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[RP] Si tu veux qu'on s'apprenne..

Judicael.
Sa progression l'amena peu à peu à des collets qui n'avaient pas été saccagés et dont certains avaient même la générosité d'une grive. Malgré cette relève infructueuse, le serbe avait au fil de sa marche apaisé ses contrariétés... Et remis de l'ordre dans ses idées. La bienveillance de l'italienne aurait pu le duper. Pourtant quelque chose retenait cette idée que, bien qu'il se soit montré un peu abrupt avec elle, ou parfois silencieux, elle n'aurait pas trouvé de plaisir à défaire ce qu'il avait fait. Ni de raison.

L'enfant était encore le meilleur des coupables. Un enfant avait la main destructrice et innocente à la fois, et s'il l'avait pris sur le vif, Loras ne l'aurait pas châtié. Il l'aurait cependant effrayé, avec sa gueule dure et son timbre de voix particulier en lui jurant qu'il le pendrait à un arbre. Le renégat en était là de ses pensées, vite occultées par une vision inattendue qui fit ralentir son pas, jusqu'à le stopper tout à fait. Interdit.

Là , sur une pierre moussue, quelques vêtements. Qu'il reconnut vite. Non loin, la silhouette d'une femme. Baignant dans la rivière.

Nue.

Ce moment suspendu, où la tête dicte de reculer. Les yeux, dictent eux, de ne plus s'accrocher ailleurs qu'à l'arrondi d'un dos. Où la raison dicte de se mettre à couvert. le corps, de rester là encore un peu. Ce moment où l'homme, tout castré, curé qu'il soit imaginé, tout solitaire qu'il soit, ne peut que succomber à quelques secondes de fascination muette pour une étrangère mouvant son corps dans l'onde d'une rivière,
apaisant le feu de sa peau.

Il faisait chaud, oui. C'était l'italienne là bas. Et à ses pieds, ses frusques. Laides de cacher tant. Nulle trace de gibier. Il en fit sa preuve. Peut-être trop hâtée par la vision qu'elle ne voudrait pas lui donner. Aussi, finit-il par la quitter des yeux. Par respect, ou par lâcheté. Peut-être entre les deux. Loras n'était pas à l'épreuve du désir. Pourtant, une femme mariée n'aurait su raviver ses instincts les plus primaires. Le serbe connaissait que trop la nature des hommes pour s'y abandonner totalement. Sa relation à l'autre, quasi manichéenne, l'en empêchait la plupart du temps.

Tournant les talons, la senestre massant sa nuque, Novgorod emporta avec lui la délicieuse vision de cette naïade et lui rendit son intimité, avant qu'elle ne s'aperçoive de sa présence. Il est des instants qui n'appartiennent à personne, on aurait tort de les profaner.

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Recueil
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Adrianah
[There was a boy
A very strange enchanted boy
They say he wandered very far, very far
Over land and sea
A little shy and sad of eye
But very wise was he

And then one day
A lucky day he passed my way
Then we spoke of many things...
]


Chaleur déserte, d'une âme offerte au sable d'un temps épousseté, n'obtempère jamais face au vague de vent, le souffle d'un sable mouvant, la destinée.
Chaleur subtile d'une âme fragile, que certain croit indestructible, au creux d'un coeur aux aguets, au sud d'un mois de juin.
Chaleur moite d'une âme mise en boite, au fond d'un tiroir en ronce de noyer, n'attend qu'une once de beauté, pour s'épanouir au soleil d'un bel été.

Il fait chaud oui.
Le soleil est toujours présent, bien qu'il commence à se couvrir de ce léger voile blanc filandreux qui fait qu'il ne brûle pas. Il chauffe néanmoins, il mijote le corps et la peau. C'est bien qu'il soit là sans se faire supplier, il m'enveloppe, me porte, et efface sur l'instant tous le reste.
Et le feu et l'eau jouent ensemble aujourd'hui dans cette rivière. L'eau apaise le feu de ma peau, l'endroit est calme, retiré.

Et pourtant. Ce frisson dans ma nuque et cette imperceptible sensation qui vient me frôler. Ce n'est pas la faute du mistral bien faible à cet instant.
L'esprit de la chasseuse est en éveil. Toujours. Mais lorsque je me retourne sur moi-même, il n'y a rien, je ne vois personne.
Néanmoins, j'ai cet étrange pressentiment que quelqu'un était là. J'observe longuement les alentours, mais je ne perçois plus rien.

Je ne me suis pas attardée dans la rivière, j'en suis sortie, non s'en m'y être auparavant plongée le corps tout entier dedans, comme pour me défaire de cette sensation bizarre qui m'étreint.
Je me suis posée sur l'une des pierres, à côté de mes vêtements, laissant le soleil sécher mon derme.

Je ne l'ai pas vu de suite. C'est quand j'ai laissé glisser mes mains de chaque côté de mes hanches, offrant mon corps encore nu aux rayons de soleil que je l'ai senti sous mes doigts. La plume. Mouchetée. Je l'ai prise entre mes doigts, l'observant longuement. Ce n'était pas la plume d'une fauvette. Peut-être bien celle d'une grive.

Je l'ai gardé, afin qu'elle vienne étayer ma collection de plumes. Si. Depuis que je me suis battue en Anjou l'année dernière, j'ai gardé une passion pour les rémiges.

Mais surtout. J'avais un air quelque peu contrarié sur le visage, quand je me suis rhabillée. A n'en point douter, quelqu'un m'avait épiée. Et ce n'était certainement pas dans l'intention de me dérober quelque chose, puisque mon arbalète était toujours là.

Peut-être un voyeur. Peut-être pas. Mais ma contrariété s'estompait peu à peu alors que je m'en allais rejoindre ma petite Merveille, plume en main.



Il y avait un garçon
Un garçon enchanté très étrange
Ils disent qu'il a erré très loin, très loin
Sur terre et mer
Un peu timide et triste d'oeil
Mais très sage était il
Et ensuite un jour
Un jour de chance il a passé mon chemin
Alors nous avons parlé de beaucoup de choses - Aurora -

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Adrianah
[Ce que la nuit est au jour, la femme l'est à l'homme...]


Niallan.
Le Salaud.
Mais surtout, l'Enfoiré.

J'en ai encore eu une preuve hier au soir. Quand Percy m'a reproché à moi, d'être partie. Quand il m'a dit que je n'aimais pas les petits garçons. D'un air farouche, il semblait vraiment en colère après moi. Je suis restée coite, le temps d'assimiler ce qu'il m'assénait. C'est à peine si j'ai entendu l'italien dire au gamin qu'il y allait fort avec moi.
Et c'est là que j'ai compris. A quel point Niallan est un putain d'enfoiré. Neijin et lui avaient laissé croire à Percy que c'est moi qui était parti. Niallan s'était bien gardé d'expliquer à l'enfant, à son fils, que c'est lui qui n'avait pas voulu m'emmener, qu'il nous avait abandonné Anna et moi, puisqu'il m'avait quitté pour rejoindre sa maîtresse, aujourd'hui devenue sa compagne.
J'ai senti une rage froide monter en moi. Saloperie d'Enfoiré. Mais je me suis contenue, et j'ai pris le temps d'expliquer à Percy, avec des mots qu'il pourrait comprendre, ce qui s'était passé.
Percy est malade. Il a de la fièvre et rejette tout ce qu'il mange. Avec l'italien, on a réussi à glaner quelques noms de médecins, mais il semblerait qu'aucuns ne soit actuellement sur place à Marseille.
Et puis j'ai avoué à Percy qu'il m'avait manqué, je lui ai ouvert grand les bras, il est venu s'y réfugier, me serrant fort, me disant lui aussi, que je lui avais manqué. Moi qui pensait que l'enfant me boudait, je ne m'étais pas trompée, mais jamais je n'aurai imaginé que c'était parce que son père n'avait rien trouvé de mieux que de ne pas le tenir au courant. Comme souvent d'ailleurs.
L'enfant semblait retrouver un peu d'allant, et à l'évocation d'Apollo, il s'est mis à sautiller de joie à l'idée de le revoir et d'aller jouer dans l'eau avec lui. Et puis Percy avait des étoiles de bonheur dans les yeux, persuadé que maintenant que j'étais là, tout allait rentrer dans l'ordre, qu'il allait avoir sa petite famille autour de lui.
J'ai serré un instant les mâchoires avant de fixer l'enfant, et lui expliquer, que son père et moi, n'étions plus mariés.
Là, je l'ai vu de nouveau tirer la gueule, et paniquer à l'idée qu'Anna-Gabriella n'était plus sa petite soeur. L'italien lui a expliqué qu'Anna l'était toujours, ce qui a semblé le rassurer. Et puis Diego a voulu que je vienne avec eux le lendemain matin chez le médecin. J'ai simplement répondu qu'il fallait trouver Niallan pour qu'il l'accompagne. Moi, je voulais surtout retrouver ma fille. Je la lui avais confiée pour une nuit, mais de toute la journée d'hier je ne les ai pas vu. Hier soir non plus et pourtant, je guettais. Et j'ai senti un sentiment indéfinissable m'étreindre. Alors que j'avais rejoint la Volière et que le Serbe m'avait fait une place près de lui, j'ai senti quelques fois son regard se poser sur moi. Sans doute avait-il perçu mon humeur sombre. J'ignorais ce qu'il pouvait bien se penser dans sa tête, mais je savais ce qu'il y avait dans la mienne.
Je n'ai pas l'habitude d'être séparée de ma fille. Depuis qu'elle est née, je l'ai toujours eu auprès de moi, sauf quand elle allait avec son père mais c'était la première fois que je la lui confiais pour la nuit. Je pensais la retrouver au petit matin mais il n'en fut rien. Et plus les heures s'écoulaient, et plus mon humeur s'assombrissait.
Mais je finissais par me morigéner, Anna était avec son papà, il ne pouvait rien lui arriver de mal. Et Niallan n'était pas l'un de ces pères qui se ferait la malle avec la petite. Si ? No. Il ne me ferait pas ça. Pas après ce que je venais de faire pour lui et Anna. Ou alors peut-être que si ? Parce que j'ai dénoué les liens d'un mariage qui n'en était pas un ? Parce que je refuse de le suivre et que je vais en suivre un autre ?

Je secoues la tête. No. Il n'oserait pas. Et quand bien même il le ferait, je ne cèderai pas. Je ne suis pas de celles qui acceptent le chantage. Et si c'est ce qu'il a en tête pour m'obliger à le suivre, alors il se fourre le doigt dans l'oeil.
Ma décision était prise depuis le jour où il m'avait quitté.
Il était parti. Il nous avait quitté pour une autre.
Je n'avais pas à le suivre.
Point final.

Le fait que le Serbe soit entré dans ma vie, signifiait juste que les flammes attendraient encore un peu. Mais contrairement à ce que Niallan semblait penser, ce n'était pas Loras qui m'avait influencé dans mon choix. Il était fait bien avant que je ne le rencontre.

J'aurai pu lui écrire une nouvelle charade. Une comme " Qui marche à quatre pattes le matin, à deux pattes à midi, et à trois pattes le soir ? ". La réponse est sans équivoque. Un homme. Sauf que Niallan lui, il marche à trois pattes tout le temps, pas uniquement le soir.

Le Serbe c'est autre chose, mon esprit l'évoque d'une manière bien particulière.
D'une, Loras est incomparable, il est à part.
Et ensuite, il a les pieds bien ancrés dans la terre. Les deux pieds. Pas trois. Et puis c'est un homme. A l'intérieur, j'ai décelé qu'il est plein de trous et de bosses, de bleus à l'âme et de plaies plus ou moins cicatrisées. Des stigmates.
Loras, il pourrait traverser des mondes endormis sous la glace sans sourciller, il a la carne qui s'est endurcie, à force de se coltiner le froid et le dur. Parce qu'il est taillé à l'image des terres de son pays.
Et un jour, sa carcasse m'est apparue, comme si elle sortait du brouillard. A moins que ce ne soit moi qui en sortait. C'est peut-être moi en fait qui remonte une pente de givre sur laquelle m'a conduite le destin, et sur laquelle je maintiens mon instinct de survie.

Boum. Boum. Bouboum. Je sens à peine les battements sourds de mon coeur qui frappent dans le thorax comme dans une cage en verre. Je sens la fine couche de glace qui l'étreint, se fendiller à l'intérieur, à chaque coup. Je me concentre sur ça, parce qu'il ne faut pas que je le perde. Je le sais que je n'ai pas assez de force pour me permettre de le perdre. Alors je me concentre un peu plus sur mon coeur. Sur ses battements. Mais je n'entends rien. Je ne sens rien d'autre qu'un petit cliquetis contre la paroi glacée. Tic tic tic. .. Titic.
Hier soir Kachina m'a demandé comment je me sentais. Elle a clamé qu'elle avait été folle de joie quand elle avait mis fin à son mariage.
Je ne suis pas folle de joie. Je suis soulagée, c'est tout. Mais je n'en retire aucune joie particulière. Je ne suis pas triste non plus. J'ai dépassé ce cap là depuis qu'il nous avait abandonné.
Des tas de gens font des tas de choses. Ils parlent, ils pleurent, ils jugent. Mais jamais, ils ne se mettent à la place des autres.
Si. Je suis soulagée. Parce que maintenant que je l'ai perdu, je ne vais plus avoir à craindre de le perdre, chaque fois qu'il ira se perdre dans une autre femme. Je n'aurai plus à vivre ses humiliations, ses ignorances, ses tromperies. Je ne serai plus celle qui le laissera voler.

Et je souries à l'intérieur, même si ça ne se voit pas, sur mon visage.

Et je suis là, assise sur un rocher, les pieds baignant dans l'eau de la rivière. J'aime quand le jour baisse, quand le jour décline. Cela change tout. L'âme se resserre. Toute la nature aussi, comme une armée de poings, autour du foyer intérieur. Les forêts descendent vers leurs racines, les derniers rayons de soleil explosent. Petit à petit, le paysage devient bleu nuit, et la lumière de fin de jour claque entre les arbres. Et puis bientôt, c'est la lune qui claquera ses rayons comme un orgue de barbarie.

Et moi je suis bien là, alors que la nuit me tape dans l'oeil. Je me mets en boule et je pose mon menton sur mes genoux.

Et je fume.

La pipe Serbe au bec. J'ai puisé dans ma réserve de chanvre, dans la petite boîte de bois. Celle que je gardais toujours en dépannage pour Niallan. Mais maintenant, c'est la mienne. Elle est à moi. Rien qu'à moi.

La dernière fois que j'ai fumé, c'est le soir où Niallan m'avait trouvé ivre morte dans cette taverne de Limoges. Le soir où je lui appris que le toubib sur le navire m'avait dit que je ne pourrais plus avoir d'enfants.

Diego hier, m'a demandé si je savais toujours comment on faisait les bébés.


" - Si, grazie Diego, je sais comment on fait".

J'ai tiqué quand il a commencé à me comparer à Eliance. Je ne suis pas comme elle, bordel ! No je ne suis pas inapte au sexe, je n'ai pas le souvenir que Niallan se soit plaint une seule fois, alors j'imagine que je savais le contenter. D'ailleurs j'en suis même certaine.
Je n'ai juste pas l'envie de le faire pour le faire. Sinon il y a longtemps que ce serait déjà fait. Je ne suis pas comme Niallan et Diego non plus.

J'ai ensuite eu droit au couplet sur le fait que j'aimerai un jour de nouveau, qu'un homme surgira quand je ne m'y attendrais pas, et que j'aurai un fils un jour.
Je l'ai écouté, avec une lueur de sourire moqueur dans le regard. Je l'ai surtout laissé dire, il semblait tellement y croire, que cela aurait été dommage de l'interrompre. Ce n'est que quand il a dit qu'il m'emmènerait à Paris pour me trouver un homme que j'ai ouvert la bouche pour refuser.

Je recrache lentement la fumée blanche devant moi et je la regarde remonter en se courbant comme une brise.

Je suis en manque de ma fille, mais je continues de me persuader que demain je la verrais.

Et je ne dors pas. Je dessine son prénom dans le sol du bout de ma dextre.

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Adrianah
[Le Salaud...] - Saez -

Que me jette la pierre celui qui n'a compris que les amours sous terre ont le coeur infini...
Aux amoureux perdus, aux amours à la rue, aux coeurs qui savent battre, aux coeurs qui savent plus.
Aux yeux dans la tempête, ces marins perdus. A nos coeurs à la fête, à quand on a trop bu. Aux sanglots déferlants sur mon coeur qui se noie...Aux armes de nos coeurs, aux larmes de nos combats.


Niallan.

... L'Enfoiré. Le Putana d'Enfoiré.

Que Gabriel et lui se battent dans ma taverne et détruisent une partie du mobilier, ça passe moyen, mais ça passe quand même.

Qu'il ose comparer la situation actuelle à celle qu'il a vécu avec Alicina, j'ai moins laisser passer lui rappelant certains faits de l'époque qu'il semblait avoir occulté dans sa petite mémoire sélective de poisson rouge. Mais passe encore quand même.

Qu'il ose insinuer que Gabriel va cogner sur notre fille, ça me reste en travers de la gorge.

Mais le pire, ce qui ne passe vraiment pas, c'est ce qu'il a fait ensuite. Oser me sortir des mots que j'aurai béni il y a quelques mois encore. Des phrases de sa part que j'avais attendu durant des semaines, et des semaines et des semaines.
Il est passé à des aveux troublants. M'avouant qu'il m'aime encore. Mais qu'il ne voulait pas me le dire pensant que c'était mieux pour moi.
Premier choc.

Et continuant sur sa lancée, il m'a dit qu'il voulait m'épouser de nouveau. Je n'ai pas rêvé, ça a donné quelque chose comme " Si je te re-épouse, est ce que tu vas continuer de vouloir épouser ce Connard ?"

Je ne suis pas née de la dernière pluie. Ces mots là, il aurait eu tout le loisir de me les dire à Marseille. Il ne l'a jamais fait. Dans ma caboche, j'en déduis donc qu'il veut que l'on se remarie, uniquement pour ne pas que j'épouse Gabriel.

Second choc. Et qui ne passe pas. Car je prends cela comme une humiliation supplémentaire. Je sais qu'il ferait n'importe quoi pour ne pas que j'épouse le Polonais.

Mais alors ce qui n'est pas passé du tout, mais vraiment pas du tout, c'est lorsqu'il a prononcé le nom de Loras. Et que je l'ai entendu me dire qu'il aimait bien Loras et qu'il ne se serait pas opposé à ce qu'il m'épouse lui, car c'était un mec bien.
Ah ouai ! Il en oubliait déjà le blond, qu'il en était jaloux comme un pou du Serbe. Il en a oublié cette "dernière nuit" qu'il m'avait proposé alors, espérant sans doute me détourner de mes élans envers le Novgorod.
Et surtout, on ne parle pas de Loras devant moi. Surtout pas Niallan. Loras est sacré, il est même consacré, et je pourrai tuer quiconque se sert de lui pour tenter de m'amadouer. Dire du bien d'un mort alors que de son vivant, il ne rêvait que de l'étriper parce qu'il était jaloux, c'est petit. Petit mais rusé.
Niallan n'avait pas besoin de me dire que Loras ne m'aurait jamais frappé. Je le sais mieux que personne.

J'ai bien tenté d'expliquer à Niallan pourquoi Gabriel m'avait cogné car je savais que Gaby ne le dirait pas lui-même. Alors je lui ai raconté toutes les horreurs que je lui ai dites. A commencer par le fait qu'il y avait tellement de similitudes entre le Serbe et le Polonais. Je lui ai narré comment, en lui disant qu'il ne faisait que passer après Loras et qu'il n'avait que les restes, j'ai mis à mal le Polonais. Je lui ai dit comment, en balançant que sa castration le rendait pire qu'un homme qui ne l'était pas, j'ai mis Gabriel à terre. Je lui ai dit que pour la seconde fois de ma vie, j'avais tenté de tuer Gabriel.
Je me suis faite l'instrument de la fureur et de la violence Polonaise. Je l'avais bien cherché. Et la sentence qui s'en est suivie n'était que compréhensible, même si elle fut violente et que j'en porte encore les traces.

Quel homme digne de ce nom accepterait de se laisser traiter de la manière dont je l'ai fait ? Quel homme prendrait avec le sourire le fait qu'un mort passe avant tout, envers et contre tout ? Quel homme accepterait d'entendre sans rechigner que j'aime toujours mon ex-mari, le père de notre fille, et qu'il en sera ainsi jusqu'à la fin de mes jours et même après ?

Gabriel ne fait pas partie de ceux-là.

Mais Gabriel possède la même qualité que Loras. Une qualité qui fait défaut à Niallan et que celui-ci ne possèdera jamais. Je m'en suis longtemps contentée d'ailleurs, cela ne me dérangeait pas.
Jusqu'à ce que je découvre Loras mort.
A partir de ce moment là, une partie de moi s'en est allé avec lui. Et une autre s'est forgé.

Désormais, je n'accepterai plus jamais d'être trahie, trompée, humiliée. Peu importe que Gabriel ait laissé des marques sur ma joue et dans mon cou, parce que l'empreinte de ses doigts et de ses mains en furie s'estompera. Parce qu'il est des coups qui font moins mal que des humiliations, des tromperies.

Et je sais que Gabriel ne me trompera pas. Jamais. Je sais qu'il est fidèle. Je sais qu'il veille à ce que je ne me tues point. Je sais, j'ai aujourd'hui compris pourquoi il m'a faite enlevée. Il l'a fait pour me protéger de moi-même et pas pour me faire du mal. Il l'a fait pour tenter de redonner vie à la loque que je suis devenue quand cette putain de Faucheuse m'a arraché Loras.
Il l'a fait parce qu'il n'était plus mon presque frère. Il n'était plus l'Ami. Il n'était plus le confident. Il était seulement un homme inquiet pour moi et qui nourrissait des sentiments qui ont éclatés au grand jour. Des sentiments aujourd'hui réciproques et assumés.

Je ne veux pas la guerre.
Je ne reviendrai pas sur tout ce que je me suis battue pour que Niallan soit père. Il l'est et le restera, quoi qu'il puisse en penser. S'il veut croire que Gabriel prendra sa place auprès d'Anna-Gabriella, qu'il fasse donc.
Mais Gabriel et moi, savons exactement ce qu'il en est.

Mais on ne se fout pas de ma gueule en venant me balancer que l'on veut m'épouser de nouveau, juste au moment où je m'apprête à épouser un autre homme. Surtout lorsqu'on a eu tout le loisir d'y penser bien avant et qu'étonnamment, telle proposition ne s'était pas faite entendre. Il m'aurait dit cela avant la mort du Serbe j'aurai accepté. C'est évident.

Mais j'ai changé. Aujourd'hui je tiens tête là où avant, j'aurai plongé tête la première.

Au moment où j'allais partir rejoindre Gabriel, j'ai vu Niallan se passer la main dans les tifs et je comprenais déjà, rien qu'à ce geste tellement familier, qu'il m'en réservait encore une. Alors il m'a demandé s'il pouvait me prendre dans ses bras. Pas comme avant. Mais juste comme ça, sans arrière pensées.
J'ai eu un temps d'hésitation. Et puis j'ai accepté en me disant que de toute façon, ça n'était rien d'autre qu'une accolade entre parents souçieux du bien-être de leur enfant.
Mais lui et moi on sait qu'à ce jeu là, on joue avec le feu.
Moi j'ai l'habitude de jouer avec. Alors il a fait un pas en avant les bras tendus. Et j'ai fait un pas en avant pour me réfugier entre ces mêmes bras tendus. Violence des souvenirs, sarabande d'émotions, et ce putain de sentiment d'avoir retrouvé ma maison, ma place, celle qui est faite pour moi. Ma joue meurtrie contre son épaule. Et ses doigts, à lui, qui caressaient mon autre joue. Son souffle dans mes cheveux. Les muscles de ce corps que je connais par coeur et que je saurai reconnaitre entre mille. Ma place était là, je le savais du plus profond de mon être. Je savais aussi que le meilleur pour notre fille, c'était Lui et Moi. Cette famille. La Nôtre.

Mais. Je savais aussi que trop de mal avait été fait. Et surtout. J'ai fait deux promesses sur la tombe de Loras. Si. J'ai fait des promesses à un mort. Et alors ! J'ai failli à ma première, celle où j'avais pris la décision qu'il serait le dernier. Mais je ne dérogerai pas à l'autre. Celle de ne plus avoir d'ébats charnels avec Niallan.

Alors j'ai rompu cette étreinte qui aurait pourtant pu durer des heures et des heures sans que ni lui, ni moi, on ne s'en lasse. Un moment de grâce au milieu de la tourmente. Voilà ce que c'était. Et je suis partie rejoindre Gabriel.

J'aime Niallan certes.

Mais j'aime Gabriel. Différemment.Passionnément. A la folie. Et pas seulement à cause de ses similitudes avec Loras. J'ai bien d'autres raisons pour cela. De celles que le coeur ne peut ignorer. De celles que jour après jour, Gabriel me fait découvrir alors que je ne pensais plus cela possible.

Alors si. Je vais épouser Gabriel. Envers et contre tous s'il le faut, je m'en cogne.

Je vais l'épouser. Un point c'est tout.


Saez - Au cimetière des amours.

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Adrianah
[In the Darkness] - Thomas Bergersen -

La porte de la taverne a claqué. Je n'ai même pas attendu Gabriel. Je suis partie en la claquant de toutes mes forces. Et il ne fait pas bon de me suivre à l'heure actuelle.

Niallan. Putain l'Enfoiré. Il a du estimer que je n'avais pas assez morflé. No. Il ne m'en a pas assez fait endurer, il a fallu qu'il remette ça. Et je ne parle pas de mon "pseudo" meilleur ami qui s'en prend désormais le même chemin que la russe à mes yeux. Aussi pourris l'un que l'autre. Quant à la soeur de coeur, il n'y a plus de soeur, il n'y a plus rien.

Je viens de passer l'après-midi à me faire insulter et mettre plus bas que terre par un putain de noble. Pas que je l'apprécie pas pourtant ce noble là. Mais il n'en reste pas moins un noble et dans ma caboche à l'heure actuelle, si je ne l'ai pas embroché, c'est uniquement pour Gabriel.
Le Polonais qui, comme s'il n'avait pas assez de son visage ravagé, s'est encore pris des coups, et par un noble cette fois. Qui en plus l'a mis lui aussi plus bas que terre en lui rappellant qui est son maître. Et quand l'on connait le passé de Gabriel, c'est l'une des pires insultes qui puissent lui être faite.
Et je me suis trouvée sommée par Gabriel de ne pas intervenir. Le Polonais, qui se serait laissé démonter sans se défendre si je ne l'avais délié de sa promesse l'autre soir. Le Polonais qui m'a de même empêché d'en emplâtrer une au Noble insultant.

C'est pour lui que je viens de subir de nouvelles humiliations. J'ai tout entendu et tout encaissé. De mes origines italiennes et Helvètes qui ont été piétinées et salies. De mon honneur qui en a été tout autant. La bâtardise d'Anna-Gabriella envoyé dans la gueule. Le fait d'ouvrir les cuisses avant le mariage avec un brigand tout pareil ne me fut pas épargné. Bien que Niallan n'ait rien d'un brigand en ce qui me concerne. Quand on a été l'épouse d'un Corleone, s'entendre dire que Niallan est un brigand ça m'a silencieusement fait sourire. Mais apparemment, cela ne faisait rire que moi. Jusqu'à l'épouse du noble en question qui m'a envoyé par la gueule que j'avais fait en sorte que Gabriel se fasse tabasser. Là j'ai vu rouge. Vif le rouge. Et après elle a insinué que je n'étais pas apte à soigner les blessures de Gabriel. Oh putana, la mégère ! Et je me suis vu intimé de faire le nécessaire envers Niallan. Et là j'ai froncé les sourcils. Mais j'ai dit que j'allais m'en occuper. Et dire que je n'avais même pas écrit à mon ex-mari. Pour Diego, par contre, j'ai le vague souvenir de l'avoir fait. D'ailleurs, Elle me l'a bien dit qu'Elle lui avait écrit. Et aujourd'hui le Rital est fâché après moi alors que techniquement, ce n'est pas moi qui suis l'instigatrice de la missive, mais Elle. Mais à moins qu'Eliance ou Niallan ne lui en ait parlé, ce dont je doute fort, le meilleur ami n'est pas au courant de tout en ce qui me concerne.

Le blond va nous payer à Anna-Gabriella et moi, ce qu'il vient de nous faire subir. Je sais ce qu'ils ont fait. Je sais tout. Et servir mon nom sur un plateau, comme une excuse pour la justification de leurs actes n'est qu'une humiliation de plus. Encore. Mais celle-ci sera la dernière.

Désormais il n'y a plus d'amis. Je n'en veux plus. Niallan m'a dit que Diego ne voulait plus me parler, moi j'ai appris que l'italien s'en est pris à une gamine et qu'il ne veut pas s'en excuser, alors il peut toujours courir, je m'en tape comme de l'an quarante qu'il ne me parle plus. Ce n'est pas moi qui vais aller lui courir après. Il s'en est pris à ma protégée, une gamine innocente qu'il a traité de putain, mais qu'il aille donc se faire foutre avec les siennes de putains.
Connard d'italien. Meilleur ami de pacotille ouai. Je le pensais d'une autre trempe que Niallan mais finalement, ils sont du pareils au même, autant l'un que l'autre.

Et Niallan va payer pour ce que j'ai subi par sa faute aujourd'hui. Mais je ne vais pas l'empêcher de voir Anna. No. Ce serait trop facile. Et je m'y refuse.
Je tiens mes promesses moi, contrairement à lui.

Dans ma tête douloureuse, alors que je laisse couler les larmes de rage et de déception, je me refais le scénario de tout ce qu'il m'a fait endurer, tout ce qu'il m'a humilié, depuis que j'ai mis au monde notre fille.

Mais il est loin de s'imaginer ce qui l'attend. Et vengeance commence déjà à germer dans mon esprit. Mais j'attends pour la mettre en oeuvre. Encore un peu. Parce que je veux voir jusqu'où mon ex-mari est capable d'aller.

Assise sur une pierre, j'ai les tempes douloureuses, enserrées dans un étau de fer. Elle est là. Et cette fois, c'est moi qui lui cause.


"- Occorre che se Le parli tu e. Occorre che troviamo un campo di intesa, e che si metta definitivamente di accordo. Per il bene di Anna-Gabriella, e per il nostro."

Il faut que l'on parle toi et moi. Il faut que nous trouvions un terrain d'entente, et que l'on se mette définitivement d'accord. Pour le bien d'Anna-Gabriella, et pour le nôtre.

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Adrianah
[Resiliation] - Ben Mazué-


D'abord, il y aura le manque.
Collé à la peau, chevillé, à nous pourrir la vie, chacun de son côté.
À questionner ce choix, celui d'être parti, et de s'être quitté.
Comme si c'était pas assez dur de se séparer, de changer d'existence, d'accepter de renoncer à l'éternalité de notre co-résidence.
Tous les moments, tous les endroits, se feront l'écho de notre histoire aussi.
Nous rappellerons une anecdote et viendront à l'envie, déclencher un auto-tsunami.

Cette obsession amère, cette souffrance continue, cet appétit désert, le monde qu'on regarde par-dessus.
Tantôt on vole, tantôt on chute.
Souvent on chute, la tête en bas
Au bout de quelques mois il nous restera ça.
Une année et deux passeront, la souffrance sera moins vive.
Parfois même gageons que certains disent qu'elle disparaîtra.
On se rappellera certains jolis ébats.


Mais ce n'est qu'illusion. Car rien ne disparaitra jusqu'à mon dernier souffle et même après. C'est ainsi.

La pipe Serbe entre les lèvres, avachie au milieu des oreillers, à même le lit fraternel, les bleus perdus sans les voir sur les caractères connus par coeur de l'écriture du père de ma fille, je crache méthodiquement de longues bouffées aux arômes de genièvre et de menthe, rehaussé d'une légère odeur de chanvre. C'est mon nouveau concept. Le genièvre afin de cacher l'odeur du chanvre. Et puis parait qu'en automne, c'est très bien de faire une cure de genièvre. Le vieil apothicaire qui m'a vendu les herbes m'a dit qu'une cure de genièvre est à l'automne, ce que la cure de pissenlit est au printemps. Cela a suffit pour que je lui vide son bocal de toutes ses baies et feuilles séchées de génévrier. D'autant qu'il m'a également expliqué qu'avec ces baies, je pourrai concocter un sirop pour Anna-Gabriella, si elle souffre de rhume et maux de gorge pendant l'hiver.

Depuis la disparition de Gabriel, il y a maintenant trois semaines, de nouveau, je ne dors plus. D'autant plus qu'il n'est pas le seul à avoir disparu. Aucune trace de Gabriel. Aucune trace de Bloodwen non plus.
Je suis incapable de rester au manoir. J'ai prévenu Eugène.
Je comptais m'installer dans l'une des chambres de mon auberge pour patienter, mais finalement, c'est dans le lit fraternel que je me réfugies toutes les nuits. Mais même avec la présence de Julian, mon jumeau, à mes côtés, je n'arrive pas à dormir et mes insomnies ont repris.
Je n'en cause pas. Je ne le cherche même pas. A quoi bon. Il m'avait fait la même à Marseille durant deux semaines et même Apollo n'avait pas su le trouver.
Et puis je n'ai pas envie de le chercher, pas depuis que je me suis rendu compte que Bloodwen avait également pris la poudre d'escampette quelques heures après mon époux.

Anna dort encore dans la pièce à côté, en compagnie de son cousin et de sa cousine. Julian est près de moi, endormi. Je sens son bras en travers de mon corps et son souffle régulier dans le creux de ma nuque.
Julian. Le jumeau retrouvé. Possessif et protecteur à la fois.

Immobile, je suis comme statufiée, seuls quelques frissons soudains viennent me traverser de part en part. Les bleus figés sur la missive reçue quelques jours plus tôt de Niallan, je n'ai de cesse de la relire en boucle. Encore et encore.
Je reste persuadée qu'il se fout de moi. Si. Quand il m'écrit que je lui manque. Foutage de gueule. Quand il écrit qu'Anna lui manque. Foutage de gueule aussi. Il est resté deux mois dans la même ville que nous et je peux les compter sur les doigts d'une seule main, les rares fois où nous l'avons vu. Allez, je vais voir large, je vais rajouter un doigt de l'autre main.
Mais il a écrit. Je ne pensais pas que je recevrai le moindre courrier de sa part. J'ai appris son mariage par Maryah, il n'a même pas été foutu de me le dire de vive voix, alors que je n'ai pour ma part, eu aucune hésitation à lui dire en face que j'allais épouser Gabriel.
Mais bien évidemment. Maintenant qu'il a retrouvé sa première ex-femme, qu'il a couché avec elle et trompé Neijin, qu'il a son second fils revenu dans sa vie, je ne donne pas cher d'Anna. Ni d'elle, ni de moi d'ailleurs.

Salaud. Salaud. Salaud de ma putain de vie de m.ierda.

Comme si j'allais le croire. Déjà il me parle de Diego dans sa lettre. Perché il me parle de lui alors qu'il sait que cela va me faire du mal. Enfoiré ! Saloperie d'Enflure ! Je me fous de savoir que l'Italien lui a confié ses mômes, je me fous de savoir qu'il a voulu se suicider avec Eliance. Je me fous de mon meilleur ami. Je me fous de ma presque soeur. Tous les deux m'ont fait du mal. Qu'ils aillent au Diable.
D'ailleurs si c'est lui qui a les petits, perché Marya m'a dit l'autre soir qu'elle devait aller coucher les jumeaux de Diego. Là je ne capte pas tout, alors qu'elle m'a dit qu'elle ne voulait plus entendre parler de Niallan.

Chose étrange, Maryah m'a également dit que Niallan semblait m'être resté très attaché. Je continues à ne pas en croire un mot. Quand on est attaché à quelqu'un, on n'agit pas comme il le fait.
Je me souviens encore de la dernière soirée que nous avons passé ensemble. Tous les trois. Niallan, Anna-Gabriella et moi. Le soir de l'anniversaire de notre fille. Je n'ai toujours pas capté pourquoi il s'est ainsi confié à moi. Il m'a parlé de ce qui était arrivé à Neijin. Il m'a parlé du fait qu'il l'ait trompé avec son ex première femme. Il m'a raconté qu'il couchait dehors mais qu'il continuait de veiller sur Neijin et son fils.
J'ai tout encaissé. Je l'ai écouté. Je n'ai pas pu m'empêcher de lui dire que je n'éprouvais aucune compassion pour Neijin. Pas après ce qu'elle m'avait fait avec lui. Je lui ai dit que comme quoi il y a une justice quelque part. Et que je n'allais pas la plaindre.
Quand il m'a raconté sa dernière nuit avec sa première ex-femme, je n'ai pu m'empêcher de rire. Nerveux le rire. En lui rappellant qu'il avait fait exactement la même chose avec Maryah et que si je n'avais pas refusé la dernière nuit qu'il m'avait proposé, à Marseille, quand il avait compris que Loras n'était pas une simple passade, il en aurait très certainement fait de même avec moi.
Je trouve ça triste de réclamer une dernière nuit. Et pathétique également. Personnellement, j'ai horreur de ce que pourrait être une dernière nuit. Encore plus depuis que j'ai perdu Loras. Parce qu'avec Loras, c'est terrible, mais ce fut notre première et dernière nuit à la fois. Et j'aurai pu étriper Niallan quand il m'a balancé que la promesse que j'ai faite à Loras sur son lit de mort ne comptait pas, puisque Loras étant mort, il ne l'a pas entendu.

Connard. Je ne suis pas dingue. Je l'ai bien vu son petit sourire en coin. J'ai bien vu son regard se perdre sur mes courbes. Seulement j'ai fait comme si de rien n'était. J'ai promis à Loras que Niallan ne me toucherait plus. Niallan a beau se foutre de ma promesse comme d'une guigne, je m'y tiendrais.

J'ai les dents qui grincent en lisant la fin de la missive. Le "vous me manquez" et le "je vous embrasse" me restent en travers de la gorge. Diego n'est qu'une excuse pour ne pas avoir dit au revoir à Anna avant de quitter Chalon. Je suis certaine qu'il essaie de jouer sur la fibre sensible en évoquant l'Italien. Mais mon putain de meilleur ami m'a tourné le dos. Ma putain de presque-soeur en a fait tout autant. Alors je reste de marbre. Tout comme je le suis devenu depuis que j'ai trouvé le Serbe assassiné. Depuis que j'ai perdu une partie de moi avec lui, et que depuis je laisse la vie s'écouler au travers d'un vent de glace et de givre qui ne me quittent plus.

D'ailleurs, je ne suis pas dupe. Je sais qu'il y a de fortes chances que ce soit à cause de cela que Gabriel a disparu de nouveau. Pourtant, quelques jours avant de disparaitre il m'avait fait la promesse de ne jamais m'abandonner. Mais je n'ai pas non plus oublié que nous n'avons pas eu de nuits de noces. D'ailleurs, depuis ce fameux soir où j'ai joué de nouveau avec le feu et que j'avais rebrûlé ma main, tout a changé entre nous. Il est devenu violent, de nouveau et sous prétexte de me soigner ma main, il a été odieux, m'arrachant des hurlements de douleur et m'a dit qu'ainsi, la prochaine fois que je penserai à Loras ou Niallan, et que j'irai jouer avec le feu, je saurai ce qui m'attendrait. Et il a rajouté que si je voulais qu'il me fasse l'amour, il faudrait à l'avenir que je le supplies. Alors il va attendre longtemps que je le supplies. Celle là, je ne l'ai toujours pas digéré. Et si j'en ai touché un mot à Niallan, je me suis bien gardé de parler de la violence de Gabriel qui avait ressurgi et quand Neijin et Niallan, chacun de leur côté m'ont demandé si Gabriel m'avait de nouveau fait mal, j'ai menti et j'ai dit que no. J'en ai fait tout autant avec Maryah. Quant à Julian, il ignore tout de la violence que m'a fait subir Gabriel. J'ai surtout pointé le comportement de Niallan auprès de mon frère. Et Julian m'a simplement fait part qu'il ne se salirait pas les mains sur un type qu'il n'avait jamais vraiment pu saquer, mais que si Niallan cherchait à me recontacter, je devais le prévenir. J'ai froncé les sourcils en regardant mon frère, parce qu'il semblait, dans son discours, avoir oublié que nous avions une fille. Je sais que Gabriel le voudrait aussi, mais il est hors de question que j'empêche un père de voir son enfant. C'est comme ça.

Et le seul qui puisse me faire fléchir, tout comme il a pu réussir à ce que je casse mon pseudo mariage avec Niallan, est mort et ne reviendra jamais.
A l'heure actuelle, je me fous de tout ce qui n'est pas ma fille et le Serbe.

Anna est le souffle de vie qui me maintient à flot.

Loras me manque. Terriblement. Et la douleur de sa perte, même après ces mois passés, ne s'estompe pas.

J'ai prévu de retourner sur sa tombe au printemps. Gabriel avait fini par accepter tout comme il était d'accord pour que nous passions l'hiver à Genève, afin qu'Anna-Gabriella découvre mes montagnes.

Julian lui ne m' a pas laissé le choix un peu plus tôt dans la soirée. Mon jumeau est le seul en ce moment, qui puisse me faire obéir à un ordre. Et c'est en silence que j'ai préparé nos affaires à Anna et moi pour le départ en vue.
Je ne suis pas dupe, je sais que mon frère s'inquiète pour moi. Je peux donner le change à qui je veux mais pas à lui. Surtout pas Lui. J'ai besoin de lui tout autant qu'il a besoin de moi.
D'autant plus que le coup du chat qui gardait les petits pendant qu'il se trouvait dans ma taverne l'autre soir, je l'ai encore pas digéré. Ce soir là, je l'ai laissé faire le joli coeur et je me suis précipité avec Anna, passer la nuit auprès de mon neveu et de ma nièce. Depuis, j'ai passé toutes mes nuits avec mon frère, Anna, Adriann et Enorah.

Mais je ne dors plus.

J'ai la colère sourde et muette après Gabriel.

Je veux m'exiler loin de Niallan. Je veux oublier mon meilleur ami Diego.

Et surtout, plus que tout, dans mon éternité glacée, je veux aller rejoindre Loras.

Mais j'ai retrouvé mon jumeau. Et s'il y en a bien un qui peut comprendre ce que je ressens sans que j'ai besoin de lui dire un seul mot, c'est bel et bien mon Corps, ma Chair. Mon double. Mon frère.

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Adrianah
[Tu y crois.] - Saez-

Tu y crois toi?
La magie des rencontres
Et la peur de mourir
Doit y avoir autre chose
Tu y crois toi? Les enfants de l'amour?
Moi putain j'ai du mal
Doit y avoir autre chose
Tu sais bien quoi?



Aujourd'hui je t'aime et je te déteste. Demain, je te pardonne.

C'est étrange comme certaines phrases peuvent rester ancrées dans la mémoire. Plus d'une année que celle-ci y est inscrite et surtout, force est de constater qu'elle est toujours d'actualité. Sauf que dans mon état d'esprit actuel, - esprit toujours aussi tordu il faut l'avouer mais je ne serai plus vraiment moi si le contraire eut été - ; il s'avère que la première partie de cette phrase est volontairement, inconsciemment, occultée. Ce qui nous donne donc aujourd'hui un approximatif

...Aujourd'hui je te déteste. Demain, je te pardonne.

Et c'est pratique. Vraiment . C'est l'idéal pour tenir une promesse faite à un mort.

Voilage de face, là encore, totalement inconscient. Mais cela me permet de ne pas aller m'échouer sur les mêmes écueils que la première et la troisième épouse. Là où elles ont pêchée, je ne pêcherai point. Et j'y crois dur comme fer. Si, si. Je vous assure.

Italienne blanche colombe ? No mais vous m'avez bien regardé ? Sérieusement, même si j'adore en prendre les airs, je suis loin d'en être une. Mais j'ai quand même quelques principes qu'il est avéré que première et troisième épouse n'ont pas. Preuve en est faite avec la troisième épouse qui n'a eu aucuns scrupules à prêter main-forte au mari afin de détruire la vie et le bonheur de la Seconde épouse et de sa fille (selon toute apparence c'est d'Anna et moi qu'il est question) ; et de la Première épouse, qui n'a pas hésité un seul instant à aider ou entraîner (c'est au choix), le mari à cocufier la Troisième épouse.

Nous tirerons donc de cela une conclusion en forme d'interrogation. Qui est LE fautif dans l'histoire ? Parce que bien sûr, les trois épouses ne sont au final que des dommages collatéraux. C'est sans doute le seul point commun qu'elles aient entre elles hormis le fait de s'être amouraché du même homme.
Ah no. Deux des épouses sont italiennes. Et ces trois épouses ont trainé dans le sillage Corleone. A bien chercher le dénominateur commun, en fait, il se trouve là.

Alors une fois que l'on a compris ça, je peux vous certifier que ça vous change la vie, vous la voyez autrement. Ou plutôt vous voyez le mari sous un autre angle ! Et ça aide vachement à refouler son inconscient. C'est tout du moins ce qui se passe pour moi depuis un peu plus d'une année.

Moi parait-il que je suis la seconde épouse. Je dis parais parce que depuis que je sais qu'un VRAI mariage se fait devant un VRAI curé, et vu que mon esprit n'est pas assez tordu sans que je n'ai besoin d'aller compliquer un peu plus l'état des neurones ritales, dans ma tête, à l'heure actuelle, je n'ai JAMAIS été mariée.
Voilà. Comme ça, c'est simple. Mais attention. J'adore mon statut de seconde épouse, même si techniquement Niallan nous a abandonné, tactiquement, c'est bien moi qui ait mis fin à cette parodie de mariage et pas lui. Bon, avec l'aide de Loras, et puis de façon moins officieuse et surtout secrètement pensé mais jamais avoué, je veille au bonheur de Niallan. Alors je lui ai facilité, l'air de rien, son troisième mariage. Mais ça. Il est hors de question que je l'avoues. Même sous la torture je ne le lui dirai jamais. Il n' a pas besoin de le savoir. Parce qu'alors il aurait vite fait de comprendre que je l'aime toujours et ..et...et donc ce détail là restera sous silence.

Pour dire la vérité, il a entièrement raison quand il m'écrit que je suis la femme qui a fait le plus de sacrifices pour lui. Mais là encore, je me refuse à le reconnaitre.

Il s'en est passé des choses en un an. A tel point que récemment le baron m'a dit que je devrais m'inspirer de mes pérégrinations pour aller raconter des contes en place du village. J'ai cru qu'il se foutait de moi mais pas du tout ! Dénéré était on ne peut plus sérieux !

Il se trouve donc qu'à l'heure actuelle, j'en suis toujours à cette phrase-ci.

Aujourd'hui je t'aime et je te déteste. Demain, je te pardonne.

Si la première partie de la phrase est totalement non-assumée et actuellement en mode verrouillage forcené quelque part, perdu dans les tréfonds de mon âme, - avec quand même parfois quelques ratés, comme quand l'amie d'enfance qui nous veut du bien ne réussit qu'à nous enfoncer un peu plus ! - ; le reste est, quant à lui, complètement raccord !

Je le déteste et j'ai commencé à pardonner.

Neijin la troisième épouse. Je lui ai pardonné. Si, si. Je l'ai tellement maudite et détestée, celle-ci, que la vie s'est finalement chargé de me venger sans que je n'ai besoin de me salir les mains. C'est ce que j'appelle la justice divine. Et elle a quand même été coriace la justice lorsqu'elle s'est abattue. Viol et perte volontaire d'enfant pour ce que j'en sais par Niallan. Elle a peut-être fait d'autres choses la justice mais je ne suis pas au courant. Il n'empêche que c'est suffisant pour que je pardonne. Peut-être simplement parce que j'ai également perdu des enfants. Peut-être aussi parce qu'à la base, je l'aimais bien Neijin et qu'on s'entendait plutôt pas mal avant...tout le reste.

Et Niallan alors, est-ce que je lui ai pardonné ? Et bien no ! Même si désormais, j'arrive à faire l'impasse sur certaines choses, il y en a pour lesquelles le pardon en l'espèce bloque totalement ! Et ça fait même plus que bloquer, ça fait même encore vachement mal ! Mais je sais pourquoi. Et pour le coup, si je n'arrive pas à pardonner, le plus grand fautif dans l'histoire, c'est Gabriel.
C'est compliqué de suivre, je le sais. Pourtant je sais parfaitement où j'en suis. Je nous revois encore dans cette taverne, tous les trois. Niallan. Catalina. Moi. Et ce qui m'a le plus atteinte, pire encore, ce qui m'a achevé, c'est leur foutage de gueule à tous les deux. Mon mari et ma meilleure amie. Ce geste qu'il a eu, qui pour un spectateur lambda aurait pu ne rien signifier, moi, je le revis toutes les nuits. Ce jour là, il m'a humiliée encore plus profondément qu'il ne l'avait fait avec Neijin.
Ses paroles à elles, cette russe soit disant Amie, je les ressasse aussi toutes les nuits. Aucun des deux n'a été foutu d'assumer et de me dire la vérité alors que je l'avais senti, et qu'en fine observatrice, je l'avais décelée sans vouloir y croire. Et c'est Gabriel qui a planté la hâche de guerre, celle qui m'a achevé en me disant ce qu'il en était. C'est aussi lui qui a creusé le gouffre plus profond encore quand il m'a interdit d'aller rejoindre la russe en me faisant chanter et m'obligeant à choisir entre le presque frère ou la meilleure amie. Mais j'ignorai alors que j'avais tout perdu. Et la meilleure amie, et le presque frère. Car Catalina a détruit Gabriel et en a fait le monstre qu'il est devenu par la suite. Le monstre qui m'a fait du mal. Et pourtant en mon for intérieur, je reste persuadée que Gabriel aime toujours la russe.

Il est là le blocage. Et c'est pour cela que je n'ai toujours pas accordé mon pardon à Niallan. Comme j'en ai déjà fait part à Diego, soit je pardonne tout, soit je m'abstiens de pardonner.

Mais ce qui me perturbe le plus à l'heure actuelle, c'est Gabriel. Depuis que j'ai compris ce qu'il est devenu, et pis encore, depuis que drogues aidant, j'en suis arrivée à voir en lui, mon Serbe et ainsi faire un déni complet sur sa mort, je me sens atrocement salie. Je porte encore sur moi et en moi beaucoup trop l'empreinte de Gabriel.
Je dois y remédier. Et j'ai beau réfléchir, une seule solution s'impose à moi.

Si Etienne avait encore été en fonction à l'Aphrodite, je l'aurai contacté lui. Parce qu'il aurait été parfait, j'en suis certaine. Malheureusement, je ne sais absolument pas où le joindre et de plus, je me suis laissé dire que l'Aphrodite avait changé de propriétaire et qu'il fallait désormais montrer patte blanche pour y entrer.
Alors, une autre idée m'est venue en tête. Un éclair de génie complètement, totalement, tordu. Et pourtant, c'est l'évidence même.
Je recherche l'aide d'un courtisan ? Hormis Etienne, je n'en connais qu'un seul. Et je le connais même particulièrement bien celui-ci. Du moins une partie de lui. Après tout, n'est ce pas lui qui me doit un service ? Je lui avais bien sauvé la mise le jour de notre rencontre. Le hic, c'est qu'il faut que je manoeuvre au millimètre près. En temps normal, ça, je sais faire. Mais là y'a quand même un gros hic. C'est que Raphael, avec sa double identité, il m'emmerde. Et il me complique la tâche parce que son Autre, je le connais et je le connais même par coeur. Donc. Va falloir faire preuve de persuasion. D'ingéniosité. De sagacité. Mais j'aime ça jouer avec le feu.

Alors vélin s'en est saisi et quelques mots sont rapidement tracés, sous l'inspiration du moment.


Citation:
A vous, Raphael.

J'ai besoin de vos services. J'ai ouï dire qu'ils sont de grande qualité et que vous faites particulièrement bien votre travail de courtisan. Vous feriez même parti des meilleurs selon mes sources. Et je veux le meilleur !
C'est pour ma propre personne. Je suis muette, mais cela n'est pas vraiment un handicap pour le travail qui vous concerne. Quoique parfois ma gorge émette des sons, cela peut arriver. J'ai une seule exigence : je me moque de l'endroit, mais je souhaite que cela se passe dans l'obscurité ! Vous ne me verrez pas. Il en sera de même pour moi. Nous ferons cela à l'aveugle, mais ce peut-être une expérience inoubliable, parait-il que c'est inouï pour les sens. Une nuit complète cela va de soit, mais vous partirez avant que le jour ne se lève.
Je vous offre trois mille écus mais je peux largement augmenter mon prix. Ceci n'est pas un simple caprice de femme esseulée. C'est un grand service que vous me rendriez.

A vous lire prochainement.

Aphrodite.


Je m'étais creusé la cervelle pour trouver un nom d'emprunt. Et tout naturellement celui-ci m'était venu. Parce que ce serait quitte ou double. Le prénom ne pourrait que l'interpeller. Au moins, serai-je certaine que missive ne partirait pas au feu sans être lue. Ensuite, j'avais corsé l'affaire, car il pouvait accepter tout comme refuser. Mais je gageais que la curiosité ferait son oeuvre. Certes, c'était gonflé de ma part d'avoir osé, mais après tout, c'est la faute de Diego. C'est bel et bien l'Italien qui m'a dit de m'inspirer d'Elle. J'ai toujours été bonne élève. Alors puisque l'inspiration était au rendez-vous, ne restait plus qu'à espérer qu'il accepte ma requête.
Mais le pire dans l'histoire, c'est que dans mon esprit totalement tordu, Raphael et son alter ego sont bien deux personnes distinctes. Donc je ne m'imagine même pas, que l'alter ego en question ait pu garder certains souvenirs en mémoire qui même dans le noir le plus complet, serait foutu de me dévoiler ou tout du moins, de le faire douter.

En vrai, tout est de la faute de Diego. C'est lui l'esprit malsain qui m'a inspiré.


Parce qu'on est égoïste
Qu'il suffirait d'aimer
Et de se consumer
Mais qu'aimer de travers
Peut mener en enfer
Tu sais bien quoi
L'ivresse et les vertiges
Tu la connais toi
La caresse et la guerre
Et l'envie de s'y perdre
Dans les bras l'un dans l'autre
Peut-être que j'y ai cru
Je sais plus

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Niallan
[Quand on perd son amour, c'est l'amour qui nous perd 
De l'automne à l'été, oui c'est toujours l'hiver 
La rivière et la mer qui n'ont plus d'estuaire 
C'est les inséparables qui soudain se séparent 
C'est comme se retrouver à dormir dans les gares 
Quand la nuit est la nuit et la nuit pour toujours 
Non le jour n'est plus jour quand on n'a plus d'amour*


Ça fait trois semaines que les ténèbres m'entourent, que je sombre lentement mais sûrement. J'ai parfaitement assimilé le concept de nuit éternelle et de jour ajourné. Je ne dors presque pas et mange encore moins. Et ça se voit. J'ai l'air d'un cadavre fraîchement déterré avec des cernes qui ressemblent à des gouffres et les os saillants. Je ne prends plus la peine de me laver tous les jours, encore moins de me coiffer. J'ai la barbe qui va finir par ressembler à celle du père noël mais soyez assurés que je ne suis pas un cadeau. Ou alors empoisonné.

En parlant de poisons, c'est mon corps que j'empoisonne depuis que l'empoisonneuse s'est tirée sans prendre la peine de me prévenir. C'était elle, la femme de ma vie, mon amour pour toujours qui chassait les ombres de la nuit et rendait le jour plus éclatant. On devait se marier, vivre heureux et avoir beaucoup d'enfants comme dans les contes. Faut plus que j'y compte. Elle reviendra pas, je serai pas papa.

Je ferme les yeux sur les volutes de fumée qui s'agitent devant mes yeux. Dans la pièce à côté, j'entends la voix de ma fille. Eh ouais, en fait, je suis papa. Mais pas à temps plein. Faut pas se mentir, rien ne me rendra les trois premiers mois de sa vie dont m'a privé sa mère, rien ne me rendra ceux que j'ai manqué parce que j'ai complètement foiré. L'enfant que portait Fleur c'était celui de l'espoir, de la dernière chance. Je devais être le père présent que j'ai jamais été, en sus d'endosser le rôle du mari fidèle que j'ai jamais réussi à tenir.

Cette fois, j'étais prêt. Pas elle.

[Quand on perd son amour, c'est toujours une fille
Qui a fait monter des marées de sel à vos pupilles
Faut pas leur en vouloir ce ne sont que des filles
Et que bien trop souvent elles oublient d'être gentilles
Car si l'homme est un chien, c'est qu'il est plus fidèle
Plus fidèle à des chattes qui se feront la belle
Les filles c'est comme la mer ça dépend de la lune
Ça va et ça revient s'écraser sur la dune
Faire des châteaux de sable de la boue dans vos mains
Et donner l'illusion à qui prendra leurs reins*]


Il n'y avait que ses reins à elle que je prenais, j'ai jamais fauté. Pour la première fois de ma vie, j'ai été l'homme d'une seule femme au lieu d'être un homme à femmes. C'était difficile mais ça m'allait parce qu'elle les surpassait toutes. Elle m'offrait mon rêve alors je me tenais à carreaux. C'était ça le deal. Je m'y suis tenu avec tant d'application que quand j'avais reçu la lettre de la dénommée Aphrodite, je m'étais empressé de la donner à Fleur qui avait alors imaginé mille et une façons de la tuer. Plus pacifiste, je m'étais contenté de bazarder la lettre sans aucun état d'âme alors que, rappelons-le, elle proposait trois mille écus.

Une somme à quatre chiffres. L'esprit embrumé et totalement imbibé, j'arrive quand même encore à réfléchir. Pragmatique, je porte à hauteur d'yeux le petit sachet renfermant mes dernières réserves d'opium dérobées à Alaynna plus tôt dans la journée. Si je me restreins, je peux tenir encore trois jours mais on sait tous que les restrictions des addictions, c'est pas ma passion, surtout en cas d'affliction. Aussi, c'est sans hésitations que je me traîne jusqu'au bureau pour écrire à ma future cliente.

Citation:
Vénus,

Ne m'en voulez pas d'user de l'homonyme romain, je n'ai connu qu'une seule Aphrodite et elle ne peut être remplacée, ne serait-ce que son prénom.

On ne vous a pas menti, mes aptitudes dans les plaisirs de la chair ne sont plus à démontrer et je serai ravi de vous les montrer. Tout sera fait selon vos désirs, l'obscurité et le départ juste avant que le jour ne se lève. Ne vous en faites pas pour votre mutisme, je comprends mieux le langage des corps.

Donnez-moi un jour et un lieu. Les trois mille écus me conviennent parfaitement, je vous laisse en plus prendre en charge les frais de déplacement.

A très vite,

Raphaël.


J'ai même pas cherché à négocier le prix et le simple fait d'avoir aligné autant de phrases cohérentes m'a épuisé. Je rampe jusqu'à la fenêtre et envoie mon piaf faire son taf. Sitôt après, je m'affale sur le lit, pipe au bec et ferme les yeux, ignorant les pleurs de ma fille dans la chambre voisine. Je peux pas m'occuper d'elle quand je suis incapable de m'occuper de moi. Alaynna le fera et Diego les veillera. Moi je veux juste qu'on me foute la paix et qu'on me laisse faire la guerre à la vie.

[Quand on perd son amour, c'est bien plus que l'on perd 
C'est un jour en été pour des siècles en hiver 
Tous ces verbes au futur qu'on conjugue au passé 
Quand on perd son amour, on perd l'humanité*]



*Saez – Quand on perd son amour

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Bannière réalisée par les grands soins de JD Calyce.
Adrianah
[Je serai là...] - Johnny Hallyday -


Dans le souffle d'un vent géant, dans le sourire du printemps.
Dans tes moments de solitude, dans le confort ou la vie trop dure.
Je serai là, si tu veux, comme ces rêves qui rendent heureux.
Pour faire d'un jour, le plus beau jour de ta vie.
Je serai là, comme la vie qu'on vit à deux.
Si tu es là, je serai là.



Il a tout retourné dans ma chambre. Le Salaud de ma vie est en manque et pas que d'opium ou de chanvre. Il est odieux, il est infect, autant avec moi qu'avec Anna. Et pourtant, je suis là. J'encaisse tout sans sourciller. L'avantage, c'est qu'il m'a tellement démolie dans le passé, que tout son petit cinéma n'a aucun effet sur mon nouveau moi. Tant que ça ne concerne que moi. Mais dès qu'il s'agit d'Anna, là, c'est une autre histoire. Et le petit bout de chou, du haut de ses 20 mois a décidé, malgré ses larmes, de rendre la pareille à son père.

- Papà n'y ne m'aime plus. Papà n'il est mézaaant ! Papààà n'il sent pas bon ! Moi ze veux plus le voir !

Et de fait, Anna passe bien plus de temps actuellement à jouer avec les enfants de Diego. Surtout la petite dernière, elle s'entend comme larron en foire avec elle. Et refuse désormais obstinément, de voir son père.
En même temps, vu le déchet humain qu'il est en ce moment, c'est peut-être la meilleure chose à faire que de laisser Anna s'éloigner. De toute manière, elle adule son père. Alors je sais très bien qu'à un moment ou un autre, elle cessera de bouder.
Et pour ce qui est du père en question, celui-là, il est temps de passer à l'étape suivante.

L'heure est venue du premier round, que je compte bien gagner.

Hâtivement, je remets en place le plus gros du bordel, le reste attendra bien un peu. Il m'a contrariée, ce Connard. Cette fois, il ne va pas s'en tirer comme ça. S'il est assez en forme pour venir foutre ma chambre en l'air, il va l'être assez également pour passer par le mode récurage. Que cela lui plaise ou non !

C'est en m'apprêtant à sortir que la missive m'est parvenue. Je l'ai lu et relue avec un petit sourire de satisfaction au coin des lèvres. Parce qu'après tout, cette fois, c'est moi qui menait la danse, et je comptais bien la mener de manière à ce qu'il ne soit pas près de l'oublier. Même si dans l'immédiat, il ne pouvait savoir que la fameuse Aphrodite-Venus dont il est question, n'est autre que ma personne.
Et comme il faut bien battre le fer tant qu'il est chaud, je m'empresse de griffonner une réponse afin que le messager ne s'en reparte pas les mains vides.


Citation:
Raphaël,

C'est absolument parfait. L'on pourrait croire que vous êtes un ange tombé du ciel !

Nous disons donc trois mille écus et les frais de déplacement en sus. Pour cette somme, je ne vous accorderai aucun répit, et je vous interdis de vous endormir. Parce qu'il est capital que vous soyez parti juste avant le lever du jour.
Mes raisons m'appartiennent.

Que diriez-vous de Paris, le dernier jour de ce mois ? J'y possède un immeuble acquis récemment, dans le quartier des Halles et des Galeries Lafayotte. Je vous ferai parvenir le plan dès votre confirmation.

J'attends donc de vos nouvelles rapidement.

V.


Le pli désormais entre les mains du messager, je m'empressais d'aller faire le tour des tavernes afin de voir dans laquelle s'était échouée la carrure pitoyable Niallanesque. Bien décidée à mettre tout en oeuvre pour mon opération récurage.

Et je ne pouvais mieux tomber que là où se trouvaient déjà Diego et Maryah. Puisque tête blonde cherchée, fut vite en point de mire.
C'est donc d'un air décidé que j'entrais dans les lieux. Et quelques heures plus tard, mes dentelles trempées, mais un sourire victorieux sur les lèvres, je pouvais m'enorgueillir d'avoir gagné mon premier round et d'être sorti victorieuse de l'opération récurage. J'avais même eu l'aide de Maryah. Elle jetait les seaux d'eau à la volée sur le blond, - giclées qui n'ont pas manqué de me tremper au passage - ; et moi, armée, d'un savon de cèdre et d'un linge, je frottais et je récurais le père de ma fille. Il avait beau râler tout son soul, cette fois, il était bel et bien coincé et n'avait pas eu d'autre choix que de capituler.
Mais au moins, Niallan avait-il retrouvé forme humaine. Cela n'avait pas été sans mal, notamment lorsque je m'étais retrouvé les mains dans les siennes alors que j'étais en train de frotter une partie de l'anatomie du corps masculin. D'ailleurs, je ne m'étais pas gênée pour lui faire remarquer, que je l'avais connu bien plus en forme de ce point là. Détournant ainsi son attention, et m'empressant de libérer mes mains des siennes.

Et je comptais bien ne lui laisser que peu de répit, car après l'opération récurage, se profilait le second round, pour les jours à venir.

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Adrianah
[Et ça continue, encore et encore...] - Francis Cabrel -


La même nuit, que la nuit d'avant.
Les mêmes endroits, deux fois trop grands.
T'avances, comme dans des couloirs,
Tu t'arranges pour éviter les miroirs.
Faudrait que t'arrives à en parler au passé, faudrait que t'arrives à ne plus penser à ça.
Faudrait que tu l'oublies à longueur de journée.
Dis toi surtout qu'il est de l'autre côté du pôle, dis toi surtout qu'il ne reviendra pas.
Et ça te fait marrer les oiseaux qui s'envolent....



Sauf qu'il est venu me chercher. Et qu'aujourd'hui, je me retrouve dans une situation complètement improbable. Personne n'y aurait parié dessus et moi la première.

Aussi ce soir, alors que je traine tard dans une taverne perdue au milieu de nulle part, je ne bouge pas quand je le vois passer la porte, titubant, et qu'il vient s'échouer sur le siège près du mien..
Enfin. Seule ma main a bougé, pour aller fourrager la tignasse barbue Niallanesque. Geste malencontreux. Ou pas.
Quand il me propose de lui tailler sa barbe, je ne me le fais pas dire deux fois. Je trouve même ça facile. Trop facile, qu'il plonge ainsi tête la première et me facilite la tâche.

Alors tout en chantonnant un air italien, je me suis mise à l'oeuvre et c'est quand il a voulu savoir ce que je chantais, que, l'air de rien, j'ai mis mon plan à exécution. Je le connais par coeur mon Salaud. Et je sais très bien que l'état d'ébriété dans lequel il se trouvait, n'avait pas totalement amoindri ses facultés intellectuelles. Peut-être un peu plus long à la détente, mais, assurément, je savais que ce que je pourrai lui dire, ferai mouche. Et le pousserait peut-être à réfléchir par la suite.

En tous cas, j'ai réussi à le mettre en confiance. Lui arracher un de ces petits sourires en coin qu'il n'avait pas décoché depuis un bon mois. Je l'ai même vu me sourire pour de vrai. Ce fut fugitif, certes, mais pas assez pour que cela ne m'échappe.
On a même négocié et il a accepté que l'on repousse le voyage à Limoges de quelques mois. On restera finalement tous ensemble, avec Diego et Maryha.

Je lui ai parlé de mon projet d'adoption. Je lui ai aussi parlé de ma visite à l'Hôtel Dieu et du fait qu'il était désormais assuré que je pouvais porter la vie, contrairement à ce que je pensais depuis la naissance d'Anna. La nouvelle fut acceuillie de manière mitigée, avec un regard noir en prime, que j'ai totalement ignoré.
Bien trop occupée à lui tailler sa barbe. Je me focalisais là-dessus, et m'arrangeait, la plupart du temps, pour ne pas croiser son regard.
Et ça a failli marcher. Ouai. Failli.
Jusqu'à ce qu'il commence à s'inquiéter quand je lui ai parlé de Paris et de ses bas quartiers, lui expliquant que j'avais à y faire sous peu. Et comme je sais comment le calmer dès qu'il commence à partir en vrille, je lui ai dit que je ferais gaffe à moi.

J'étais plutôt satisfaite de ma soirée. Je l'avais convaincu de continuer le voyage avec Diego. Je venais de redonner forme humaine à son visage. Et sous peu, allait s'engager la prochaine étape. Celle de Raphael et de Venus. Evidemment, Diego était au courant, et il avait fallu mettre Maryha au jus également. Vu qu'elle commençait à s'agiter alors que Diego a parlé de rencontrer Venus. Valait mieux la calmer d'emblée en lui disant la vérité, histoire d'éviter du grabuge inutile.

Mais ce que je n'avais absolument pas prévu, c'est que la soirée n'allait pas exactement se terminer comme je le pensais. Et je n'allais certainement pas m'en plaindre.

Sous prétexte de tailler la barbe masculine avec précaution, je m'étais installée sur les genoux Niallanesques, évitant de trop bouger quand même. Mais je n'avais absolument pas prévu, que des bras s'en viendraient enserrer ma taille, et encore moins qu'il allait plonger du nez dans ma poitrine. Et lame de rasoir en main, je m'efforçais de rester stoique, alors qu'il était en train de mettre mon palpitant à mal, et que j'avais soudainement l'impression de retrouver ma place. Celle que j'aurai du retrouver quand j'étais revenu avec Anna. J'ai eu le sentiment à ce moment là, d'être enfin rentrée à la maison, d'avoir retrouvé mon chemin.. Et lui...Et lui...je ne sais pas. J'ai ressenti quelque chose chez lui. Comme s'il se laissait enfin aller à me faire confiance. L'espace d'un infime moment, j'ai retrouvé le Niallan d'avant, celui qu'il était quand je portais notre fille dans mes entrailles.
Et ma joue s'est naturellement glissé contre la chevelure blonde alors qu'il resserrait son étreinte autour de moi, et que je tâchais de canaliser toutes les émotions qui m'envahissaient. Ne rien montrer. Rien. En priant qu'il soit trop éméché pour s'apercevoir que l'espace d'un moment, je venais de baisser ma garde.

Finalement, tant bien que mal, j'en suis arrivée à bout de sa barbe. Quand le sujet menaçait de dévier sur Corleone et sa fuite, je trouvais toujours moyen de ne pas retourner le couteau dans la plaie. On a causé d'Anna également. Et nous sommes tombés d'accord sur le fait que c'est peut-être mieux qu'elle le boude actuellement. Mais si notre fille tient autant de lui que de moi, je crains fort que par la suite, il ait à s'expliquer avec elle.

En attendant, il sera dit que cette nuit ne ressemblera en rien à mes nuits d'avant. Parce que ce soir, j'ai osé négocier ses bouteilles, contre la nuit avec lui. Et après réflexion, il a accepté.

Petit pas par petit pas... Il a même réalisé qu'il avait sous-estimé ma capacité d'encaisser toutes ses conneries. Et je crois qu'enfin, il commence à comprendre les changements qui se sont opérés en moi.

Alors pour la première fois depuis que je suis revenue d'Italie avec Anna, j'ai ce sentiment de retrouver petit à petit ma maison. Le chemin est ce qu'il est, mais ce soir, de lui-même, il a entrouvert la porte pour me laisser entrer.

Et pour la première fois depuis des lustres, je m'endormirai là, cette nuit, tout contre lui, d'un sommeil serein, sans cauchemarder.

Et je me fous du temps que cela prendra, mais je continuerai de veiller sur lui et de le ramener petit à petit à la vie.

Pour lui offrir son rêve.

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Niallan
« L'on pourrait croire que vous êtes un ange tombé du ciel ! ». Tu parles, je me suis effectivement cassé la gueule mais je suis loin d'être un ange, continuellement aux prises avec mes démons. J'esquisse un sourire pour checker la blancheur de mes dents, rajuste le col de ma chemise noire. Je suis dans le bon immeuble avec le bon éclairage et j'ai fait des efforts de nettoyage et de coiffure mais j'ai deux semaines de retard. J'ai prévenu le groupe que je devais m'absenter pour aller à Paris et que je les rejoindrai quand bon me semblerait, ils ont posé des questions avant d'abandonner l'idée d'avoir des réponses. Moi, par contre j'en attends une positive quand je lance : « Eh oh Vénus, c'est Raphaël, vous êtes là ? »

J’avais récemment racheté un immeuble au sein des halles parisiennes, et c’est là que je lui avais donné rendez-vous. L’endroit avait appartenu à une étrangère venue d’une cointrée lointaine des Balkans aujourd’hui décédée, et j’avais conclu la vente avec un membre de sa famille. Deux sans compter le gamin qui accompagnait l’homme d’âge mûr avec lequel j’avais traité. L’affaire avait été rondement mené et j’étais désormais propriétaire des lieux. Il faudrait que je lui change le nom mais dans l’immédiat, c’est surtout de l’étage dont je m’étais occupé. J’avais trouvé une excuse auprès du groupe pour justifier mon escapade parisienne.Et j’avais bien indiqué à mon invité de se présenter par la porte de derrière. Pas folle, je n’allais sûrement pas le faire entrer par devant alors qu’il serait potentiellement plus tard, possible qu’il vienne en ces lieux. Et il aurait tôt fait de reconnaitre l’endroit et ça, ça n’était pas envisageable du tout.
Ce soir, j’étais Venus. Et surtout. Muette.
La chambre était plongée dans la pénombre, seule une chandelle était allumée sur un guéridon non loin de la porte d’entrée, et par la fenêtre laissée ouverte, se discernait la clarté d’un petit quart de lune. Mais si l’on pouvait déceler ma silhouette, la pénombre cachait les traits de mon visage.
Je ne m’étais pas embarrassée de préambules, et seuls un fin jupon et un bustier de dentelle déjà à moitié délacés recouvrait mes formes.
Aussi quand je l’ai entendu appeller, j’ai simplement ouvert la porte avant de m’en retourner dans l’ombre de l’alcove, espérant que le bruit provoqué l’emmènerait droit ici.


Si je m'étais bien souvenu que ce soir elle était Vénus, j'avais complètement zappé son mutisme. Aussi, sa silhouette qui apparaît dans un silence quasi-religieux manque tout juste de me faire sursauter. Je prends quelques instants pour me remettre de mes émotions, résiste à l'envie de m'embrumer un peu plus l'esprit et m'avance vers ce que j'identifie comme l'origine du bruit. J'attends que mes yeux se soient suffisamment habitués à la pénombre pour analyser l'agencement de la chambre et finis par m'asseoir aux côtés de celle que je pense être une inconnue. Je me racle la gorge et tente d'amorcer un dialogue qui sera à sens unique :
Bonsoir Vénus. Je suis navré pour le retard, j'ai eu quelques empêchements. Mais ne dit-on pas que dans l'attente il y a toujours du plaisir ? .
Je roule des yeux. Non mais franchement quelle idée de sortir des platitudes pareilles ? Je sais plus faire ou quoi ? Pour éviter d'avoir à répondre à ces questions, je passe à la pratique, effleurant le visage féminin de la main droite pour en deviner les traits tandis que de la main gauche, je redessine les contours du bustier.

Ne surtout pas paniquer, alors que je le vois entrer, et à peine sursauter. Il ne peut pas savoir que c’est moi, il ignore qui se trouve là, devant lui. Je ne dois en aucunes façons réagir comme je le fais habituellement en sa présence. Et ça ne devrait donc pas être si difficile que cela, puisque j’ai déjà eu affaire à Raphael. Je l’ai connu avant Niallan. Si. Il ne faut pas chercher à tenter de comprendre les méandres de mon esprit tordu. Il n’y a que moi pour arriver à dissocier Raphael et Niallan, alors qu’il s’agit du même homme. En l’occurrence un homme que j’ai aimé comme une dingue et épousé. Et puis, en apparence, cesser d’aimer. Tout du moins,techniquement je m’interdis de l’aimer donc ça va être facile. Même si, dans les profondeurs de mon esprit, j’aime toujours cet homme qui se trouve devant moi. Et dont je sens maintenant la caresse de sa main sur ma joue et sur ma poitrine.
Tout comme il n’y avait que moi pour associer Loras et Gabriel et n’en faire qu’un. Au souvenir de Gabriel, je me crispe fugacement. Parce que c’est bien pour effacer son emprise et toutes traces de lui, que j’ai organisé cette mascarade. Une bouffée de haine m’envahit alors, mêlée à une puissante salve de désir et sans plus me retenir, je fais voltiger la chemise noire, en arrachant quelques boutons au passage, et c’est un baiser brûlant et dévorant que ma bouche vient offrir à celle de mon partenaire de la nuit, avant de glisser une main sur cette peau que je connais par coeur, mais au lieu d’une caresse, c’est une griffure presque jouissive qui s’en vient alors orner le dos masculin.
Le ton est donné.


Lorsqu'elle se crispe à mon geste, je relie ça à de la pudeur et me dis que la soirée va être sacrément longue. C'était sans compter sur la fougue insoupçonnée de la muette qui me désarçonne. Je retiens un « Va falloir rembourser ma chemise mademoiselle » pour prolonger notre baiser avec la même ardeur qu'elle. Je frémis sous la griffure et empoigne fermement ses fesses en représailles. Une sauvage, parfait, j'ai besoin d'être maltraité corporellement en ce moment. J'ai vite fait de délacer son bustier de l'autre main, libérant une poitrine que je devrais reconnaître mais que j'ai l'impression d'embrasser pour la première fois. D'un mouvement du bassin je bascule au-dessus d'elle, ma bouche dévorant son cou, main droite remontant le long de sa cuisse en dessous de sa jupe. J'aime son corps, ça devrait pas être bien compliqué. Alors pourquoi ça s'éveille pas là-dessous ?


Quand ses lèvres et sa langue répondent aux miennes avec ferveur, j’accentue encore le baiser, gourmande. Quand ses mains s’emparent de mes fesses, je me souviens in-extrêmis que je suis sensée être muette et j’étouffe les mots italiens qui me montent en bouche dans un feulement et une morsure sauvage dans le cou masculin, dont il gardera sans doute trace quelques jours durant. J’ai ce besoin lancinant de sentir sa peau contre la mienne et quand sa bouche s’égare sur ma poitrine, j’ai l’impression qu’une tornade se déclenche dans tout mon être, et je me fais plus sauvage encore, malmenant le dos masculin, y imprimant mes ongles avant de glisser mes mains dans la chevelure blonde. Et lorsque je sens ses mains sur mes cuisses, celles-ci se font indécentes alors que je suis happée par la violence de mon désir pour lui, et le déferlement de sensations inouïes que j’avais oublié depuis mon abstinence mais encore plus, depuis Lui ; et d’autres sensations qui me semblent totalement inconnues, tellement elles sont sauvages. Et il y a cette digue tout au fond de moi qui menace de tout ravager sur son passage. Ce putain d’amour que je lui porte, je dois le contenir là où il est solidement enfermé. Je ne dois surtout pas le laisser avoir le dessus. J’en oublie même qu’à tout moment, il pourrait me reconnaitre, bien que mon corps ait encore changé ces derniers mois, et mes lèvres finissent par venir de nouveau s’échouer sur les siennes, non sans les mordre au passage, et m’en délecter.

Les paris sont ouverts concernant l'identité de celui qui aura le dessus, je mise sur elle et son aptitude à me marquer. D'habitude ça m'emmerde que les clientes laissent des traces mais là, curieusement, j'aime ça. Mon souffle se fait court lorsque ma main se glisse entre ses cuisses, titillant son intimité après avoir retroussé sa jupe. Mes mouvements se font aussi lents que doux pour faire grimper son désir par paliers, nos lèvres s'unissant toujours plus passionnément. C'est quand elle me mord que j'ai le premier flash. Les dents de Fleur qui marquent mon épaule, son « tu es à moi » qui résonne. Je serre les mâchoires, renouvelle mes baisers et mes caresses. J'aime ce que cette inconnue me fait, j'ai envie d'elle. Mais toujours aucune réaction en bas, pas moyen. Ok, plan B. Je délaisse sa bouche pour embrasser son cou, sa poitrine, lèche son ventre, mordille une hanche, applique le même traitement à ses cuisses. Mes mains viennent se glisser sous ses fesses galbées, ma langue entame sa danse.

Je vais mourir. Si, si. Il m’a tellement manqué, que j’ai l’impression que je ne pourrai jamais me repaître de lui. Et, confinée dans ma mascarade, je ne peux rien dire. Oralement du moins. Mais mes mains, ma bouche, ma langue, ma peau contre la sienne, parlent pour moi. Un langage qu’il ne m’a jamais entendu lui parler de la sorte. Parce que jamais encore il ne m’avait offert aussi sauvagement ce qu’il m’offre aujourd’hui. C’est peut-être ça aussi qui nous avait mis à mal. A trop vouloir me protéger quand j’étais enceinte. Et quand l’on aurait pu pleinement se retrouver, il y avait une baleine blanche entre nous. Alors il n’a jamais vraiment su qui je suis. Et s’il le découvre aujourd’hui, l’ironie du sort est qu’il ignore que c’est moi. J’aime ce qu’il me fait, et je n’ai toujours pas conscience qu’il y a peut-être quelque chose qui cloche. Et quand sa langue entame la danse que je préfère, je me cambre pour que la mélodie soit parfaite, retenant à grand peine des murmures au bord des lèvres qui se terminent par de longs et savoureux soupirs plus ou moins rauques et étouffés, alors que d’une main, je m’efforce de dénouer ses braies.



Ecrit à quatre mains avec JD Alaynna.

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