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[RP] Si tu veux qu'on s'apprenne..

Adrianah
[Le monde.]

Au tout début, quand on s'est connu, ça va faire...trois ans... il m'a dit que je manquais d'assurance mais que je lui plaisais. Il m'a fait passer pour sa compagne, pour de faux et j'étais loin d'imaginer qu'un jour, j'allais réellement le devenir.
Il est le tout premier à avoir posé sa main dans le creux de mes hanches, et à avoir touché ma nuque. Mais surtout et plus que tout. Il est l'homme qui m'a donné mon tout premier baiser. Ce jour là j'ai laissé ses lèvres toucher les miennes et c'en fut fini de moi. Même s'il y a eu un Corleone un peu plus tard,il ne faisait pas le poids face à Niallan.
Depuis ce tout premier baiser je l'aime. Même s'il m'a fallu du temps pour le comprendre. Même si avant que lui aussi le comprenne, on s'est perdus, retrouvés, puis reperdus quand il était parti vivre avec une morte, puis retrouvés, Et on s'est avoués notre amour, et nous avons conçu une petite merveille et il m'a demandé de l'épouser, j'ai dit oui. Je lui pardonnais toutes ses conneries et puis je me suis enfuie sans le perdre alors que lui croyait m'avoir perdu, pour le protéger de ma mort.


Aujourd'hui, je viens de le retrouver et de lui mettre notre enfant dans le creux de ses bras. Une seconde naissance, j'avais jamais rien vécu d'aussi émouvant de toute ma vie que de le voir découvrir notre enfant. Même si Eliance a voulu lui faire la surprise et nous avait cachées Anna et moi sous sa cape. Enfin elle nous l'avait balancé dessus. Et m'avait interdit de bouger et de parler ! Je l'aime bien Eliance. On a plein de choses en commun elle et moi ouai !
Et puis devant cette autre femme qui s'est pointée, et qui lui posait plein de questions que ça ne la regardait pas d'ailleurs ; il a dit que le mariage n'était plus à l'ordre du jour et qu'il ne m'aimait plus. Et puis après, alors que je sentais tout qui s'effondrait autour de moi et que je me sentais glacée jusqu'au tréfonds de mon âme, que je commençais à penser à un grand feu de joie dans lequel aller danser, la femme est partie. Et il m'a alors dit qu'il avait menti à la femme mais qu'à moi il ne me mentirait pas. Jamais. Parce qu'on s'est toujours tout dit.

Et là, je l'ai entendu me dire qu'il m'aimait toujours. Comme un fou. Qu'il n'avait jamais cessé de m'aimer. Qu'il avait juste besoin de temps parce qu'il se sent paumé. Mais je pouvais toujours pas le regarder dans les yeux.
Que j'arrive pas à regarder un gamin dans les yeux ou à tenir dans les bras un bébé autre que notre fille, ça, c'est tout ce qu'il y a de plus normal chez moi. Et puis ça risque pas de changer surtout depuis que j'ai croisé le Corleone qui m'a reproché la mort des mini-Corleone qui ont jamais vu le jour et qui m'a dit que c'est moi qui devrait être morte et pas eux. Alors voyez, même si Anna-Gabriella m'a guéri de bien des peurs, je sais pas si elle arrivera à me guérir totalement. Mais je m'en cogne parce que maintenant je peux tenir un bébé dans mes bras et je sais que quand elle va grandir je pourrais la regarder dans les yeux. Et je m'en fous si c'est qu'avec elle ou nos éventuels autres enfants que je peux le faire.
Eventuellement je pourrai essayer avec le fils de Niallan qui est là. Il me l'a dit et Neijin m'a dit que c'était le petit garçon que j'avais aperçu la veille au soir. Celui qui parlait d'ogresse qui mange les enfants. De toute façon, je ne l'ai regardé que du coin de l'oeil et de loin, et que ce soit le fils de Niallan ou un autre gamin comme celui qui est arrivé après, c'est tout pareil, je suis incapable de regarder un enfant dans les yeux.

Mais ça m'était encore jamais arrivé de pas pouvoir regarder Niallan dans les yeux. Et il s'est alors passé un truc de bizarre. C'est que c'est lui qui m'a regardé dans les yeux. Genre il a vraiment obligé mes yeux à me perdre dans les siens. Et là...je l'ai entendu me dire ...PAUSE...
Et j'ai senti sa bouche qui venait de fondre sur la mienne. Et c'est une tornade qui a suivi. Mais j'vous détaillerai pas la tornade, j'vous dirai juste qu'elle a tournoyé looongtemps avant de nous épuiser. Parce que ces moments-là, entre mon Salaud et moi, je veux les garder pour nous, rien que pour nous.

Et finalement, lui et moi, on a pas vraiment causé. De choses importantes. Mais on progresse, puis j'ai confiance en lui.

Il est mon évidence, celui à qui je pardonne toutes ses errances. Celui en qui je garde confiance, faisant fi de ses conneries.
Parce qu'il est mon soleil, mon jour de chance, celui qui m'a demandé ma main.
Parce qu'il est le papa de notre fille, de notre petite princesse pirate d'amour.
Parce que je veux être là quand il dort, quand il rêve, quand il plonge dans ses conneries.
Parce que je veux savoir ce qui ne se dit pas et que ça reste entre nous, comme on le fait toujours.
Parce qu'hier on s'est engueulés et qu'on a fait une pause.
Parce qu'il a manqué me faire tomber dans le précipice et qu'il m'a rattrappée au vol.
Parce que j'ai envie de lui coller des mandales pour sa connerie marseillaise et pour ce qu'il m'a fait hier devant cette femme en taverne.
Parce que depuis qu'on a fait notre pause, j'ai plus vraiment envie de le cogner. J'ai juste envie qu'on en fasse des multitudes d'autres, entre nos discussions et nos engueulades.

Parce qu'en rentrant d'aller étudier les cailloux bretons avec Calyce, je les ai trouvé tous les deux endormis dans les bras l'un de l'autre et que j'ai souri connement en restant debout près de la couche. Un long moment. A regarder notre fille et son père. Anna-Gabriella, lovée contre le torse nu de son papa, elle dormait et un petit brin de sourire venait parfois fleurir sur ses petites lèvres, sosies des miennes. Son bras à Lui, reposait tout autour d'elle. Protecteur, aimant.
Parce que j'ai senti mon coeur rater des battements en les regardant tous les deux et que des larmes d'amour et de culpabilité ont fait céder la digue en moi.

Si Catalyna avait été dans le coin, je suis sûre que j'aurai alors couru la voir pour lui parler. La Russe est la seule amie que j'ai. Mais Gabriel et Cat sont pas là et sont trop loin pour que j'ai le temps d'aller leur parler avant la tétée d'Anna-Gabriella.

Alors je suis allée chercher Epo et j'ai laissé mon Danois avec Niallan et Anna.

Epo, c'est le Camarguais qu'Elvire m'avait ramené au mas à Marseille. J'ai une prédilection pour monter à crû, je supporte pas de voir un cheval sellé. Et les mains emmêlées à sa crinière, nous avons galopés à fond de train en longeant la côte. Et je ne me suis arrêtée qu'une fois arrivée dans le coin le plus sauvage. Juste devant moi il y avait les falaises et en dessous l'océan qui vient se fracasser contre les rochers. Et j'ai vu une espèce de tout petit chemin escarpé qui descendait dans les roches. Je l'ai suivi avant d'arriver devant ce qui ressemblait à une espèce de grotte dans laquelle je me suis réfugiée, le temps de m'apaiser. Je voulais allumer un feu mais je me suis retenue de le faire et je me suis rapprochée de l'entrée de la grotte, laissant les embruns et les éclaboussures des vagues marquer leur empreinte sur ma peau et mes vêtements.
Je ne sais pas si ça m'a vraiment fait du bien. Parce que je m'en veux toujours autant. Et je suis remontée, non pas parce que la marée était en train de monter, mais parce qu'il serait bientôt l'heure de la tétée d'Anna-Gabriella.

Et je m'en suis retournée auprès d'Eux, les cheveux humides et les joues rougies par ma course folle avec Epo.

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Adrianah
[Je ne veux pas mourir dans tes yeux. Comme je suis désolée...]

Mais. Je veux mourir. Et ça c'est un fait.
Je veux mourir mais je ne peux pas mourir.
Une aussi belle contradiction que Niallan, le père de notre fille, qui me dé-fiance mais qui me dit être certain qu'il m'aime aussi sûr qu'il est certain d'être con. Alors là, forcément, je sais qu'il ne me ment pas. Il ne m'a jamais menti de toute façon, on se dit toujours tout lui et moi. Je sais qu'il m'aime comme un fou.

Je suis pourtant descendu dans la grotte avec la ferme intention d'en finir. Et j'ai allumé un feu. Apollo m'avait suivie cette fois, et Anna devait être entre les bras de son père, qui l'adule déjà.

Je suis restée longtemps devant ce feu qui ne me réchauffait en rien. Accroupie durant des heures, j'avais entre les mains une lettre de l'une de mes soeurs qui m'était parvenu tôt dans la matinée, mais dont je n'en avais pipé mot à personne. Et mon âme était glacé, mon corps l'était tout autant. Pourtant, si la veille j'avais pleuré durant des heures, aujourd'hui, il n'en était rien. Je n'avais plus de larmes. Mais j'avais l'envie de hurler. Encore et encore...et encore. Pourtant, cette fois non plus, je ne l'ai pas fait. Je suis resté muette, accroupie devant ce feu dardant mon regard non pas sur les flammes, mais vers l'entrée de la grotte, là où venaient s'écraser avec fracas les vagues, et que des gerbes d'écume se trouvaient projetées violemment non loin de moi.

La veille Niallan m'avait lâché sa bombe, me tuant littéralement à l'intérieur, alors que mon enveloppe charnelle elle, continuait de vibrer.


Amore mio. Mon amour, mon ami, mon amant, j'avais juré la main sur le coeur, de ne rien te promettre. Les seules promesses que tu as su m'arracher, c'est de ne plus jamais me refaire du mal en allant jouer avec le feu, et celle de ne jamais te quitter et de te laisser être père. Toi tu m'avais promis qu'Anna porterait ton nom et l'on devait s'épouser.

J'ai pas promis de ne pas mourir.

Je laisse mes azurs s'en mourir sur les quelques lignes écrites du Béarn. Et une plainte étouffée s'échappe de mes lèvres, avec cette putain d'envie de gueuler qui me noue les entrailles.
Mon jumeau, mon Mien, mon corps perdu est porté disparu. Je viens de me prendre deux coups à la suite et croyez-moi, ceux que j'ai ramassé sur la route comparés à ces deux là, que Niallan et mon propre frère viennent de m'asséner, ce n'est rien. Même la haine du Corleone à mon égard même si elle m'a secouée, réveillant mes pensées de mère infanticide, elle n'est rien à côté du reste.

Mon regard s'est reporté sur les flammes, mes mains dansant au-dessus dans une danse complètement désordonnée. Je veux crever. Mais si je crève je ne tiens pas l'une de mes promesses et ça m'emmerde.
Je veux crever. Mais toute mon enfance défile alors sous mes yeux et revois ma souffrance lorsque j'ai perdu ma mère et tout ce que je n'ai pas pu vivre avec elle parce qu'elle nous avait laissé. Elle est morte sous mes yeux et j'ai mis 14 ans à lui pardonner cet abandon.
Je ne peux pas faire ça à Anna-Gabriella. Je ne veux pas qu'elle souffre comme j'ai souffert de ne plus avoir sa mamà. Je ne veux pas qu'une autre femme que moi l'élève. Je ne veux pas que son père culpabilise toute sa vie parce que je me serai donné la mort à cause de ses conneries.

Mais. Même si je ne le fais pas, j'ai envie de mourir. Mon âme est morte depuis que Niallan a prononcé ces mots. Je donne le change, j'essaie de ne rien montrer mais je ne tiendrai pas longtemps. Je ne crois pas. Pas alors que je viens de perdre les deux hommes de ma vie. Je m'imagine que c'est ma faute si mon frère a disparu. Il n'aura pas digéré la naissance de sa nièce, le déshonneur que je viens d'abattre sur la famille.

Machinalement, j'ai sorti de ma besace deux cordons de chanvre que j'avais teint en noir il y a déjà quelques temps et j'y glisse des perles de murano dessus. Des rouges. Des noires. Et sur l'un, le plus petit, j'y glisse deux petites lettres de cuir, entrelacées l'une à l'autre. Un N et un A. Ainsi, même si je ne tiens pas ma promesse et que je meurs, Anna aura un souvenir de sa mère. En gardant les initiales des prénoms de son père et de sa mère entrelacés sur son coeur.
Et comme je suis une grande couillonne, j'ai aussi glissé des perles rouges et noires sur le cordon plus grand, y glissant cette fois deux lettres de cuir. Un A et un A. Pour que Niallan garde toujours sur lui l'empreinte de nous deux. Anna et moi. Même si je sais qu'il a jeté l'autre collier sur les chemins quand il a cru que je l'avais abandonné.

Je suis restée longtemps devant le feu et puis j'ai vu Apollo s'agiter et commencer à couiner. C'est en regardant l'entrée de la grotte et le feu qui venait de s'éteindre que j'ai compris que la marée montait. Et que si nous ne remontions pas rapidement nous allions restés bloqués là. Et périr noyés. Je me suis relevée mais je ne bougeais toujours pas, regardant peu à peu l'eau qui montait et qui avait maintenant atteint mes mollets. Apollo s'est mis alors à aboyer, ses aboiements résonnant furieusement sur les pierres emmurées de la grotte. Mon Danois me regardait et s'était posté à l'entrée de la grotte. Alors je suis remontée. Et j'ai rejoint l'auberge, les bottes et les braies à moitié trempées.

Je me suis changé avant d'aller chercher Anna et j'ai trouvé Niallan en taverne. Sa première question fut de me demander si je voulais toujours aller jouer dans les flammes. Le problème, c'est qu'il m'a regardé droit dans les yeux et forcément, je me trouvais obligée d'en faire autant. Je lui ai simplement répondu que je ne pensais pas que c'était une bonne idée. Mais cela ne veut pas dire que je n'ai pas l'envie de crever.

Et puis Eliance est arrivée. Elle a décidé de m'adopter tout récemment, je suis devenue sa soeur. Et une fois que nous nous sommes retrouvés seules, nous avons parlés. Beaucoup. Elle m'a parlé de son Diego, je lui ai parlé de mon Niallan. Elle m'a confié qu'elle voulait toujours mourir et je lui ai avoué que moi aussi.

Et puis elle m'est alors tombé dessus en me balançant quelques vérités bien senties au visage. Et voilà qu'elle m'a entrainé dans un plan à la Eliance. Au début je la regardais en secouant la tête et en lui disant que ça ne marcherait jamais. Je l'ai vu s'énerver. Elle m'a dit de me remuer, de me battre et de rattrapper mes conneries. Que j'avais merdé mais que ça se rattrappe toujours. Et puis que ça arrive à tout le monde de faire des conneries.

Et là. Elle m'a entraîné dans son plan. Je l'ai mis en application à la lettre près. Le seul hic, c'est que pour une partie du plan j'étais emmerdée parce qu'elle est bien gentille Eliance, mais elle ignorait que c'était mon frère qui m'achetait mes robes et que je ne suis pas une experte des toilettes. Alors je suis revenu lui demander son avis et ouai, elle est douée pour les conseils ma nouvelle soeur !

Puis elle s'est même proposé pour garder Anna ! Et j'ai zappé complètement qu'elle a dit qu'exceptionnellement elle la surveillerait de loin, et j'ai accepté.

Trop contente de pouvoir mettre notre plan à exécution. Là sur le moment, j'en ai même oublié que je veux mourir.

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Adrianah
[Aimer jusqu'à l'impossible,
Aimer, se dire que c'est possible.
D'aimer d'un amour invincible,
Aimer jusqu'à l'impossible,
C'est possible.
Aimer, malgré l'inadmissible,
C'est possible.
]


Autant il y a des soirées qui vous laissent planer sur un nuage, autant il y en a d'autres qui vous donnent l'envie de vous torcher la trogne et c'est ce qu'il s'est passé ce soir là.

C'est la couleur de l'enfer.

J'avais eu mon plein d'émotions depuis la veille au soir. Entre les révélations de Niallan, nos fiançailles, nos défiançailles, et nos épousailles à venir, les coups de gueule, les sous-entendus foireux qui n'en étaient finalement pas, les incompréhensions, les hystéries des uns et des autres, le mariage blanc, le gâteau, un suçotement de lèvres malencontreux, des excuses d'un petit gars, jusqu'aux excuses d'une Corleone assortie d'une bouteille de vin.

C'en était trop pour l'Italienne que je suis, et je m'en prend la direction, bouteille en main de ma fameuse grotte mais réalisant que je ne suis pas seule et qu'Anna s'agite contre moi, c'est sur la plage que je marche longtemps, ramassant quelques morceaux de bois flotté qui ne tarderont pas à égayer une jolie flambée.
No. Ce n'est pas ce soir que je briserai ma promesse et m'en irait danser dans les flammes. D'ailleurs ce soir, j'ai refusé d'apprendre mon art à Eliance. Faut pas déconner non plus !
Je me suis laissé tombé sur le sable et pendant que je donne le sein à Anna, bien protégée par son petit plaid, je commence à m'enquiller le contenu de la bouteille. Et pour une fois, Apollo n'est pas là. Il ne m'a pas suivie. Soit il est parti chasser, soit il est resté avec Percy.

Je me maries demain et je n'aurai personne pour me mener à l'autel. Vous me direz que je peux bien y aller comme une grande ouai mais voilà mon frère ne sera pas là et mon presque frère non plus. Pas de Gyl ni de Gabriel à l'horizon. L'un est porté disparu, l'autre est retenu par ses affaires en Bourgogne. Et pas de Catalyna. Elle devait m'organiser le plus bel enterrement de vie de jeune fille jamais vu. Elle me l'avait dit !

Je le savais que ce serait une journée de merde, surtout quand j'ai vu mon ex-mari se pointer. Le Corleone a ouvert sa grande gueule, putana mais ils ont tous des gouailles infernales dans cette famille ou quoi ? Aujourd'hui je me suis farcie la grand tante et le petit neveu Corleone si j'avais bien suivi les cours de généalogie Corleone auxquels j'avais eu droit la veille.
Et j'ai cogné. Parce qu'il m'a gonflée, parce qu'il a insulté Niallan et parce que j'aime pas que quand je dis non, on s'imagine que c'est oui.

Je regarde tanguer les vagues, le problème c'est que depuis ma grossesse j'ai tendance à avoir l'ivresse facile. J'ai perdu de la force, je tiens plus l'alcool comme avant et bordel de m.ierda, mon frère n'est pas là. Mon corps perdu s'est définitivement perdu par ma faute. Il aurait du être là ! Je me dis que peut-être de là où il est, il va voir qu'Anna ne sera plus une bâtarde demain et qu'alors il va revenir. Peut-être que demain dans l'église je le verrai apparaitre. Ouai voilà. Il va me faire la surprise, il va se pointer demain au tout dernier moment ce con !

J'ai descendu un peu plus la bouteille, y'a pas que les vagues qui tanguent maintenant, et je m'allonge sur le sable, tout en parlant à Anna. En lui disant la chance qu'elle a d'avoir un papa formidable, même si c'est un Salaud de première, elle a son papa qui va demain nous donner son nom mais surtout le lui donner à elle pour que plus jamais elle ne soit une bâtarde. Je lui raconte la soirée de la veille. Enfin je lui dis pas tout non plus, y'a des choses que je garde pour moi qu'elle a pas besoin de savoir et que je veux pas qu'elle sache. Parce qu'alors elle comprendrait que sa mère est aussi tarée que son père. Et je préfère qu'elle croit que son père est le plus taré des deux.
Et le plus beau, et le meilleur des papas. Et puis je lui parle aussi de son grand frère même si c'est que son demi-frère et je lui dit que tout se passera bien avec lui, qu'il lui apprendra plein de trucs de garçon et qu'elle pourra l'emmerder avec plein de trucs de fille. Et je lui raconte tout ce qu'on faisait avec Gyl quand on était enfant. Et je sens même pas que je pleure alors que je continues ma picole et mon discours. Le truc c'est qu'une bouteille ça se vide vite j'aurai aussi du embarquer celles d'Audric et de Calyce. Et puis pourquoi qu'elle en a pas laissé une pour Eliance aussi ! Je l'aurai embarqué tout pareil.

Je me murge non pas parce que Niallan n'est pas près de moi ce soir, mais parce que mon autre Mien, mon Corps perdu lui ne l'est pas. Putana Julian, pourquoi tu me fais ça maintenant ! Je me marie demain. C'est ton rôle de me mener à l'autel m.ierda !
Tu avais pas le droit de me laisser encore une fois ! Tu avais pas le droit de partir comme ça ! Et là je commence à comprendre. Comme notre mère n'a pas réussi son plan foireux pour m'emmener avec elle, et que je suis allée sur sa tombe lui montrer Anna-Gabriella et lui demander de nous foutre la paix, elle s'est tourné vers mon frère pour l'emmener avec elle !

Peut-être alors qu'ils seront là tous les deux et qu'ils se cacheront pour assister à notre mariage.

Je ne savais pas que l'on pouvait pleurer toutes les larmes de son corps sur l'épaule d'une petite fille de quatre mois. Et c'est pourtant ce que j'ai fait cette nuit là.

Pour enterrer ma vie de jeune fille.


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Adrianah
[Un jour ou l'autre...] - Isabelle Boulay -


Puisque tu sais le temps qu'il m'a fallu, pour arriver au coin de ta rue.
Puisque derrière tes paupières baissées, tu as suivi les routes où j'ai marché.
Je garderai tous ces morceaux de nous, que tu as laissé cassés un peu partout.
Un jour ou l'autre on se retrouvera comme un matin d'enfance.
Un jour tout autre on se reconnaitra pour une autre danse.


J'avais entamé ma lettre ce matin, alors que je m'étais installée à l'une des tables de la taverne. J'avais laissé Niallan endormi, mais Anna-Gabriella était avec moi. J'avais besoin de la sentir contre moi pour trouver le courage d'écrire à Julian.
Et puis la porte s'était ouverte sur Percy. Le fils de Niallan. Percy qui était devenu depuis hier mon beau-fils, mais je n'avais pas encore posément réfléchi à la chose.
A vrai dire, je n'y avais même pas réfléchi du tout.
Si dans ma tête, il était très clair que jamais je ne séparerai le père et le fils, ni ne prendrait la place de sa mère, j'avoues que j'ignore totalement en quoi consiste le rôle de belle-maman. Et avec ma culpabilité ambulante et ma trouille des gamins, je n'en remercierai jamais assez le Corleone, j'étais loin d'avoir ce genre de préoccupations en tête.
J'avais passé toute une partie de la matinée de la veille, a discuter avec Percy et à lui proposer de venir à notre mariage. J'avais même été jusqu'à lui demander s'il voulait tenir Anna dans ses bras. C'est pour dire que j'avais sacrément pris sur moi, surtout pour la petite, parce que j'arrive tout juste à la lâcher pour la laisser dans les bras de son père. Sauf cas exceptionnel, comme lors de notre soirée surprise. Grazie tata Audric ! Calyce a dit que c'était une tata et pas un tonton.
Mais Percy n'avait pas voulu ni venir au mariage, ni tenir Anna dans ses bras. Je n'avais pas insisté mais j'avais eu la surprise de voir qu'il acceptait de me montrer son cheval un de ces jours. Et je fus tout aussi surprise de le lui proposer alors que je n'arrive même pas à regarder le gamin dans les yeux. Quand je lui parle, soit je regarde ses cheveux, soit ses mains, soit je déporte mon regard sur tout et rien mais surtout pas ses yeux.
C'est pas la faute du tout de Percy, c'est juste que depuis ma première fausse couche c'est comme ça. Et que cet espèce d'foiré de Corleone a bien ravivé ma culpabilité comme s'il m'avait marqué au fer rouge. En me balançant que c'est moi qui aurait du crever. Je crois que celui là le mot Pardon, il connait pas. Pas comme sa grand-tante qui elle au moins, même si elle l'a fait avec une bouteille de vin et sans prononcer d'excuses, l'a fait quand même !
Et puis avant-hier on a fait un peu connaissance avec Percy. Lui étant certainement sur ses gardes vis à vis de moi, comme moi je le suis avec lui. Je crois qu'on appelle ça s'apprivoiser mais je suis même pas certaine qu'on en soit encore à ce stade lui et moi. Et c'est comme ça que j'ai appris que Niallan s'était marié avec Neijin en blanc.
Sur le moment j'ai cru me liquéfier sur place en entendant le môme, parce qu'en plus il me disait que le mariage c'était pas le lendemain mais qu'il avait déjà eu lieu ; mais il a ensuite parlé de farine et de miel qui colle. Je suis peut-être par moment pas bien nette dans ma caboche, mais j'ai quand même compris qu'il parlait de la petite séance de gâteaux.
Et j'ai aussi compris par la même occasion, parce que je sais réfléchir, que ça devait sacrément l'emmerder, peut-être, que son père m'ait épousé moi et pas Neijin. Mais j'ai employé la méthode qu'Audric m'a soufflé l'autre soir : pas faire attention et ignorer et tout de suite, je me suis sentie mieux.
Et ce matin donc Percy m'a demandé si je pouvais commander pour lui au tavernier un bol de lait. Au final, c'est moi qui le lui ait préparé son bol de lait, avec un peu de miel comme il le souhaitait. Puis on a discuté pendant qu'il jouait. On a parlé cabane, chevaux, dragons entre autres choses. Puis il est parti réveiller son père et Anna et moi on s'en est allées sur la plage.

Il y avait un petit vent qui soufflait, alors je l'ai bien enroulé dans son petit plaid et j'ai vérifié que son petit foulard lui couvre bien les oreilles.
Et de ma main libre je me suis remise à ma missive pour mon frère.

Citation:
Julian.

Il parait que tu as disparu, que tu es introuvable. Il parait aussi qu'hier j'avais grand besoin de toi et que tu n'étais pas là. C'est pas parce que tu as une nièce/filleule qui est pas née dans les règles de l'art que tu as le droit de me faire des frayeurs pareilles ! Tu as pas le droit de m'abandonner encore une fois !

PUTANA DE BORDEL DE M.IERDA, tu me fais quoi là Julian ?

Si tu as décidé de me faire ça parce que tu es fâché pour Anna, c'est bon tu peux arrêter tout de suite, il n'y a plus de bâtarde dans la famille. Nous nous sommes mariés hier avec Niallan et toi, TOI, tu n'étais pas là pour me mener à l'autel.

Et si c'est mammà qui t'a emmené avec toi, tu vas me faire le plaisir de lui dire qu'elle te laisse repartir sinon je raconterai des horreurs sur elle à Anna-Gabriella.

Julian, rameute ta putain de peau et raboule toi parce que j'ai besoin de toi ! Sur l'épaule de qui d'autre je vais pouvoir pleurer quand mon mari fera des conneries hein ! Dans l'oreille de qui d'autre que toi je pourrais glisser mes états d'âmes ? Gabriel est pas là, il est loin et de toute façon Catalyna me ferait la peau si elle me trouvait à chouiner contre l'épaule de son mari, même qu'il soit comme mon frère !
Alors magne toi de me ramener mon autre moitié de Corps Perdu.

J'ai besoin de toi. J'ai besoin de mon frère ! Julian per favore !

Ta metà.

Alaynna

PS : Si ça peut te faire arriver plus vite, sache qu'il y a ici aussi celui que tu t'es promis de tuer de tes propres mains. Je suppose que j'ai pas besoin de citer son nom tu sais de qui je parle. Tu vois, ça vous fait déjà un point commun avec ton nouveau beau-frère.



J'espérais vraiment que ma missive parviendrait à son destinataire. J'ai une autre lettre à écrire mais celle-là, je vais attendre d'en parler à mon mari avant, parce qu'il vient de me venir une idée. Une de celles que Niallan devrait adorer.


Par tes yeux vairons clairs, j'ai vu des arc-en-ciel,
Là où j'avais laissé fondre mes ailes.
Même si tu vis dans d'autres villes que moi,
Si chaque nuit, on s'éloigne pas à pas.
Même si j'ai peur des ombres qui s'avancent.
Un jour ou l'autre on se retrouvera pour une autre danse.

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Adrianah
[Resistance] - Muse-



Je m'étais carapatée de la taverne hier soir. Prétextant que j'allais coucher Anna-Gabriella et me pieuter aussi. Mais le truc. C'est que j'étais en train de suffoquer à l'intérieur de moi. A cause d'une putain de phrase sortie de la bouche même de mon mari.

Anna dormait comme un ange et moi je me tournais et me retournait dans la couche, sans arriver à trouver le sommeil. J'ai fini par me relever, je suis sortie de la tente et j'ai appellé Apollo. Je n'avais pas vu le Danois depuis deux jours et ça commençait à m'inquiéter. Mais je l'ai pas vu arriver.
Je suis repartie me coucher, et j'ai du finir par m'endormir mais mon sommeil était de nouveau depuis quelques temps, troublé par des images de flammes, de bébés morts qui revenaient pour me hanter et je voyais un visage masculin qui me regardait fixement et qui me hurlait que c'était pas eux qui auraient du crever mais moi. Et que je devais me sentir coupable, que tout mon entourage était des menteurs, que la culpabilité m'étoufferait et que j'allais en crever. 'foiré de Corleone, tu peux pas te la boucler. Depuis que j'avais revu le Rital, ces putains de cauchemars me torturaient la nuit. J'arrivais à dormir à peu près bien quand Niallan était là. Peut-être parce que je me sens en sécurité avec lui, j'en sais rien. Peut-être parce qu'il me protège même quand je dors entre ses bras.
J'ai du sacrément batailler avec moi-même parce que je me suis réveillée d'un coup, assise et en sueur au moment où toute une nuée de nourrissons allaient me sauter dessus pour me dévorer. Percy il a un livre qui parle d'ogresse qui mange les enfants, moi je rêve de bébés qui veulent faire de moi de la charpie. Et c'est flippant. Si, si, c'est vachement flippant. Et ce qui me fait encore plus flipper, c'est que Anna est réveillée et pleure et que je réalise que c'est l'heure de la tétée. Pour le coup j'en mène pas large et je déglutis, tout en me passant la main sur le front, puis je me penche au-dessus du berceau pour prendre délicatement ma fille dans mes bras.
Je tapote les oreillers pour bien m'y lover dedans, délaçant la chemise de Niallan que je porte toujours pour dormir quand il n'est pas là - et me demandez pas ce que je porte quand il est là, je dors toute nue ! - libérant ainsi un sein, mais je réalise qu'Anna y a tété la fois d'avant, du coup c'est au tour de l'autre.
Je ne peux m'empêcher de sourire quand je la vois enfouir sa tête contre mon sein, et de sa petite bouche, chercher le mamelon nourricier. Je déglutis encore un brin, la folle idée qu'elle puisse me bouffer le sein me traverse, mais Anna ne fait pas partie des bébés qui me font cauchemarder. Je sais très bien qui ils sont.
Et je réussis peu à peu à m'apaiser, savourant ce moment délicieux et fusionnel entre elle et moi. Et comme Niallan n'est pas encore rentré, je ne la recouche pas dans son berceau mais la love tout contre moi.

Quelques heures plus tard, j'étais en train de jouer à Hue dada avec elle en taverne quand j'ai vu Eliance arriver. On a papoté un peu et puis elle est partie réfléchir à un truc et moi j'ai bien calé Anna tout contre moi, refermant mon mantel sur elle et d'un pas décidé, je suis partie battre la campagne environnante en appellant Apollo. J'ai du gueuler pendant une bonne heure avant de débouler près d'un marais. Et c'est là que je l'ai entendu aboyer.

Ayé, Italienne en panique. C'est que mon Danois, j'y tiens, c'est mon second bébé !

J'avais beau avoir Anna près de moi, j'ai enfilé mon pas de course et je me suis mise à courir en gueulant plus fort et j'entendais ses aboiements se rapprocher. J'ai fini par le trouver. Et là. Je me suis statufiée. Madone en arrêt. Les yeux écarquillés, je regardais la scène devant moi. Apollo était couché et entre ses pattes, il était en train de léchouiller deux petits machins jaunes indéfinissables encore pour mon oeil ahuri. Où plutôt, je ne voulais pas croire ce que je voyais.
A quelques pas de là gisait un canard et un caneton un peu plus loin était k-put. Putana ! Apollo me jouait le père protecteur de deux canetons !



- Bordel, mais qu'est ce que tu as fait encore ?


Assurément, il avait du chasser les canards mais ces deux canetons là, il les avait épargnés. Je le regardais tout en soufflant sur le petit foulard d'Anna. Je me revois soudain à Narbonnes, sur cette plage avec Catalyna. Nous étions parties y pique-niquer toutes les deux. Elle avec Canard, ce petit caneton que la Russe avait recueillie et moi avec mon Danois. Et Apollo avait du assimiler ces deux canetons là à celui de la Russe, puisque je lui avais interdit de faire du mal à Canard en le lui faisant sentir et toucher sous le nez de la slave, qui me faisait une tronche d'enfer.

- Putana Apollo, tu sais que tu es con parfois ! On fait quoi maintenant de ces deux canetons hum ? Sont un peu trop petits pour finir à la brôche, ils caleront pas l'estomac.

Je me suis accroupie, et alors qu'Apollo me filait un coup de langue sur la main, je vois Anna qui tend son petit poing en se mettant à hahanner et tricoter de ses gambettes contre moi. J'aurai juré qu'elle tendait le poing vers les canetons. Si, si !
Et conne que je suis, parce que je cède tout à ma fille, je souris tout en prenant dans ma main les deux canetons.


- Bene. Tu es un peu trop petite pour t'en occuper, mais je crois que je connais quelqu'un qui saura le faire pour toi.


J'étais quand même un peu incertaine de moi, pas dit que Percy voudrait avoir un caneton et s'occuper de celui de sa petite soeur jusqu'à ce qu'elle puisse le faire elle-même. Mais comme je suis une grande couillonne comme à l'accoutumée, j'ai récupéré les petits, non sans plumer leur mère d'abord. Bah quoi, faut pas déconner, j'allais pas rater l'occasion d'élargir ma collection de plumes !
Puis je me penchais sur Apollo pour lui caresser la tête et l'engueuler à la fois, parce que je m'étais inquiétée pour lui. Avant qu'on s'en retourne vers le campement.


- T'as pas intérêt à recommencer ça. Les prochains on les laissera crever !
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Adrianah
[Sur la route] - Gerard de Palmas -

Et j'étais sur la route, toute la sainte journée. Je manque me faire éborgner par un piaf, alors que je marche sur la route, foutant des coups de pieds bottés à chaque caillasse qui vient se foutre sous mes pieds. Moi qui porte toujours les cheveux lâchés, je les ait attaché en chignon derrière la nuque. Jai enfilé à la hâte un bustier de cuir et de dentelle noir avec des braies et des cuissardes assorties, j'ai planqué des dagues un peu partout sur moi pour le cas où j'aurai encore le malheur de me faire attaquer et je porte le deuil pour la journée de ma fille et de mon mari qui se sont carapatés sans moi. Et le tout en déversant une floppée de jurons italiens tout en marchant d'un pas rageur.

Je réceptionne le pli, je pensais que c'était mon mari qui s'inquiétait mais NO, c'est pas lui. Et je me dis qu'il y en a au moins une qui s'est aperçu de mon absence et je souffle, m'arrête pour fouiller ma besace, chope un vélin et une plume au vol, plaque le vélin contre le premier tronc d'arbre que je trouve et répond rapidement à Eliance.*


Citation:
BORDEL DE PUTANA DE BORDEL DE M.IERDA !

Je vais le tuer. Je suis là demain et je fais un meurtre. Pas Niallan no quoiqu'il mériterait aussi avec ce qu'il m'a fait hier soir l'enflure. Embrasser Neijin sur le front, prendre notre fille, me faire un sourire et se casser. MEME PAS QU'IL M'AURAIT EMBRASSE LE SAGOUIN !
Pouviez pas trouver un autre meneur pour les chevaux que cet espèce d'endormi qui se réveille que la nuit à pas d'heure ?!!!
Il m'a embarqué mon mari, ma fille, mon chien et mon cheval ! Et moi je me tape la route à pieds ! Alors tu sais quoi ? Demain j'arrive et je le bute et je reprends mon cheval et je monterai pas sur un autre cheval que l'mien !!

Comment qu'elle va faire Anna pour manger aujourd'hui ?!! J'veux pas que ce soit Neijin qui lui donne à manger et mon couillon d'mari serait bien capable de lui demander. TROUVE UNE BIQUETTE ET RAMENE LA POUR ANNA puis tu dis à Niallan qu'il se démerde comme il veut mais il a intérêt à la faire téter LUI !

Saloperie ! Je te jure demain j'arrive avec le sourire et, foi d'Italienne, crois moi que ça va chier ! Je vais me le faire l'autre empaffé d'meneur de chevaux ! Et dis à Niallan que je me suis pas enfuie hein !et dis lui aussi que s'il fait la moindre connerie avec NOTRE fille, demain, je suis veuve ! Et toi tu te pends pas !

J'arrive !

Alala.


Le piaf s'en repart aussi vite qu'il s'en est venu et la Ritale continue d'avancer.
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Adrianah
[Tu es de ma famille, ] - Jean-Jacques Goldman -

Et crever le silence quand c'est à toi que je pense. Je suis loin de tes mains, loin de toi, loin des tiens, mais tout ça n'a pas d'importance. Et je cherche une image, et je cherche un endroit où tu dérives parfois.

Il n'y a pas d'étoiles dans le ciel puisque le jour est levé, mais j'ai allumé un feu.
Et j'avais arraché non loin de là des racines de guimauve que j'avais sucrées avec du miel que j'avais trouvé dans l'une des auberges que j'avais squattées avant que l'on prenne la route. Je suis pas une douée de la cuisine mais ça, je savais faire. Parce que mammà nous en faisait souvent quand on passait nos soirées près du feu et que je ne ratais alors aucun de ses gestes.
Puis c'est délicieux. J'en mets un tout petit bout sur mon doigt que je fais téter à Anna-Gabriella. Je la vois grimacer au début puis je souris quand elle tricote de ses minuscules gambettes contre moi et que je la vois ouvrir la bouche, genre qu'elle en redemande.
Ouai bon. Je les ai surtout préparés pour Percy, mais ça je l'avouerai jamais. Puis si je vois le p'tiot Corleone je lui en refilerai aussi. Pourquoi ce gamin m'a marqué dans le coin de la caboche, j'en sais rien. Peut-être parce qu'il croit qu'il me fait peur. Ou alors parce que ce 'foiré de Roman a raison, je vois en ce gamin ce que j'ai tué. Je le trouve beau Léandro. Très beau. Il est vif, tout plein de vie et quand je le vois j'ai les tripes à l'intérieur de moi qui se retournent de tout partout. Et ça fait mal. Alors qu'avec Percy, même si j'arrive pas à le regarder dans les yeux, c'est pas pareil. J'ai pas mal quand je le vois, je suis juste un peu mal à l'aise comme je le suis avec les gamins en général. Il est mignon aussi Percy, il ressemble beaucoup à sa maman physiquement, mais dans son caractère, il a des trucs qui lui viennent de son père. Et ça, j'en suis sûre. Aussi têtu que lui. Et capable de faire des conneries, tout comme lui.

Ouai. Comme Eliance est avec nous, il a décidé qu'il n'irait pas dans la charrette et qu'il monterait Zéphyr. Alors on s'est mis d'accord lui et moi pour que Zéphyr soit à côté d'Epo. Peut-être que nos deux chevaux se feront la conversation comme ça. Et Percy et moi on va jouer au chevalier.
Peut-être que ça fait partie du rôle d'une belle-maman de jouer avec le fils de son mari. J'en sais rien, j'ai jamais fait avant.
Mais je fais des efforts.
Et vu ma trouille des gamins, je fais même des gros efforts. Et je le fais pas parce que j'ai épousé Niallan ou pour lui faire plaisir. Je le fais parce que dans le fil de nos discussions, j'ai compris que le gamin il se sent complètement perdu au milieu des histoires de grands, et que d'expérience, je sais que quand on se sent perdu, bah on fait des conneries. Pas pour rien que gamine j'accumulais fugue sur fugue. Et faut croire que ça m'est resté vu la dernière en date que j'avais fait à Marseille.

Mais je me soigne.

La preuve, hier Niallan m'a avoué qu'il a aheumé avec Neijin. La veille de mon arrivée et la veille de notre mariage. Et putana, j'ai cru qu'il me tuait sur place. Pas à cause du aheumage en lui-même parce que je sais très bien comment est mon mari, et que je le laisse voler.
Mais parce qu'il a aheumé une autre femme enceinte que moi. Et ça. J'ai cru que j'allais y rester hier tellement j'ai eu mal. Mais je me suis pas enfuie. Parce que mon cerveau a assimilé que c'est pas son enfant à lui qu'elle porte, la jolie baleine blanche. Alors je crois que ça a aidé un petit peu à ce que je ne fasse pas de bêtise. Et puis le fait de lui en avoir castagné une bonne sur la mâchoire ça m'a un peu soulagé aussi. Même si ça n'enlève rien à ce qu'il a fait.
Parce que là, c'est pas une question de pardon. C'est une question de vivre avec et d'acceptation. Et je crois que ça va me demander un certain apprentissage. Parce que je l'aime d'une manière que personne ne comprend. A part Kachina et peut-être Eliance. Qui m'a demandé jusqu'où j'étais prête à aller pour mon mari et qui a tout noté. Sauf que je l'ai vu lui refiler le papelard après !

Je l'ai tellement vu malheureux par le passé mon mari, que je veux plus de ça. Je veux plus jamais voir cette lueur éteinte dans son regard. Je veux plus le voir se détruire parce qu'il est malheureux. Je veux plus souffrir parce que je le vois ou le sait malheureux. Il y a cette douleur toujours en lui qui ne partira sans doute jamais, de la perte de sa fille aînée. Mais j'ose espérer qu'Anna saura non pas lui faire oublier cette douleur, mais au moins la lui adoucir, et la muer en quelque chose d'autre.

Ouai je sais je suis très conne parfois. Conne au point de jouer d'abnégation et de tout lui pardonner ou presque et de le laisser venir se reposer entre mes bras. C'est ce que les gens doivent se dire en tout cas.
Mais moi je crois pas que je sois conne. C'est ma façon de l'aimer et je l'aimerai toujours ainsi. Quoi qu'il fasse.
Le Corleone m'a dit qu'on pouvait crever de trop de culpabilité. Moi je crois qu'on peut crever de trop d'amour. Je sais pas s'il y a vraiment une recette pour ça. Mais il a beau faire des conneries, tant que je le sais là, tout près de moi, tant que je sais qu'il m'aime, tant qu'il me le montre à sa manière, même s'il ne m'épargne rien, il a le don de savoir panser mes plaies infectées.
Alors ouai. Je resterai sans doute toujours un peu bancale comme Eliance, mais au moins, je ne souffre pas de le voir malheureux. Et s'il sourit, alors moi aussi j'ai le sourire. Et si des fois il est un peu forcé, personne n'en sait rien. Même si au fond de moi, je crève à petit feu, personne ne le voit. J'ai mis des chaines autour de ça, bien cadenassées, tout comme j'ai ré-enchainé ce qui s'était échappé cette fameuse nuit où j'ai manqué tué Gabriel.

En parlant de Gaby, il serait peut-être temps que je réponde à sa dernière missive. Et que je lui fasse part des derniers évènements.

J'embrasse avec tendresse la joue de ma fille, qui s'est endormie, lovée tout contre moi, sa petite menotte enfouie contre mon sein.
Heureusement, j'ai été prévoyante à Rennes. Au point d'y faire quelques investissements immobiliers et de renflouer mon nécessaire à écriture, que j'étale devant moi avant de coucher quelques lignes sur le vélin. A ma sauce évidemment, parce que je n'ai pas spécialement envie que Gabriel me fasse devenir veuve en débarquant pour faire la peau à mon mari.


Citation:
Buongiorno Gabriel,

Je vais bien. Anna-Gabriella aussi. Niallan également. Je crois même qu'on a jamais été aussi heureux. Si, si. Je t'assure.
Niallan m'a dé-fiancée, et puis ensuite on s'est mariés.
Oui je sais.
On a pas envoyé des invitations. Mais on a fait ça dans l'intimité. Tu sais bien que je déteste les grandes foules hum.
Nous nous sommes mariés à Fougères, devant le curé. Même qu'il était statufié mais il a quand même parlé et il nous a fait prononcer nos voeux et tout et tout.

Mais Niallan a décidé qu'on allait faire une grande fête alors on ne t'envoie pas la note tout de suite. Tu la recevras un peu plus tard.

Eliance m'a dit que ta filleule avait prononcé son premier mot. Parait qu'elle a dit "connard" avec une voix d'homme. J'ai tendance à croire que c'était dirigé vers son père mais je n'étais pas là pour l'entendre ni le voir, alors je reste sceptique. Surtout qu'un bébé ça ne parle pas à quatre mois.
J'ai hâte que tu la voies. Elle est merveilleuse, adorable, c'est le plus beau des bébés du monde, on lui passe tout avec Niallan. Et c'est tellement beau de le voir avec notre fille. Que j'ai envie d'en chialer à chaque fois, mais je le fais pas.

Pourquoi Catalyna ne m'écrit jamais ? Elle me manque notre Russe. Beaucoup. J'espère qu'elle va bien, fais lui une bise pour moi. Dis lui qu'elle m'écrive et que je l'attends pour qu'elle m'emmène chasser comme elle a promis de le faire.

Et toi comment vas-tu ?

J'ai écrit à mon frère, car l'une de mes soeurs m'a envoyé un courrier alarmant, mais il ne me répond pas. Il est porté disparu, personne ne l'a vu, personne ne sait où il se trouve.
Et j'aime pas ça. J'aime pas ça du tout.

Puis tu sais quoi ? Niallan est le meilleur mari du monde. Un beau salaud, mais je pouvais pas rêver mieux comme époux. On va être heureux tous les deux, ça va être beau. Tous les jours.

Tu me manques. Beaucoup.

Je t'embrasse et Apollo t'envoie une léchouille.

Alaynna.



J'étais fière de ma lettre et en même temps je protégeais les arrières de Niallan. Parce que si jamais Gabriel venait à apprendre le dixième des conneries de mon mari, je savais qu'il serait capable de débarquer pour le crâmer sur place.

Alors je pratique l'art du mensonge par omission. Parce que Gabriel aussi il est de ma famille. Celle que je me suis choisie. Et bien plus que celle du sang, hormis Julian.

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Adrianah
[Tu es la seule musique dans mon coeur, qui puisse faire danser ma vie.] - best Epic Music Mix. World's Most Beautiful Fantasy Adventure Music-

Il l'est. Elle l'est. Ils le sont tous les deux.

J'ai appris ces derniers jours que pendant que la nuit où j'étais en train de pleurer toutes les larmes de mon corps en apprenant la disparition de mon frère, - la veille de notre mariage -, mon mari qui était alors mon dé-fiancé, était en train de faire l'amour à une autre. Et je dis bien faire l'amour et pas la baiser. Parce qu'il l'aime elle aussi. Alors ça déjà c'est difficile à encaisser mais alors quand on sait que la femme en question est enceinte, c'est juste carrément insupportable d'apprendre ça. Et depuis. Je suis sous le choc. Intérieurement parlant. Parce que de l'extèrieur, je ne laisse rien paraître. Et forcément que je me torture avec mes questions à la con. Et est-ce qu'il lui a caressé le ventre comme il me le faisait toujours à moi. Et est-ce qu'il a parlé au bébé de la jolie baleine blanche. Et est-ce qu'il a été aussi attentionné avec elle qu'il ne l'était avec moi dans ces moments-là. Et est-ce qu'il lui a dit des mots d'amour dans le creux du cou ou de l'oreille, comme il en laisse s'échapper dans nos ébats intimes. Et est-ce que...

M.ierda. Stop. Il suffit de me triturer le cerveau avec ça. J'ai pas envie de ça. J'essuie plus rageusement que furtivement les larmes qui coulent sur mes joues, à l'abri des regards. Sauf celui d'Anna-Gabriella. Mais je sais qu'avec elle je ne risque rien, ce n'est pas un bébé de quatre mois qui va aller moufter à quiconque que sa mère a pleuré cet après-midi.


Déjà la veille, j'ai eu une longue discussion avec Audric. Et là tout à l'heure, j'ai carrément fui la taverne. Cette espèce de femme, de mouette trop curieuse avait frappé là où ça fait mal. Sans le savoir évidemment. Mais quand même. J'avais pas envie d'en entendre davantage, même si Audric semblait d'accord avec elle sur le sujet. Surtout parce qu'il semblait d'accord, et que je me sentais encore plus minable. Pour eux c'était pas normal que j'ai fait la route seule avec Anna pour rejoindre Niallan. Et au fond de moi, je le savais aussi. Parce que je me souvenais que moi je n'avais pas hésité à traverser les royaumes pour les jumelles et pour son ex et au final on sait comment ça s'était terminé ce merdier. Et même si je leur ai balancé que Niallan estimait que j'étais l'une des seules donzelles qu'il connaissait à part la mère de son fils, qui était dangereuse sur les routes. Audric m'avait alors balancé qu'il n'y a pas que des donzelles dangereuses sur les routes. Y'a autre chose aussi. Du coup je me suis tiré hors de la taverne.
Sauf que j'avais rien répondu à cette fameuse raison invoquée par Niallan. Ni aux autres raisons qu'il m'a invoquées. Parce qu'au final, je sais pas vraiment quoi en penser. Surtout, depuis que je sais qu'il s'est pas rien passé entre eux.

Finalement ouai. Le Corleone a raison. J'aurai du crever à ce moment là à la place des deux petiots que j'avais assassiné dans mon ventre. J'aurai peut-être aussi du crever en accouchant d'Anna, ça aurait facilité la vie de certaines personnes. Bene. Audric la veille m'avait retenu quand il m'avait dit qu'il était d'accord avec ma vision des choses. En fait, je n'avais pas vu son sourire taquin et je n'avais pas compris sur le moment qu'il plaisantait. Quelques jours avant, Percy m'avait nonchalamment balancé que c'était plutôt Neijin qui devrait m'en vouloir et pas le contraire. Bien que je lui en veuille pas.

En fait. C'est à moi que j'en veux. Une leçon de vie. Une de plus.

Je me souviens, les dernières semaines de ma grossesse, où je me réveillais en sursaut, toutes les nuits, le coeur battant la chamade. les membres fourmillants, paniquée à l'extrême et certaine que mes dernières heures étaient arrivées. Et après chaque réveil dans de telles circonstances, je me posais toujours la question. La mort est-ce seulement des organes qui se rapetissent, pourrissent dans un tranquille, harmonieux silence, tels deux danseurs en symbiose performant la même choréographie une millième fois, ou s'agit-il d'un processus plus complexe ? L'élévation vers une autre réalité, vers une autre vie.
Je n'ai toujours pas trouvé la réponse à ces questions.
Persuadée que j'étais que j'allais mourir en donnant la vie. J'ai cru que mon âme perdue partirait avec ces éternels regrets de laisser Niallan seul avec notre fille et de ne pas l'élever avec lui.
Mais il n'en fut rien.

Assise contre un tronc d'arbre, je regarde Anna-Gabriella, qui porte ses petits poings à sa bouche. Pétillante de vie, d'insouçiance. Ses minuscules petons viennent frapper mon ventre, à rythme régulier, ses petites gambettes s'agitant frénétiquement. Auprès d'elle, et auprès de mon mari, je retrouvais ma sérénité. Sérénité d'accepter des choses que je ne pouvais changer, même si j'en crevais d'envie. Audric m'avait demandé de ne pas faire de mal à la baleine blanche. Cela n'avait jamais été dans mes intentions. Mais je me doutais que mon arrivée n'avait pas du lui plaire tout comme ce que m'avait avoué Niallan ne me plaisait pas non plus. J'étais partie du principe que vu que moi j'avais mal quand je la voyais, la réciproque devait être vraie. Alors j'avais pris le parti de l'éviter. Et après ce que m'avait fait mon mari l'autre soir, j'étais bien décidé à ne plus me trouver avec eux deux en taverne. Je ne me ferai pas humilier de nouveau de la sorte. Oui mon époux est un salaud et un enfoiré. J'aimerai juste que parfois, il soit un enfoiré avec d'autres que moi. Alors tant pis s'il y a des moments où ça me ronge. Je ne dis rien, je n'en montre rien. Je l'aime comme au premier jour de cette façon qui m'est si particulière. Et je m'efforce de tenir mes promesses. Même si là tout de suite, j'ai une furieuse envie de danser dans les flammes. J'en ai tellement envie que je n'ai pas vu tout de suite la bestiole arriver.
Ce n'est que quand j'entends les branches craquer près de nous que je détourne mon regard d'Anna pour me figer subitement. Apollo n'est pas avec nous sinon le renard ne se serait jamais aventuré aussi près de nous. Et je n'aime pas ce que je vois. Oh noooo je n'aime pas du tout voir la bestiole se lècher les babines en fixant Anna.
Le problème, c'est qu'il est prêt à bondir le salopiaud. Ma dextre a trouvé l'une des dagues que je planque dans le creux de ma hanche.
Je serre ma fille contre moi, je la blottis contre mes seins et de l'autre main, je balance la dague droit sur le renard.
Paniquée, je vois la bestiole tomber au sol et j'entends ses râles de souffrance avant de la voir tressauter et...plus rien.

Putana. C'est que ça devient inquiétant. Je visais le poitrail espérant toucher la bête en plein coeur sauf que. Ma lame s'est planté entre les deux yeux. Je suis plus aussi douée qu'avant. Non seulement sur les routes je me prends des brigands qui m'en mettent plein la gueule, mais voilà que maintenant je ne sais plus viser correctement.
Et je me rends compte que je suis en mode tremblette alors que je serre convulsivement Anna contre moi.

Oh pétard. Va vraiment falloir que Catalyna s'occupe de mon cas et m'emmène chasser avec elle. Je connais personne de mieux que la Russe pour ça. C'est une vraie sauvage ouai. Même que moi à côté d'elle, je pourrai presque passer pour une enfant de coeur. Presque.

Et je dévore Anna de baisers, alors que je sens tout mon corps qui continue d'être parcouru de tremblements. Et je lui chuchote dans le creux de l'oreille.


- Mammà ha ucciso la cattiva volpe. Vai a vedere, questa sera avrai una pelle di volpe che ti terrà molto caldo nella tua culla. Il tuo primo trofeo di caccia la mia cara*
.


Je me relève afin d'aller saisir la carcasse encore chaude de la bestiole, que je jette en travers de mon épaule, sans me souçier du sang qui s'écoule et qui vient imprégner ma manche. Et Anna bien calée dans le creux de mes monts, je rentre au petit pas en direction du campement. Je prends bien mon temps, et je rase les murs de la ville, essayant de me recomposer un visage serein avant de rejoindre notre tente et évitant les tavernes.

*Maman a tué le méchant renard. Tu vas voir, ce soir tu auras une peau de renard qui te tiendra bien chaud dans ton berceau. Ton premier trophée de chasse ma chérie.

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Gabriel.louis
Dis-lui. Dis-lui que tu es mieux placé que personne pour comprendre sa peur face au silence de son frère, dis-le-lui. Dis-lui qu’Anzelme est parti, que tu t’es fait insulter par sa fiancée sans raison, que t’es resté là comme un con, que tu as laissé faire, que tu as tenté de dire un truc, et que finalement, tu l’as juste fermé parce que ça servait à rien, parce que c’est ton frère et que tu ne voulais pas qu’il souffre à cause de toi. Dis-lui que pourtant, tu n’as rien fait, que tu n’as rien compris. Dis-lui que tu l’aimais, ton frangin, que c’est lui qui t’aidait à te relever quand tu te retrouvais ventre à terre, et qu’il te poussait à te sentir et à être un peu plus humain. Pourquoi tu ne lui dirais pas à quel point il te manque, qu’il est le dernier à avoir su t’arracher un vrai sourire, et un vrai rire ?

Parle-lui de ta vie, de cette famille qui vous avait fait quitter la Provence pour un héritage, qu’elle comprenne que tu y es allé par curiosité, parce que tu voulais juste savoir si c’était vraiment de ta faute si ton père les avait laissé t’emmener quand t’étais gamin. Explique-lui comment tu t’es retrouvé à devoir gérer tout ça, pourquoi tu as accepté, comment tu t’es laissé emporter par la vie et pourquoi. Parle lui de la Bourgogne, d’Eugène, du manoir, de ce cousin aussi narcissique que crétin qui te fait souvent penser à Niallan. Parle-lui de tes difficultés, de cette sœur qui te fuit, de cet oncle que tu ne sais comment protéger, de cette tante dont tu évites les enfants comme tu fuirais la peste.

Raconte-lui la guerre, la façon dont tu rases les murs en rageant de devoir te contenter de te la fermer et de rester à ta place. Raconte-lui à quoi tu passes tes journées, à quoi tu occupes tes nuits. Raconte-lui comment tu fais pour te mettre toujours dans des situations désagréables quand elles ne sont pas impossibles, comment tu suis le vent et combats les bourrasques.

Avoue-lui. Répond à ses questions. Soulage-toi.

Dis-lui que Cat’ est partie, qu’elle t’a abandonné, que t’es seul comme un con, avec un Canard que tu t’infliges de garder pour ne pas oublier que jamais tu n’auras une vie comme les autres, que jamais tu n’auras un môme à toi, que jamais plus tu ne te réveilleras, enivré du doux parfum d’être deux.

Dis-lui que sa lettre a réveillé ta douleur. Dis-lui que tu es heureux pour eux mais qu’une part de toi les envie, que c’est plus fort que toi, parce que toi, tu n’auras jamais ça. Dis-lui que tu es tout fade, que tu n’as plus goût à rien, que tu ne sais plus parler avec les gens, que tu n’es qu’une carcasse vide que tu traines à coups de faux semblants.

Dis-lui qu’t’as mal. Dis-lui qu’t’en peux plus. Dis-lui qu’t’en crèves et qu’tu t’accroches comme un con à la vie parce qu’un jour on t’a dit qu’il n’y avait que ça qui importait, survivre.

Voilà ce que je me disais avant d’être arraché à mes pensées par un
« Gabriel, vous rêvez ? ».
J’avais souri, poliment, et alors que j’étais complètement paumé au milieu de cette taverne, j’ai simplement répondu « Non, je vous écoute. »
Ça faisait plusieurs jours que j’avais reçu cette lettre, que la douleur était vive, et que ça me hantait. Je me suis finalement décidé. J’ai plongé la main dans mon baluchon pour en sortir de quoi écrire.




Bonjour Alaynna.

Je suis content que vous alliez bien, et les nouvelles que tu me donnes me réjouissent. Je suis heureux pour vous.
Je suis certain que ton frère va très bien, il est certainement sur une grosse affaire commerciale qui le mène sur les routes. Rassure-toi, je suis sûr que tu t’en fais trop.
Pour Catalyna, je ne saurais te dire, à moi non plus elle n’écrit pas.
Je vais bien, et vous me manquez. Prends soin de vous.

Je vous embrasse,
Gabriel.


Je n’ai pas su lui dire plus que cela. J’en étais incapable. Et par lâcheté, je n’ai pas trouvé la force de la défier et de lui dire que ses écrits transpiraient de partout les non-dits, qu’elle avait tant forcé sur l’image de bonheur que l’évocation de son frère disparu en passait presque pour un fait divers. J’aurais pu ajouter qu’il était emballé entre deux tranches de bonheur qu’elle me jetait comme poudre aux yeux, et que ce qu’elle me cachait était enveloppé de même, qu’encore un peu plus et elle n’était pas loin de me raconter l’histoire de la merveilleuse tarte aux pommes qu’elle avait faite ce matin, et qu’elle allait servir à ses copines à l’heure du thé. Mais je n’ai rien dit, je l’ai envoyé, et m’en suis retourné auprès de ma section armée.

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Adrianah
[Le meilleur est à venir] - Norber Jr (Scorpions Cover) -

How can I live without you,
You're such a part of me,
And you've always been the one
And the best is yet to come



Je me sentais fatiguée ce matin, alors je suis restée dans notre tente à flemmarder. Anna-Gabriella avait eu son content de lait et s'était endormie, dans son petit berceau de pirate. Et moi depuis quelques nuits, j'étais régulièrement plus que comblée par mon mari. Et ça me faisait un bien fou. Ouai mon mari me fait du bien et alors ! Il sait compenser d'une manière bien à lui toutes les conneries qu'il peut me faire subir. Puis en ce moment, j'ai besoin de lui encore plus qu'à l'accoutumée, mais comme je suis en période de total déni, je ne veux pas me l'avouer et encore moins le lui avouer.

Alors je ne suis pas de particulièrement bonne humeur tous les jours, même si j'essaies de ne pas trop l'étaler. Et entre l'accouchement de la jolie baleine blanche qui approche, le fait que je sache que mon mari va y être, et comme j'ai la sale manie de poser les questions qu'il faut pas, j'ai aussi appris par Neijin qu'il lui avait caressé son ventre rebondi, chose qui m'aurait déjà pas plu en temps normal mais qui m'a carrément tué au fond de moi avec le déni actuel auquel je me livre, toutes les suppositions de dingue que je me fais dans ma tête, les cauchemars qui me réveille en pleine nuit où je vois des bébés enflammés qui veulent me dévorer et mon mari qui se casse avec la jolie baleine blanche, j'ai de quoi me pourrir l'esprit. Mais vraiment quoi.
Alors ouai, passer les nuits à faire l'amour avec mon mari, outre le fait que ça me fasse vraiment du bien, ça m'empêche forcément de cauchemarder ou de penser et donc, il me fait encore plus du bien, c'est plus le septième ou huitième ciel, mais c'est pas loin du Nirvana qu'il m'emmène planer.

Manque de bol pour ma pomme, parce qu'il n'y a qu'à moi que ça arrive ces choses là, il a fallu qu'hier soir en taverne, je tombe sur une Corleone qui semble t'il, ressent ce que moi, je peux ressentir. Comment elle fait, je n'en sais rien, mais pour le coup, c'est mon mari qui en a pris pour son grade et qui s'est retrouvé dans une position où il a été obligé de se retrouver près de moi, à m'enlacer les épaules alors qu'une jolie baleine blanche semblait vouloir fuir cette vision là et que je sentais mon mari plus gêné que content de ce phénomène de rapprochement exigé par Tigist. Et moi, si je me suis sentie mieux l'espace de quelques secondes, j'ai manifestement ressenti aussi la tension que cela a provoqué chez Neijin et mon mari et j'ai pas aimé ça. No. J'ai pas aimé ça du tout. Tout comme sa tronche à Niallan quand la jolie baleine blanche a dit que ce soir là elle allait dormir avec celui qui veut m'embarquer moi sur un bateau et que je laisse mon mari et la baleine blanche sur le quai.
J'ai beau adorer les navires, je crois que celui qui m'a fait cette proposition là, il me connait mal. J'ai promis de ne plus m'enfuir, et de toujours rester auprès de mon mari. Et je tiens toujours mes promesses. Même s'il m'arrive d'en tenir à retardement. J'suis pas parfaite non plus !


"Je sais qu'Anna est petite et que tu veux la voir grandir. Mais j'aimerai porter un autre enfant de toi. J'aimerai que ce soit un petit gars et qu'on soit assez intelligents pour pas merder cette fois ni l'un ni l'autre. Je veux encore sentir la vie que tu m'aura insufflé grandir dans mon ventre. Je veux encore te voir parler à mon ventre et le caresser. Je veux encore me sentir protégée et voir cette lueur de fierté joyeuse dans ton regard. Je voudrais que cette fois tu sois là, sans que j'ai à hurler ton nom sans jamais te voir arriver. Je voudrais non pas te broyer les os de la main mais que ce soit toi le premier qui le tienne dans le creux de tes mains alors qu'il sera en train de sortir. Alors je pourrai te pardonner le mal que tu me fais aujourd'hui. Et je pourrais me pardonner de ne pas t'avoir laissé vivre ces moments là avec notre fille. Parce que c'est ce qu'on voulait toi et moi tu te souviens..."

Ces mots-là, ce sont ceux que j'ai glissé à l'oreille de Niallan il y a quelques soirs. Bien sûr que j'y crois. Dur comme fer. Un de ces jours, lui et moi on fera un petit frère à Percy, parce que je sais que mon beau-fils veut un petit frère. Et puis on se l'était toujours dit qu'on aurait deux enfants. Pas plus parce qu'après c'est le vrai bordel et puis deux enfants à aimer c'est déjà du travail à temps plein, faut pas m'en demander trop non plus ! Puis je suis en mode d'apprentissage envers Percy aussi, faut pas déconner !
J'ai pas encore vraiment réalisé qu'en fait, depuis que je suis mariée à Niallan, c'est comme si j'avais deux enfants. No parce que Percy c'est un peu comme mon fils mais c'est pas mon fils. Puis comme les autres gamins, j'peux toujours pas le regarder dans les yeux. Mais ! Mais oui, parce qu'il y a un mais. Je me suis aperçue que Percy ne rechignait pas à venir près de moi, jusqu'à me toucher, me faire un bisou magique pour soigner ma main que j'ai - malencontreusement - légèrement tenter de crâmer au-dessus des flammes dans un joli ballet folklorique comme j'en ai le secret. Et même il est allé jusqu'à venir me faire un gros calin. Et chose incroyable, je me suis retrouvé à caresser les cheveux de mon beau-fils et à le serrer dans mes bras. Le truc c'est que personne nous a vu, et j'assume pas. J'assume toujours pas. Et je suis pas prête d'assumer avec un ex-mari qui clame à tout vent, tous les jours, que je suis une tueuse d'enfants. Moi qui était presqu'arrivé depuis la naissance d'Anna-Gabriella à me persuader que je n'étais pas une mère infanticide, c'est mort, je suis de nouveau tourmentée. Surtout qu'il semblerait que je sois punie. Et bien punie même. Mais les punitions, ça me rappelle forcément mon père et comme je le hais, je refuse d'être punie. Alors je fais comme si j'avais oublié c'que m'a dit le chirurgien sur le navire quand j'ai accouchée. Ce qu'il m'a surtout dit quand il m'a retenu par le bras au moment où j'allais débarquer quand nous sommes arrivés en Italie. Et ouai, je leur avais fait gober au capitaine et à lui que j'allais retrouver mon mari et mon frère là-bas. Alors évidemment il a peut-être voulu être serviable ou un truc du genre mais je refuse de croire ses paroles. C'est un menteur, c'est un charlatan. Ingrate que je suis à en oublier que si Anna-Gabriella et moi sommes en vie à l'heure actuelle, c'est bien grâce à ce type.
Puis comme Neijin m'a dit qu'elle connaissait pas meilleur médecin que le Corleone, j'ai fini par lui écrire au fameux Corleone en question. No c'est pas mon ex-mari, c'est l'autre, son frère. Pour avoir un second avis. Parce que je suis certaine, que puisqu'il est si bon que ça, son avis va diverger et alors je ne serai plus en plein déni puisque mon déni n'aura plus lieu d'être.
C'est très certainement pour ça que je n'ai encore rien dit à Niallan. Et puis je sais que quand je vais apprendre ça à mon mari, il ne voudra plus me toucher, il ne voudra plus me faire l'amour du tout. Et il va m'abandonner pour partir avec la baleine blanche et son bébé. Pire encore, je l'imagine emmener Anna avec eux parce qu'il va me dire que finalement, je la mérite pas. Il sera furieux après moi et il ira faire un petit frère à Percy avec Neijin. Alors je dis rien. Va pourtant bien falloir que je le lui dise, mais pour l'instant, j'peux pas.
Alors l'accouchement de la jolie baleine blanche où il doit être qui approche ça me rend dingue. Ma connerie de fuite qui l'a empêché d'être là pour la naissance de notre fille, ça me rend dingue. L'autre couillon qui me reproche la mort des bébés Corleone, ça me rend dingue. Savoir qu'il en aime une autre en même temps qu'il m'aime moi, même si j'ai dit que j'acceptais et que je fais tout pour, ça me rend dingue. L'absence de mon frère perdu on ne sait où, ça me rend dingue. Et c'qui finit de me rendre dingue, c'est cette lettre que j'ai reçu il y a quelques jours de Gabriel. Parce que voilà que lui aussi se met à me prendre pour une demeurée. Sa lettre, ça ne ressemble pas du tout au Gabriel que je connais. Et puis d'abord, pourquoi il me dit qu'à lui non plus, Catalyna n'écrit pas. Ils sont mariés bordel ! Depuis quand sa femme devrait lui écrire au lieu de le voir tous les jours. Y'a un truc qui pue dans cette histoire. Et puis depuis quand il croit sans ciller à toutes les conneries que je peux lui écrire ? Alors qu'il est du même genre que la Corleone d'hier soir, à ressentir tout ce que je peux ressentir. J'me dis que j'ai le chic pour me rapprocher des anciens esclaves, et faut croire que ces gens là sont plus sages au final que les autres. Peut-être parce qu'ils ont vécu beaucoup plus de choses je ne sais pas.
Mais hier soir, je me suis retrouvée à prendre des cours d'arbalète avec Tigist. Même qu'elle m'a dit que j'étais pas manchotte ! Et qu'étrangement, je sais pas pourquoi, je me suis sentie bien avec elle. Détendue et apaisée. Comme si dans ma tête, toute ma dinguerie était mise de côté le temps que je sois avec elle. Tant et si bien qu'on a parlé des bébés perdus et encore une qui m'a dit qu'c'était pas ma faute. Et on a parlé de ses enfants à elle. Et pour la première fois depuis que je sais, j'ai même mis mon déni de côté pour lui dire ce que je n'arrive pas à dire à mon mari ni à personne.Et elle m'a déclaré elle aussi que son mari c'est le meilleur médecin qu'elle connaisse.

J'étire tout mon corps, simplement vêtu d'une chemise de Niallan, de manière langoureuse. Le soleil est haut, il est le début de l'après-midi, je repense avec délectation à cette nuit passée encore entre les bras de mon mari. Et je me penche au-dessus d'Anna-Gabriella pour l'admirer dans son sommeil. Je me mords les lèvres. Ma plus belle réussite. Le fruit de notre amour. Je pourrai rester des heures ainsi à la regarder. Je connais chacune de ses mimiques. Chacunes de ses petites fossettes. Son grain de peau, son odeur de bébé. Cette manie qu'elle a de serrer son petit doudou fait avec une manche de chemise de son père, tout contre elle. De laisser trembloter ses petits poings fermés quand elle dort sur le dos. Ou de se recroqueviller comme elle le fait quand je la mets sur le ventre. Ces petits sourires aux anges qu'elle nous fait dans son sommeil ou même parfois ce petit hoquet d'un filet de rire qu'elle va laisser échapper plongée sans doute dans l'un des rêves de son petit monde à elle.

Alors dans ces moments là, j'ai beau être dingue, j'ai beau être aussi imparfaite que ne l'est mon Salaud de mari que j'aime plus que tout et à en crever, je n'échangerai ma vie avec une autre pour rien au monde. Même si j'ai envie d'allumer des feux et d'y danser, même si je sais que mon mari va me passer une engueulade pour ma main un d'ces prochains jours, même si je sais qu'il va falloir que je lui dise ce que je tais depuis la naissance d'Anna-Gabriella.

Mais tout ça, c'est pas aujourd'hui ni demain que je vais le faire.

Mais demain je vais écrire à Gabriel, parce que sa dernière missive me plait pas des masses. Et que je m'inquiète pour lui.
Et je le fais pas aujourd'hui parce qu'aujourd'hui, faut que je réfléchisse à ce que je vais lui écrire demain.


Comment puis-je vivre sans toi
Tu es une partie de moi
Et tu as toujours été le seul
Et le meilleur est à venir.

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Adrianah
On tient, on étreint la vie comme une maîtresse.
On se fout de tout brûler pour une caresse.
Elle souffrira, elle n'aura pas d'autres choix.
S'il faut mourir, autant vivre à en crever.



Je pense trop.

J'ai trop de dingueries dans ma tête qui s'amusent à faire du méli-mélo.

Il y a des non dits qui me bouffent. Il y a des choses que j'apprends au moment où je m'y attends pas et qui ont le don de faire mal. Parce que ce sont des choses que mon mari s'est bien gardé de me dire. Alors que je croyais qu'on devait tout se dire. Et il y a des choses qu'il faut que je lui dise et que je trouve pas le courage de lui dire.

Alors ce soir là j'ai bu plus que de raison. Nous ferons l'impasse sur le fait que le lendemain aussi j'ai bu plus que de raison. Et que le troisième jour, je voulais faire pareil mais à ma grande surprise, l'engueulade qui a le plus porté ses fruits fut celle d'un gamin.

Peut-être que ce soir là, j'aurai voulu que mon mari m'engueule. Juste histoire qu'il me fasse comprendre qu'au milieu de toutes ses conneries, il y a encore et toujours un Nous. Mais j'étais toute seule et j'attendais le propriétaire des lieux pour lui remettre une lettre. Si seulement ce soir là j'avais su que quelques jours plus tard, cette lettre mettrait le Corleone dans un tel état, je l'aurai crâmée et je lui aurai jamais donné.
Parce qu'il avait la même tronche avinée que quand mon paternel a perdu ma mère. Sauf que mon paternel lui, il avait été violent et il m'avait frappé ce jour là. Gabriele m'a pas frappé. Il m'a juste dit de me la fermer. Et pour une fois, j'ai obéi à un membre de cette famille.
Je ne sais pas si beaucoup de gamins se prennent une correction parce que leur mère est morte mais moi ça m'était arrivé. Mon frère aussi avait pris cher, bref, on avait pris chers tous les deux de manière différente. Moi j'étais frappée, lui il avait été envoyé chez des nobles cousines au loin. Alors cette tronche du Corleone, il avait pas besoin de dire quoi que ce soit pour que je comprenne que la lettre que je lui avais remise avait causé un désastre sur lui.

Mais pour en revenir au soir en question je m'étais beurrée toute seule dans mon coin, et j'avais une montagne de chopes devant le nez encore à descendre quand Maryah s'était pointée.
Autant dire que j'aurai préféré même voir entrer n'importe qui, sauf elle. Quand je la vois, j'ai toujours une partie de mes tripes qui se retournent. Plus vraiment pour ce que Niallan et elle m'avaient fait ce soir là, à Sarlat, j'avais appris à vivre avec depuis, mais surtout parce qu'elle me rappelle toujours l'horreur de mon acte sur Gabriel. Cette fameuse nuit où j'ai été à deux doigts de le tuer.
Le problème étant que justement, à l'heure actuelle, je sens de nouveau cette chose malsaine qui gronde en moi et qui secoue les chaînes dans lesquelles je l'ai de nouveau entravée. Je ne peux pas la laisser sortir. Parce que je sais alors qu'un nouveau drame se produirait et je serai incapable de me contrôler.
Alors je continuais de boire, pour tenter de contenir la chose et je me suis mise dans le genre d'état qui avait forcément de quoi alarmer Maryah. Parce qu'elle ne m'avait jamais vu ainsi, moi qui , d'habitude, ne suis pas du genre à m'ennivrer. Elle n'était pas seule. Elle était accompagné d'un homme que j'avais déjà croisé.
Ne me demandez pas ce que j'ai foutu avec l'arbalète, je n'en ai aucuns souvenirs. Je me souviens seulement à ce propos là, que j'étais en train de remettre l'arbalète en place derrière le comptoir de la taverne Corleone, en trainant trois charpies de dépouilles sanguinolentes qui avaient du ressembler à des lièvres mais qui étaient tellement explosés qu'on ne pouvait rien en faire, même pas récupérer la peau ; quand mon époux a fait irruption, me bloquant toute tentative de sortie.
Auparavant, Maryah m'avait enlevé ma fille des bras et s'était carapatée avec, rejoindre Percy dans la charrette près de notre tente, et elle avait écrit à Niallan de venir me récupérer. De toute façon, elle n'était rien arrivé à sortir de moi, mais plus tard, en y réfléchissant, je prendrai conscience qu'elle s'était vraiment inquiété pour moi et surtout pour Anna-Gabriella. Et ce. A ma plus grande honte. Mais il aura fallu que ce soit Percy qui me mette une sacrée claque pour que je tente de réagir.

Le fait que je sois beurrée comme un coing, a au final bien arrangé mon mari. Qui lui non plus n'était pas dupe, parce que faut pas croire, mais malgré toutes ses conneries qu'il me fait subir les unes après les autres - même pas qu'il m'accorderait un répit le Salaud ! -, malgré le fait qu'il soit blond, mon mari est quelqu'un d'intelligent. Et qui a donc capté que je n'étais pas dans mon état normal. Et là. Il a fallu que je lui explique. Quand je lui ai parlé de la trompe d'éléphant qui se baladait dans mon ventre et qui avait bousillé ma machine à faire les bébés, il m'a regardé, il a éclaté de rire et il m'a dit que ouai, pour le coup, je devais être sacrément beurrée.
Je me souviens pas de toute notre discussion. Ce dont je me rappelle, c'est qu'il avait l'air super content alors que moi je suis catastrophée. Tellement content qu'il m'a pas engueulé pour ma main qui a joué avec les flammes. Tellement content qu'il m'a pas disputé parce que je me suis mise à fumer sa réserve d'opium en cachette. Tellement content qu'il a même voulu qu'on fume ensemble une fois qu'il m'aurait ramené. Et il était aussi tellement content qu'on a pas dormi de la nuit et qu'on a essayé de faire tout plein de bébés qu'on aura plus jamais jusqu'au petit matin. Et je me souviens aussi qu'il m'a dit qu'il m'abandonnerait jamais, ni Anna-Gabriella, ni moi. Et vu qu'il était content, moi aussi j'étais contente.

Jusqu'à ce que le lendemain, je me pointe en taverne et qu'Eliance ait la fabuleuse idée de nous faire jouer à un nouveau jeu. Ouai. Le jeu où on oublie tout. Alors c'était chouette, avec Eliance, Calyce et la jolie baleine blanche, et au début y'avait l'autre Italienne qui veut m'étrangler mais elle est vite parti, on a sacrément picolé, on a vidé tous les fûts de la taverne et Eliance a noté tout ce qu'on voulait oublier. Et que l'on aurait oublié le lendemain. Sauf que voilà, y'a un truc que j'ai pas oublié et que j'aurai voulu oublié. C'est un truc que Neijin a dit, et ce truc, comme avec mon mari on se dit tout, c'est quelque chose qu'il aurait logiquement du me dire. Mais c'est ainsi que j'ai découvert qu'il l'a pas fait. Et depuis. Je l'ai mauvaise. Et je sens cette chose en moi qui se fait de plus en plus étouffante. J'ai un sombre pressentiment qui m'étreint. Et je n'aime pas ça.

Alors comme la veille, Percy, je ne sais pas pourquoi, a réussi à m'atteindre en plein coeur en me balançant que je puais et qu'il voulait pas que je lui raconte son histoire du soir, j'ai décidé de ne plus boire et que j'allais trouver un autre moyen de me défouler.
Et noooo ! Je ne suis pas en train de m'attacher au fils de Niallan. J'ai la phobie des enfants, je ne supporte pas qu'ils me touchent et je suis mal à l'aise quand je suis avec eux, incapable de les regarder dans les yeux.
Je continues de ne pas vouloir assumer. Même si je me souviens que Tigist m'a longuement parlé de Mai, la fille de Gabriele, qui n'est pas sa fille à elle mais qu'elle aime et considère comme telle.

Moi. Je ne peux pas. Et puis je sais qu'il aurait voulu que son père épouse Neijin et pas moi. Mais étrangement, ces derniers jours je me suis inquiétée de ne pas le voir et j'ai été jusqu'à lui écrire.
Et tout à l'heure alors que je sortais de la taverne donner la tétée à Anna, je me suis souvenue de ce que Maryah m'avait dit et j'ai fait demi-tour pour attendre Percy et ne pas le laisser seul.
Mais. No. Je n'assume toujours pas.
Comme je n'assume toujours pas la mort de mes deux bébés. Je continues de cauchemarder et de revoir Andrea sur son brasier ardent. Je revois toujours cet amas de sang dans les geôles Paloises. Je frémis à chaque fois que j'entends la jolie baleine blanche parler de son accouchement, et pas forcément parce que je sais que mon mari y sera. J'ai des sueurs froides quand je repense à ma fuite-panique qui a volé trois mois de la vie de notre fille à Niallan.
Et je suis à la fois très triste et très en colère après mon mari. Et puisqu'il a lui, jugé bon de ne rien me dire, je vais passer outre. Neijin tout à l'heure m'a dit de ne pas faire comme elle et de ne pas tout foutre en l'air. Elle m'a aussi demandé de ne pas faire de conneries.
Mais pour y arriver, il faut que j'arrive à me défouler et surtout à canaliser et empêcher cette chose de sortir de nouveau de moi. Accessoirement, il faudrait que j'ai une conversation avec mon mari, mais dans l'immédiat, c'est une chose que je préfère éviter. Parce que mon mari est un enfoiré de première. J'aurai jamais pensé qu'il aurait pu aller jusque là, mais si. Il l'a fait. Alors je vais le laisser voler, voler, voler, haut. Super haut. Et quand il daignera venir se poser, alors là peut-être qu'on aura une discussion. Mais le connaissant, je sais que c'est pas près d'arriver. Et je suis tellement blessée que j'ai pas envie de lui en parler. De peur de faire une connerie.
Je sais juste que j'ai besoin d'aide pour arriver à dépasser ça.

Et je ne connais qu'une seule personne qui puisse m'aider. Et Gabriel, il est loin. Il est pas là. Lui et moi on partage notamment la même passion destructrice. Le feu. Mais si je parle de ça à Gabriel, cela implique que je vais devoir lui avouer que je lui ai menti dans mes dernières lettres. Et que je vais devoir lui raconter la vérité.
Et pour cela, vu la journée mouvementée que j'ai eu aujourd'hui, je pense que je vais reporter la rédaction de ma missive à demain.
Ouai encore.
Cette fois , c'est pas pour réfléchir à ce que je vais lui écrire. C'est surtout pour trouver le courage de lui avouer que je le baratines depuis plusieurs semaines. Et de trouver celui de lui demander de l'aide avant d'en arriver à faire la connerie de trop.

Parce que même si Maryah m'a vu baisser les bras, je me battrai jusqu'à mon dernier souffle pour mon salaud de mari et pour notre fille.
Pour ne jamais leur faire du mal et ne pas m'enfuir ni me faire crever. Mais j'ai besoin de Gabriel. Parce que quand cette chose se déchaine en moi, je suis incapable de la contrôler toute seule. La dernière fois c'est à Gabriel que je m'en suis prise. Si une telle chose devait se reproduire, après qui m'en prendrai-je cette fois ?

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Adrianah
[Les remords] - Daniel Darc -

J'ai eu une discussion avec Roman aujourd'hui. J'ai fini par lui dire que l'un des bébés repose à Pau. Que j'ai déposé ses cendres dans le petit coffret de bois où se trouvent également nos alliances et cette rose rouge qu'il m'avait offert. Je n'ai pas précisé que je m'étais connement dit qu'ainsi, Andrea serait d'une certaine façon avec ses deux parents. Et je doute que le Corleone ait un seul instant pensé à ça.
J'avais en face de moi un homme dur et froid, incapable de montrer ses sentiments. Alors que je suis certaine qu'il souffre lui aussi de cette perte. Mais il me considère comme responsable, il reste persuadé que j'ai tué les bébés. Si le commun des mortels font la différence entre tuer volontairement et tuer involontairement, lui, manifestement il ne le fait pas. No. Ce Corleone ci est trop orgueilleux. Trop fier. Il ne voit que ce qu'il ne veut voir. Pour lui je suis un monstre. Alors forcément qu'il ne s'est pas gêné pour me renvoyer les récentes tromperies de mon mari dans la gueule. Et ce, devant du monde.
Il a aussi fait lire au pirate germain et à Audric la lettre de son père. Et il a dit que son père voulait toujours me tuer et que je me démerderai avec lui. Dans les jours qui viennent puisqu'il arrive sans doute demain ou après-demain.

Je plains sa future épouse à ce Corleone là. Parce qu'il ne connait pas la notion de pardon. Il ignore ce que je ressens, il ignore ce par quoi je suis passé. Il croit quoi. Que je suis un monstre. Basta ! Je n'ai plus envie de me justifier à ses yeux, je ne lui dois plus rien depuis le jour où il m'a balancé son alliance à travers la figure. Parce que son égo était froissé.
Putana. Mais avec son attitude, il ne fait que me faire comprendre combien j'ai de la chance d'avoir Niallan. Même s'il est imparfait, mon mari au moins lui, il est humain. Il m'a pardonné ma fuite. Il a été là pour moi quand je lui ai parlé des bébés morts. Il ne m'a pas jugée. Lui.

Aujourd'hui je lui ai dit pour Andrea. Je lui ai expliqué pour la perte de son Autre dans les geôles Paloises. J'ai juste tu le fait que Niallan s''était fait emprisonné lui aussi alors qu'il était venu pour me libérer. Et qu'il avait redisparu ensuite.
Il m'a dit que le prénom que j'avais choisi lui plaisait bien et m'a remercié de lui avoir dit ce qu'il en était vraiment. Mais c'est tout.
Une chose est certaine. Je ne l'emmènerai jamais devant la tombe de notre fils. Je m'étais connement imaginé qu'un jour peut-être on le pleurerait ensemble. Peut-être que quelque part j'en ai besoin. Mais en fait no. Monstre je suis, et monstre je resterai à ses yeux.

Il m'a donné la gerbe. Je crois même que si ma propre mère avait pu le faire, elle aurait giflé Roman. Lui il aurait voulu que ce soit moi qui crève à la place des petits. Moi j'ai vu mourir ma mère en couches sous mes yeux alors que je n'étais qu'une gamine. J'ai vu deux bébés morts sortir de mon propre corps. Et aujourd'hui je ne peux plus avoir d'enfants. Alors si Amalio Corleone veut m'égorger. Mais qu'il le fasse, je ne l'en empêcherai pas. Ce n'est pas ça qui ramènera fils et petit-fils.
Ils laisseront juste un bébé de cinq mois orphelin. Et un veuf.
Calyce a même dit à Roman que si son père me tue, elle tuerait Roman ensuite. J'ai vu pour la première fois de ma vie un Germain prendre ma défense. Même si ce n'est pas mon père, le geste a eu de quoi m'interloquer.

Alors je suis partie de la taverne pour aller prendre l'air. J'aurai du avoir des jumeaux il y a deux ans. Le premier est parti deux ans plus tôt à quelques jours près. Le second à plus de deux mois d'intervalle. Deux dates fatidiques que je ne peux pas oublier. Mais je crois que Roman est trop dans ses convictions à lui pour tenter de comprendre quoi que ce soit. Pour lui je suis un monstre et ça s'arrête là.
Ainsi soit-il.

Je renifle dans ma manche. Parce que ouai, j'en chiale encore mais je refuse que quiconque le voit. Et puis je me décide enfin à écrire à Gabriel.


Citation:
Buongiorno Gabriel.

Il faut que je te dise quelque chose. Mais je suis certaine qu'au fond de toi tu le sais déjà. Je t'ai menti dans mes dernières lettres. Tout comme toi aussi tu m'as menti, ne me prends pas pour une tanche ! Je sais que tu ne vas pas bien, je sens que tu me caches des choses.
Alors on va faire un deal toi et moi. Je te dis tout et tu me dis tout aussi. La famille, même de coeur, c'est fait pour ça no ?

Alors voilà. Avec Niallan, c'est plus tout à fait comme avant quand on était tous ensemble. Parce qu'il en aime une autre. Oh il m'aime toujours comme un fou, rassure toi. Mais pendant ma fuite, il a vraiment cru que je l'avais abandonné, tu vois je suis forte pour faire croire les choses aux gens. Et il avait sa Potesse Neijin. Ils se sont mutuellement entraidés tous les deux à se maintenir l'un et l'autre en vie. Parce qu'elle est enceinte et son mari l'a laissé. Je connais pas tous les détails, on s'en cogne, je te résume juste. Et donc ils sont amoureux eux aussi.
Alors j'ai dit que j'acceptais. Mais tu sais Gabriel. C'est pas facile d'accepter ce genre de chose. Surtout que je revois Niallan sur cette barque à Marseille quand il m'a demandé de l'épouser. Il m'a dit Epouse moi, moi je veux que toi c'est tout. Et ben tu vois. Il veut pas que moi en fait.
J'aurai jamais du m'enfuir. Depuis il a changé. Il est plus vraiment comme avant. Mais je dis rien. Je me dis que c'est ma punition. Et puis j'ai de la chance, parce qu'il m'a pardonné ma fuite et il m'aime toujours.
Le Corleone lui, il m'a toujours pas pardonné la mort des bébés et il m'a dit que j'aurai du crever à leur place.
Tu crois qu'il a raison ?
Et puis je suis doublement punie, parce que
- et là nous noterons la longue hésitation de l'auteur de la missive qui cherche ses mots. Car la Ritale se souvient encore d'une discussion avec Gabriel lorsqu'elle lui a appris qu'elle était enceinte et le revoit encore, le doigt dans son nombril, en train d'essayer de comprendre le mystère de la conception - ma machine à faire les bébés, elle est cassé.
Alors Calyce elle m'a dit qu'avec Nev, ils allaient me la réparer. Mais je crois pas que ça soit possible tu sais. Et puis Niallan il est content, alors je devrais moi aussi être contente. Niallan il dit qu'il est comblé avec Percy son fils et Anna-Gabriella.

Je fais des efforts Gabriel. Je t'assure que j'en fais. J'arrive même à m'entendre avec la maitresse de mon mari. Elle va accoucher d'un jour à l'autre et elle veut m'apprendre à cuisiner le lapin et faire des gâteaux. Mais elle veut qu'on fasse ça avant qu'elle accouche. Je lui dis rien, mais je suis sûre qu'en fait, elle est tout aussi paniquée que moi j'ai pu l'être et elle pense qu'elle va mourir. Elle a fait comme moi j'ai fait avec les bébés Corleone : elle a fumé de l'opium. Sauf que moi je l'ai fait sans savoir qu'ils étaient là, mais elle, elle sait que son bébé est là. C'est juste que je crois qu'elle est aussi triste que je pouvais l'être. Alors je peux pas faire grand-chose pour elle, je le sais. Je surveille juste discrètement qu'elle ne fasse pas comme moi, qu'elle ne fugue pas au moment où elle va avoir les contractions.

Je veux pas que tu te fâches après Niallan. Et j'ai pas envie que tu sois fâché après moi. Parce que je ne sais déjà toujours pas où se trouve mon frère. Je voudrais pas non plus perdre mon presque-frère tu comprends ? Mais j'ai besoin de toi. Parce que quand même j'ai fait des bêtises. Comme aller laisser danser ma main un peu trop près des flammes, je me la suis légèrement crâmée. Et comme je fais ça pour expier, toi, tu le sais, ben j'ai rien mis dessus pour la soigner. Mais ça j'l'ai dit à personne. Alors elle est toute rouge pour le moment. Et j'attends que ça passe tout seul.
Mais le conseil c'est pas pour ma main. C'est parce que je sens que la chose revient et veut sortir de nouveau. Tu te souviens quand j'ai failli te tuer ? Ouai évidemment qu't'a pas oublié, moi non plus. Et bien ça recommence. Je l'ai pourtant enchaînée mais elle secoue drôlement la bestiole, ces derniers temps. Alors je me suis dit que peut-être tu connais un truc à faire avec le feu pour la faire partir ? J'ai peur de faire une grosse connerie. Comme quand j'ai voulu te tuer. Je voudrais pas que ça recommence et que je fasse mal à quelqu'un. Faut que tu m'aides à contrôler cette chose Gabriel.

Et puis maintenant c'est à toi de me dire ce qui va pas. Car je ne suis pas dupe tu sais. Tu m'as dit que Catalyna ne t'écries pas, mais vous êtes mariés tous les deux. Alors elle n'a pas besoin de t'écrire. Moi je n'écries pas à mon mari, je lui parle tous les jours. De vive voix. Donc toi si tu ne le fais pas, c'est que Catalyna n'est pas avec toi en ce moment.

Tu me manques Gabriel. Nos longues discussions quand on n'arrive pas à dormir la nuit tous les deux me manquent aussi. Tes engueulades me manquent. Tes bêtises me manquent. Ton soutien aussi. Ta sale manie de tout deviner de moi avant même que je n'ouvre la bouche me manque aussi.
Je te mentirai si je te dis que je vais bien. J'essaye juste d'aller du mieux que je peux, mais je t'assure que j'apprends et que ça va aller. Ne t'inquiète pas. Je n'ai pas l'intention de refaire une autre fugue. J'ai promis à Niallan de ne plus jamais m'enfuir et je tiendrais parole.
Mais c'est juste que parfois c'est difficile parce que tu n'es pas là. Et que mon frère n'est pas là non plus. Catalyna est ma seule véritable amie et elle non plus elle n'est pas là.

Anna-Gabriella, parfois, c'est sur son épaule que je pleure. Est-ce que tu crois que c'est normal qu'une mère pleure sur l'épaule de son bébé ? Moi je trouve pas ça normal Gabriel. Et toi tu sais combien parfois, j'ai du mal à aller vers les gens et combien je peux me refermer comme une coquille d'huître. Niallan aussi le sait mais il a dit qu'il a bon espoir, que je vais me trouver une Potesse comme je l'étais avec Catalyna.
Alors ouai. Y'a Eliance, mais en ce moment elle est super occupée avec son futur mariage.
Fais chier. Elle me manque grave la Russe. J'ai rencontré la femme du frère de Roman. Elle m'a appris à me servir d'une arbalète et elle m'a dit que je pouvais m'entrainer avec la sienne quand je le souhaite. Mais comme je pense pas que je vais passer toute ma vie sur Limoges, faut que je trouve un forgeron pour qu'il me fabrique une arbalète. Comme ça j'aurai la mienne.

Ah si. Faut que je te dise aussi que j'ai revu Maryah. Et elle a voulu qu'on enterre la hâche de guerre pour le bien de Percy. Elle m'a fait promettre de jamais faire de mal à Percy ou même à ma fille. Tout ça parce que mon ex-mari lui a dit que j'avais tué nos bébés. J'ai rien dit, mais je me suis sentie vraiment très mal quand elle m'a dit ça. Parce que m.ierda. Toi tu le sais que je suis pas un monstre.
Alors on a fait la paix. On sera jamais des supers potesses mais on a juste l'intelligence de penser au bien d'un petit garçon.
Je crois que je progresse dans mon apprentissage de mon rôle de belle-maman.

Voilà, je crois que je t'en ai assez dit pour aujourd'hui. En ce moment on est sur Limoges, comme je te l'ai écrit plus haut, on fait une petite pause.
Maintenant, c'est à ton tour de me parler de toi. Je veux tout savoir. Même ce que tu me caches. Comment va Anzelme ? Et toi surtout. Comment vas tu ? Qu'est-ce que tu fais ? Pourquoi tu ne reviendrais pas un peu avec nous ? Tu pourrais faire courir de nouveau Apollo avec toi comme ça. Tu me manques vraiment beaucoup.

Je t'embrasse, ta filleule et Niallan aussi se joignent à moi. Et Apollo t'envoie des léchouilles.

Alaynna.


Après avoir fait en sorte que ma missive prenne le chemin de son destinataire, je suis restée là longtemps. A pleurer. Et puis je savais qu'il y a une chose que je n'ai pas écrite à Gabriel. C'est que c'est peut-être la dernière missive que je lui envoies. J'ai pas eu le courage de lui dire que le père de Roman sera là dans quelques jours et que selon son fils, il veut toujours ma couenne.
Ce n'est qu'à la nuit tombée, une fois bien taries et séchées mes larmes, que je suis repartie vers le campement.

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Gabriel.louis

Qui me consolera ? — Rien ; plus rien ; plus personne.
Ni leurs voix, ni ta voix ; mais descends dans ton cœur ;
Le secret qui guérit n’est qu’en toi. Dieu le donne :
Si Dieu te l’a repris, va ! renonce au bonheur !
                                          Le secret perdu - M. Desbordes-Valmore.


Enchainement d’une lettre à l’autre. La veille, j’avais reçu celle de Tobias qui m’expliquait qu’il s’éloignait quelques temps pour se forger ses propres armes face à la vie. L’idée qu’il veuille grandir et s’épanouir en tant qu’homme ne me déplaisait pas, bien au contraire. Sauf qu’ignorant certainement qu’à l’heure où j’avais reçu son pli, j’étais déjà au courant, il s’était bien gardé de me dire qu’il était parti avec Kaghan. Je ne comprenais pas son acharnement à s’attacher à la souffrance. Insultes, humiliations, irrespect, violence, et toutes ces facettes qui s’étaient dévoilées à moi ; comment Tobias pouvait-il vouloir encore endurer tout ça ? Comment ne pas m’en inquiéter ? Pourtant, je n’aurais su lui mettre des chaines, je n’en avais jamais été capable avec quiconque. Je n’étais jamais que celui, puissant à rien, qui patientait que l’on vienne lui déverser ce que la vie joue de mauvais tours. Que n’étais-je capable de les retenir, tous ? Que n’avais-je été capable de la retenir, Elle ? Si seulement j’avais pu avoir une seconde chance, si j’avais pu refaire le passé, aurais-je seulement pu égoïstement priver ma Slave de cette liberté qu’elle chérissait tant et qui avait fini de me détruire ?

Ce jour d’hui, je rentrais d’une nuit passée assis au pied du saule qui trônait dans le jardin du manoir. Ce saule, d’aucun ne le savait, mais c’était lui qui m’avait définitivement poussé à arrêter mon choix sur ce domaine en particulier pour notre installation. Chaque jour passé à Chalon, je l’observais depuis la fenêtre de mes appartements. J’y voyais l’ombre de mon père, s’y recueillant soir après soir sur les restes maternels. Tandis qu’elle y pourrissait et s’y faisait manger par les vers, j’étais toujours là, moi, n’aspirant qu’à vivre, et pourtant comme enterré avec elle par la volonté génitrice. Ce saule, ces chandeliers, le canard qui partageait ma couche ; je voulais affronter le passé et l’abandon comme pour me rendre plus fort qu’eux. Je me voilais la face. Sans en avoir conscience, moi aussi je m’évertuais à rester attaché à ma souffrance. L’Homme est-il ainsi fait qu’il ne sache vivre sans jamais regarder en arrière ?

Tandis que je m’installais pour travailler un peu, en espérant voir la fatigue me gagner bientôt, je posais un long regard sur mon armoire, l’esprit rivé sur cette corde qui y était rangée. La survie, il n’y avait que ça qui devait m’importer, parce que mort, on ne peut plus rien espérer. Cette brave cuisinière au triste sort, qu’aurait-elle pensé si elle avait su ce à quoi je songeais si souvent, malgré ses enseignements ? Anzelme et Tobias volaient de leurs propres ailes, Draugaran avait retrouvé sa moitié, Sebast se contentait d’un rien, ce qui ne nécessitait pas ma présence, et Ayane, quand elle ne me fuyait pas comme la peste, avait érigé des murailles si épaisses entre nous que je ne pouvais que me demander pourquoi elle était venue me chercher. La survie, oui, mais à quoi se raccrocher encore ? Moi qui n’avais jamais eu aucune ambition propre qui ne se soit bâtie sur les besoins des autres, que me restait-il à espérer ?

Dans un froncement de sourcils, j’évacuais mes pensées pour me reconcentrer sur ma tâche et dépouiller mon courrier. Taxes foncières ; exonération d’impôts sur terres cultivables… Je plaçai cela sur la pile des documents à remettre à mon Oncle, comme il gérait la trésorerie familiale.


« Buongiorno Gabriel. » Il n’en fallut pas plus pour que mes doigts s’égarent par réflexe sous le foulard à mon cou, et atteignent mon médaillon. Je dépliai la missive en implorant une bonne nouvelle, pour changer. « Il faut que je te dise quelque chose. » Non, mais déjà, là, ça puait d’entrée, comme formulation. Mes aciers considérèrent alors la longueur de la lettre, et comme je n’aimais pas me faire avoir à chaque fois, je me préparais directement en me servant un verre.

Allez, courage.

Je pris une profonde inspiration avant d’attaquer.

« Je t’ai menti dans mes dernières lettres. » Sans blague ! « Je te dis tout et tu me dis tout aussi.» Grimace. « Parce qu’il en aime une autre. » Hein ?! « Je me dis que c’est ma punition. Et puis j’ai de la chance, parce qu’il m’a pardonné ma fuite et il m’aime toujours. » Je m’accoudai et planquai mon visage des deux mains. Pardieu, je n’en étais encore qu’au début, et j’avais déjà besoin d’une pause. Non, il fallait que je poursuive. J’ôtai juste une main, sans conviction, mais autant dire que même d’un seul œil, ce n’était pas plus léger. « Tu crois qu’il a raison ? » Alaynna, bon D… « Ma machine à faire les bébés, elle est cassée. » Je jurerais jusqu’au bout sans doute une autre fois, pour l’heure, une douleur lancinante venait de m’étreindre la gorge pour mieux se répandre en moi, afin de me tordre les tripes. Non… pas ça... Matériellement parlant, comme c’est tout de même moins compliqué quand tous les outils sont dehors, je n’avais aucune idée de comment ce fut possible. Mais en cet instant, je ne me figurais pas encore le plan détaillé du plan de l’appareillage en dysfonction, j’étais seulement accablé par les faits qui, eux, ne m’échappaient en rien.

Je ne sais où j’avais su puiser les ressources nécessaires pour arriver au bout de ma lecture, bien qu’il me fallût le faire en trois fois. C’était un barrage entier qui venait de céder pour déverser sur moi ses flots de détresse, m’offrant vue sur territoire désolé.

J'avais espéré que la fatigue s'en vienne, elle était là, et je n'en demandais pas tant. La corde devrait m'attendre encore un peu, et Alaynna, aussi.

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Gabriel.louis



Bonjour Alaynna,

Je peine à trouver par où commencer, alors je vais tenter de te répondre une ligne après l’autre. Bien sûr que nous nous sommes menti, tous les deux. L’amour doit être ainsi fait qu’il nous pousse à vouloir épargner l’autre, surtout lorsque l’on en ressent la douleur. Merci d’avoir bien voulu me délivrer enfin de ce brouillard qui enveloppait ta vie.

Je ne vais pas tourner autour du pot, Catalyna a disparu quelques jours seulement après notre mariage. Je lui avais montré une lettre que j’avais reçue, d’une jeune femme. Elle me parlait d’un chef de famille décédé, de recherches faites pour retrouver son successeur. Elle disait que tout portait à croire que j’étais cet héritier légitime. J’ai fait part à Cat de mes réticences, elle avait des craintes aussi, mais elle m’a dit qu’elle voulait me voir un peu comblé, moi aussi. Comblé... Je suis vraiment un abruti, tu sais ? Elle s’est évaporée sans un mot, et depuis, je me raccroche à cette famille pour ne pas perdre complètement la tête. A croire que toutes les deux, vous étiez faites du même bois.

Alors, si je ne peux pas m’empêcher d’être fâché contre Niallan, je comprends aussi la souffrance qui a été la sienne. Sincèrement, je ne sais pas comment j’aurais réagi, à sa place. Tu as eu la force de le retrouver et de l’affronter, il a eu suffisamment d’indulgence et d’amour envers toi pour pouvoir te pardonner. Il doit être complètement perdu, alors laisse-lui un peu de temps, seul le temps peut panser certaines blessures. J’imagine à quel point tout ça doit te faire souffrir, et combien tu dois te sentir perdue, toi aussi. Mais je crois qu’il aura beau lutter et s’égarer ailleurs, jamais il ne saura se défaire de son amour pour toi. Il est trop grand, trop puissant, trop fou. J’en ai déjà contemplé son ampleur lorsqu’il a su, pour toi, affronter ses pires démons.

Je reste tout de même fasciné par son aptitude à toujours trouver LA connerie à ne pas faire, et j’espère qu’il s’apaisera bientôt. Il ne faudrait pas non plus que vous en arriviez à vous détruire l’un l’autre. Maintenant, je ne pense pas qu’il faille que tu voies tout ça comme une punition pour ce que tu as fait, et que tu sois dans l’acceptation la plus totale, cela signifierait faire une croix totale sur tout espoir de bonheur. Dis-toi qu’il te faut t’accrocher et faire preuve de patience, sans pour autant perdre espoir, ou fermer les yeux et te résigner docilement à toutes ses fantaisies ; il est comme un gosse, moins il aura de limites, plus il poussera loin. Donc, laisse-lui du large, mais ne le laisse pas non plus en abuser.

En ce qui concerne cette saleté de Corleone, qu’il aille crever. Tu n’es responsable en rien ! Pense-t-il sincèrement que tu es la première à perdre un môme, comme si ça n’arrivait pas à tous les coins de rue ? Il y a bien plus d’enfants qui ne voient jamais le jour que de survivants. Je ne le connais pas, mais franchement, ça ne m’a pas l’air d’être une lumière. A se demander où tu avais été le pêcher, sans doute au fin fond d’une taverne en fin de beuverie, parce qu’il ne doit pas être très frais, ce poisson-là.

Pour ton arbalète, ne cherche plus. Autant que tu aies de la qualité, alors je vais te la commander auprès de ma Tante. Permets-moi de t’offrir au moins ce cadeau. Par contre, si tu peux éviter de me prendre pour cible, je t’avoue que ça m’arrangerait beaucoup. C’est que je préfère de loin me souvenir de toi chaque fois que je vois le médaillon à mon cou, plutôt que la cicatrice que tu m’as laissée, espèce de petite sauvage. Et non, tu as raison, je ne risque pas d’oublier que tu as voulu m’embrocher comme un lapin.

Ce qui m’interpelle, c’est quand tu me dis que tu as réussi à te brûler la main. Involontairement ? Ça ne te ressemble pas. Tu es bien plus habile que cela avec les flammes. Je peine à m’expliquer comment c’est possible. Aurais-tu oublié que le feu grise et qu’il ne faut jamais perdre le contrôle, ou s’y fondre lorsque l’on ne se sent pas suffisamment fort pour lui résister ? Il ne saurait te respecter si tu ne le respectes pas toi-même. Je ne sais trop comment te conseiller au mieux pour contenir le besoin qui donne assaut sur ton âme. Pour ma part, j’essaie d’étancher sa soif en lui offrant la lie qui pullule en ce monde. Le violeur, le faiseur d’anges, l’esclavagiste, celui qui bat ses enfants… ce n’est pas les monstres qui manquent, et j’estime que ce n’est là que purification et justice. Bien entendu, il faut savoir rester discret, car les hommes sont des idiots qui estiment quelques amendes et jours de prison comme étant des sanctions suffisantes, quand la souillure de l’innocent, elle, ne s’éteint jamais.

Mais c’est aussi se mettre en danger. Moi, je n’ai pas d’enfant, et je t’avoue que je ne manquerais pas à grand monde, mais toi, Alaynna, tu as ta petite fleur. T’évader quelques heures au galop, le vent te fouettant le visage, comme si la terre entière n’existait plus, toi qui aimes tant les chevaux, cela ne te soulagerait-il pas ? C’est pour ça que j’aimais tant courir avec Apollo. Il ne porte aucun mal en lui, il est pur de cette innocence dont l’être humain est dénué. Sentir tous mes muscles se tendre et se détendre à chaque foulée, l’air s’infiltrant dans mon corps, comme si j’allais me déployer et devenir tout autre, et tout oublier pour ne conserver que ça, une course folle sans limite, sans gain, sans perte.

Et puis, quand la douleur s’en revient, toi, tu pleures sur Anna-Gabriella, moi, sur Canard. Cat’ me disait qu’il était un peu comme notre enfant. Elle était adorable, tu sais ? Je crois qu’elle pensait que j’aurais pu croire qu’il lui était suffisant, comme je n’aurais jamais été capable de lui faire un petit. Elle me l’a laissé. C’est d’ailleurs tout ce qu’il me reste d’elle. Avant, je le jalousais, depuis qu’elle est partie, je le hais, mais je n’ai pas le courage de m’en débarrasser. Déjà, parce que finalement, elle l’a abandonné tout autant que moi, mais aussi parce que je ne veux surtout pas oublier que l’amour n’est qu’éphémère, chimérique, et assassin. J’avais enfin osé y croire, et m’y laisser aller ; il m’a ravagé.

Si seulement Anzy était là, si seulement je l’avais encore, lui. Mais il est parti, lui aussi, tu sais ? Quand je suis allé rechercher mes dernières affaires à Marseille, on s’était croisés. Je lui avais dit qu’il y aurait toujours une place pour lui en Bourgogne. Il avait envie de nous accompagner, mais je ne sais pas trop ce qui s’est passé avec Satine. Je n’ai même absolument rien compris. Le lendemain de notre départ, il a défait ses affaires de l’attelage, et il a fait demi-tour. Il m’avait dit que Satine n’était pas contente, parce qu’elle avait loupé le départ comme elle avait déjà pris son tour de garde. Il m’a dit qu’ils allaient nous rejoindre plus tard. Ils l’ont fait, d’ailleurs.

Ça a été court, mais intense. Satine a été odieuse avec moi, je n’ai absolument rien compris de ce qu’elle racontait. J’ai essayé de me la fermer en pensant qu’Anzy avait surement fait une connerie et qu’il m’avait mêlé à ses histoires histoire de se dédouaner de je ne sais trop quoi. Sauf que le lendemain, quand j’ai voulu avoir une explication avec lui, il m’a assuré qu’il n’avait jamais dit à Satine que j’avais affirmé qu’elle allait le suivre dans tous les cas. Alors j’ai compris qu’elle voulait seulement qu’ils se tiennent loin de moi. Alors j’ai dit à Anzy que ça m’avait fait plaisir de le revoir, pour lui faire comprendre que je ne lui en voulais pas. Je ne voulais pas non plus le retenir, je n’en avais aucun droit, déjà, et puis, je préfère le savoir heureux. Il a sa vie à faire, et ça, il ne peut le faire qu’auprès de sa femme, pas auprès de son frère. Je crois que je ne le reverrai plus. Ça me ronge, souvent, parce qu’il me manque, et parce qu’il savait me secouer pour que je me tienne debout.

Voilà, je suis entouré de personnes dont je ne sais toujours absolument pas ce qu’ils attendent de moi, ni même s’ils ont vraiment besoin de moi. Mais au final, je suis seul face à mes démons, à tenter de faire bonne figure et d’avancer quand même.
Tu me tentes beaucoup. J’aimerais te rejoindre, être là pour te soutenir, et ainsi ne plus me sentir aussi seul, pouvoir me permettre d’être un peu moi-même et être enfin utile à quelqu’un. Mais en même temps, je me refuse de t’infliger ça, et puis je me fais honte rien que d’y penser. Je suis faible et décevant, je sais. Mais tu voulais des vérités, et face aux tiennes, je n’avais pas d’autre choix que de rétablir l’équilibre.

Et si un jour, tu venais à ne plus trouver que lettres mortes, cela ne voudra jamais dire que je ne t’aime plus. C’est seulement que j’aurais eu besoin de laisser à mon âme un peu de repos. Mais pour l’heure, je suis là, fidèle au poste, et à vous.

Je vous embrasse tous les trois, tendrement.
Gabriel.
PS : Je ne voulais pas t'en reparler, parce que je sais à quel point ça fait mal, mais je n'arrive quand même pas à comprendre. Tu es cassée par quel bout ? C'est ton ventre qu'il faudrait recoudre, c'est ça ?

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Adrianah
[Est-ce que tu me vois vivre...comme je t'ai vu mourir...] - Scylla -

Je n'aurai jamais dû m'arrêter dans la taverne tout à l'heure. Encore une fois j'ai morflé. Encore une fois, je m'aperçois de certaines choses. Et encore une fois, j'me la boucle. J'ai juste l'impression qu'on est en train de m'arracher le coeur de la poitrine, bien lentement et de le tordre dans tous les sens. Enfin pas on, mais il. Mon mari. J'les entends une bonne partie d'tous ces gens qui m'entourent me balancer que mon mari n'est qu'un con. Même la jolie baleine blanche hier, m'a dit qu'il n'était qu'un idiot et que ce n'était pas près de s'arranger. J'ai pas aimé qu'elle me dise ça, surtout la fin de la phrase. Gabriel m'écrit que je ne dois pas prendre ça pour une punition. Le vieux Corleone lui me balance qu'il me tue pas car il estime que ma punition c'est d'vivre avec mon mari. Maryah elle me dit que Niallan le fait exprès.
Et moi je commence vraiment à me dire que mon mari n'en a rien à foutre et qu'il ne m'a épousé que pour Anna-Gabriella. Surtout depuis que je sais qu'il a oublié de me dire une chose. Et pourtant je lui ai posé la question avant le mariage mais étrangement, autant il m'a certifié qu'il voulait m'épouser, autant il a buggé sur un autre élément.
Alors je me remets en mode coquille d'huître. Ouai. Je fais ma moule de luxe. Et quand j'fais ça, c'est jamais bien bon. Parce que ça augure d'une connerie puissance dix en préparation.
Mais j'ai promis. Et puis il a dit qu'il m'aime. Alors je comprends pas comment on peut en arriver là, quand on aime une personne. Soit il est vraiment con et moi j'en doute fort, car je le sais très intelligent et manipulateur au possible mon mari. Et donc, je continues de penser que même s'il le nie, il se venge. Il me fait payer ma fuite. Putana, si moi j'avais du lui faire payer toutes les fois où il m'a abandonné, je crois que j'y serai encore. Pourtant, je n'en ai rien fait.
Moralité, c'est moi la plus conne. Et j'aime pas du tout cette douleur que je ressens dans mon petit coeur maltraité à chaque fois. Hier, aujourd'hui. Demain il va inventer quoi de nouveau encore pour bien me torturer.
Je sais qu'il a changé. Je sais que je l'ai fait souffrir. Je sais qu'il est paumé. Tout ça, j'le sais. Je sens aussi cette chose qui s'agite en moi, qui ricane et qui se fout de ma gueule. Et ça m'inquiète, parce qu'elle commence à secouer un peu trop et je ne veux pas la laisser s'échapper. Et en plus elle commence fortement à m'agacer.


" - No je ne fuirai pas de nouveau, c'pas la peine d'commencer à m'emmerder avec ça toi. Ferme ta gueule, fais toi discrète, et si tu es sage, j't'apporterai à manger bientôt. Mais pour le moment, fous moi la paix, saloperie de m.ierda. Y'en a assez d'un, j'ai pas b'soin que tu t'y mettes aussi."

Je me frotte les tempes, deux jours que je me coltine ce putain de mal de tête. Niallan est parti coucher Anna-Gabriella pour qu'elle fasse sa sieste, en m'ignorant complètement une fois de plus. Quand il bande pas devant une autre, il m'ignore comme ça au moins tout est clair.

Mais il m'aime qu'il m'a dit.

Je donnerai cher pour que Gabriel soit là. Mais il est pas là. Et Catalyna a disparu. Je sais que Gabriel a raison pour le feu. Je n'ai qu'à regarder l'état de ma main qui me fait douiller, mais, j'endure en silence et je continues de me dire, que ça va passer tout seul, alors je ne la soigne pas. Hier quand Maryah a allumé un feu, je me suis sentie gelée et je tremblais comme une feuille.
Je peux pas. Gabriel a raison. Je ne respecterai pas le feu si je faisais ça. Je ne suis pas en état actuellement, d'aller jouer avec tout en gardant mon contrôle.

Tout en marchant, je me suis retrouvée près des chevaux et je vois Epo, qui renâcle dans son coin et qui fait de grands mouvements de la tête, souffle des naseaux, en me voyant. Je m'approche de mon Camarguais, et je glisse une main sur sa crinière.


" - Tu es en manque d'action toi, tu veux peut-être qu'on aille galoper tous les deux..."

Nous sommes partis durant des heures lui et moi. Comme à mon habitude, je le montais à cru.
Et nous avons galopé, ivre de liberté et de l'écho de ses sabots sur les sentiers. Je poussais Epo à accélérer, encore et encore, une vitesse vertigineuse. J'humais avec passion les senteurs boisées qui allaient à notre rencontre, emplissant mes poumons de ses chaudes fragrances, comme pour me sentir, enfin, plus légère, comme pour évacuer toute cette douleur en moi qui m'étouffe, comme pour cadenasser un peu plus cette chose qui menace de se libérer de ses chaines...

Comme pour toujours me sentir vivante et oublier les conneries de mon mari et ce qu'il me fait endurer.

Je percevais plus que je n'entendais cet esprit de la forêt qui m'aiguillonnait. Qui me pousse à avancer, qui m'exhorte à continuer plus avant.

Galope, galope comme si le vent était ta plus intime matière, sens la force pure qui émane de toi quand tu es dans ton élément, cette pulsation indicible et irrépressible qui est vie.
Enflamme les foyers de tes envies et galope...


Et ce n'est que lorsqu'Epo se cabre soudain et manque de me désarçonner, que je comprends qu'il a besoin de souffler.
Alors nous repartons au pas, jusqu'à ce que nous déboulions dans une petite clairière, où j'entends suinter un ruisseau.
Je me laisse glisser au sol, mon front vient se coller contre le poitrail frémissant de mon Camarguais, qui a l'écume aux naseaux, et je le laisse prendre du repos alors que, l'endroit calme et désert, se voit troublé par le bruissement de mes habits dont je m'effeuille un à un. La vieille veste élimée se voit jetée au sol, les braies, les bottes, la tunique et la chainse s'en prennent le même chemin et en dernier lieu, le tricorne voltige dans l'herbe, libérant une cascade de cheveux bruns qui vient s'échouer, jusque bas, sur ma taille.
Entre pierres moussues et roches pointues, le fin ruisseau semble m'appeller et m'inviter en ses eaux claires. Voilà. Ce ruisseau m'a tendu un guet-apens auquel je ne peux résister, et je me plonge dans l'eau fraîche.
Une après-midi placée sous le signe de l'eau, à n'en point douter. Pour une fois, il n'y aura pas de feu, pas de flammes.
Je ne sais pas si j'aime cette nouvelle silhouette que la maternité m'a offerte. Je sais que Niallan lui en raffole, et je ne cherche pas plus loin. Je ne suis pas de celles qui jouent de leurs charmes naturels, j'ai même plutôt tendance à les planquer qu'à les étaler. Mon mari seul, sait. Silhouette de jeune femme mince mais dont le contour des hanches s'est arrondi depuis la naissance d'Anna-Gabriella. La poitrine aussi a suivi le même chemin. J'ai quelque peu perdu en muscles par contre, mais je ne doute pas que les entraînements prévus avec le mercenaire auront tôt fait de remédier à celà. Je me lisse les cheveux pour les tirer un peu en arrière, cela procurant une légère détente à ce mal de crâne qui me vrille les tempes depuis la veille. Je prends de l'eau en conque dans mes deux mains et je joues doucement avec, laissant glisser l'eau, sur mon ventre.
Ce ventre sur lequel je laisse s'échouer mes deux mains. Ce ventre qui restera désormais éternellement plat. Ce ventre qui n'accueillera plus ni la vie, ni même la mort. Cela fait un gentil clapotis, que je répète, encore et encore.
Je ferme les yeux et j'essaie de me détendre complètement. Mais je ne dois pas savoir ce que signifie le complètement, bien que l'eau me procure un certain sentiment de bien-être et d'apaisement. Elle libère en moi des choses enfouies depuis si longtemps. Mais un ruisseau ne guérit pas de toutes les maladies comme la mer le fait.

Et fatalement, j'ai l'esprit qui dérive et retourne quelques années en arrière. Quand notre mère nous donnait le bain à mon frère jumeau et moi. C'était devenu un rituel, on se baignait ensemble Julian et moi. Deux gamins alors encore au faîte du bonheur. Nous étions heureux à cette époque. Je me souviens de la grande tine en zinc galvanisé qui ornait alors la pièce, posée devant un grand feu sur lequel chauffaient trois bouilloires d'eau. Après avoir versé un grand seau d'eau froide au fond de la tine, et en avoir mis un autre en réserve, mammà ajoutait l'eau chaude, petit à petit.
C'était un moment privilégié, j'avais même le droit de jouer avec mon petit navire en bois que mon père m'avait offert. Ouai. A l'époque, avant que ma mère ne meurre, mon père m'aimait. Mais il'm'aimait vraiment. Pour de vrai. Cette lueur que Niallan a dans les yeux quand il regarde Anna-Gabriella, je me souviens vaguement, qu'il y a fort longtemps, je lisais la même dans les yeux de mon père.

Mes mâchoires se crispent involontairement à l'évocation de ce souvenir. Depuis combien de temps n'ai-je pas pensé à mon père autrement qu'en voyant en lui l'homme qui m'a fait tant de mal et qui a brisé la petite fille insouçiante et joyeuse que j'étais alors.

Et puis mammà reversait de l'eau chaude, et cette fois, si je n'avais pas trop rouspété pour le pain de savon dans les yeux ou les frictions aux endroits les plus sales, - et c'était souvent mes genoux - , j'avais à nouveau le droit de jouer avec mon frère dans l'eau devenue grise et savonneuse. Puis on se faisait vigoureusement étriller et sécher et une fois le bain fini, c'était le traditionnel biscuit dont ma mère n'a jamais eu le temps de me donner la recette, auquel nous avions droit.
Et là je sens mon coeur qui vrille de nouveau. Neijin veut m'apprendre à faire des gâteaux. Je lui ai juste dit que ma mère étant morte, personne ne m'avait appris à en faire.

Je me redresse soudainement dans l'eau et je murmure soudain un prénom italien. Des jours que je tente vainement d'établir une liste de prénoms mixtes. C'est dire que pour une fois, j'ai écouté Maryah. Bien sûr, je ne lui en ai rien dit.
Je déglutis lentement et je sens les larmes brûler mes paupières.



- " Raffaelle".


J'ai trouvé le prénom mixte toute seule, j'ai néanmoins occulté une partie de ce que m'avait dit Maryah. Tout ce qui concerne Roman en fait. Mais maintenant, je suis bien embêtée, parce que je ne sais toujours pas comment je vais bien pouvoir faire cet accompagnement au Royaume des Morts. Ce premier bébé perdu, pour la première fois je ne le nomme plus l'Ombre, mais Raffaelle.
Et je ne sais pas comment faire pour que ce bébé-ci rejoigne Andrea. Il va falloir que j'y réfléchisse et que je trouve vite un moyen. Je me demande quel bruit ça fait un petit coeur quand ça s'arrête de battre. Parce que non seulement je n'avais rien vu, mais rien entendu non plus...

Ce n'est qu'en fin d'après-midi, que j'ai de nouveau monté Epo afin que nous rentrions au campement. Si mon mal de crâne était toujours bien présent, la chose elle, semblait s'être momentanément calmée. Et moi je n'avais plus cette sensation d'étouffement de ces dernières heures.

Peut-être que le conseil de Gabriel avait porté ses fruits. Ce qui me rassurait un peu car je me disais que même au travers de nos écrits, malgré qu'il soit loin de moi, il arrivait encore à trouver ce qui pouvait me calmer et me faire un peu de bien. Mais je sais aussi que ce n'est que momentané, mais maintenant, j'ai conscience qu'Epo aussi peut m'aider de temps en temps.
Jusqu'à ce que je me sente de nouveau assez forte pour aller titiller le feu tout en le respectant. Et que j'évite d'aller danser dans les flammes.

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