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[RP] Si tu veux qu'on s'apprenne..

Adrianah
[Où et avec qui tu m'aimes...] - Pascal Obispo-


J'ai compris quand je l'ai vu partir. Sans rien me dire, m'ignorant encore une fois. Je savais. Autant j'accepte qu'il l'aime aussi, autant je n'accepte pas qu'il soit près d'elle pour son accouchement. Je ne peux pas. J'ai essayé mais je n'y arrive pas. Parce que toute ma culpabilité et ma souffrance me submergent alors. Tout mon être et mon âme se retrouvent torturés. Depuis mon propre accouchement, mon corps est marqué au fer rouge. Et là tout de suite, je sens mes tripes, mon coeur qui se déchaînent, et la Chose gronde alors fort. Terriblement fort. Trop fort. Je sens ce cognement qui martèle mes tempes et qui me vrille le crâne, m'ôtant toute raison.

Je me suis levée, et méthodiquement, j'ai revêtu le bustier de cuir rouge, celui qui dort au fond du coffre et que j'ai en horreur depuis la nuit où j'ai manqué de tuer Gabriel. Je laisse glisser mes doigts sur la matière, y enfonçant mes ongles par endroit. Mes braies habituelles sont revêtues, les cuissardes prennent le même chemin, mais la veste élimée et le tricorne restent sur le dossier du fauteuil où je les ai posé quelques heures plus tôt. Les cheveux restent sauvagement lâchés sur mes épaules et sillonnent tout le long de mon dos, jusqu'à épouser la cambrure de mes reins.
Ma triple dague elle, est toujours à sa place, bien planquée. J'avais demandé à Eliance si je pourrai rester auprès d'elle, quand le moment serait venu, afin de ne pas faire de bêtises et me sentir moins seule, mais son mariage est demain et je ne vais pas aller l'emmerder à cette heure ci.

Alors je harnache Anna-Gabriella contre moi. Je caresse le petit corps chaud de notre petite pirate-princesse, je la love tout contre mon sein, collant ma tête contre la sienne, respirant son odeur de bébé, effleurant sa joue de mes lèvres. Mais ça secoue tellement la dedans. J'ai l'impression de me retrouver sur le navire, au plus fort de la tempête, et ça tangue, ça tangue, ça ballote, pour finir par se déchaîner violemment.

Apollo est là à me regarder, les oreilles dressées, à l'arrêt. Il attend, prêt à me suivre. Mais je secoues la tête. Je sors et me dirige vers la charrête où dors Percy. Et j'intime l'ordre à Apollo de rester là. De veiller sur mon beau-fils.
Mais alors que je commence à m'éloigner, mon Danois, se met à couiner. Je m'en cogne, je continues d'avancer, serrant les poings et les mâchoires, mais voilà que maintenant, il se met à aboyer. Et plus je m'éloigne, plus il aboie furieusement.
Et mes tempes déjà endolories, manquent exploser, ses aboiements sont décuplés dans le creux de mon crâne, le bruit est terrible et la douleur si intense que je me retrouve pliée en deux, alors que je sens la Chose secouer violemment ses chaînes et se mettre à ricaner puis à m'implorer de la libérer, de la laisser sortir.

Audric n'est pas là pour m'emmener me défouler. Gabriel est loin. Et Audric m'a fait promettre de rester sage en son absence, de ne pas faire de conneries. Il voulait m'emmener avec lui en fait. Mais j'ai refusé. Je ne pouvais pas faire ça. Malgré l'attitude odieuse de mon mari ces derniers jours. Alors il m'a demandé si en revenant, il pourrait toujours m'entraîner, et j'ai accepté.

Je refuse d'écouter les aboiements d'Apollo, que j'entends s'estomper, au fur et à mesure que j'avance. J'atteints assez rapidement la taverne au Cerbère, où je sais trouver l'arbalète derrière le comptoir. Et à cette heure ci, l'endroit est désert. Je m'empare de l'arme et je ne m'attarde pas dans les lieux, je claque violemment la porte en ressortant. Arbalète en main. Et dans la besace que j'ai voltigé sur mon dos, il y a les deux fioles de poison. Celle qu'Amalio m'a donné l'avant-veille, celle que Roman m'a vendu l'autre jour.
La vision de Percy vient danser devant mes yeux rougis. Je n'ai pas conscience des larmes qui coulent, tout ce que je sens, c'est cette douleur dans mon crâne et mes tripes qui se tordent violemment en mon ventre.
Ce soir je voudrai pouvoir remettre Anna-Gabriella dans mon ventre et pouvoir revenir en arrière, sur le port de Marseille. Je revois ma sortie précipitée de la taverne, alors que j'avais senti le liquide chaud s'écouler entre mes cuisses. La terreur ressentie, je la ressens encore. A cet instant précis. Je me souviens de cette course, entrecoupée de manière de plus en plus régulière par la douleur horrible de mon ventre qui se contractait. Je sens de nouveau cette odeur de mort qui m'envahit. Plus mes contractions se faisaient violentes, plus je savais que j'allais mourir, et je n'avais qu'une seule idée en tête, protéger Niallan de ma mort. Et le port fut mon chemin de croix jusqu'à ce que j'aperçoive ce navire battant pavillon italien et que je parvienne à y grimper, manquant basculer par dessus le bastingage, alors qu'une main ferme féminine,italienne était venu m'empêcher de crever prématurément. Ainsi qu'Anna-Gabriella.

Ce n'est que lorsque j'entends de nouveau les aboiements d'Apollo que je réalise que je suis revenue sur mes pas. Je serre désespérément Anna-Gabriella contre moi, mais ma fille ne m'apporte nullement le réconfort souhaité. Le seul envisagé et envisageable, est celui de mon mari. Qui assiste à l'accouchement de sa maîtresse. D'un enfant qui n'est pas le sien. Et il n'était pas là pour la naissance de notre fille. Et c'est ma faute. Même si au fond de moi, je sais qu'il a une lourde part de responsabilité en ce qui concerne ma fugue, je me refuse de l'admettre, et j'endosse moi, toute la faute. Je ne me le suis toujours pas pardonné cet acte de folie. Je ne me pardonne pas le mal que j'ai fait à Niallan. Même si lui m'a fait tout autant mal. Et qu'à ce jour, il continue dans sa lancée. Allègrement. Et que j'ai dit que j'acceptais. Il m'a prévenu avant le mariage. Qu'il m'aime comme un fou, mais qu'il aime aussi la jolie baleine blanche. Et il m'a dit que j'allais morfler. J'ai accepté en toute connaissance de cause. Parce que moi aussi je l'aime. Parce que personne ne peut l'aimer comme moi je l'aime. Parce que je lui ai fait la promesse de le laisser être Papà. Et que j'ai failli à ma promesse durant les trois premiers mois de la vie de notre fille.

Audric dit que je ne mérite pas de souffrir autant. Le Corleone n'a pas voulu me tuer, estimant que ma punition était de vivre cette vie que je me suis choisie auprès de Niallan. Moi je sais que ma souffrance actuelle, n'est rien comparée à celle que je ressens quand je suis loin de lui. Je sais l'Enfer sans lui. Aujourd'hui je découvre l'Enfer avec lui. C'est comme ça. J'expies. Je l'aime et je le déteste. Mais je ne désespère pas de retrouver celui qu'il était avant.
Avant que je ne le fasse souffrir.

On peut tout accepter par amour. Mais personne ne sait le temps qu'il faudra pour que mon mari retrouve sa confiance en moi. Pour qu'il n'ait plus la trouille de me voir refuguer encore. Alors j'endure. Tout en me demandant jusqu'à quand ça va durer. Je sais pourtant que c'est de l'amour. Il me l'a dit, il ne m'aurait pas menti.


Qui d'autre que moi te fait du mal, si mal.
Qui d'autre pourrait te faire du mal, aussi mal que moi.


Mais je ne me méprends pas, à cet instant, je sais qu'il est en train de m'infliger la pire des tortures. Personne ne me comprend. Eliance m'a balancé que je devrais être contente que Neijin ne me pique pas ma moitié de mari. Comme si ce n'était pas déjà fait ! Depuis j'évite Eliance. Pas l'envie de m'entendre encore des banalités telles que celles là.
Personne ne peut comprendre le mal infligé. La torture que c'est que de le savoir auprès d'elle à ce moment là. Alors que j'avais promis de le laisser être avec moi pour la naissance d'Anna-Gabriella. Même si je savais qu'il aurait peut-être été entre les cuisses de Chiara à ce moment-là. Je sais que je ne pourrai jamais plus lui offrir ce moment puisqu'il parait que je suis désormais incapable de porter la vie. Le seul avantage que j'y vois moi, c'est que je ne porterai plus la mort. Audric et le pirate germain eux ils m'ont dit que je ne me rendais pas compte de la chance que j'avais, que je n'aurai plus besoin de faire attention en copulant. Plus besoin de prendre des herbes. Et ils ont compris eux, que Niallan soit content.
Moi, je comprends qu'il ne veut plus d'enfants, mais j'ai conscience qu'en le laissant voler, il en aura sûrement d'autres, qu'il le veuille ou pas. Je lui ai simplement dit l'autre soir que si un jour il en fait un à la jolie baleine blanche, je partirai. Je l'ai vu subitement paniquer et me demander d'une voix blanche, et Anna..Je n'ai pas eu la force de lui répondre.

Pourquoi je me retrouve là, pliée en deux, devant notre tente, et près de la charrette où dors mon beau-fils ? Alors que je voudrai m'en aller. Loin. Allumer un grand feu et y danser dedans.
Alors pourquoi je reste ici, à nous bercer en me balançant d'avant en arrière, agenouillée sur le sol, au beau milieu de la nuit, en proie à cette douleur incommensurable qui me broie.
J'ai néanmoins les deux fioles de poison en main.

Ce serait tellement facile. Si seulement il n'y avait pas Percy et Anna-Gabriella. Si mon mari ne m'aimait pas et me haïssait.
Mais il n'en est rien. Il dit qu'il ne peut pas me perdre, que sans moi il ne sait pas faire. Moi tout ce que je vois ces derniers jours, c'est qu'il sait très bien faire sans moi ou avec moi. Il sait très bien bander devant sa maîtresse devant mes yeux alors qu'il porte une ceinture de chasteté et que forcément, ben là, il ne peut plus rien cacher. Il sait m'embrasser froidement sur la joue alors que je le vois l'enlacer tendrement, elle, devant mes yeux. Il sait aussi m'ignorer quand il s'en va. Et pourtant. Il m'aime comme un fou. Et comme si ça ne suffisait pas, Neijin se met de la partie en m'humiliant davantage encore. Prenant la main de mon mari pour qu'il me fasse un câlin. Ce fut la cerise sur le gâteau. Je me suis cassée ce jour là. Et après elle est venu me torturer un peu plus encore en me demandant si elle est aussi chiante que l'autre Corleone qui a voulu m'étrangler le dit. Jeni. Heureusement que Gabriele, il est arrivé à ce moment là, ça m'a évité de devoir approfondir le sujet.

Je morfle sévère. Encore et encore.

Et j'ai promis.

Alors je me refuse à allumer un feu, je ne le contrôlerai pas. Et je laisse la Chose se déchaîner en moi et me secouer violemment. Mes hurlements contenus se transforment en plaintes désespérées.

Les fioles de poison toujours serrées convulsivement entre mes doigts.

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Adrianah
[Double je] - Christophe Willem -


Oui quand je serai grande ça sera facile, enfin je saurai qui je suis.
Oui mais, en attendant je me défile,
C'est vrai, je me dérobe et je me file.
Je pleure, je ris, j'ai peur, envie, je sais.
De toutes les couleurs j'vais en voir,
En attendant je me déguise.
C'est vrai que tous les costumes me vont bien,
Le rouge, le noir, le blues, l'espoir, le noir.


J'ai comme une impression de flottement et je regarde cette Ritale, agenouillée au sol, qui a cessé de se balancer. Ce mari qu'elle a, devrait représenter tout ce qu'elle déteste, mais elle ne peut s'empêcher de se languir de lui et de l'aimer. Incapable de résister à leur attirance mutuelle, ils s'évitent, se cherchent, se trouvent, se perdent, pour mieux se retrouver. Et cette fois est la pire de toute.
Cette masse sombre que je suis, qui regarde l'Italienne, fond alors sur elle, la prend d'assaut et lutte. Mais moi, je suis plus forte qu'elle, surtout que j'ai bien attendu qu'elle se fatigue et qu'elle commence à s'étioler toutes ces dernières semaines.

Le chaos a cessé, soudain c'est le calme plat. Je ne me sens plus secouée, je n'entends plus le fracas des bruits des chaînes, et cette sensation d'étouffement a totalement disparu.

A qui la faute ? Je suis l'une et l'autre.
Double je.


Alors que je me redresse sur mes jambes, mon regard se pose sur les deux fioles de poison et mes lippes s'étirent en un sourire narquois. Il aurait été dommage de les gaspiller. Si elle avait fait ça, elle m'aurait tué moi aussi par la même occasion. Et je ne demandais qu'à être libérée de ce carcan dans lequel elle s'efforçait de m'enfermer. J'ai pris mon temps cette fois, afin qu'elle s'épuise à me contenir, la laissant croire que j'étais incapable de me libérer.
No. Bien évidemment que ces fioles serviront. Mais pas sur nous. Je choisirai mes victimes en temps et en heure.

Mais là tout de suite, c'est l'heure du jeu. Une nouvelle partie va s'engager et c'est moi qui vais être la maîtresse de ce jeu là.
Je m'agace un petit peu, car ses plaintes désespérées arrivent à mes oreilles.


" - Oh no ma jolie, tu n'es pas prête de sortir. A ton tour de rester enchaînée. Je vais te montrer comment l'on s'amuse et comment on allume des brasiers bien plus ardents que les tiens. Ton mari va littéralement adorer le changement. Et il est tellement peu observateur, ça va être si facile de le gruger, et de jouer avec lui. Après tout, tu es moi et je suis toi. Il n'y a peut-être que ton cher Gabriel qui pourrait déceler la vérité. Mais alors cette fois, je ne le louperai pas. No. Tu n'es pas prête de revoir le jour. Mais je te promets que ta petite pirate aura la meilleure des mammà qui soit. Je vais lui apprendre à devenir comme moi.
Il va falloir que je remercies dignement ton...notre mari. C'est le nôtre désormais. Mais tu aimes ça partager, toi. C'est quand même grâce à son aide que j'ai enfin pu réussir à me libérer des chaînes sous lesquelles tu me maintenais. Il m'a quand même pas mal mâché le travail."


Les lèvres italiennes s'étirent en un sourire ravageur cette fois, avant d'effleurer possessivement et tendrement le front d'Anna-Gabriella.

L'heure de s'amuser est enfin arrivé.


" - J'ai cru comprendre que nous sommes invitées à un mariage. Calyce t'a demandé de veiller sur Eliance durant la cérémonie. Nous allons le faire et dans les règles de l'art. On s'occupera de notre mari plus tard, dans l'immédiat nous avons un mariage et nous devons nous faire belle. Et j'ai quelques missives à envoyer également.
"


L'une d'elles ne tarde pas à prendre son envol vers son destinataire, alors que je lâche un petit rire satisfait. Moi je ne l'aime pas, mais elle si. Et même s'il découvre ce que j'ai fait, il va lui falloir du temps pour cela, et plus le temps va passer et plus il sera alors compliqué de libérer ce que j'ai pu enfin enchaîner. Et c'est toujours mieux d'avoir ses ennemis près de soi. Gabriel, le meilleur ennemi d'une partie de nous, mais l'homme si cher de notre autre partie.
Quant à Niallan, je ne me fais aucun doute là-dessus, il mettra encore plus de temps à comprendre mais il va tellement m'adorer qu'il ne voudra même plus que sa Ritale retrouve sa liberté.


" - Remercies moi. A partir d'aujourd'hui on va s'amuser. On va faire ce que tu t'es toujours refusé de faire. Et notre mari va comprendre qu'à trop jouer avec le feu, ce n'est parfois pas celle que l'on croit qui s'y brûle..."


Citation:
Il mio molto caro* Gabriel,

Je préfères que tu m'aimes vivant sans avoir besoin de laisser de repos à ton âme.

Alors viens. Dépêches toi. Rejoins nous.

J'ai terriblement besoin de toi. Tu as une filleule divinement parfaite à rencontrer. Et ça continues de secouer là-dedans.

Viens vite !

Alaynna.

PS : C'est dans mon ventre que c'est cassé. Il faudrait l'ouvrir, pour découdre ce qui a été recousu vois-tu ? Et ça permettrait sûrement à ma machine à faire les bébés de refonctionner. Enfin je crois.


Et maintenant, il est temps de se préparer pour ce mariage.

Mon très cher Gabriel

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Gabriel.louis
Connaissez-vous le concept de la douche Italo-Russo-Polonaise ? De fait, c’était le précurseur de ce que l’on nommerait « Douche écossaise » dans quelques siècles. Pour l’heure, c’est ce que j’étais en train de subir depuis quelques jours.

Tout avait commencé par un grand vide. La terre était plate, informe et… ah non, ça c’est une autre histoire, un brin plus biblique, d’ailleurs. Ceux que j’aimais avaient une toute autre religion, un autre credo : celui de me rendre complètement cinglé.

Tout avait commencé par un grand vide, donc. Au manoir, il n’y avait plus guère que les enfants de Draugaran que je fuyais, Ayane qui me fuyait, Sebast qui avait toujours le cerveau en fuite dans tous les cas, moi, et ma corde dans l’armoire. Et alors que je touchais le fond, ce fut le retour soudain de Draugaran et son Epoux, mais surtout, d’une Russe qui s’était évanouie dans la nature environ un an auparavant, soit, ma femme. Autant dire que l’expression « être secoué » je la connaissais plutôt bien. Je ne sais par quel miracle, j’avais tout de même trouvé la force d’avancer, et j’avais décidé d’emmener tout ce petit monde pour rendre une petite visite à Tobias qui était à Nevers.

C’est arrivé sur la route entre Autun et Nevers, donc presque à destination, que tout se compliqua. Si, si, je vous jure que ça pouvait être encore plus compliqué que ça ne l’était déjà. Deux émissaires interrompirent notre attelage à peu d’intervalle. Le premier me remit un pli de la part de mon Oncle qui étira sur mes lèvres un fin sourire presque détendu, fait suffisamment rare depuis près d’un an pour qu’il soit souligné.


Citation:
Vous venez ? Vous venez ?! Vous venez ? Vous venez donc.

Me voici ravi ! heureux ! Comblé ! J'attends avec impatience et exitation de vous revoir.

Vous venez ? Vous venez ?! Vous venez ? Vous venez donc.

Merci !

Tobias


Tobias, si plein de vie à l’expression impulsive, lui aussi me manquait, même si je ne savais toujours absolument pas comment j’allais bien pouvoir lui annoncer la chose. Imaginez-vous un peu à ma place, comment le lui diriez-vous ? Peut-être, quelque chose comme : « Le bonjour, je suis ravi de vous revoir, vous êtes en forme, et ah, au fait, je vous présente ma femme ! ». Bon, d’accord, très mauvaise idée, mais j’allais bien finir par trouver… ou pas.

C’est donc toujours plongé à ma réflexion mais déjà un peu plus serein grâce à sa lettre que je poursuivais ma route. Mais, parce que je ne serai jamais tranquille bien longtemps, nouvel émissaire, nouvelle lettre, nouveau correspondant.

Aux premiers mots, je fronçai les sourcils. Alaynna avait-elle décidé de chercher un moyen de me forcer à apprendre l’Italien, moi qui déjà n’en prononçais que trois ou quatre mots avec un accent digne d’une vache Polonaise qui se ferait saillir par un bœuf Espagnol. Notez ici que je parle bien consciemment de bœuf plutôt que de taureau, et pour cause, cela me correspond mieux. Bref, je me comprends.


« Je préfères que tu m'aimes vivant sans avoir besoin de laisser de repos à ton âme.

Alors viens. Dépêches toi. Rejoins nous. »

Alors là, d’une ligne à l’autre -vous allez me dire que je ne pense décidément qu’aux bovins mais…- je ne comprenais pas vraiment le rapport avec la flexibilité de la queue de la vache. Non mais elle était complètement pétée ou quoi, au bout d’un moment ?

« J'ai terriblement besoin de toi. Tu as une filleule divinement parfaite à rencontrer. Et ça continues de secouer là-dedans. »

Elévation du sourcil droit à ce qui résonnait un peu comme un : Au secours – Battements de cils pour appâter – Re au secours. Là soit c’est moi qui n’étais pas très net, soit c’était elle.

« Viens vite ! »

Comme si je n’avais pas encore compris, il fallait qu’elle insiste encore sur l’urgence.

Et à la signature, là, ce fut le drame. Je plissais les yeux, remisant l’intérêt scientifique du post-scriptum à plus tard. Cette signature-là, appuyée comme elle était, c’était le point final pour marquer ce qui ne lui ressemblait absolument pas. La veille encore, lorsque j’avais parlé d’Alaynna à Draugaran, le premier terme qui avait passé la barrière de mes lèvres pour la décrire était « réservée ». Il y avait comme un décalage soudain avec l’insistance émise dans ce trait.

Sensation du sol qui s’ouvre sous mes pieds, le cœur se soulevant à l’instar d’une lente chute, en gros, l’angoisse la plus totale ! Dans ma tête, tout s’accéléra subitement. Les aveux dans sa dernière lettre, Maryah, les Corleone, l’autre femme dont Niallan semblait épris, tant de dangers autour d’elle. Et si toutes ces incohérences étaient volontaires pour me faire comprendre qu’il se passait quelque chose dont elle ne pouvait me parler ? Et si on l’épiait ? Et si elle m’écrivait sous la dictée ? Et si elle était maintenue prisonnière et que l’on tentait de m’attirer dans un piège ? Et s’il s’agissait de mes anciens geôliers ?

Et l’angoisse de tourner au véritable vent de panique. Vite, il fallait que je rejoigne Nevers au plus vite, que je trouve le moyen de faire traduire ces fichus mots incompréhensibles. Je hurlai littéralement sur le cocher afin qu’il accélère, sans même être capable d’expliquer aux autres ce qui se passait.

Cette lettre, j’avais l’impression qu’elle me cachait quelque chose. Il arrive quelque chose à Alaynna ? On va tous mourir ? Alaynna est morte ? Alaynna est en danger ? Alaynna est malade ? Alaynna est partie ? Alaynna est en vacances ? Alaynna se rebiffe ? La revanche d’Alaynna ?

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Adrianah
Le début de soirée s'annonçait morne. Plus que morne. Les cheveux en bataille, la Ritale buvait par petites gorgées une soupe bouillante, en surveillant du coin de l'oeil la décoction de menthe poivrée qu'elle laissait bouillir sur le feu.
Anna-Gabriella était couchée sous la tente dans son petit berceau de pirate, son mari, elle ignorait où il se trouvait, et Alaynna, dehors près du brasier, lâchait par moment son bol, pour se tenir les tempes entre ses mains.


" - Perché tu ne m'as pas laissé continuer ! J'étais bien parti pour lui dire tout ce que l'on pense d'elle, et tu as bien vu qu'elle t'a dit que ce que toi tu endurais, elle ne le supporterait pas elle ! Comment as tu réussi à te libérer un instant, juste pour aller t'excuser ! Vous êtes aussi malheureuse l'une que l'autre. Sauf que elle, elle a trouvé ton mari pour adoucir sa peine. Toi tu n'as personne pour adoucir la tienne, parce que tu es toujours aussi conne pour ne pas le vouloir.Et lui il est pépère, il a deux bonnes femmes à ses pieds. Son officielle et son amante. Si toi tu veux pas qu'il morfle, je vais m'en charger.

- Parce que ce n'est pas elle la fautive. C'est lui qui nous aime toutes les deux. Et si tu leur fais du mal à l'un ou à l'autre, je trouverai un moyen d'allumer un feu et de t'y faire crâmer.

- Arrête un peu, ferme là au lieu de débiter ces conneries. Elle est aussi fautive que lui, elle savait pertinemment qu'il t'aime, et ça n'avait pas l'air de la déranger tous ces derniers jours quand il se comportait comme un monstre envers toi. Tu vas pas me dire qu'elle ne le voyait pas, elle t'a même humiliée en voulant qu'il te prenne dans ses bras. Fais pas chier, et t'avise pas de te repointer de nouveau."

Les tempes vrillent et castagnent ce soir. Sur les conseils de mon ancien beau-frère, j'ai donc été m'achalander en menthe poivrée, et j'ai du allumer un feu pour la préparation. Mais si Elle sait jouer parfaitement avec le feu, moi j'en reste éloigné. Parce que le seul moyen de m'affaiblir assez pour me capturer et me remettre sous chaînes, c'est le feu. Et Elle le sait. Ce n'est pas pour rien qu'elle joue régulièrement avec.
Mais ce soir, elle n'y pourra rien. Parce que sa petite sortie de tout à l'heure l'a totalement affaiblie. Mais elle m'a fait mal à moi aussi et il faut que je récupère des forces. J'espère que cette décoction va m'y aider et calmer cette terrible douleur qui me vrille les tempes.

Percy ne semble toujours pas être revenu, je laisse à sa mère le soin de s'en charger maintenant qu'elle est prévenu.
Je ne m'attendais pas à voir arriver Neijin tout à l'heure avec son bébé dans les bras. Et l'autre partie de moi-même en a profité pour se faire la malle et m'empêcher de continuer ce que j'avais commencé.
Elle est allé s'excuser ! Et elle a même été reparler d'allumer un grand feu de joie. Disait-elle cela par rapport à son mari, ou bien par rapport à moi, je n'en sais rien mais j'ai réussi à m'arracher des lieux, la sentant s'épuiser au fil de la discussion.
J'ai l'impression que les flammes se rient de mes stigmates et après avoir terminé ma décoction, je retourne la marmite, déversant l'eau bouillante sur le brasier qui se consume peu à peu et ne laisse plus qu'une fumée opaque.
Je trempe un linge dans le mélange et je me l'applique sur le front et les tempes, dans le silence le plus total, assise sur une souche, la tête inclinée vers le sol.

Des avalanches de vides, en fusées des flocons les chimères, un mari polygame ou qui s'y assimile, des feux, des péchés, des nuages, des enfantements, des feux encore et toujours.
Des odeurs sous magnétismes, des olfactions de la lèpre châtiée, de moustaches rires, des rousseurs de la plaies, des soleils hémiplégies, des digitales rayons libellules, aux interpénétrations des invisibles cristaux, de la viande existentielle, des vomissures éclatées. Voilà ce que je me coltine en ce moment.
Je suis une dépersonnalisation des genres. Le voile s'est déchiré. Mais je dois être plus prudente afin de ne plus laisser s'échapper l'autre partie de moi.
Et pour commencer il faut que j'évacues ce mal de crâne qui me tue les tempes. Parce que je sais que c'est l'un des moyens de mon autre Moi pour tenter de m'affaiblir.

Elle n'y arrivera pas.

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Adrianah
[Elle y mit tant de temps, de larmes et de douleur,
les rêves de sa vie, les prisons de son coeur,
et loin des beaux discours, des grandes théories,
Inspirée jour après jour de son souffle et de ses cris,
elle changeait sa vie.
]



No. Elle n'y parviendra pas. Elle a même réussi à s'enfoncer encore davantage aujourd'hui. Et j'en ai profité, pour tous les envoyer chier et me casser. Pas que tous m'avaient énervé mais certains si. Et tout le monde a trinqué, j'ai pas fait de détails. De toute manière, ça m'arrangeait bien. Même plus que bien.

Puis ça m'agace de les entendre parler de mon mari comme s'il était incapable de prendre des décisions tout seul. Comme si certains décidaient déjà de ce qui serait ou pas pour lui. Alors ouai, ça m'a gavé. Et puis m'entendre dire que je devais sourire à toutes ses conneries, toutes les saloperies qu'il me fait endurer depuis quelques semaines, et lui écrire que je l'aime, des conseils comme ça je m'en passe allègrement. Comme s'il ne le savait pas déjà !
La prochaine fois va aussi falloir que je le regarde en baiser une autre, que ce soit sa maitresse ou pas allons y gaiement, sous mes yeux avec un grand sourire niais sur la face aussi tant qu'on y est !

Ils supportent pas que je tire la gueule et bien je vais les soulager. Eliance est allé jusqu'à me dire que c'est ce qu'elle faisait elle. Ouai, ben en attendant, son italien, il est pas là.

Alors m.ierda.

J'me suis cassée de la taverne en les envoyant paître tous autant qu'ils étaient.

Retrouver Anna-Gabriella et m'assurer qu'elle tenait le choc avec sa petite dent qui la travaille. J'avais décidé de ne pas l'emmener avec moi en taverne depuis que je la sais "malade". Et puis l'Italien m'a dit de surveiller sa température et de la lui ramener si elle ne baissait pas. Mais comme j'ai pas envie qu'ma fille morfle, je lui donne des bains à répétition et je me dis qu'au final, ça ne peut que lui faire du bien et qu'elle aura moins chaud.
Et puis je lui masse doucement les gencives aussi, alors certes, elle bave tant qu'elle peut, mais je vois bien qu'elle en redemande, quand je la vois appuyer sa petite bouche sur ma main.
Alors tout en caressant son visage d'une main tendre, l'un de mes doigts lui, fait office de soulagement pour la gencive gonflée d'Anna.

Et me voila soudain en train de ricaner quand j'ai reçu la missive de Gabriel. Depuis quand il m'écrit en italien ! Et puis surtout cette phrase là. Qui non seulement se rapporte au médaillon de ma mère que je lui avais offert l'année dernière mais surtout et principalement parce que j'en sens une qui commence à agiter ses chaînes. Tiens, là v'la qui se réveille soudain au contact de la missive.

La luna d'oro sarà presto nel tuo cielo.*


Mouai. J'en déduis que je vais le voir arriver sous peu. Pour le coup, je vais pouvoir le faire péter le sourire de la mort qui tue sur mes lèvres. Histoire de le gruger, et qu'il ne s'aperçoive de rien.

Plus tard je suis repartie en taverne. Après avoir fait téter Anna-Gabriella, avoir joué un petit peu avec elle bien qu'elle soit encore grognon mais finalement c'est bien, la mère et la fille sont aussi grognasses l'une que l'autre en ce moment. Tout pour charmer mon mari et ne pas l'inciter à se faire la malle avec Neijin comme tout le monde semble se penser qu'il va faire.
Mais à l'heure actuelle, j'en ai rien à braire de faire du charme à mon mari. C'est plutôt le besoin de lui coller une bonne dérouillée et l'envie de lui faire prendre cher qui m'étreint.
Et après on pourra discuter. Et mettre les choses au clair. Parce que c'est pas parce que j'ai dit que j'acceptais, que j'accepte tout et n'importe quoi non plus. S'il s'imagine ça, il se fout le doigt dans l'oeil. Et puis j'vais lui rappeller les promesses qu'il a faites il y a pas si longtemps et qu'il piétine déjà allègrement.
Mais je vais pas m'enfuir. No. Je lui donnerai pas ce plaisir là parce que d'une, j'en ai pas envie et de deux, je suis sûre que certaines n'attendent que ça.

Donc. No.

Et je suis d'autant plus décidée à ce qu'il prenne cher que j'ai pris conscience de certaines choses aujourd'hui. Ou plutôt, j'ai eu une longue discussion avec une personne qui ne m'a pas mâché ses mots, mais qui me comprenait. Et se sentir comprise, c'est déjà une avancée formidable dans ma caboche. Si, si. Pour une fois, on me balançait pas qu'il fallait que j'accepte tout avec des sourires béats en travers de la tronche. Parce que ça cause, ça cause, mais ça ignore tout de ce que l'on a vécu Niallan et moi avant ma fuite. Ils croient qu'ils savent, mais ils ne savent rien en fait.
Moi mon mari je le vois d'un oeil complètement différent de la vision qu'ils en ont. Et ça a toujours été. Je sais comment il est. Mais vraiment. Autant je sais le Salaud qu'il est, autant je peux aussi savoir le type bien et plus que bien, qu'il cache sous ses airs à la con. Je sais qu'il a affronté ses pires démons pour moi. Eux ils n'en savent rien. Je l'avais vu changer sous mes yeux sans que je ne lui ai jamais rien demandé. Et je sais aussi que s'il est actuellement aussi salaud et con qu'il ne l'est, c'est entièrement de ma faute.

Mais j'ai décidé. Ma décision est prise et je n'y reviendrai pas dessus.

Mon mari va morfler en temps et en heure. Et moi, je vais apprendre à revivre et cesser de me punir. Laisser le passé au passé. Le présent et le futur c'est Niallan. C'est notre fille. Ce sont les vols de mon aigle royal que je veux toujours aussi libre. Mais. La liberté a un prix. Et mon mari, va bientôt l'apprendre.
Et je souries, parce que je sais qu'il ne va pas s'y attendre.
C'est ça qui est encore plus jouissif en fait.


[*La lune d'or sera bientôt dans ton ciel.]

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Adrianah
[Tu auras ton homme, femme brune
du ciel répondit la pleine lune,
mais il faut me donner
ton enfant le premier
dès que te sera né
cell'qui pour un homme
son enfant immole
bien peu l'aurait aimé

Et les soirs où l'enfant joue et sourit
de joie aussi la lune s'arrondit
et lorsque l'enfant pleure
elle décroît pour lui faire
un berceau de lumière
]
- Mecano-



Ouai. La lune d'or sera bientôt dans mon ciel qu'il m'a écrit.

Et soudain, ça a fait tilt dans ma caboche. Je savais comment accompagner Raffaelle au Royaume des Morts. Je repensais alors au médaillon de ma mère qui ornait maintenant le cou de Gabriel, mon presque frère. J'en avais à la fois le souffle coupé et je me sentais infiniment soulagée. Comme si un poids terrible venait de m'être ôté des épaules. Un poids que je traînais depuis deux années. Et pourtant, l'art et la manière de faire je les connaissais, sans l'avoir réalisé jusqu'à aujourd'hui.

Putana Gabriel. Tu as toujours le mot qu'il faut. Ou pas.


Et j'ai regardé comme une conne le volatile qui est venu me balancer une missive, que j'espérais quand même un peu - beaucoup ? - sans vouloir me l'avouer. Je lui avais écrit pour lui donner - enfin - de mes nouvelles, mais je ne pensais pas que j'allais en recevoir de sa part. Et surtout pas aussi vite. Alors je suis au moins certaine d'une chose. C'est que le Danois doit se trouver dans ces contrées-ci et non pas sur ses terres natales. Et que Gabriel a parfois le don de prémonition. A moins que ce ne soit pas de ça dont il me parlait dans sa dernière lettre. Mais Osfrid me semble à la fois si proche et si irréel. Sans doute parce que je me suis toujours dit qu'il y avait une part de lui en Apollo.

N'empêche que. Quand j'ai reconnu l'écriture, j'ai retenu ma respiration. Et puis au fur et à mesure de ma lecture, j'ai souri. Puis étiré un vrai et large sourire, presque joyeux. L'un de ceux que je n'ai plus tiré depuis les quelques semaines que mon mari joue au con en me prenant pour la dernière des connes.
Et c'était comme une véritable bouffée d'air glacial que je me prenais en pleine tronche. Pas méchamment glacial hein, mais plutôt le genre d'air qui fait du bien, qui rassénère, qui vous fait soudainement vous rendre compte que ouai, vous avez finalement des émotions et des ressentis normaux.

J'ai quand même plissé les yeux quand j'ai lu les conseils qu'il m'écrivait. Peut-être parce que je ne m'imaginais pas du tout qu'il pouvait être le genre d'homme à me dire de rendre la pareille à mon mari. Ouai. Là j'avoue qu'il m'a scotché le Danois.
Mais j'aime ça. J'veux dire que j'aime qu'il me dise une chose pareille. Parce que j'aurai jamais cru ça venant de sa part.
Par contre j'ai tiré la gueule quand il m'a dit qu'il serait heureux de s'occuper d'Apollo mais qu'il ne le ferait pas, même si je le lui refilais en douce.
En gros, il veut pas me laisser crever tranquille. Il sait pertinemment que je ne crèverai pas si je ne sais pas Apollo en de bonnes mains. Et je me suis toujours imaginé Osfrid dans le rôle du papà de mon Danois. Cherchez pas, c'est comme ça. Très certainement parce que c'est entre les mains Danoises que j'ai vu Apollo, tout bébé, pour la première fois.
Et puis j'ai un peu tiré la gueule aussi quand il m'a fait remarquer que je n'avais pas écouté ses conseils au sujet de mon Niallan. Et que je me trouvais donc dans la configuration qu'il m'avait prédite l'année passée.
Donc je tire un peu la tronche parce que là pour le coup, ouai, je me retrouve forcée d'admettre qu'il avait raison !

Et puis, bien évidemment que je n'en dirai pas un mot, et heureusement que personne ne pouvait m'observer au moment où je lisais ma lettre, mais il a employé quelques termes qui m'ont donné étrangement chaud aux joues. Et je n'avais pas vraiment conscience que j'en mâchouillais mes lèvres en souriant. C'est un peu mon côté Madone ça. Et puis même mon mari, y'a belle lurette qu'il n'a pas usité ce genre de qualificatif, lorsqu'il m'écrit ou même lorsqu'il me parle. Même si venant du Danois, ça me parait quand même bizarre. Je ne m'étais pas forcément imaginée qu'il puisse me voir ainsi. Et pourtant. S'il le dit, c'est qu'il doit vraiment se le penser. Et ça me fait encore plus bizarre pour le coup. Et je glisse une paume contre ma joue qui me paraît enflammée. M.ierda. J'ai pas l'habitude de ça ! Surtout que j'ai pas non plus le besoin de le cogner parce qu'il m'écrit ça. Et puis aussi, alors qu'avant quand je pensais au Danois, ça se mélangeait dans ma tête avec Niallan pour ne plus faire qu'un, là, c'est pas vraiment le cas. Je les distingue particulièrement bien l'un et l'autre. Je sais qu'ils se ressemblent physiquement. Mais dans leurs têtes, ils sont carrément à l'opposé l'un de l'autre. Même s'ils jouent tous les deux avec l'opium et le pavot.

Je me sens conne et je me sens bien à la fois avec mon parchemin pourvu de l'écriture masculine entre mes doigts. Anna-Gabriella essaye bien de ses petites mains, de s'emparer d'un bout du vélin mais je prends garde de le laisser hors de sa portée. Et je la regarde en souriant gagatement, porter son petit poing à sa bouche.
Sa petite quenotte a percé, et faut croire que ça l'a soulagé car elle est de bien meilleure humeur aujourd'hui qu'elle ne l'était ces derniers jours. Et moi je reste en admiration devant la petite perle blanche de ma fille.

Et c'est là que je l'ai vu débouler. Apollo. Cela faisait plusieurs jours que je ne l'avais pas vu et il arrive, venant s'asseoir devant moi, fourrant son museau contre la tête d'Anna, venant lui humer le foulard, et en fait de même avec moi, humant par la même occasion le vélin. Et là je le vois se mettre en arrêt, les oreilles pointées. Et ma dextre vient se nicher entre ses oreilles et lui gratouiller la tête.


" - Parait que toi et moi on doit jouer à être les maîtres du monde. On pourrait emmener Anna-Gabriella jouer avec nous à ce jeu là, qu'en dis-tu Apollo ? Tu étais passé où ? Avec Percy ? Je sais c'est pas toi qui va me le dire, mais je demanderai à Percy."


Et un sourire amusé au coin des lèvres, on s'en prend tous les trois la direction des tavernes, alors que je reporte la rédaction de ma réponse au Danois, pour plus tard. Et que la nuit à venir, je saurai l'occuper d'une manière bien particulière, entre la lune, un bébé et moi et une cérémonie mortuaire à ma sauce. Que j'aurai du faire il y a deux ans. Les flammes seront de la partie également.
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Adrianah
[Le son du silence] - Disturbed - The sound of silence-

J'étais contente de le voir.

Même si je m'accrochais désespérément à Anna-Gabriella. Ou plutôt j'avais glissé mon index dans sa minuscule menotte et je sentais qu'elle me serrait le doigt. Genre qu'elle me disait " Allez mammà, montre lui que tu es forte et puis je suis là moi, et à toutes les deux on est plus fortes encore".
Et je suis restée immobile sur le pas de la porte avant de me décider à entrer. Alors certes. Eliance était là. Et maintenant quand je vois Eliance, je comprends que les emmerdes ne sont pas loin. Elle c'est fini. Je ne lui confierai plus rien désormais. Et ce qu'elle a fait je ne suis pas prête de l'oublier. Une leçon de plus. Je devrais pourtant le savoir que les soeurs c'est traître. C'est pas comme si je n'avais jamais vécu ça avant. Mais j'avais finalement réussi à oublier combien elles peuvent te pourrir la vie. Jusqu'à aujourd'hui.
Leçon du jour : ne plus faire confiance à Eliance et ne plus rien lui confier. Et les autres c'est la même.
Terminé.
J'avais certaines choses dont je voulais discuter avec mon mari. En tête à tête, en toute tranquillité. Mais no. Il a fallu qu'Eliance, sous prétexte de nous rapprocher, fasse sa balance. Je t'en foutrai du rapprochement ouai. Je la soupçonne en fait de vouloir faire tout le contraire. Et elle commence à me bassiner grave à toujours comparer mon mari à son ancien rital de mari à elle.

Alors si j'avais noté un certain effort de mon mari qui avait tenté, pour une fois, tout seul, comme un grand, de se rapprocher de moi, il a fallu que l'autre emmerdeuse vienne foutre son grain de sel et fasse tout foirer. Elle c'est fini. Je la dé-soro-adopte.

Je me suis aussi pris par la tronche qu'il avait envie d'aller voir Neijin mais qu'il y allait pas. Ce à quoi je lui ai répondu qu'il pouvait y aller et là encore Eliance s'en est mêlé. Putana, mais je suis tombé où sérieux ? Au moins l'année dernière y'avait pas tous ces gens qui se mêlaient de notre vie, de notre couple.
Et franchement. Je me suis retenue de la cogner. Parce que ce n'est pas l'envie qui m'en manquait. Et même la Russe que je croyais mon amie s'y est mise. Et allez vas y que l'on m'enfonce un peu plus.

Pendant que je ressasses, je me suis mise machinalement à préparer un brasier. Et vu que je ressasses encore et encore, je balance du bois sans prêter attention à la quantité et à la manière de le faire.

Ce qui ne me ressemble absolument pas.
Moi qui suis très méthodique dans la préparation d'un feu. Maniaque. Qui le fait avec dévotion et qui ne laisse absolument rien au hasard. C'est que ça demande un doigté particulier d'allumer un feu pour ensuite danser avec. Tout un rituel.

Et donc je continues de ressasser. La traitresse d'Eliance est allé dire à mon mari que je radote et que je me morfonds. Et ensuite elle lui a parlé du ciel bleu. Alors qu'il venait de se rapprocher de moi et de glisser son bras autour de mes épaules. Même qu'on avait échangé un sourire lui et moi.
Et après elle ira dire que je fais la gueule et que je fais pas d'efforts !
Sauf qu'il s'est vite éloigné de moi quand Eliance a bien foutu sa merde.

Et le bois continue de s'amasser dans le foyer sans que je n'y prête garde.

Alors je les ai laissé s'amuser avec leur aubergine, leur maison, mon mari qui demande à la russe si elle aussi elle veut son coeur, l'autre qui lui répond qu'elle va lui arracher pour me le refiler et Eliance qui l'ouvre une nouvelle fois pour dire qu'il faut en garder un bout pour Jiji.
Tout va bien. Niallan n'est absolument pas en train de se foutre de ma gueule. No. Absolument pas je vous dis. Il parait selon Eliance - et ouai, encore elle - que maintenant il aurait peur que je refugue.
Alors ça, c'est la chose la plus débile que j'ai entendu. Avec ce qu'il me fait endurer depuis des semaines, si j'avais voulu m'en aller, ça serait déjà fait. Mais je résiste. Sauf que maintenant, j'en viens à me poser une autre question. Vu qu'il a quand même sorti qu'il commençait à croire que finalement il serait bien tout seul, ne serait-il pas donc lui-même en train de me faire ce plan pourri pour m'éloigner de lui ?

Et vas y que je continues à te balancer du bois dans le foyer.

Et puis je le revois. En train de bercer notre fille contre son épaule. C'est la nôtre, c'est pas que la sienne. Mais ça, Eliance elle a pas aimé quand je l'ai fait remarquer. Et moi j'ai pas aimé qu'elle fasse ça. De toute façon en ce moment elle m'agace à toujours intervenir dans notre couple et se mêler de ce qui ne la regarde pas.
Mais j'ai compris que mon mari lui, il aimait ça. Il lui refilait des chouquettes à chaque fois qu'elle balançait un truc. Je suis pas aveugle je l'ai vu faire. Donc j'ai compris. Eliance est à sa botte et m'étonnerait pas que la Russe, ma seule amie, la femme de mon presque frère, le soit elle aussi, sous ses airs de vas y j't'aime pas.

Donc à partir d'aujourd'hui, je sais que je ne dois plus faire confiance à personne d'autre que moi-même. Sauf à Gabriel et à Calyce. Parce que tous les deux m'ont dit la même chose et je sais qu'ils ont raison.

J'ai fini par lui demander s'il comptait s'en aller comme ça. Et il m'a répondu que oui mais je l'ai vu hésiter, il a fait un pas en avant vers moi puis deux en arrière pour se casser avec notre fille.
Et là je me suis demandé comment mon pauvre coeur faisait pour ne pas me lâcher. Encore une fois il venait de merder. Mais j'avais noté le pas en avant. Parce que là on était que tous les deux et donc personne l'a poussé vers moi pour le faire. Donc c'est qu'il l'avait fait parce qu'il en avait envie.
Mais j'ai aussi compris autre chose. C'est qu'il fait tout pour ne pas se retrouver tout seul avec moi.
Alors j'ai décidé que j'allais cesser de l'attendre.
J'ai décidé que je ne voulais plus sentir mon coeur se briser un peu plus à chaque fois qu'il merde devant moi.
J'ai décidé que je n'avais pas été la seule à merder et que lui aussi il devrait reconnaitre ses torts. Face à moi. Ce serait déjà une bonne chose. Mais il le fera pas. Parce qu'il n'a pas le cran de le faire. Parce qu'il a très bien compris que s'il n'avait pas merdé à Marseille, il n'y aurait jamais eu de fugue de ma part. Alors c'est bien beau de plus me faire confiance, mais je crois que ça va finir par être réciproque. Surtout qu'avec son attitude actuelle, je ne suis pas loin de me penser qu'en fait s'il n'y avait pas Anna-Gabriella, il serait parti rejoindre Neijin. En fait il reste pas pour moi, il reste uniquement pour notre fille. Voilà ce que je suis en train de me penser.

Alors je referme ma coquille d'huitre qui se vide jour après jour, de tout ce qui me fait moi. Reste que la perle, qui est la preuve qu'il y a encore de la vie. Je suis retournée m'enchaîner de moi-même. Je ne veux plus sortir. Je ne veux plus me montrer. Je laisse l'Autre, libre d'agir à sa guise. Il n'y a plus d'équilibre, depuis que toute équité a disparu. Mes propres efforts sont passés inaperçus et au contraire Eliance m'a enfoncé tant qu'elle a pu. J'encaisse depuis des semaines. Alors que d'autres s'en seraient déjà foutues le camp, Neijin la première qui m'a dit qu'elle n'aurait pas supporté ce que j'endure.
J'encaisse parce que je suis loin d'être conne et que je sais que je lui ai fait du mal. Enfin si je suis conne quand même. Parce que c'est pas comme si lui me faisait pas du mal aussi. Et qu'il m'en avait jamais fait.

Mais c'est fini. A partir d'aujourd'hui je cède ma place à l'Autre et je me retranche derrière elle. Je ne prête pas attention à Elle. J'entends sa voix, elle semble surprise et décontenancée que je sois revenue de moi-même. Elle me secoue fort, elle me hurle dans les oreilles mais étrangement, je suis déjà loin. Très loin. Je ne l'entends plus. Je ne la sens plus.

Et c'est là que j'ai embrasé le bûcher. Sans m'apercevoir de l'âcre fumée noire qui s'est alors dégagée et qui montait haut. Très haut dans le ciel.

Et d'instinct je me suis reculée.

Elle est là. Et moi je ne vois plus les nuages noirs. Il y a juste le silence. Et le ciel bleu.

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Gabriel.louis

Peut-etre devrions-nous nous séparer pour nous laisser le temps de se retrouver? Pour nous reséduire?

D’abord elle s’était tirée pendant un an, sans un mot. Ensuite elle était revenue la bouche en cœur et les bras en croix, en espérant une belle engueulade qui s’achèverait sur des réconciliations bisous-bisous qui effaceraient tout ; et le tout en me martelant sous toutes ses formes, à peine arrivée, ses envies d’être déjà ailleurs, depuis le « Maintenant que tu es ici, à Chalon, nous devons rester ici, non? Ca m'ennuie de ne pas pouvoir aller à la mer, de temps à autre. » jusqu’au « Je ne pourrais chasser ici, si je reste toujours dans le coin..» en passant par ses amis dont elle ne se souvenait plus au jour un, mais qui lui manquaient au jour deux.

Alors je l’ai emmenée en voyage, vers ses amis, avec plus de terrains de chasse qu’il n’en faudrait, prévoyant une longue escale en bord de mer. Mais madame s’est tout simplement « perdue » en route, me laissant plusieurs jours sans nouvelles -Ben oui, voyons, pourquoi prendre la peine de m’écrire pour me rassurer ? Ce n’est pas comme si elle venait de me faire le tour pendant un an !- et pour finalement s’en arriver l’air de rien, comme s’il n’y avait pas de réelle raison à ce que je m’inquiète, ou que je me montre ensuite d’autant plus sur mes gardes.

Mais je me suis montré conciliant, m’efforçant à me rapprocher d’elle malgré mes craintes, me pliant à manger sans faim sous son chantage de ne pas se nourrir alors qu’elle, était affamée, l’accompagnant sur les remparts pour observer le coucher de soleil ainsi qu’elle me l’avait demandé. Finalement, le lendemain, voilà quel était le nouveau plan de la Russe : Interférer dans un couple d’amis qui allait déjà au plus mal, puis me faire un gros chagrin, terrée au pied d’un arbre, et, comble de tout, alors que je m’évertuais à préparer l’immolation d’un cadavre qu’elle venait de laisser derrière elle, elle me parlait de séparation et l’enchainait sur le fait que je ne m’occupais pas d’elle.


Non mais, sérieusement, j’étais en train de faire quoi, là, du tricot ? Qu’est-ce qu’elle voulait à la fin ? Nous avait-elle pris pour un prince et une princesse Slaves dans le conte de fées qu’elle était en train de rêver ? Et puis, je ne les connaissais que trop bien ces histoires surjouées qui se brodaient entre les mains des femmes, j’en avais trop vu, trop observé : A la fin, la princesse se tire toujours avec le Chevalier. Non, je n’étais aveugle à rien, et je laissais la toile se tisser sous mes yeux, sans intervenir. Mais il ne fallait pas non plus trop m’en demander, car là, je n’étais pas loin de glisser vers la démence, et il n’est rien de pire que les fureurs qui se couvent derrière les sourires de façade.

Mais pour l’heure, je ne souriais pas non. Traversant en courant les pans de forêt dans l’espoir de parvenir à me vider la tête, comme l’occasion ne m’en avait pas été donnée autour de ce feu aussi improvisé qu’imprévu. Je fronçais bientôt les sourcils en réalisant qu’au plus je m’en éloignais, au plus son odeur se faisait forte, aussi, je m’arrêtais quelques instants pour observer à l’entour, me demandant si je n’avais pas tourné en rond, ce qui aurait bien été une première. Poussé par la sotte idée d’explorer les hauteurs, je finis par grimper à un hêtre, au cœur de l’obscurité, et j’eus la chance qu’un chêne proche eut la bienveillance de lui entrelacer quelques branchages qui me furent secourables, m’évitant une chute qui aurait pu s’avérer aussi meurtrière que ridicule. Oh, je n’étais pas resté dressé bien longtemps sur la cime comme, rapidement, je fus attaqué par les relents d’une épaisse fumée sombre s’élevant un peu plus loin à l’Ouest.

Une fois que j’eus recouvré pieds à terre, je haussai une épaule en songeant à un simple incendie forestier, et je repris ma course. Les beaux jours étaient de retour, il était normal que ce genre de… Je ralentis un peu, tout à ma réflexion. Il était loin de faire si chaud, et puis, de nuit, sans orage puisque l’été était encore loin, c’était tout de même étrange. S’il avait pris en journée, les villageois auraient eu tôt fait de s’y intéresser et l’information aurait circulé dans toutes les bouches comme l’événement du jour. Nouvel haussement d’épaule, c’était sans doute un idiot qui…


M*rde, Alaynna !

Avec toutes ces histoires, j’en avais complètement oublié les propos qu’avaient tenu plus tôt la sombre Italienne. Et ma course d’accélérer, se dirigeant cette fois vers la source du problème, mais de décélérer rapidement sous le joug de la toux qui m’assaillait à son approche. Pardieu, ce n’était tout de même pas possible d’être aussi peu doué avec le feu au point de déclencher un brasier aussi irrespirable et nocif. S’il s’agissait bien de la Ritale, ça ne pouvait décemment pas être l’œuvre de sa meilleure facette. Ah moins que… La peur s’empara de moi à l’idée qu’il était peut-être trop tard, ce qui pourrait également expliquer l’ampleur des émanations, et je forçai de nouveau la course, le cœur battant et les yeux brûlants, jusqu’à découvrir le corps féminin gisant au sol.

Là c’était la grôsse merdasse ! Je me retrouvais comme un con à tourner autour d’elle à l’instar d’un chien avant de s’asseoir. La différence, c’est que je ne quêtais pas une place pour m’installer, non, j’étais juste foutrement emmerdé en me demandant comment j’allais bien pouvoir la sortir de là. Lui tenir la main, soit, lui embrasser le front ou la joue, je savais faire, mais toucher davantage, alors ça, c’était mission impossible. Bon, à grands maux les grands remèdes… enfin, grands si on veut : tantôt je lui poussais une jambe du bout du pied, tantôt je lui donnais quelques tapettes à la joue, du bout des doigts, le tout ponctué de ma toux, de
« Hé, Alaynna. » et de « Non mais déconne pas ! », en vain, bien entendu, parce que, tant qu’à faire, elle n’allait certainement pas me faciliter la tâche. Je me sentais lentement asphyxié, et je n’avais plus le choix, la survie avant le reste. Je glissai les bras sous elle et la soulevais en grinçant un « Saleté, t’aurais pu prévenir que t’étais plus lourde que t’en avais l’air. » avant de m’éloigner autant que possible, là où nous n’aurions plus à subir les effluves toxiques. Après l’avoir redéposée dans un recoin dégagé, sur un lit de mousse, je m’éloignai de quelques pas comme j’allais vomir, à force de quintes. Autant dire que m’en revenant à elle, j’étais encore plus furibond, et toujours paniqué. Elle n’allait quand même pas me lâcher comme ça ? Finies les tapettes, je lui assenai une gifle royale.

Réveille-toi ! Je t’interdis de crever comme ça, tu m’entends ?

Haussement de sourcils en la voyant enfin tousser et tenter de reprendre sa respiration. Finalement, l’autorité ça avait du bon.

T'es qui, là ?

Parce que quand même, dans l'instant, ce n'était pas évident de savoir.
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Adrianah
[Children of the wild] - Steve Angello - Enfant des sauvages

La superstition est une chose que tu dois éradiquer de ton esprit. Mais attention, ne confonds jamais prudence et superstition. Ne pas être superstitieux ne signifies pas que tu ne doives pas être prudente.
Certains, pour se moquer des superstitions, ont fait d'authentiques folies que le sens commun doit radicalement nous empêcher de commettre.
Mais il semblerait que tu saches de quoi je te parle et contre quoi je te mets en garde. Parce que tu l'as fait n'est-ce pas ? Elle est là près de toi. Mais elle n'est pas une autre Alaynna. Elle est toi. Tu sais qu'elle a toujours été là du jour où notre père nous a séparés. Elle a vécu en toi parce que moi je n'étais plus là. Mais ton autre moitié de toi ce n'est pas elle. Tu es ma Meta. A moi. Et à moi seul. Et maintenant je suis là, et je vais l'emmener avec moi. Parce que toi tu dois t'occuper d'Anna-Gabriella.
Andrea et Raffaelle vont m'aider à l'emporter avec nous.


J'aperçois alors la silhouette de mon frère qui s'efface pour laisser place à deux autres silhouettes enfantines. Bien sûr que je reconnais Andrea. Mais il n'est pas seul et je me vois alors tomber à genoux. Auprès de lui, il y a une petite fille qui me regarde intensément. Je ne vois bizarrement qu'une partie de son visage, mais elle est belle et elle me sourit en tendant une main vers moi. Je ne peux croire ce que je vois. Tous les deux ont les yeux de leur père. De magnifiques yeux verts rehaussés des mêmes lueurs chaudes et intenses que les yeux de leur papà.
Je sens alors un effleurement tout contre moi, aussi léger qu'un souffle de vent, l'étreinte d'une petite fille et son souffle qui murmure un "mammà", à mon oreille.
Sois je suis folle, sois je suis en train de faire le plus merveilleux des rêves et je refuse que l'on me réveille. Je veux partir et rester avec eux. Ce sont mes touts petits, chair de ma chair, et je les vois si beaux et vivants aujourd'hui.

Nous nous trouvions dans une petite salle. Il s'y trouvait un lit de paille avec de grosses couvertures. Une planche en bois, un tas de branches sèches et une malle fermée que je m'évertuais à tenter d'ouvrir sans y parvenir.
Du côté opposé à celui de la malle, il y avait une petite toile grossière et jaunâtre étendue sur le sol et remplis d'objets ordinaires, des ciseaux, des aiguilles, mais aussi un échiquier avec ses pièces colorées, dont la disposition montrait une partie touchant à sa fin, ainsi qu'une boîte de biscuits. Les pièces étaient disposées suivant une sorte de cercle et je me vis alors offrir un biscuit à Raffaelle, et je compris alors que chaque jour nous jouions un mouvement elle et moi et que c'était mon tour aujourd'hui. Mais je savais que ce n'était pas moi qui jouait avec elle. Je venais de comprendre que c'était l'Autre.

Ainsi, à mon insu, elle était donc déjà là bien avant que je ne m'aperçoive de sa présence. Et elle s'en allait régulièrement jouer avec ce qui était encore à ce jour ma plus grande défaite et culpabilité. Avec ces deux petits êtres que je n'avais pas su sauver et garder. Mais elle. Je découvrais que chaque jour, elle venait jouer avec eux.
Et aujourd'hui je voyais distinctement une partie du visage de cette première perte qui m'avait anéantie.
Ma position dans ce jeu n'était pas très enviable. N'importe qui d'autre ce serait rendu depuis longtemps. Mais pas moi. J'avais continué de jouer ainsi sans en avoir la moindre conscience depuis bientôt deux ans. Et je continuais à me remémorer tous les coups réalisés, en essayant de comprendre pourquoi je jouais si mal, et à vrai dire, c'est que rétrospectivement, mes actions me semblaient totalement absurdes.

- Tu ne te rendras donc jamais ?

- Cette partie est terriblement longue.

- Cela signifie que tu as dépassé l'étape de faire durer le supplice. Avant tu réagissais, et maintenant, tu restes immobile. Mais une ombre ne peut rester toujours immobile et peut trembler. Et elle finira par être découverte.
Tu n'es pas une ombre Alaynna. C'est moi qui le suis. Et pourtant c'est moi qui devrait trembler, mais c'est toi qui es paralysée par la peur. Regarde les Alaynna. Regarde Andrea et Raffaelle droit dans les yeux, cesse d'éviter leurs regards. Ce n'est pas toi qui les a privés de cette vie qui les attendait. Et ils le savent, et c'est pour cela qu'eux, ne t'en ont jamais voulu. C'est à moi qu'ils en veulent. Parce que c'est moi la véritable responsable. Et non toi.
Tu apprends vite et instinctivement, mais il te manque la pratique et l'expérience. N'oublies pas que le plus important, c'est de déterminer où commence la prudence et où elle se termine.
Imagine toi une poursuite sur un terrain à découvert. Visualise là. En plein jour. Je serai alors incapable de me cacher, mais toi tu le peux. N'oublies jamais que parfois, ce que tu penses être harmonie, n'est qu'illusion. Et je n'ai fait que tenter de t'impressionner et de te tromper. Je ne t'ai jamais protégé. Seul ton frère, ta moitié, pouvait te protéger. C'est lui et lui seul qui l'a fait à plusieurs reprises. Et quand tu l'as perdu c'est moi qui ait pris sa place mais il est temps que je me retire désormais.
Et maintenant il est temps que tu me laisses partir toi aussi. Ces enfants sont en sécurité là où ils sont désormais, et je suis là pour veiller sur eux. Je ne suis pas la seule à le faire.
Toi. Tu dois veiller sur Anna-Gabriella. Et cesser de porter un fardeau qui n'est plus le tien, mais le mien. Tu dois faire disparaitre les contours entre tes ombres et celles de la nuit.
C'est à ton tour de jouer sur l'échiquier. Tu ne vas pas avancer le Vent ?


- Tu me dis d'avancer le Vent, mais ce n'est pas logique. Si j'avance le Vent, alors...

- Si tu avances le Vent, alors la Flèche pliera, et devra s'écarter sur un côté. C'est toi-même qui l'a dit la dernière fois souviens toi, mais tu n'as pas eu le cran de le faire et je lui ai planté une flèche à cet Autre que tu aimes comme un frère.
D'ailleurs il est là. A tourner autour de toi, il ne sait pas comment faire parce que c'est moi qui ait déclenché ce feu. Ce n'est pas toi. Mais tu sais bien que je suis nulle à ce jeu là. De nous deux ça a toujours été toi la meilleure et de loin pour enflammer un brasier.
Alors maintenant que tu peux le faire, pourquoi tu ne le fais pas ?


- Je ne sais pas si c'est un bon coup, sur l'échiquier, mais je suis trop fatiguée pour penser. Je vais bouger le Vent. Tu as intérêt à avoir raison.

- Tu es totalement responsable de ce que tu fais.

Je bougeais la pièce et je me levais.

- Allez. Cesse de pleurnicher sur un passé qui est mort. Ferme les yeux et concentre toi. Retourne auprès de ta fille, ta place n'est pas ici pour l'heure. Mais la mienne y est.

- Je ne veux pas partir sans lui ! Laisse moi emmener Julian avec moi ! Rends moi mon frère ! Mon jumeau ! Ma moitié. Julian viens ! Gyl !!


Cette fois je l'appellais par les deux prénoms. Le sien et celui qu'il s'était choisi quand il avait changé d'identité pour faire croire à sa mort.
C'est alors que j'ai senti le choc sur mon visage, d'une baffe monumentale et je me suis retrouvée suffocante et crachant, toussant, tentant de reprendre ma respiration.
Et je l'ai entendu.


Réveille-toi ! Je t’interdis de crever comme ça, tu m’entends ? T'es qui, là ?

- C'est moi !

Qui ça toi ?

- Mais c'est moi !

Toi qui ?

- Mais Gabriel, c'est moi, Alaynna !


Et d'un geste vif je portais l'une de mes mains au cou de celui que je considère comme mon autre frère et j'ai tiré sur le médaillon.

- C'est moi qui te l'ai offert ! Le médaillon de Mammà !

Et je pointe alors mon regard encore embrumé sur l'épaisse fumée noire qui se dégage du brasier pour monter haut dans le ciel. Je les lui désigne d'un geste de la main.

- Elle est partie. Et..

Je porte ma main à ma chevelure, regarde d'un air pensif ces longues mèches qui cascadent librement.

- ... Gabriel ! Taille moi un chignon ! Et emmène moi près d'Anna. Il n'y a plus rien à faire ici.

Je n'avais pas envie de parler de ce que je venais de vivre. Si je lui dis que j'ai vu mes deux petits, il va me prendre pour une folle. Encore plus si je lui dévoile que les jumeaux sont frère et soeur.
Déjà que Roman ne comprenait rien, emmuré dans sa douleur et dans sa haine, et me prenait pour une folle, je n'aurai pas voulu que Gabriel en fasse de même.
Et alors si je lui dis que je pense que mon frère, ma moitié jumelle, n'est pas que porté disparu, il va aussi penser que je déraille.

Alors je ne dis rien et je me relève tant bien que mal.

_________________
Gabriel.louis

Et voilà que je me faisais tirer par le bijou de famille ; enfin, celui de sa famille, à elle ; par le médaillon de sa mamounette quoi. Je savais que j’avais tapé un peu fort, mais ce n’était tout de même pas une raison pour tenter de m’étrangler ; et puis, allez-y, vous, pour parvenir à vous concentrer en même temps sur ce que l’autre vous raconte. Me frottant la nuque, je suivis brièvement du regard la direction qu’elle m’indiquait d’un geste de la main, bien content qu’elle ne me l’ait pas secoué plus longtemps. Et comme le moment était vraiment propice pour ça, il y eut ce :

Taille-moi un chignon.

Je clignai des yeux, non plus à cause de l’épaisse fumée qui les avaient attaqués, mais plutôt parce que j’avais l’impression de faire face à une hystérique. Il faut dire que sur le tas, je ne comprenais ab-so-lu-ment rien de ce qu’elle me racontait. Alors je restai pantois un bon moment en la regardant se relever, sans même tenter de lui venir en aide parce que, d’une part, celle que je venais de lui apporter m’avait bien suffisamment éprouvé et je n’étais pas prêt à avoir un nouveau contact avec elle de sitôt, et d’une autre part, parce que je n’avais pas envie de risquer qu’après le médaillon, il lui prenne l’envie subite de me tirer par autre chose ; c’est que j’y tenais à mes cheveux, moi. Parlant de cheveux, d’ailleurs, comme nous étions dans le thème qu’elle pensait requis dans un tel moment, et qu’il est bien connu qu’on ne contrarie pas un fou, parce que ça le rend furieux, je rebondis sur sa requête.

Un chignon… là, maintenant, tout de suite, comme ça ?

Bafouillage parce qu’elle n’était vraiment, mais vraiment pas nette, et que la dernière fois qu’elle m’avait fait le plan du feu et de la démence, ça s’était terminé avec une flèche dans mon flanc, et je n’avais pas vraiment envie de retenter l’expérience.

C’est-à-dire que… je n’ai pas ce qu’il faut sur moi… Mais ce n’est pas que je ne veuille pas hein, mais j’ai dû oublier ça dans mon autre mantel.

Continue de t’enfoncer comme ça Gaby.

Et puis, tu sais, un chignon, ça ne se taille pas, ça se sculpte ! La coiffure est un art jouissif, madâme.

Ben oui, un cours théorique, tu as raison, tu touches le fond là mon pauvre garçon.

On ne fait pas les choses n’importe où et n’importe comment, si l’on veut que la chevelure exulte !

Non mais vas-y, continue, creuse encore tant que tu y es.

En fait, je crois que le mieux, c’est que je t’amène auprès d’Anna-Gabriella pour le moment.

Ainsi dit, ainsi fait, nous rentrâmes au bercail, ou plutôt, je la laissai au berceau. Ce n’est que quelques heures après l’avoir quittée que je réaliserais ce qu’elle avait tenté de me dire, que sa sombre duplicité s’en était allée en et avec la fumée.
_________________
Niallan
[Je sais que j'aurais l'air
Très très très très mal
Mais il n'y a pas de façon plus facile
Pour moi de devoir m'en aller
Mais je ne veux plus jamais entendre cela
Et je ne veux pas ressentir ça plus longtemps
Et je ne veux pas voir ça plus longtemps
Et je ne veux pas expérimenter ça plus longtemps
Parce que je sais que je suis obligé de dire
Je sais que je suis obligé de te dire...*]


Au-revoir.
Mais les mots viennent pas, j'ai la gorge nouée. Penché au-dessus du berceau de ma merveille, les mains crispées autour du bois de celui-ci, je la regarde dormir. Elle a l'air si paisible et moi je vais détruire son monde alors que j'aurais dû le rendre meilleur. La ritale a raison, je bousille toujours tout. D'un mouvement rageur, j'essuie le sang qui s'écoule de mon pif à l'aide de ma manche. C'est à ce moment-là que je croise son regard. Parfaitement éveillée, commençant déjà à babiller. J'ai envie de chialer, de hurler. Je fais rien de tout ça, je souris même.

Coucou ma puce.
C'est pas ça qu'il faut que je dise, je sais. Mais laissez-moi le temps. Laissez-moi encore être son père le héros avant d'être son père le zéro. Laissez-moi me noyer dans ses yeux du même bleu que les miens, effleurer du bout des doigts ses cheveux d'une blondeur partagée. Laissez-moi la prendre dans mes bras et embrasser le sommet de sa tête. Juste quelques minutes. Et encore quelques autres.

Il faut que je te dise quelque chose.
Ça y est, on y est. Déglutissant difficilement, je m'assois sur le bord du lit que je partageais avec l'italienne, chassant les souvenirs des étreintes qu'il a abrité. Pendant encore un bon moment, je cause pas, me contentant de mémoriser chaque détail de son visage, chaque expression. Quand elle tend la main vers mon nez ensanglanté, je me sens obligé de préciser :
T'en fais pas pour ça, c'est rien du tout. Papa l'a bien cherché, il a été méchant avec maman alors maman s'est fâchée.

Et pourquoi elle s'est fâchée, hein ? On y est. C'est le moment où je déballe tout, le moment où j'explique à ma môme que maman a frappé papa parce que papa est un enfoiré de première. Sauf que je sais absolument pas comment faire. Au cours de mon existence, je me suis très souvent excusé, la plupart du temps sans être sincère pour cause d'adultère. Des fois sous le coup de la précipitation, en improvisation, pour éviter la crémation. Là, c'est totalement différent. Je crois que c'est la chose la plus difficile que j'ai eu à faire de toute ma vie alors je compte sur votre indulgence.

Je suis désolé de...
Je me mords la lèvre jusqu'au sang. Est-ce que je peux vraiment lui dire tout ça ? Est-ce qu'il vaudrait pas mieux que j'invente une belle histoire de Chevalier du Royaume des blonds qui va combattre un dragon ? Je secoue la tête. Pas cette fois. Je puise le courage nécessaire dans le bleu de ses yeux et dans la douceur de sa main serrée autour de mon index. Et puis je me lance :
Je suis désolé d'avoir tellement merdé que ta mère a eu envie de partir loin de moi, avec toi. Désolé de pas avoir été là pour la rassurer et l'en empêcher. Désolé d'être tombé amoureux d'une autre. Désolé d'avoir tellement fait souffrir ta maman que ça l'a rendue malade. Désolé de pas l'avoir choisie elle. Désolé de pas t'offrir cette famille que tu mérites. Désolé de...désolé...désolé d'partir, d'vous laisser.

Sur la fin ma voix s'est brisée et mes yeux se sont embués. Y'a encore un paquet de conneries que j'ai fait qui mériteraient que je présente des excuses à notre fille mais j'ai pas la force. C'est à peine si j'arrive à la soulever de mes genoux pour nicher sa tête dans mon cou et la bercer contre moi.
Oh Anna, si tu savais comme je suis désolé...

Je suis resté longtemps comme ça, dodelinant d'avant en arrière pour la bercer, m’enivrant de son odeur. J'ai fermé les yeux pour ne pas pleurer, crispé la mâchoire pour ne pas trembler. Au début, ça a failli marcher. J'ai même pu reprendre la parole.
Tu seras prudente, hein, ma puce ? Ne t'approche pas trop près des autres chiens, ils ne sont pas aussi gentils qu'Apollo, reste toujours près de ta maman. Ne mets pas les choses que tu trouveras par terre dans ta bouche, même si ça a une jolie couleur. Ne touche pas les épées, ni les couteaux, même si ça brille et qu'il y a des pierres précieuses dessus. Méfies-toi des garçons, ils ont TOUJOURS une idée derrière la tête, n'hésite pas à leur mettre un coup de doudou. Et si maman te gronde, fais-lui ton grand sourire...Oui, celui-là...

C'est à ce moment-là que ça a foiré et que toutes les crispations du monde n'ont pas réussi à retenir mes larmes. Sauf que j'ai pas fini de causer. En théorie, je pourrai m'arrêter ici parce que la ritale m'a promis qu'elle me laisserait être papa. Oui. Mais.
Fleur m'a menacé un nombre incalculable de fois de tuer notre enfant avant de décider de le garder. Ce jour-là, elle m'a promis qu'elle me laisserait être père. Et puis elle s'est tirée et j'ai jamais vu mon gamin, je ne connais que son prénom.
Alicina m'a fait galoper la moitié du royaume en me promettant des moments parfaits avec mes filles, une vie entière à leurs côtés. Et puis quand je suis arrivé elle m'a balancé qu'elles n'était pas de moi pour finir par aller s'enterrer dans un manoir paumé avec un connard que mes mômes appelleront papa.
Jamais deux sans trois, pas vrai ? J'ai confiance en Alaynna, je vous jure que j'aimerai être persuadé qu'elle tiendra sa promesse. Mais après tout j'ai tellement merdé, je lui ai fait tellement de mal qu'elle pourrait tout aussi bien me faire morfler à son tour. Ma faiblesse ce sont mes mômes et elle le sait. C'est peut-être la dernière fois que je vois ma merveille, alors il faut que je lui dise...

Je t'aime. Si tu savais comme je t'aime...
Je caresse sa joue de mon pouce, réarrange ses boucles blondes. Il y a tellement de choses que je dois lui dire mais j'ai du mal à remettre mes idées en ordre, ce qui donne ceci :
L'opium, c'est mal et l'alcool c'est pas bien.
Le niveau de mes recommandations s'améliore quand une de ses mimiques que j'assimile à un froncement de sourcils m'arrache un rire à travers mes larmes.
Ne sois pas comme ton père, sois plutôt comme ta mère. Prends mon côté rêveur mais pour accomplir des rêves comme ceux de ta mère. Oublie juste le côté mariage avec un salaud. Trouve un homme qui t'aime autant que tu l'aimes, juste un peu plus pour qu'il se rende compte de la chance qu'il a de t'avoir. Ne va pas voir si l'herbe est plus verte chez le voisin parce que quand tu voudras rentrer chez toi, l'herbe aura jauni et la porte de la maison te sera fermée.Trouve-toi des amis à qui tu peux tout dire, avec qui tu peux tout faire et pour qui tu ferais tout. Une fois que tu les as trouvés, garde-les. Ne cours pas après les défis, le seul qui en vaille la peine c'est que tu sois heureuse. Reste auprès des tiens, toujours. Et...ne m'oublie pas, s'il te plaît.

Le combat que je mène pour retenir une partie de mes larmes n'est rien face à la difficulté que j'ai à relâcher mon étreinte pour la remettre dans son berceau. Ce n'est rien non plus face à la douleur qui me broie le cœur quand j'embrasse son front une dernière fois pour lui murmurer cette chose que je suis obligé de lui dire :
Au revoir.

Ce qui s'est passé ensuite reste assez flou. J'ai crié pour appeler Alaynna, je ne l'ai pas cherchée parce que je n'aurai pas eu la force de la quitter en la revoyant une autre fois. Après, je crois que j'ai marché jusqu'à la charrette. Je me suis perdu, j'ai frappé dans des arbres et peut-être même des rochers. Avec ces deux mots qui ne cessaient de me hanter. Au revoir.


*Traduction paroles Archive - Goodbye

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Bannière réalisée par les grands soins de JD Calyce.
Adrianah
[My favorite game] - The Cardigans -

Je ne sais pas ce que tu cherches
Tu ne l'as pas trouvé, chéri, c'est sur
Tu me déchires et me répands tout autour
Dans la poussière de l'action du temps
Et ce n'est pas un cas de désir, tu vois
Ce n'est pas un problème de toi contre moi
C'est très bien la manière dont tu me veux
Mais à la fin c'est toujours moi toute seule

Je sais seulement ce sur quoi j'ai travaillé
Un autre toi donc je pouvais t'aimer plus
J'ai vraiment pensé que je pouvais t'emporter ici
Mais mon expérience ne nous mène nulle part
J'ai eu la vision que je pouvais te faire devenir bien
Une mission stupide et un combat mortel
J'aurais du voir ça quand mon espoir était neuf
Mon coeur est noir et mon corps est bleu
Je suis en train de perdre mon Salaud au profit d'un Enfoiré
Et je suis en train de perdre mon jeu préféré
Tu es encore en train de perdre ton esprit
J'ai essayé
J'ai essayé
Tu es en train de perdre une sauveuse et une sainte.
Tu es en train de perdre ta Madone.


Ce matin aux aurores un courrier m'attendait. J'avais déjà les yeux rougis et bien gonflés, alors un peu plus ou un peu moins. Mais la missive du Danois m'a arraché un sourire ironique. Mais surprise, no, je ne l'étais pas. Parce que je m'y attendais à ce qu'il me fasse un coup foireux de cette envergure là. Et j'avais mis en plein dans le mille. Comme quoi, Apollo déteint sur moi, j'ai un flair d'enfer. Et la veille déjà je me doutais qu'il en serait ainsi. C'était bien la peine de me faire tout ce flan pour que je sorte définitivement Niallan de ma vie et que je l'empêche de voir notre fille. C'était bien la peine de me dire qu'il aime beaucoup Anna et qu'il voulait qu'elle porte son nom. C'était bien la peine de vouloir arracher une fille à son père. Parce qu'il a beau être bourré de principes le Danois, moi aussi j'en ai.

Et quand je fais une promesse. Je la tiens.

Je voulais voir jusqu'où il était capable d'aller le Danois. J'ai vu.
Et ce qui me fait le plus sourire ironiquement, c'est que la veille, il n'a pas eu l'honnêteté et le cran de me le dire en face. Pourtant je lui en ai donné l'occasion plus d'une fois hier. Parce que j'avais vu clair en lui depuis plusieurs jours déjà. Et je l'ai fait exprès hier, n'attendant que ça. Mais no. Il n'a rien dit. Et il a attendu que l'on soit partis pour envoyer sa missive.

Il ne vaut pas mieux que Niallan. Il est même pire que lui.

Parce que Niallan au moins, il m'a toujours dit les choses en face. On s'est toujours tout dit face à face lui et moi. Sans jamais se mentir.

Et pourtant la veille au soir, il avait fallu que je tombe sur le fameux Diego. Le meilleur pote de Niallan. Et Maryah. Et l'italien a voulu m'embarquer avec eux pour rejoindre celui qui, de nom du moins, est toujours mon mari. J'ai refusé. Il a menacé de kidnapper Anna pour m'obliger à y aller. Puis de nous kidnapper toutes les deux. Et il a fini par me dire que ce serait bien que je revois Niallan avant qu'il ne soit mort.
Parce que selon lui, il est mourrant.

Il croit quoi l'italien ? Que je n'ai déjà pas assez morflé, que je vais en redemander encore ? Retourner auprès d'un mari qui a une maîtresse au cul qu'il aime d'un amour puissant comme celui qui nous avait fait concevoir Anna, et une russe soit disant mon amie qui n'a pas hésité à se jouer de Gabriel, son mari, uniquement pour se rapprocher de Niallan.

Au final il a raison sur une chose le Danois. Anna et moi on sera aussi bien toutes seules. Et si Niallan meurt, on mourra aussi dans l'heure qui suit.

Et s'il ne meurt pas, puisqu'il semblerait que lui autant que le Danois aiment à me prendre pour la dernière des demeurées, je vais jouer la demeurée de service. C'est lui qui devra mettre fin à ce mariage, parce que moi je n'en ferai rien.

Parce que finalement un mariage, c'est à la vie, à la mort. C'est ce que mammà m'avait toujours dit. Epouse un Salaud et quoi qu'il fasse, tu lui resteras lié jusqu'à la mort et même après.
C'est peut-être pour ça que mon père a tellement changé avec moi quand mammà est morte. Parce que peut-être qu'il me voyait pas moi en fait, mais qu'il voyait ma mère. Et que ce n'est pas moi, mais elle qu'il voulait atteindre en me frappant. Pour lui dire combien il était en colère qu'elle soit partie sans lui dans l'autre monde et qu'elle l'ait abandonné dans celui-ci.

Alors hier soir, ce putain de Diego, il a réussi à fissurer la digue que j'ai érigé tout autour de moi depuis que Niallan s'en est foutu le camp. Et c'est pas parce qu'il m'a balancé qu'il est mourrant. Parce que si ça se trouve, ce n'est même pas vrai, c'était juste un moyen qu'il a trouvé pour que je rejoigne Niallan.
Je sais par Diego qu'il est en Bourgogne. Mais je n'irai pas en Bourgogne. Je retourne au seul endroit où j'aurai du être heureuse avec lui. Au seul endroit où un jour, peut-être, je me relèverai de bonheur. Parce que c'est à cet endroit là que je suis tombé.

Je repars dans notre mas. Et il va péter la vie bordel, avec mes camarguais et mes grand bleu. Et Anna-Gabriella et moi on va l'attendre. Parce que l'italien il a dit qu'il reviendrait un jour près de moi. Quand il sera vieux. Et puis parce qu'il a dit Niallan, que même quand il me donnerait des raisons de le détester, il m'aimerait toujours. Et qu'il serait toujours là pour Anna et moi.

Et puis puisque même quand j'accepte de faire des concessions, ça me saute à la gueule. Je ne fais plus aucunes concessions désormais. Je reste moi-même et c'est largement suffisant.

Cela signifie qu'un aigle royal trouvera toujours épaule où se poser. Cela signifie que la porte ne sera jamais fermée à clef. Cela signifie qu'un amour peut être plus fort que tout, même des pires horreurs infligées.

Cela signifie que la danse dans les flammes attendra un peu encore.

Mais surtout. Je tiens ma promesse. Je tiens mes promesses.

Et le prochain qui vient me dire que Niallan ne mérite pas d'être père. Je lui crache à la gueule.

Je ne sais pas si je dois dire à Anna que son père est mourrant. Mais quand même, ce putain d'italien m'a collé une frousse d'enfer.

Alors cette nuit, j'ai écrit à Niallan. Je lui ai parlé d'Anna, du Danois et de moi. Et je lui ai interdit de mourir, et je l'ai prévenu que s'il meurt, Anna et moi on le rejoindra, on le laissera pas tout seul. Jamais.

Parce que rien ni personne ne lui enlèvera notre petite pirate princesse, notre merveille. Et parce que si Anna pouvait [chanter] - Aurora -runaway
, elle clamerait ce qu'elle a sur le coeur à son père. Peut-être le fera t'elle quand elle sera plus grande, et en âge de le faire. Qu'elle dira à son père que notre maison, c'est pas un mas, c'est pas un endroit en particulier, c'est juste Lui.

J'écoutais l'océan
J'ai vu un visage dans le sable
Mais lorsque je l'ai ramassé
Ensuite il a disparu de mes mains

J'ai fait un rêve, j'avais sept ans
Je grimpais dans un arbre
J'ai vu un endroit paradisiaque
Attendant, patient, pour moi
Et je courais loin
Fuirais-je le monde un jour?
Personne ne sait, personne ne sait

Et je dansais sous la pluie
Je me sentais vivante et je ne peux l'expliquer
Mais maintenant ramène-moi à la maison
Ramène-moi à la maison, l'endroit auquel j'appartiens
Je n'en peux plus
Je peignais un tableau
L'image était une peinture de toi
Et un instant, j'ai pensé que tu étais là
Mais à nouveau, ce ne fut pas vrai
Et tout ce temps, j'ai menti
Oh je me suis secrêtement menti à moi-même
J'ai mis la douleur dans l'endroit plus éloigné de mon étagère
Et je courais loin

Mais maintenant ramène-moi à la maison
Ramène-moi à la maison, l'endroit auquel j'appartiens
Je n'ai pas d'autre endroit où aller
Maintenant ramène-moi à la maison.


Mais ça ne veut pas dire que je lui ai pardonné. Je ne peux toujours pas. Le mal qu'il a causé, personne ne peut le réparer.

A part lui.

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Adrianah
[Ce que tu fuis te suit, ce à quoi tu fais face, s'efface...] Aurora


Malgré un aspect austère, la garrigue est accueillante quand on sait la découvrir. Sa chaleur peut vous mettre dans tous vos états. Vous y enfoncer peut vous faire perdre la tête.

En l'occurrence, ce n'est pas la chaleur qui m'a mise dans tous mes états, c'est mon attitude de la nuit dernière. La honte, la colère et ce besoin d'envoyer au loin tout ce qui aurait tendance à se rapprocher un peu trop près de moi.
Plus précisément un homme. Et je suis douée pour me dépêtrer de tout homme qui aurait un semblant d'intérêt à mes yeux. Même si celui-ci est Serbe, beau à sa façon à lui, sauvage, solitaire, et avec des sonorités dans la voix qui savent m'éveiller et me torturer jusqu'au tréfonds de mon âme. Parce qu'elles m'évoquent grandement celui de la Russe.

Il n'y a qu'à voir comment Roman m'avait jeté son alliance au visage parce que j'avais froissé l'orgueil de mâle de l'italien.

Il n'y a qu'à admirer avec quelle dextérité j'ai su faire en sorte que Niallan tombe amoureux d'une autre que moi et finisse par faire le choix de la rejoindre, Elle et l'enfant qu'elle a eu d'un autre. Abandonnant femme et enfant dans la foulée.

Il n'y a qu'à voir comment j'ai pu faire fuir le ciel bleu loin de moi, parce que je n'ai rien trouvé de mieux à faire que de contredire le Danois qui voulait donner son nom à ma fille mais que je voulais bien aller au Danemark avec lui. Il a dit que je ne faisait que fuir en avant.

Et j'ai réédité l'expérience hier au soir.

D'une manière qui ne me ressemble absolument pas et j'ai espéré que l'alcool aidant je ne me souviendrai de rien au petit matin. Comme la fois ou entre soro-adoptées, Calyce, Eliance, Neijin et moi, nous avions joués à ce putain de jeu débile. On avait bu. Beaucoup. On avait fait une liste de toutes les choses que l'on voulait oublier. C'est Eliance qui écrivait la liste que nous énumérions chacune à notre tour. Le souçi étant que le lendemain matin, nous n'avions strictement rien oublié.

Donc. Hier soir. J 'ai voulu jouer à ce jeu de nouveau, persuadée que ce matin, j'aurai oublié tout ce que j'ai dit au Serbe dans la nuit.

Oublier ; que je lui ai raconté une petite part de ma vie en l'espace de quelques minutes, l'alcool y ayant nettement contribué.

Oublier ; que je lui ai parlé de curé, d'esclave, et de castration.

Oublier ; que je me suis conduite comme la dernière des idiotes.

Oublier ; que je l'ai fait exprès. Oublier que je sais l'avoir perturbé.

Oublier que j'aime être en sa compagnie.

Mais ce matin. Tout espoir est vain. Parce que je n'ai rien oublié.

Alors j'ai fait ce que je sais le mieux faire. Prendre mes jambes à mon cou et fuir. Passer en mode rasage des murs, et partir me défouler en pleine nature. Non sans m'être débarrassé de mes jupons et avoir renfilé mes vieilles frusques. Tunique de cuir, chemise, braies, mes bottes élimées, jusqu'à mon éternel tricorne, tout fut revêtu. Même le chignon fut fait à la mord moi le noeud, laissant plus de mèches sauvageonnes éparses que disciplinées.

Voilà. Le corps bien carapaçonné dans ma vesture de pirate, cachant ainsi tout ce que je ne suis capable d'assumer que sous le regard de mon époux, et que je n'assumerai donc jamais plus, je retrouve mes vieux réflexes.

Mon souffle court résonne dans mes tempes. La température de mon corps est monté rapidement, mais j'ai poursuivi mon effort. J'ai courru tout le long depuis que j'ai quitté le mas en douce ce matin. Pourquoi en douce ? Parce que j'ai menti à Gabriel. Je lui avais promis la veille au soir de simplement aller chasser avec mes collets, et de ne pas prendre mon arbalète. Sauf que j'ai embarqué le tout avec moi.
J'ai courru parce que Gabriel m'a appris que la survie, c'est la course. Et comme je suis en mode survie depuis quelques temps déjà, mais plus encore depuis cette nuit, je cours jusque dans la garrigue.
Le problème étant qu'à crû sur un cheval, je suis capable de me diriger, les yeux fermés dans la bonne direction.
A pieds, c'est une toute autre histoire.
Hier soir, le Serbe m'a dit que tant que je n'irai pas chasser à l'Est, tout irait bien, je n'avais qu'à aller au Nord.
Sauf que le Nord me fait inévitablement penser au ciel bleu, et comme le ciel bleu m'avait dit qu'il était inutile que je le cherche, j'avais donc prévu d'aller vers le sud. Poser mes collets sur les navires histoire d'attrapper tous les lièvres qui pourraient y traîner, puisque tout le monde sait, évidemment, que lièvres et lapins portent malheur sur un navire.
J'étais contente, je venais donc de m'octroyer une nouvelle mission, bien que le Serbe moqueur m'avait prévenu que je risquais surtout d'attrapper des rats.

Je ne me suis pas tout de suite aperçu, qu'en fait j'avais pris la mauvaise direction. Et j'ai forcé un peu plus encore sur le rythme, j'ai senti mes cuisses durcir, la sueur couler de mon front. De l'action, toujours de l'action, pour éviter de succomber à n'importe quelle force sibylline. Eviter d'avoir des idées infâmes qui me filent la frousse rien que d'y avoir pensé. Alors je cours. Rageuse. Fougueuse.
La pente s'avère raide, caillouteuse, avec quelques bosses qui cassent les pattes.
J'ai fini par interrompre ma course, une sensation de liberté m'enveloppant, du bien-être, nullement dû à la course par elle-même, mais simplement au fait d'être là, seule, en pleine nature.
La garrigue renvoie la chaleur accumulée, et juste un filet d'air frais se fait sentir sporadiquement. Je me suis servi de la course comme d'un alibi. De mon effort, comme d'un exutoire. Et c'est à ce moment là qu'en baissant les yeux au sol, je les ai vus. Les collets coupés.
Je regarde autour de moi, je me tourne vers le nord, vers le sud, vers l'est et vers l'ouest ; et, de tous côtés, j'aperçois le cercle bleu du ciel qui m'environne. Ni roc, ni arbre ne vient rompre la ligne de l'horizon. Je découvre la garrigue. Elle est d'une beauté terrible, d'une sublimité sauvage.
De nouveau, je reporte mon regard au sol, les bleus fixés sur les collets. A n'en pas douter, je suis sur son territoire de chasse. Il m'a parlé de ces collets qu'il retrouve régulièrement coupés. Il pense que c'est là l'oeuvre, soit d'une femme jalouse, soit d'un homme. Mais il m'a précisé qu'il n'y avait pas de femme jalouse dans son entourage. Et me voilà moi là, devant ces collets, en train de repenser à ce qu'il m'a dit. Je n'ose imaginer sa tête s'il me voyait, là, debout, en train d'observer ma découverte.
Oserait-il croire que ce soit moi qui coupe ses collets ? No. D'autant plus que je lui ai assuré que ce n'était pas moi.

Mais combien de fois, plus jeune, me suis-je laissée accuser à la place de mon petit frère pour lui éviter la rouste paternelle, quitte à la prendre moi-même...

Alors j'ai continué mon chemin, sans prendre garde que j'avais laissé choir près des collets, l'un des liens de cuir sur lequel je m'évertues, depuis que le Serbe m'a montré comment faire, à jouer avec les noeuds.
Pas les noeuds de navire no, ceux-là seraient pourtant tellement simple à faire. C'est le noeud des pendus. Et fais suer, Eliance est meilleure que moi dans cet art là. Mais bientôt, si elle m'emmerde dans les semaines à venir, je pourrai fièrement lui montrer que maintenant, je suis capable de la battre à plate couture dans ce domaine là.

Je suis arrivée sur un grand plateau empli de fleurs. Aussi loin que mon oeil pouvait s'étendre, il y en avait à perte de vue. Des fleurs, toujours des fleurs, encore des fleurs ! C'est comme une carte coloriée, une peinture brillante, émaillée de toutes les fleurs du prisme. La-bàs, le jaune d'or. C'est l'hélianthe qui tourne son disque cadran vers le soleil.
À côté l’écarlate ; c’est la mauve qui élève sa rouge bannière. Ici, c’est un parterre de la monarda pourpre ; là, c’est l’euphorbe étalant ses feuilles d’argent ; plus loin, les fleurs éclatantes de l’asclepia font prédominer l’orangé ; plus loin encore, les yeux s’égarent sur les fleurs roses du cléomé. La brise les agite. Des millions de corolles font flotter leurs étendards éclatants. Les longues tiges des hélianthes se courbent et se relèvent en longues ondulations, comme les vagues d’une mer dorée.
Ce n’est pas tout. L’air est plein de senteurs douces. Des myriades d’insectes agitent leurs ailes charmantes, semblables à des fleurs. Les oiseaux-mouches voltigent alentour, brillants comme des rayons égarés du soleil, ou, se tenant en équilibre par l’agitation rapide de leurs ailes, boivent le nectar au fond des corolles ; et l’abeille sauvage, les aisselles chargées, grimpe le long des pistils mielleux, ou s’élance vers sa ruche lointaine avec un murmure joyeux. Qui a planté ces fleurs ? qui les a mélangées dans ces riches parterres ? La nature. C’est sa plus belle parure, plus harmonieuse dans ses nuances que les écharpes de cachemire. Cette contrée, c’est la mauvaise prairie.

La scène change encore. Je suis dans une forêt profonde. Il fait nuit, et le feu illumine de reflets rouges tous les objets qui entourent mon bivouac. Des troncs gigantesques, pressés les uns contre les autres, me cernent ; d’énormes branches, comme les bras gris d’un géant, s’étendent dans toutes les directions. Je remarque leur écorce ; elle est crevassée et se dessèche en larges écailles qui pendent au-dehors. Des parasites, semblables à de longs serpents, s’enroulent d’arbre en arbre, étreignant leurs troncs comme s’ils voulaient les étouffer. Les feuilles ont disparu, séchées et tombées ; mais la mousse blanche couvre les branches de ses festons et pend tristement comme les draperies d’un lit funèbre.
Des troncs abattus de plusieurs mètres de diamètre, et à demi pourris, gisent sur le sol. Aux extrémités s’ouvrent de vastes cavités où le porc-épic et l’opossum ont cherché un refuge contre le froid. Le vent, qui s’est élevé, siffle à travers les arbres, et agite les longues floques blanches de la mousse : il fait entendre une mélodie suave et mélancolique. J’entends le pétillement du feu, le bruissement des feuilles sèches roulées par un coup de vent, le cououwuoou-ah du hibou blanc.

La scène change encore. Le terrain n’est plus uni, mais il est toujours verdoyant et sans arbres. La surface affecte une série d’ondulations parallèles, s’enflant çà et là en douces collines arrondies. Elle est couverte d’un doux tapis de brillante verdure. Ces ondulations rappellent celles de l’Océan après une grande tempête, lorsque les frises d’écume ont disparu des flots et que les grandes vagues s’apaisent. Il semble que ce soient des vagues de cette espèce qui, par un ordre souverain, se sont tout à coup fixées et transformées en terre. C’est la prairie ondulée. Je m’arrête sur une roche saillante, et mes yeux se portent sur les abîmes béants, et endormis dans le silence de la désolation. De gros quartiers de roches y ont roulé, et gisent amoncelés les uns sur les autres. Quelques-uns pendent inclinés et semblent n’attendre qu’une secousse de l’atmosphère pour rompre leur équilibre. De noirs précipices me glacent de terreur ; une vertigineuse faiblesse me gagne le cerveau ; je m’accroche à la tige d’un pin ou à l’angle d’un rocher solide. Devant, derrière et tout autour de moi, s’élèvent des montagnes entassées dans une confusion chaotique. Les unes sont mornes et pelées ; les autres montrent quelques traces de végétation sous formes de pins et de cèdres aux noires aiguilles, dont les troncs rabougris s’élèvent ou pendent des rochers.
Ici, un pic en forme de cône s’élance jusqu’à ce que la neige se perde dans les nuages.
Là, un sommet élève sa fine dentelure jusqu’au ciel ; sur ces flancs gisent de monstrueuses masses de granit.
Et voilà qu'à la ritournelle de visages qui viennent me hanter, un nouveau a fait son apparition.

Tel est le théâtre de mon drame.

Et je n'ai pas conscience du hurlement qui s'échappe de mon gosier, je me retrouve simplement assise sur mon séant, les yeux bien ouverts, la conscience soudain bien éveillée, face à ce feu qui crépite et que je me souviens avoir allumé un peu plus tôt.

Un feu dans la garrigue. Mais un brasier que j'ai pris soin de contenir, en fidèle experte que je suis. Ma dextre qui porte encore les stygmates d'un autre feu s'en vient se perdre sur mon front et je gémis intèrieurement en repensant inévitablement à ce que j'ai fait durant la nuit.

Encore un sommeil qui me fuit et qui ne s'est abattu sur moi que pour mieux m'épuiser.

Et c'est là que la missive d'Eliance est venue me cueillir. Comment elle m'a trouvé je ne sais pas, mais en lisant certains passages, je me suis mise à trembler.
Ainsi donc je ne me suis pas trompée, et ça va recommencer. La voix du Serbe me revient en mémoire quand dans la nuit, il m'a dit qu'on a le choix de ne plus subir.

Eliance me demande de dire à Dae qu'elle ne vient pas. Elle lui aurait bien écrit elle-même mais Diego lui a interdit de le faire.


Je ne peux pas te jurer que Niallan t'aime encore comme avant. Je ne peux pas te jurer qu'il ne refera pas des trucs à la con parce que c'est Niallan et qu'il est con. Par contre, je peux te dire que c'est moi qui vous ai mariés et que j'ai pas envie que ce mariage marche pas, même si effectivement c'est un petit peu compliqué à gérer, deux femmes... Mais comme techniquement il n'est marié qu'à toi, tu as le droit de réclamer davantage d'attentions. Et je te soutiendrais. Bon, de loin, mais je te soutiendrais quand même.

Là je ne peux m'empêcher d'éclater de rire.
Nerveux le rire. Avec une petite pointe de panique et de détermination mêlées.
Parce que je sais qu'il ne vient que pour voir Anna-Gabriella. Et accessoirement, pour me faire morfler de nouveau. Parce que Neijin et lui, j'ai bien vu que ça les faisait marrer à Limoges. Parce que mon mari, ça lui procure un pied d'enfer de jouer avec moi à ce genre de jeu.
Mais cette fois s'ils croient qu'ils vont réitérer, ils se mettent bien le doigt dans l'oeil. Et plus que profondément.


Prends soin de Diego aussi, vu qu'il sera plus proche de toi bientôt que de moi.


Alors là Eliance, faut pas non plus m'en demander trop. Daeneryss prendra soin de l'italien, ce n'est pas mon rôle de prendre soin de lui.

Mon rôle à moi, c'est de protéger ma fille et de prendre soin de faire fuir tous les hommes qui m'approchent.
Je commence à bien connaitre ma leçon.

Kachina m'a dit de ne pas jouer avec les mêmes armes que Niallan et donc, de ne pas prendre d'amants.

L'Italien, Diego lui, m'a dit de ne pas prendre d'amants, parce que c'est un sale engrenage une fois qu'on le fait. Mais il veut quand même me dégotter un homme pour que j'apprenne ce que c'est que de faire l'amour sans sentiment.

Et cette nuit, le Serbe m'a dit de ne pas chercher les hommes.

Alors je connais ma leçon sur le bout des doigts.

J'ai juste envie de prendre Anna-Gabriella avec moi et de m'en foutre le camp. Où. Je ne sais pas et je m'en cogne. Mais juste elle et moi.
Loin d'Eux.

Mais il y a cette putain de promesse que j'ai faite à Niallan. Et j'ai le malheur d'être fidèle à mes promesses.
Mais une fois qu'il aura son document en main, une fois qu'il saura que personne ne viendra lui arracher sa fille, Anna et moi on ira voir ailleurs.
Parce que s'il croit que je vais voyager avec lui en morflant tous les jours, ce temps là est révolu.

Et dans l'immédiat, je n'ai aucune envie de redescendre en ville. Je sais qu'Anna est avec Gabriel. Je me doute que le Serbe doit être quelque part en train de relever ses collets. Et par respect, ayant compris que je me trouvais sur son territoire de chasse, je n'ai pas posé les miens.

Alors je reste là, agenouillée près du feu, laissant ma main y danser au-dessus, avec une envie féroce de la plonger dans les flammes.

Histoire d'expier ce que j'ai fait cette nuit.

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Judicael.
La botte évita une fourmilière qui vomissait ses petits soldats rouges sur l'arête d'un tronc coupé. Malgré son profond respect pour la nature, pas par clémence. Juste pour ne pas se payer la démangeaison de l'année.

La veille, le serbe avait bu. Plus que d'accoutumée. Il s'était éveillé tard, et avait pris le temps de faire une toilette sommaire, laissée de coté à son retour dans la nuit. Il n'aimait pas se laver à la lueur d'une chandelle, lui préférait de loin a clarté du jour, le cours d'une rivière, le silence relatif de la forêt.

La veille, le serbe en avait trop su. Trop pour tout assimiler. Il avait observé ainsi l'ébullition des gens, leurs histoires sordides. Tout ce qui le ramenait au désordre de la nature humaine. Son côté pile, son côté face. La nuit s'était achevée tard, en présence d'une brune aux yeux bleus et de son "presque frère". De beaucoup d'alcool et d'une enfant endormie.

Novgorod ne comprenait pas les nuances, d'être presque frère. Presque ami. Presque ce que vous voulez. D'où il s'était extrait, les choses étaient taillées dans le billot d'une vie dure et codée. Les hommes et les femmes y tenaient une place précise, sans demi mesure. Ceux qui s'aimaient s'aimaient, et se protégeaient, sans petites lignes qu'on aurait du mal à déchiffrer avant. Ceux qui se détestaient, se détestaient. Jusqu'aux gestes, aux drames, et à la mort parfois. Les étrangers à la famille, étaient considérés comme forcément suspects. En toutes circonstances. Les enfants grandissaient dans cette matrice, en assimilant toutes les règles tacites. Loras avait été élevé ainsi. Oui mais.

Avant.

Sur les champs de bataille, il avait découvert l'homme dans sa plus hideuse nature. Les trahisons. La loi du plus fort. Les manipulations. Les intérêts et le vice. Et de ce qu'il avait pu entendre, et voir par les présences et les absences de personnes clefs dans les confessions de tavernes, dans les conversations que l'on tient sans trop se préoccuper de leur portée, le serbe en avait déduit que la vie de l'italienne aux yeux bleus n'était qu'un champ de bataille. Et lui l'étranger, était différent. Pire encore. Sa solitude loin des tumultes, paraissait étrange. Anormale. Forcément dissimulatrice d'autre chose. Mine de rien... Le serbe avait été piqué. La nuit avait pourtant effacé la douce brûlure. Tout passait bien un jour. Surtout les retombées de conversations ivres. Ce n'était pas la première fois qu'on lui prêtait des maitresses qui n'existaient pas. Mais bien celle où l'on l'imaginait eunuque.

La veille avait fait place au lendemain, et Novgorod s'était arrêté net devant ses pièges.

    Sectionnés.


Il se souvint de l'enfant, qu'il avait vu rôder près de ses collets. La carcasse se plia un peu sur elle même, sa senestre calleuse appréhenda le lacet de cuir tressé, abandonné tout près. Les jais s'élevèrent sur la ligne d'horizon. L'italienne était sur son territoire de chasse. Dans un silence contrarié, il reprit sa marche, abandonnant la relève de ses collets qu'il devinait d'ores et déjà tous saccagés, et suivit le cours de la rivière en contrebas.

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Adrianah
[The forgotten city] - Lindsey Stirling-

On attire pas ce qu'on veut, on attire à nous ce que l'on est.


La chaleur autour de moi devenait intenable. Et pourtant. Toujours agenouillée au-dessus de ce feu, je ne bougeais pas d'un iota, les perlées bleutées se perdaient dans les flammes, se laissant happer très certainement par la vision de mes démons.

Il fait vraiment trop chaud maintenant. Je me sens moite, et je déteste cela. Mais surtout, au milieu des flammes, j'aperçois son visage. Ces traits masculins, ce regard, et ces tonalités slaves, ces longs cheveux bruns, qui m'interpellent un peu trop. Ce calme à la fois dangereux et si apaisant qui émane de lui, et qui a le don de me précipiter le souffle, si peu que rien n'est perceptible pour autrui, mais ça l'est bien trop pour moi et déjà j'ai décidé qu'il était plus que temps de faire fuir l'étranger.

Un Autre, qui prendra la fuite, et alors ? La vie n'en finira pas de s'écouler pour autant, de chanter ses symphonies, et de dégueuler ses monstruosités et ses vicissitudes.

Il est solitaire, l'étranger, il a fait le choix de ne pas être père, de ne pas être mari. Mais, il n'est pas Castré - qu'il dit -. A t'il fait le choix de ne pas avoir d'amante, je ne le lui ai pas demandé sans doute parce qu'en fait, je connais déjà la réponse. Mais évidemment il ignore que je sais ce que Kachina m'a généreusement dévoilé, et je n'irai certainement pas balancer celle qui m'a soufflé la réponse avant même que la moindre curiosité sur le sujet ait germée dans mon esprit.
Je suis entourée et pourtant, je me fais solitaire, c'est un choix qui s'est imposé à moi, sans me demander mon avis. Etrangère, noyée dans la masse, je suis mère, ça je l'ai choisi. J'ai un mari qui n'en est plus un, c'est ainsi, mise devant le fait accompli. Mais, je suis Cassée. Et si j'ai su ce que c'était que d'avoir un époux et de remplir mes devoirs conjugaux avec ferveur décuplée, telle la Madone que je suis, j'ignore totalement ce que c'est que d'avoir un amant. Je cause quand j'ai envie de causer, et avec qui j'en ai envie. Et je suis un être de contradictions, de faux-semblant, dans lequel, il ne fait pas forcément bon de venir s'y perdre.

Et cet étranger là, a ce petit quelque chose en plus qui me met tous les sens en alerte et qui me fait dire qu'il est temps de le faire fuir. Je pratique cet art à merveille, pas un n'y a résisté.

Oublier. L'oublier. S'oublier. Le feu est soigneusement étouffé, éteint. L'oeil avisé s'assure qu'aucunes braises ne s'enflammera de nouveau, avant que les bleus italiens ne se tournent vers la source de vie que son esgourde affûtée a su déceler.
Il ne me faut pas bien longtemps pour trouver la rivière qui chante. Pour voltiger mes bottes de cuir élimées, laissant l'écrin de mes chevilles révéler les perles de Murano qui s'y reflètent. La vieille veste usée est jetée au sol, tunique et braies s'en prennent le même envol. Seul, le tricorne est déposé avec soin sur l'amas de vêtements.

Je n'ai aucune conscience, que même à cet instant de l'orée du bain, mon corps puisse parler. Depuis que Niallan s'en est foutu le camp, et même depuis quelques semaines bien avant, j'ai le corps qui hiberne. Je ne m'assumais déjà pas avant, mais depuis qu'il est parti, c'est une évidence. Mon corps ne doit absolument rien avoir d'attirant pour qu'il s'en aille chercher ailleurs et qu'il ait fini par me quitter.
Il m'a plus souvent fait l'amour pendant que j'étais enceinte, que pendant que je ne l'étais pas. Et pour qui m'a t'il abandonné ? Pour sa Potesse qui était enceinte. Diego lui, dans ses lettres, m'a écrit que c'était l'amour charnel qui avait détourné Niallan de moi. L'appât du défi, l'envie d'un autre corps, de savoir s'il saurait en tirer les mêmes mélodies que les autres.
Pourtant, je reste persuadé que chaque corps à sa propre mélodie. Unique. Et que quand les notes s'accordent, elles sont faites pour aller crescendo, sans jamais se désunir.

Oublier ce qui fâche et paralyse de peur à la fois, le mari qui ne l'est plus et qui s'en revient jouer le père attentionné.

Oublier ce qui trouble et perturbe, le Serbe aux yeux de braises et de glace confondues.


Sous cette chaleur de plomb, je suis lave, et la rivière m'attise le corps de son eau fraîche au fur et à mesure que je pénètre dans l'onde.
Sensation intense, merveilleuse, et laissant glisser mes mains sur la surface lisse de l'eau, je me cambre légèrement en arrière, offrant au soleil, l'éclat de mes emperlées bleues. Le bassin serpente, fessier et croupe se tendent harmonieusement, les bras fins et musclés s'étirent au-dessus de ma tête, comme pour rendre hommage aux rayons du soleil.
Les gouttelettes d'eau se font parure sur ma peau, avec impudeur, quelques mèches folles de mon chignon venant s'y abreuver. Les monts nourriciers se dressent fiers et conquérants, s'offrant sans vergogne à la caresse chaude des rayons enluminés. Et ce ventre qui a su porter et la mort et la vie et sur lequel je ne supporte pas de laisser s'attarder mon regard, accueille les clapotis de l'eau.
Penchée en avant, je laissais glisser mes mains de mes chevilles aux genoux, savourant en silence, le calme et la beauté de ce lieu sauvage et perdu quelque part, dans la garrigue.

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