Kachina
Oh ! Dieu, ne me soumets pas à la tentation. Je trouverai le chemin tout seul.De Rita Mae Brown
Une des roues de la carriole du coutelier grince lamentablement accompagnant la harangue du brave homme qui arpente les ruelles. Et le regard vert de la Brune suit la démarche claudiquante du bougre, rythmée par les couinements de l'essieu usé. Adossée à la fontaine où elle vient de remplir une outre de cuir, elle laisse le soleil matinal réchauffer ses reins fourbus par la chevauchée de la nuit, alors que l'homme s'éloigne déjà au détour d'une venelle.
La fille du sud qu'elle n'a jamais cessé d'être respire à plein poumons, les odeurs de cette terre du pays catalan. Et elle rejette la tête en arrière, tourne son visage aux traits tirés vers le ciel, pour suivre un instant un vol de corbeaux qui s'en vont rejoindre les Corbières. C'est une belle journée qui s'annonce, même si la tramontane quelques heures plus tôt à malmené les bâches des chariots, agacé les esprits fatigués et emmêlé la tignasse sombre qu'elle tente de discipliner du bout des doigts, sans succès. Elle serait sans aucun doute jetée à coups de pieds dans le séant, d'un dîner mondain, tant sa mise poussiéreuse ressemble à celle d'une sauvageonne. Mais quelle importance, puisque les bonnes manières, les discours feutrés et hypocrites des grands de ce monde l'ont toujours ennuyée à mourir.
Un sourire ravi éclaire le visage fatigué. Ils y sont enfin, dans cette ville qu'ils avaient cerclée d'un trait de fusain noir sur la carte, en prenant soin de noter d'éventuelles armées belliqueuses. Ils ont atteint le but. Et ses pensées s'envolent un instant vers cette soeur à la traine , et ses compagnons. Ils manquent en ce matin là...
Mais ils y sont. Ne reste plus qu'à Niallan de jouer. Lui qui a parcouru toutes ces lieues dans l'espoir de revoir ses filles. Elle s'abandonne à l'instant, paresseuse et indolente, cherchant dans sa tête quelques rimes pour un poème promis, songeant à ce cap que le blond devra relever.
C'est alors qu'un attroupement de commères vient rapidement faire cesser le sourire sur la bouche féminine.
La mairesse s'est tirée. Emportant certainement avec elle sa progéniture.
Et Kachi n'ose à cet instant , imaginer la déconvenue de l'Ami. Tant de lieues dans le froid et la pluie, à éviter les ornières, essuyer les bourrasques, et dormir à la dure....pour au final cette déception là.
Un juron s'échappe de ses lèvres, vient indigner une riche bourgeoise qui s'évertue à éviter la rigole des eaux usées. Et la bouche pincée de la précieuse ainsi que son regard furieux, amènent cette fois un rire moqueur et insolent pour toute réponse.
Elle n'y peut rien, après tout, elle ne laissera personne entacher cette journée.
C'est à nouveau du vif-argent qui coule dans les veines de la Louve.
A nouveau le feu en elle, et l'envie chevillée au corps.
Vivante comme jamais.
Et puis, elle l'a dit à Micka, qu'est ce qui peut nous arriver de pire quand on a traversé les enfers ?
C'est une journée à savourer.
A céder aux tentations en tout genre, à rêver de miel.
Et puis, peut-être que ces heures là verront d'autres retrouvailles. Elle a reconnu des montures familières dans le coin. Espère les revoir. Savent-ils seulement ces trois là, combien il lui en a coûtée de les regarder partir, un soir ?
Alors......Narbona, nous voilà ! Accroche toi foutre Dieu !!
On ira voir au clair de lune, voir si le Diable sait danser...
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(Merci à Jd Axelle pour la bannière)