ai peut-être l'air d'un dingue -comme en témoigne les exclamations des passants- mais c'est presque vital. Je sais rien de ma fille, absolument rien. J'ai que ce chausson alors oui, j'ai des exigences le concernant. Il ne les remplit pas et ça fait mal.

Si mal que des larmes de frustration roulent sur mes joues.
Si mal que je tire de trop grosses bouffées, jusqu'à tousser.
Si mal qu'Apollo en prend pour son grade lorsque je lui reproche de pas avoir pris soin du trésor qu'il transportait.
Et puis je la vois. Une petite mèche qui cherche à s'échapper. Mon cœur manque un battement, je tapote doucement le chausson afin que l'intégralité des mèches blondes tombent dans le creux de ma main. Pour vous, c'est sûrement que dalle mais pour moi c'est déjà beaucoup. Son visage se dessine avec un peu plus de précision, j'y superpose celui de Lexi et j'esquisse un doux sourire qui leur ait destiné. A mes filles, celle que je n'aurai plus jamais l'occasion de tenir dans mes bras et celle...
J'ai encore une chance.

Apollo, debout ! Allez, on y va !

J'ai encore une chance. Je cours, non pas pour courir mais pour arriver au plus vite à l'auberge. J'envoie valser ce qui encombre le bureau pour ne garder que mon nécessaire à écrire. Et j'écris. Juste quelques lignes, je suis pas capable de plus.

Citation:
Alaynna,

Reviens, je t'en supplie.
J'ai besoin de vous, j'ai besoin de la connaître.

Je te demande pardon pour toutes les conneries que j'ai fait, et pour toutes celles que je ferai. Je te demande pardon de ne pas être l'homme que tu mérites et je t'implore de me laisser être le père dont notre fille a besoin.

S'il te plaît, parle-moi d'elle, dis-moi comment elle va, comment elle est, comment tu l'as appelé.
Pour ce qui est/était de nous, on discutera et on rayera la mention inutile le moment venu.

Je vais en Bretagne. Rejoins-moi, avec elle. Je t'en prie.

Niallan.


J'accroche la lettre au cou d'Apollo et, après lui avoir répété plusieurs fois sa mission, je le laisse partir.


*Mano negra – Pas assez de toi (avec modification animalière)
**Traduction Amber run – I found

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Bannière réalisée par les grands soins de JD Calyce.
Adrianah
Si simplement j'avais eu le courage de le dire, si simplement j'avais ce courage à t'offrir,
Si simplement, tu avais le courage de le dire, si simplement tu avais, ce courage à m'offrir..[pour ne plus avoir peur..]


Quelques semaines plus tôt, dans un cimetière perdu quelque part en Italie, devant une stèle, l'Italienne, tenant contre son coeur cette petite vie nouvelle d'à peine quelques jours, est agenouillée et parle à une morte.


"- Je suis pas bien dans ma tête mammà, j'ai perdu le goût de la fête mammà. Regarde comme ta fille est faite mammà, je ne trouve pas de sens à ma quête mammà.
Et puis j'ai eu la chance de rencontrer Niallan, et aujourd'hui Anna-Gabriella est née. Regarde ta petite-fille mammà, regarde les plis de son front dans lesquels tu te caches inlassablement, elle a les yeux bleus oui, mais pas les miens, ceux de son père, les cheveux de son père, la tâche de naissance de son père ; mais elle porte nos gènes italiens, les traits de mon visage, la forme de mes lèvres, ce sourire qu'elle dévoile parfois durant son sommeil, tout ce que le Padre m'en voulait tellement d'avoir parce que je lui rappellais Toi. Il me déteste moi, sa propre fille, parce que je suis ton portrait craché, même ça tu en es la cause !
Dès sa venue au monde, Anna-Gabriella m'a guéri de Toi, m'a guéri de Moi, de toutes ces terreurs que tu m'as laissées lorsque tu es partie, lorsque tu nous a abandonné en nous laissant deux nouvelles petites vies, deux soeurs que j'ai détestées pour t'avoir enlevé à nous. Si tu n'étais pas morte, Gyl et moi n'aurions jamais été séparés, et je n'aurai jamais fui Niallan de peur qu'il ne me voit mourir en donnant naissance à son enfant. Ton dernier regard avant de mourir fut pour Gyl et moi, deux gamins terrés dans les escaliers, tu ne sais pas Mammà, le mal que ça fait, parce que jamais tu ne serais partie ainsi si tu avais su. Mais tu as perdu Mammà. Et Anna-Gabriella a gagné. Tout ce que tu m'as pris quand tu es parti, Anna-Gabriella me l'a rendu en voyant le jour. Le miracle de la vie.

J'ai merdé Mammà, j'étais tellement tétanisée de trouille, je pensais ma dernière heure venue moi aussi en donnant la vie, mais c'est fini, tu ne détruiras plus mon bonheur, je ne suis pas toi et jamais plus tu ne seras la cause des souffrances que j'ai pu faire endurer à l'homme de ma vie. Même si lui ne m'a pas épargnée. Je lui avais promis. Et j'ai failli à ma promesse envers lui mais j'ai tenu celle que je t'avais faite. Tu m'avais fait promettre de faire ma vie avec un Salaud, alors je suis venue te présenter Anna-Gabriella, notre fille, son père est le Salaud de ma vie. Et moi je me suis enfuie pour le protéger de ma mort, mais je ne suis pas morte. Je lui ai laissé croire que je l'avais abandonné pensant que ça lui ferait moins mal que de me voir mourir sous ses yeux, mais je ne suis pas morte Mammà. Je sais le mal que ça fait de voir mourir la personne à laquelle tu tiens le plus, je t'aimais Mammà, je t'aimais tellement et tu es partie, tu nous a abandonné à jamais. Pourquoi es tu revenue me hanter durant toute ma grossesse, jusqu'à me persuader que j'allais mourir moi aussi..
Je suis venue te dire que je m'en vais Mammà. Que tu appartiens au passé mais en aucun cas tu ne viendras hanter mes rêves et ma vie désormais.
Quand Anna-Gabriella sera en âge de comprendre, je lui apprendrai sa grand-mère, mais Mammà, toi et moi c'est fini. Laisse moi désormais vivre ma vie, je suis heureuse avec Niallan. Au moins pour ça tu avais raison, c'est bien auprès d'un Salaud, de ce Salaud ci que je suis faite pour vivre.
Tu peux te rendormir mammà, j'ai tenu ma promesse envers toi. Maintenant, j'ai une autre promesse à honorer. Cette promesse que j'ai faite et que je tiendrais envers et contre tout au Salaud de ma vie. Lui je lui ai pardonné les pires de ses trahisons à mon égard. Aujourd'hui, je te pardonne de m'avoir abandonné, de m'avoir privé de cette mère dont j'avais tant besoin. Remercie ta petite-fille, sans Anna-Gabriella, je n'aurai pas compris que le temps du pardon était arrivé. C'est aujourd'hui chose faite, je ne te dois plus rien. Rendors toi mammà..


J'étais sans doute totalement débile de venir parler à une morte et de lui présenter sa petite-fille, mais j'en avais besoin, il fallait que ce soit fait. Maintenant, c'était entre Niallan et moi. Et notre fille.


De retour sur Marseille.

[Un si joli bouquet, nos atomes accrochés...]


Je n'avais pas pu résister et je m'étais rendu à l'emplacement de notre ancienne taverne. Bien évidemment, il n'en restait rien, que quelques ruines calcinées. Anna bien lovée contre ma poitrine, je laissais ma main caresser son petit crâne, alors que les images de mes derniers instants dans cette taverne me remontaient en mémoire. Cette jeunette qui s'était foutu de moi en beauté, alors qu'elle passait ses journées entières à attendre Niallan dans notre taverne. Et elle pensait que je n'y avait vu que du feu. Niallan lui, avait fini par comprendre que je me doutais de quelque chose. Encore. Ce foutu instinct inné en moi. Dès qu'il faisait une connerie, je le sentais. Je revoyais cet instant où il m'avait demandé si l'on pouvait repousser notre mariage, il espérait que les absents ne tarderaient plus. J'ai accepté alors que je sentais mon coeur se broyer et oui, j'en ai voulu aux absents. Sans doute pour cela que je n'écries pas à Kachina, alors que pourtant je pense à elle régulièrement. Sans doute aussi pour ça que je n'ai pas encore trouvé le courage de prévenir Gabriel de la naissance d'Anna-Gabriella, parce que je ne sais que trop bien à quelles avalanches de questions j'aurai droit. Pour la même raison que je n'ai pas non plus répondu à la dernière missive de mon frère parce que Gyl aussi était absent alors qu'il aurait du être présent. Et pourquoi leur annoncer la nouvelle alors que même le principal concerné, n'est toujours pas prévenu de la naissance de notre fille. Quoique depuis qu'Apollo est parti sur ses traces, mon Danois a certainement du le retrouver.

J'ai réalisé après coup, que j'étais la reine des connes. Pour lui avoir envoyé Apollo. Enfin non. Pas du fait qu'Apollo soit sur ses traces, mais un simple chausson avec une mèche de cheveux blonds, j'aurai peut-être du joindre une missive. Mais c'était hors de mes forces.
Chaque jour qui passe depuis ma fuite, est une horreur tellement il me manque. Anna-Gabriella me maintient en vie, et Niallan aussi, malgré toutes ses conneries, mais ça, il l'ignore.

J'étais en train de chantonner tout doucement dans l'oreille de notre fille, une de ces berçeuses que j'avais pris l'habitude de lui chanter alors qu'elle était encore dans le creux de mon ventre quand j'ai entendu du bruit et que j'ai vu la porte s'entrouvrir et Apollo apparaitre. L'air éreinté, la langue pendante, le poil peu reluisant, l'oeil terne mais il était de retour. Le timbre de ma voix devînt rauque pour s'éteindre doucement alors que notre fille toujours dans les bras, je me laissais glisser plus que je ne m'asseyais à même le sol afin d'être à la même hauteur que mon Danois. Un simple coup d'oeil à son collier me fit comprendre qu'il l'avait retrouvé. Son collier était garni certes, mais le petit chausson avait disparu et à la place, un vélin plié avait pris place.
Anna-Gabriella bien calée dans le creux de mon bras, de l'autre main, j'offrais un calin à Apollo qui avait réussi sa mission avant de me décider à me saisir du parchemin roulé. Le dépliant, je n'arrivais pas de suite à le déchiffrer, parce que reconnaissant l'écriture de mon fiancé, mon coeur s'affolait déjà, le sang me montait à la tête et les larmes inondaient mes azurées.


- La mia cara, papà ci ha scritto. Ci chiede di raggiungerlo, si va a ritrovarlo, vai ad essere più felice delle piccole ragazze, vai a vedere siccome tuo padre è bello e quanto ti ama.


Même si le ton de la lettre restait flou, même si une partie de ses mots manquaient de m'arracher le coeur et me faisait flipper, il m'offrait une chance de rattrapper ma connerie. De retrouver ce chemin que la terreur m'avait fait fuir. Mais ce qui me faisait le plus mal, c'est qu'entre ses implorations, ses demandes de pardon, je prenais conscience qu'il souffrait autant que moi. Que l'on était deux gros cons autant l'un que l'autre, et que l'on pouvait nous remettre la palme pour ça.

J'allais le revoir. J'allais de nouveau retrouver ses bras, son souffle, son regard, sa présence. Et j'allais pouvoir lire dans ses yeux le bonheur d'être père. J'y lirai sans doute beaucoup d'autres choses encore et j'espérais pouvoir y lire également tout cet amour que j'avais pris l'habitude de voir dans son regard quand nous étions ensemble.

J'ai mis du temps avant de me décider à m'installer avec mon nécessaire d'écriture. En fait, il m'a fallu quasimment la journée complète, et plusieurs feuillets ont voltigés dans la pièce, car l'encre avait coulé sous mes larmes et je me refusais à lui envoyer un vélin larmoyant.

Aussi ce n'est qu'à la tombée du jour, que je réussissais à noircir le vélin.



Citation:
Amore Mio,

Si je te dis qu'elle s'appelle Anna-Gabriella me pardonneras-tu ?

Si je te dis qu'elle porte cette même tâche de naissance que la tienne, exactement au même endroit que toi ; qu'elle a hérité des mêmes yeux bleus que les tiens ainsi que de ta blondeur, me pardonneras-tu ?

Si je te dis que les traits de son visage sont aussi fins que les miens, que cette petite bouche ourlée qui sourit parfois délicieusement durant son sommeil ressemble étrangement à la mienne, que dans son sourire, je retrouve le mien, m'en voudras-tu ?

Si je te dis que je n'ai jamais vu un bébé aussi magnifique et adorable, qui me fait penser à toi à chaque seconde qui passe, m'en voudras-tu ?

Si je te dis qu'elle est née le 25 octobre, soit trois mois jour pour jour après que tu m'aies demandé en mariage et un mois jour pour jour après que tu m'aies demandé de le repousser, sur un navire, au beau milieu de l'océan, te demanderas-tu ce que je foutais alors à ce moment-là ?

Si je te dis qu'elle a cette manière de s'étirer comme un petit chaton tout en faisant la moue, qu'elle dort avec un petit doudou dans le creux de son poing qui n'est autre qu'un morceau de tissu de l'une de tes chemises, comprendras-tu combien tu nous manque ?

Si je te dis que depuis qu'elle est née, pas un seul jour ne s'est passé sans que je lui parle de toi, me croiras-tu ?

Si je te dis que je t'ai toujours pardonné, même jusqu'à ta dernière connerie quelques jours avant ma fuite, comprendrais-tu que tu n'as certainement pas besoin de m'implorer pour être le père de notre fille, puisque tu ES son père et que nul autre que toi ne peut prétendre à ce droit là.

Si je te dis Amore Mio, que je suis aussi conne que toi, m'accepteras-tu encore à tes côtés ? Si je te dis juste pour le moment que je ne me suis pas enfuie pour un autre, que jamais tu n'as quitté mes pensées, que j'ai perdu la tête en voulant te protéger de ma mort, me détesterais-tu toujours ?

Si je te dis qu'Anna-Gabriella va bien, que je suis revenue au mas et que j'ai fait un petit nid douillet pour elle en sauvant certains de tes ravages sur le berceau. Elle me réveille plusieurs fois dans la nuit pour téter et elle y va goûlument mais mes seins tiennent le rythme. Elle a cette manière rien qu'à elle de glisser son petit crâne contre ma peau nue et de poser sa toute petite main sur mon sein l'air de dire, ça c'est à moi, elle a le don de m'avoir sauvé lorsqu'elle est née, elle a mis longtemps à se décider à sortir, comme si elle attendait que tu sois là. Cette nuit là, il y avait tempête sur l'océan, elle est née non loin des Côtes Italiennes, mais en France. Elle a crié tout de suite, je crois que ce sera une sacrée chanteuse, elle a un beau brin de voix. Mais le plus impressionnant, Amore Mio, ce sont ses yeux. Rien qu'en me regardant, elle me fait chavirer, parce que ses yeux sont les tiens. Et...ça me prend aux tripes. Comprendras-tu combien tu nous est vital autant à elle qu'à moi ?

Vital au point de prendre la route dans la nuit. Je la protègerai sur les chemins, Apollo est un véritable chien de garde pour elle, Osfrid m'avait dit que cette race de Danois adorait les enfants, il ne m'a pas menti. Je crois qu'Apollo ferait tout autant un carnage si quelqu'un tentait de s'en prendre à Anna qu'à moi-même.
Quand à moi je redeviens un monstre sanguinaire pour la protéger. Il reste quelques chevaux de Camargue au mas, je vais prendre la monture la plus robuste et rapide pour te rejoindre.

Per favore, prendi cura di te . Prends soin de toi s'il te plait.

Alaynna.



J'aurai voulu lui dire combien je l'aime, combien je regrette, mais il n'a pas pris de mes nouvelles dans sa lettre il ne s'inquiète que de notre fille. Alors le sujet reste clos, inutile de lui dire combien mes nuits sont courtes, combien la tristesse et la culpabilité me ronge, combien de questions tournent dans ma tête, tout cela, je le lui dirai en face. Si j'en suis encore capable. Parce que je crois que je vais en prendre un sacré coup quand je le verrai avec notre fille au creux de ses bras, j'imagine déjà son regard et j'en ai des frissons, alors le voir réellement risque de me causer un sacré choc. Moi je sais qu'il va être un papa fantastique pour notre fille, depuis le début je l'ai toujours su même quand d'autres ont voulu me faire déchanter et m'ont peint un sale tableau de Niallan, je m'en suis toujours cogné. Parce que je l'aime à ma façon à moi, et que je sais lire dans son âme, le pire comme le meilleur. Et que de toute façon je l'aime pour le pire et le meilleur et je me fous de ce que les gens peuvent en dire ou en penser.
Je sais juste que si je perds cet homme, ce sont les flammes qui m'accueilleront pour danser.

Et c'est à la tombée de la nuit que nous prenions la route, montée à cru sur mon meilleur Camarguais, mes vieux réflexes de cavalière émérite prenant le dessus ; Anna-Gabriella bien lovée au chaud tout contre moi et sacrément protégée sous mon mantel, mon foutu tricorne sur la tête, Apollo fermant le petit cortège. Je n'avais pas prévu que c'est dans ces conditions là que je remonterai à cheval.

Et c'est sans un regard derrière moi que je prenais la direction des côtes Bretonnes. Tout ce qui m'importait, c'est que nous allions rejoindre toutes les deux, l'homme de notre vie.



Ma chérie, papa nous a écrit. Il nous demande de le rejoindre, on va le retrouver, tu vas être la plus heureuse des petites filles, tu vas voir comme ton père est beau et combien il t'aime.
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Adrianah
Il y a certaines expériences dont on ne peut trouver la cohérence. Il n'y en a pas, c'est comme ça, ça s'explique pas. Cette nuit, j'allais en vivre une. Au départ, tout s'annonçait très banal: un rêve incompréhensible où se mêlent alcool, chèvre à pois bleus et autres bestioles exotiques, ainsi qu'un soupçon d'escalade de figuier. Et puis ça s'est compliqué, la chèvre a laissé place au Danois, celle de la ritale et mes activités acrobatiques se sont remplacées par une proximité rêvée avec l'italienne. J'étais pas en colère, j'étais juste heureux qu'elle soit là, elle et l'étrange renard bariolé qui l'accompagnait. Je me suis raproché et je l'ai embrassé, sans hésitation ni retenue. Parce que ça fait des mois et moi, ça me met en émoi.

Cela faisait des heures que l'Italienne se tournait et retournait dans sa couche, pour finir par trouver quelques heures de sommeil, complètement épuisée nerveusement. Faut dire qu'entre sa rencontre avec le Corleone et le fait de se rapprocher de plus en plus de ce moment qu'elle imaginait de mille et une manière différentes pour ne plus l'imaginer du tout, ce moment précis ou son Salaud se retrouverait avec leur tout petit bout de fille entre les bras. Et le sommeil de l'Italienne n'était pas de tout repos, venaient s'y mêler et tournoyer le visage furieux et moqueur du Corleone et ça a fini par subitement faire un arrêt sur image et c'est le visage de Niallan qui lui est apparu. Comme ça, direct, sans prévenir. Et la Madone le regardait le souffle coupé, s'attendant à l'entendre hurler, vociférer, lui faire mille et mille reproches mais au lieu de ça, elle le voyait juste lui sourire et elle le sentait se rapprocher d'elle dangereusement, de plus en plus dangereusement, ce qui ne manquait pas d'éveiller tous ses sens, mis au repos depuis quatre mois d'abstinence. Et là, elle croyait avoir pris un ticket direct pour le paradis, parce que le blond venait de l'embrasser à pleine bouche, comme avant et l'italienne, loin de le repousser, s'était mise en oeuvre de l'embrasser elle aussi, quitte à en avoir le souffle coupé, mais du coup, elle éprouvait un sentiment de retour au berçail.

Je suis partagé entre deux envies contradictoires. J'ai envie de continuer à l'embrasser, de chasser ce foutu renard pour l'allonger sur l'herbe aux teintes roseâtres -oui, il se pourrait que j'ai fumé avant de me pieuter- et de rattraper tout ce temps perdu. Et puis j'ai envie de hurler, de lui reprocher de m'avoir privé de ça pendant si longtemps. Alors que ma main remonte rapidement sous sa chemise pour trouver sa peau nue, je me souviens qu'elle m'a pris trois mois de la vie de mon enfant. Je me souviens de ce que ça m'a fait et je l'ai mauvaise. Mes mains pressent plus fort son corps, il se pourrait que le peu d'ongles que j'ai cherche à s'imprimer dans sa peau, tout comme mes dents qui mordent sa lèvre plus fort que ce qu'elles devraient. Au bout d'un certain temps pendant lequel deux autres clients de l'auberge auront eu le temps de dépecer tout le produit de leur chasse -dont nous ne préciserons pas les proies-, je me suis reculé. Je l'ai regardée et j'ai dit:
"Tu sais, ça a failli me tuer. T'aurais pu au moins m'écrire un foutu mot, juste pour m'expliquer. Pas savoir, c'est ça qui était le pire. Je devenais fou.". En parlant de folie, une lueur y danse dans mon regard, quand il plonge dans le sien comme il l'aura fait tant de fois. J'ai envie d'elle comme rarement encore et ce n'est qu'au prix de multiples efforts auxquels contribuent des racines accrochées à mes chevilles, que je m'empêche de poursuivre la redécouverte de son corps.

Mais ce sentiment de retour à la maison s'efface soudainement alors qu'elle se revoit à Marseille. Tard dans la nuit alors qu'elle rentre dans leur taverne et qu'elle est envahie par un sentiment étrange qui lui broie les entrailles. Et il y a cette donzelle qui passe son temps dans LEUR taverne, qui essaie de l'amadouer, elle, la sauvageonne et qui lui parle de son fiancé en sortant comme ça d'un air inspiré, levant la tête du dessin qu'elle était en train de faire, que l'italienne est une femme forte et que si son fiancé l'abandonne, elle s'en remettrait. Et ça c'est le truc qui a mis le feu au poudre dans la tête déjà pas bien en ordre de la ritale. Et tous les jours elle voyait cette fille qui était dans leur taverne du matin jusque tard dans la nuit et la ritale se doutait bien que c'était pas pour lui faire la conversation à elle. Elle continue de croire en son Salaud, oh oui elle y croit et pourtant, elle manque s'effondrer alors qu'elle le regarde avec le sourire quand il lui demande de repousser leur mariage. Elle se revoit quelques jours plus tard à peine ressentir la douleur des premières contractions, et il y a sa mère, toujours sa mère , qui la hante, qui est là et qui ne veut pas partir et qui lui dit que ça ne sert à rien que de toute façon, elle ne connaitra pas leur fille parce qu'elle va l'entraîner avec elle, dans son nouveau monde. Alors la ritale n'a plus peur, elle est terrorisée. Elle relit encore et encore cette vieille missive de Niallan où il lui dit qu'il ne veut pas l'aimer parce qu'un jour elle va mourir et qu'il en souffrira. Et se tenant le ventre, elle court droit vers le port l'italienne, en faisant plus de haltes que de courses parce que bordel, elle aurait jamais cru que ça pouvait faire aussi mal et elle va mourir elle le sait alors elle refuse de mourir sous ses yeux à lui et un navire italien sera son ultime recours. Dans son sommeil, Alaynna tortille la chemise de Niallan qu'elle garde toujours sur elle pour dormir depuis qu'
elle est repassée par Marseille et couchée en chien de fusil, le corps se calme subitement alors qu'elle le voit de nouveau, là, tout près d'elle, qu'elle sent ses ongles s'enfoncer dans sa peau, ses dents qui lui mordent férocement la lèvre et elle se prend étrangement à ne pas vouloir qu'il arrête. Comme si elle avait besoin de se sentir malmenée entre ses bras. Et puis tout s'arrête de nouveau et elle entend sa voix alors qu'elle se perd dans les océans fous de son fiancé. Ce qu'il lui dit lui broie le coeur et les tripes. Et puis finalement, elle répond dans un souffle:

" - J'ai tué une partie de moi quand j'ai fui, tu as manqué me tuer en repoussant notre mariage mais je ne t'en veux plus pour ça, je ne t'en veux plus pour cette fille, et j'ai cru mourir, je ne voulais pas que tu me vois mourir parce que je ne voulais pas que tu souffres. Alors je me suis dit que si tu pensais que je t'avais abandonné tu serais tellement furieux après moi que tu n'en souffrirais pas. Mais je ne suis pas morte, quand j'ai compris que je ne mourrais pas, en fait c'est à l'intérieur de moi que j'ai crevé parce que j'ai alors compris ce que je t'infligeais, ce que je nous infligeais". Et je garde mes azurs rivés aux siens, avec le même manque de lui qui me taraude, et je l'empoigne par le col de sa chemise, là comme ça, mon regard tout aussi fou que le sien toujours accroché à lui.


Si l'italienne a ma chemise pour se réconforter, j'ai rien, que dalle. Même pas un foutu oreiller, merci les auberges campagnardes. Pourtant, j'en aurai bien besoin parce que ce que j'entends fait mal. J'ai toujours su que cette dernière connerie avait été celle de trop, sans jamais oser l'avouer à moi-même ou un compagnon de beuverie. J'étais parti sans même prévenir la fameuse donzelle, je ne lui avais plus écrit. J'avais merdé à un degré que je ne pouvais pardonner, je voulais oublier. Je voulais penser que c'était pas ma faute tout ce gâchis mais uniquement la sienne, pour une fois. Juste une fois, n'avoir aucun tort. Mais c'est pas le cas. Et ça fait mal, heureusement qu'elle m'empoigne par le col pour me permettre de ne pas vaciller. Dans mon sommeil, loin d'être aussi bien accompagné, il se pourrait que je me sois décalé, jusqu'à dormir à moitié à côté. Dans mon sommeil, je n'embrasse d'ailleurs personne, pas même mon oreiller. C'est dans ma tête que ça se passe quand, au lieu de répondre, je plaque mes lèvres contre les siennes, les entrouvrant pour distraire sa langue du prononcer de ces paroles qui font mal. J'oublie qu'elle est partie, c'est comme si elle avait toujours été là. Ce que le temps aurait pu effacer, nos corps s'en souviennent pour le répéter, conformément à notre volonté. Même le renard a compris, il est parti. Cela nous permet de profiter au mieux de l'étendue de l'herbe rosée ainsi libérée, même que c'est le pied. Pour préserver les chastes yeux, je ne relaterai pas ce qui s'est passé pour le corps du Niallan endormi.


Est-ce qu'à mon réveil je me souviendrais de ce rêve, je l'ignore totalement, mais ce qui est certain c'est que je me suis réveillée dans un état second, le corps hurlant ce manque de lui, se mêlant d'ailleurs aux pleurs d'Anna-Gabriella qui s'est éveillée en sursaut. Et c'est à peine si je sens des larmes couler sur mes joues alors que je suis déjà au-dessus de notre petite merveille et que dans son regard, je retrouve celui de Niallan. Je suis toujours aussi perdue et je m'en veux toujours autant et pourtant, je ne sais pas pourquoi, il y a comme une petite voix qui serine dans ma caboche que ça va aller...

Ecrit à quatre mains avec JD Niallan.

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Adrianah
[Mieux que nous] - M.Pokora -

Mammà chante en solo,
Mammà danse la valse toute seule,
Ses rêves d'enfants à l'eau,
Elle à l'amour en prison,
Elle n'a pas le temps pour le printemps
Garde son bonheur en détention,
Mes sourires font les siens en attendant.


Je fais comme si tout était normal. L'intérieur de mon être, mon sourire, mon regard. Rien ne laisse transparaitre mes émotions.
Le jour pointe à peine alors que nous pénétrons dans l'enceinte de la ville de Fougères. Les sabots du Camarguais, au pas, claquent sur les pavés bretons. Etrange cortège qui passe inaperçu à cette heure-ci, entre chat et chien ; chien et chat.

Je sens la petite main d'Anna-Gabriella chercher ma peau, et son tout petit corps s'étirer contre le mien, pour mieux s'y lover. En baissant mon regard sur elle, mes azurées se glissent au creux de ses océans. Pour le spectateur lambda qui pourrait apercevoir cette scène, seul le petit foulard rouge, rehaussé du minuscule bonnet de même couleur est visible, contre ma poitrine.
Mon Danois ferme le cortège, Apollo est d'ailleurs remonté à notre hauteur, calquant son pas sur celui du Camarguais.

Les auberges s'éveillent, dégageant des filets d'odeur culinaires qui s'échappent dans des volutes de fumée. Je vois une enseigne avec un bonnet rouge. Elle me plait bien. Puis le rouge ça me parle, c'est ma couleur. J'ai peut-être changé quelque peu depuis que je suis maman, mais ma connerie de superstition elle, est toujours là.
Alors je m'engouffre dans la cour de l'auberge. Après m'être assurée qu'Epo est correctement pris en charge dans les écuries, je demande une chambrée au tavernier. A l'étage. Pour veiller au confort d'Anna-Gabriella. Le rez de chaussée, ça me plait pas, c'est trop bruyant, trop fréquenté, et je veux la protéger de ça.
L'étage me parait plus calme, plus feutré. L'endroit potentiellement adéquat, pour squatter une auberge avec un nourrisson.

J'ai peut-être encore le Corleone à mes trousses depuis Angers, mais je m'en cogne. Si c'est le cas, il aura assuré mes arrières à défaut de l'escorte rapprochée que j'ai refusé.
Et quelque part dans la ville, j'ai un fiancé qui m'a demandé de le rejoindre. Et notre fille va retrouver un Père dont elle connait déjà la voix et l'empreinte des mains. Même si je la portais encore aux creux de mon ventre.


Papà si tu savais,
Comme elle manque de souffle.
Papà chante en solo,
Papà danse le tango le dos cassé,
Il a le coeur en prison,
Il n'a pas le temps pour le printemps,
Comme les promesses sont trahison,
Autant acheter du rêve aux enfants.


Un vent marin vient effleurer mon visage et faire jouer mes boucles brunes le long de mes épaules. Je porte sur moi les séquelles de mes bastons durant le trajet depuis le sud, mais je l'ai fait. Je ramène Anna-Gabriella à la maison. Je lui avais promis que je le laisserai être père, que je serai toujours près de lui.

Et moi je cherche mes pas entre leur valse et leur tango.
On est passé du printemps aux intempéries
J'ai le sourire en détention,
Il n'y a que leur réconciliation pour payer la caution.
Leur problème d'adultes je te jure, est une sale infection.
Mais ne me demandez pas de choisir, je les aime d'un amour indivisible
Qu'ils se fassent la guerre ou pas,
Je sais que ces deux soldats ont mon bonheur pour cible.


Et je tiens toujours mes promesses. Même si je suis à la bourre pour le faire.

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