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[RP] Untitled

Maryah
Untitled.
Parce que cette histoire n'a pas de titre. Il y a de ces histoires tellement indéfinissables, que oui, ou plutôt non, elle n'ont pas de titre. Elles sont inqualifiables. Indénommables. Inclassables. Et indéformables. Parfois même, presque inimaginables.

Le jour vient de se lever, et la Bridée observe les jeux de lumière dans la chevelure d'un Niallan endormi, après une nuit d'évasion, de réparation, d'abandon. Après cette folle nuit, ils allaient enfin pouvoir tout se dire, sans risquer d'être interrompus, jugés, ou autre. Ils allaient pouvoir se dire ce qui restait encore dans l'fond du panier Narbonnais.

Et ça continue, encore et encore. C'est que le début, d'accord, d'accord.

Elle qui était venue se recentrer, se ressourcer, se recueillir presque, cachée au fin fond de Sarlat dans sa bicoque de pêche, il avait fallu qu'il passe par là ; alors qu'elle était convaincue qu'il était avec ses amis du côté de Marseille.
Le Destin se moquait-il d'eux ? Ou cherchait-il à réparer l'innommable sort tragique ? Peut-être que Déos avait des regrets lui aussi, et qu'il se disait qu'il avait été bien salop des années plus tôt ...

Elle le regardait dormir du sommeil du Juste, et se disait qu'à l'exception de Fanchon, c'était peut être le seul détenteur de sa jeunesse désormais. Tord Fer en mourant, avait emporté bien des secrets dans sa tombe. Celui là même, à cause de qui elle s'était retrouvée enfermée à la Prison Saint Lazare. Si elle n'avait pas connu la prison, elle n'aurait pas connu le duc Enguerrand, elle n'aurait donc pas été cachée dans une chambre de la Rose Pourpre, et elle n'aurait du coup pas connu Niallan. Sauf que tout s'était passé comme ça.

Elle revoyait leur première rencontre.
Elle descendait de sa chambre, évitée par les autres courtisanes du Salon qui avaient ordre de ne pas lui parler ; en ce temps là, on l'appelait l'Exotique, et elle bénéficiait de la protection du Duc. Ce qui voulait dire qu'elle avait les plus beaux atours, qu'elle était parée des plus beaux bijoux, des soies les plus précieuses, son visage était voilé à l'orientale pour ne laisser ressortir que son regard noir mystérieux. Et son mystère à elle était profondément noir. A l'heure où elle portait le Costume trop grand pour elle de "l'Exotique", elle avait bien conscience qu'elle était censée être morte pour ce meurtre qu'elle n'avait pas commis mais que son cher protecteur de la Mortellerie, le célèbre Tord Fer, lui avait fait porter. Ses yeux bizarres s'étaient posés alors pour la première fois, sur le Blond.

Lui, il n'était encore qu'un jeune homme plein de rêves et d'ambitions. Il n'avait pas l'assurance d'aujourd'hui, mais la scène qu'il avait fait à la Succube pour avoir sa place dans ces salons coûteux et enviés de tous les hommes de bonne fortune, n'avait pas manqué de conviction. Maryah avait beaucoup ri ce jour là, autant de détermination aurait valu une médaille.
La Succube avait cédé ... à condition qu'il paie tout autant qu'un autre. Il était devenu le Champion du lieu, et on en avait parlé pendant une semaine toute entière. Quand la matrone avait demandé quelle fille allait s'occuper de lui, la demande "particulière" et particulièrement dérangeante du Blond, avait fait place à un long silence. Et puisqu'il n'y en avait qu'une qui avait "du temps à revendre", ce fut Elle ...

C'est comme ça que ça avait commencé. L'Exotique et le Champion. 9 ans plus tôt.
Elle et Lui.
Il la trouvait magnifique, elle le trouvait marrant. Elle était machiavélique, il était maladroit. En fait, ils n'étaient que des enfants qui s'étaient trouvés au bord du chemin ...
Elle lui avait appris patiemment, il s'entrainait à l'aimer longuement. Il travaillait aussi durement à l'extérieur pour pouvoir chaque fois revenir en apprendre davantage. Et il y laissait tout le contenu de ses bourses. Elle s'était mise à nue, il ne lui avait jamais fait mal. Elle l'avait vu prendre sa défense à quelques reprises, et il en avait toujours été généreusement récompensé.
Des mois avaient passé comme ça, avant qu'un incident arrive et qu'un soir de pleine lune, le Nini devenu Champion l'entraine sur les toits de Paris.

Ils s'étaient enfuis. Comme cette nuit. A l'époque c'est elle qui avait pris cher, et même neuf ans plus tard, elle ressentait la morsure vive du fouet sur sa peau. Demain, c'est lui qui prendrait cher.
A partir de cette nuit, tout avait changé entre eux, bien qu'ils ne se le soient jamais avoués en ce temps là. En ce temps là, ils avaient 15-16 ans, et toute la vie devant eux. Pourtant les chaines de l'époque étaient bien plus lourdes à porter que celles d'aujourd'hui.

Aujourd'hui, ils ne pouvaient pas plus s'aimer qu'hier. Et ils en étaient conscient l'un comme l'autre. Elle avait choisi sa voie pour toujours subvenir au besoin et au futur de leur fils, et lui, il allait avoir un enfant avec l'Italienne. Ils avaient tenté de se raisonner, une fois en Anjou, dix fois sur les routes, mais ils étaient mauvais au jeu. Ils avaient perdu. Tout ce qui n'avait pas été résolu dans le passé, venait se rejouer. Ils avaient besoin de ce temps.
Pas de grand soir, pas de grande promesse.
Pas d'avenir, pas de mensonges.
Juste elle et lui.

Le temps de ré apprivoiser le passé, de re connaître ceux qu'ils avaient été, de prendre conscience également de ce qu'ils avaient été l'un pour l'autre, en dépit de toutes les règles, de tous les paiements, et de toutes les horribles choses qu'ils avaient du faire pour se voir.
Alors oui la fugue de cette nuit, de la journée de demain, ces 24 heures en tête à tête avec leur fichu Destin, c'était peanuts par rapport à tout ce qu'ils avaient enduré des années auparavant, de ce qu'ils avaient subi.
Il ne la séparerait pas de son destin sanguinaire, elle ne le séparerait de son destin familial.

Ce matin, ils allaient en parler. Ce matin, même si les rumeurs et les jugements la blessaient, elle n'agirait pas par vengeance. Elle oublierait ce comportement, issue de la règle n°13 : " Si le gens te détestent, sois gentil ... donne leur mille et une raisons de te détester plus fort."
Le mythe du bad boy, Maryah s'habituait à l'incarner à chaque jour qui passait en mode Bad Girl. Qu'on la déteste, elle savait affronter ça. Les gens jugeaient quand ils ne pouvaient pas comprendre. Elle s'était fait une raison depuis bien longtemps. On ne comprend pas ce qui peut se passer dans la tête et dans la vie d'une ancienne esclave qui avait vu sa famille se faire massacrer devant ses yeux, d'une ancienne galérienne qu'on avait marqué au fer rouge comme du bétail pour qu'elle porte toujours la honte sur elle, d'une "ancienne" miraculée qui avait grandi au milieu de la Mortellerie, ou encore d'une "ancienne" sanguinaire dont les cris des torturés ne trouvaient parfois à s'interrompre qu'au milieu des effluves d'Opium. Niallan connaissait une bonne partie de l'histoire. Il avait ce radar qui savait quand elle était blessée au delà de son comportement, et parfois même il savait la surprendre en plein déni.
Comme dirait l'Autre, ça vous forgeait le caractère. Et ça vous apprenait vite à n'être d'aucun clan, car l'effet groupe était un prémice à tous les débordements, très souvent. Tous les retournements aussi.


Alors si elle s'était absentée en compagnie de Niallan, ça n'était pas par vengeance. OU par quelconque volonté de faire du mal. OU par habitude de ne faire que des conneries. Non, c'était juste par Amour. Par amour pour elle, pour eux, pour ce qu'ils avaient été. Elle finissait par comprendre que si elle ne s'occupait pas d'elle, personne ne le ferait. Elle était de tous les combats, pour sortir ses "amis" de la mouise. Elle pouvait déclencher des bains de sang comme en Franche Comté, ou monter seule au rempart d'une mairie, comme à Narbonne, ou aller ramasser un ami tombé au combat dans le camp ennemi comme en Alençon. Elle pouvait soulever des montagnes pour ceux qu'elle appréciait, mais elle était incapable de s'occuper d'elle si ce n'était en se mettant en danger de mort. Pour mieux se sentir en vie. Personne ne pourrait régler ses problèmes à sa place, ni ses cauchemars, ni ses angoisses.

Aujourd'hui, elle avait une possibilité de le faire. De poser un point final au chapitre de la Rose Pourpre, et à celui de l'Enfantement dans la Douleur. Même en chiffre ça restait impressionnant :
6 semaines entre la vie et la mort,
5 ans dans l'indifférence,
3 ans de conflit,
1 nuit de réconciliation.
24 heures pour se mettre en paix.

Alors, sous le soleil levant de ce samedi 3 juin 1464, elle s'assit à côté de Niallan et caressa son visage ; le temps leur était compté.


Allez mon Champion aux bois dormants ... il faut te réveiller si on veut avoir le temps de parler ... sinon la prochaine fois il nous faudra nous absenter toute une semaine ... et ça, ça va vraiment pas plaire !

Elle avait promis de le ramener au bercail. Elle le ferait. Elle allait même lui proposer de dire à ses amis qu'elle l'avait enlevé. Comme elle avait fait avec Ali, 2 ou 3 ans avant. Genre un délire de persécution. De toute façon, le groupe l'avait déjà mise au pilori, un peu plus un peu moins hein ...

On a plein de choses à se dire ...

Voilà, ils y étaient. Enfin.
Ils allaient pouvoir se dire,
Loin des autres, et de leur ire.

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Niallan
[C'est un beau roman, c'est une belle histoire 
C'est une romance d'aujourd'hui*]


Bon, d'accord, c'est une histoire qui ne plaît pas à tous, une histoire compliquée à gérer. Mais c'est notre histoire, le genre dont on ne peut pas tourner la page. On ne s'est rien promis et on se promettra jamais rien. Parce qu'on peut pas, parce qu'on a loupé le coche pour s'aimer. Je finirai par rentrer chez moi dans le brouillard et elle, elle descendra dans le midi. A moins que je n'aille m'installer à Marseille pour commencer une vie de famille parfaite et qu'elle, elle n'aille tuer des gens pour de l'argent. Mais en attendant, on s'aime. Et on sème pas mal de douleur, de jugements hâtifs, de rancœur et de haine. Bien sûr que je culpabilise, bien sûr que je trouve ça moche ce qu'on fait, j'ai juste décidé de pas y penser et de profiter de cette escapade loin de tout sauf d'elle.

On a tellement profité que je suis actuellement en train de pioncer pour récupérer de nos nuits d'amour. Sauf que, étant en conflit régulier avec Morphée, celui-ci m'entraîne dans des songes pour le moins casse-pompes. Je passerai sur les poissons géants avec des pattes sortant de l'eau pour me buter pour en venir à quelque chose de plus classique. Au cours de ces quelques heures de sommeil, j'ai rêvé d'elles.

Je me suis revu pénétrer à la Rose Pourpre. Dès que je l'avais vue, j'avais su que c'était avec elle que j'avais envie d'apprendre. Elle était plus belle que toutes les autres donzelles que j'avais pu croiser, elle était tellement différente. Comme moi. Et elle m'avait appris. Les femmes, le plaisir, les manipulations et, chose que j'avais toujours refusé d'admettre, l'amour. Elle avait fait de moi son Champion, elle m'avait permis de me construire une carapace, une façade. Je pensais que grâce à elle, plus jamais je souffrirai. Et du jour au lendemain, je l'ai perdue et j'ai compris que je m'étais bien gouré. Que j'avais pas fini de morfler. Les portes du bordel restaient closes pour moi, j'avais plus le droit de la voir. J'avais attendu trois putains de mois, me pointant tous les soirs pour tenter de déjouer la vigilance de la mère maquerelle. Et puis j'avais laissé tomber.
Cette nuit du 2 juin 1464 au 3 juin 1464, je me suis revu tourner définitivement les talons. Et le rêve s'est arrêté là.

Un autre a démarré, avec un changement d'actrice. Alaynna, ma ritale. J'ai rêvé de notre premier baiser, à Paris. Elle devait juste me servir d'alibi pour me débarrasser d'une cliente trop collante. Je pensais que je ne la reverrai jamais. Sauf que, bien évidemment, je m'étais encore planté. Je l'avais revue, j'étais allé en prison pour elle, je l'avais abandonnée. Et j'étais tombé amoureux. J'ai revu en accéléré ces derniers mois sur les routes, nos nuits enflammées, nos apprentissages mutuels. Ensuite, j'ai eu droit à un changement de décor. Une plage, des oliviers, la mer droit devant et puis deux gosses. Les nôtres. Une petite blonde, comme Lexi. Et un petit brun.

J'aurais bien aimé poursuivre ce rêve-là mais, comme vous le savez, j'ai des différends avec Morphée. Du coup, je suis passé de ce cadre idyllique à un truc extrêmement déplaisant. Ça commençait bien, je revoyais la nuit narbonnaise passée avec Maryah, je revoyais la nuit dans sa bicoque juste avant notre départ. J'étais content et ça se voyait sous les draps. Le seul problème c'est que d'un coup, comme ça, juste après une position approuvée par mémé maracas, le visage de l'italienne est apparu. Sauf que c'était pas vraiment son visage, c'était plutôt son visage après trois mois de décomposition. Je m'étais agité dans mon sommeil et quand elle avait sorti d'une voix d'outre-tombe « Regarde ce que tu nous as fait », je m'étais encore plus agité. C'est là qu'une voix beaucoup plus vivante m'avait permis d'envoyer Morphée se faire cuire un œuf. Ou tout autre truc qui l'aurait rendu d'assez bonne humeur pour arrêter de me péter les roubignoles.

Mmh ?

J'ouvre un œil, puis l'autre, pour finir par contempler l'Exotique. Je souris. Putain ce qu'elle est belle, putain ce que je suis foutu. Mais foutu pour foutu... Je me redresse légèrement pour venir déposer un baiser sur ses lèvres, effleurant son épaule d'une caresse. Ensuite, j'attrape sa taille pour l'entraîner avec moi sous les couvertures. Couvertures sous lesquelles j'aimerai bien disparaître.

On t'a jamais dit qu'il fallait dire bonjour avant de commencer à parler de choses qui fâchent ?

J'esquisse un sourire, redessinant sa colonne vertébrale du bout des doigts.

Et puis j'ai faim moi ! Tu crois pas qu'on pourrait s'offrir un petit déjeuner, avant ?

Arrivé en haut de son dos, je fronce les sourcils, me souvenant d'une partie de sa lettre. Du coup, j'ignore les gargouillis de mon ventre et oublie mon idée de petit déjeuner dans notre lit improvisé.

Dans ta lettre, tu disais que tu avais de mauvaises nouvelles par rapport à Ali. Qu'est-ce qui pourrait être pire ? Qu'est-ce qui pourrait être si horrible pour te pousser à te tirer et à t'enterrer chez les sarladais ?


*Michel Fugain – Une belle histoire

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Maryah


Il se réveille et elle sourit. Il sourit à son tour et l'embrasse. Elle l'embrasse à son tour et il l'attire à lui. Elle l'attire à elle, ventre à ventre ... Ils se connaissent si bien qu'un simple effleurement les embrase ... mais ... mais ... elle doit trouver la force de ne pas céder, et de faire ce pour quoi ils sont venus jusqu'icy au risque de mille éclairs : parler.

Alors, non sans peine, elle ralentit l'onde sensuelle qui les réunit, lui qui lui donne des ailes, lui qui l'atteint un peu trop sans qu'elle ne puisse, ni ne veuille rien y faire. Elle se sort des couvertures et du corps passionné, elle rejoint le petit feu et fait chauffer de l'eau, avant de remplir deux godets de vin aux épices. Elle farfouille dans leur besaces respectives, et en sort la grosse miche de pain et la charcutaille, sans oublier quelques petits fruits ramassés la veille en forêt.

Elle revient vers lui et lui fait signe de venir s'installer sur le tronc d'arbre, à ses côtés, alors qu'une souche leur servira de table improvisée. Elle lui sert de quoi boire et manger, comme pour mieux faire oublier qu'elle ne répond pas à LA question. Elle détourne l'attention l'air de rien, parce qu'il y a des choses horribles à dire, et elle n'y arrivera pas. Ils sont un peu comme deux enfants jouant à la dinette, et en digne représentante de la gente féminine, elle se met à parler ... et à parler encore.
Elle lui dit pour Anzelme, parce qu'elle n'a pas envie que ça lui arrive avec une version modifiée, commentée ... et erronée. Elle lui dit aussi pour le courrier de Mickael. Elle joue les fortes, celle que rien ni personne n'atteint, mais malheureusement pour elle, il n'est pas dupe. Et à peine avaient-ils repris des forces qu'ils trouvent le moyen de les reperdre. D'habitude, il trouve le moyen de la faire rire ; là, il la soutient et la réconforte. Il refuse même le scénario qu'elle avait inventé pour le décharger de tout soupçon. Il assume. Et la tendresse qui transpire de lui à ce moment, atteint Maryah droit au cœur. L'étreinte est douce, réconfortante, passionnée, romantique et la bridée se fait câline à souhait. A cet instant, il lui rend au centuple ce qu'elle lui apporté les premiers jours, et elle se laisse surprendre avec plaisir.
C'est dans un moment exactement comme celui-ci qu'ils avaient du concevoir Perceval. Le pouvoir de l'Amour en action. Ils étaient restés un long moment enlacés, ne demandant rien de plus, ne perturbant ni le bruit de l'eau de la petite rivière un peu plus bas, ni le chant des oiseaux juste au dessus de leur têtes.

Elle avait attendu le moment idéal, et c'était le moment idéal. Alors lentement, elle avait quitté la chaleur de son corps pour passer une chemise et aller chercher le cadeau dans sa besace. Le tissu soigné avait été délicatement plié et rangé dans un sac en bure. Elle s'était agenouillée à ses côtés, et tandis qu'elle le laissait découvrir les empreintes de main, de pied, de nez, et autres articulations des jumelles, elle commenta doucement :


La veille du mariage d'Alicina, j'ai gardé tes filles Niallan. Elles sont magnifiques, tu as vu leur beauté sur le tableau. Mais elles sont bien plus que belles. Ce sont des petites pierres précieuses, intelligentes, amusantes, et joyeuses. Elles commencent à parler et à marcher, elles sourient beaucoup, s'intéressent à tout et elles ont adoré jouer dans l'eau.
J'avais trouvé une petite barque et elle faisait glisser leurs doigts sur la surface en éclatant de rire.
Elles sont très complices, et charmeuses.
Héléna est une vraie princesse, parfois un peu réservée. Juliette n'a pas froid aux yeux, et fera tout pour protéger sa sœur.
Je leur avais acheté des poupées et elles baragouinaient, tantôt en les grondant en remuant un doigt qui se voulait menaçant, tantôt en les embrassant follement et en rigolant en mettant leur main devant les lèvres.
Pour goûter, j'avais emmené des crêpes ... et Arry m'avait fait porter à Luna de la confiture de mûres. Elles s'en sont mis partout ... j'étais pas très douée avec les trois, et elles me faisaient tellement rire ... bref, j'ai du les déshabiller et laver leur robe dans la mer.
Elles ont des petits bidous, tout ronds, comme les bébés, et leurs mains sont toutes petites tu as vu ...


Et elle se tut, le regardant admirer l'œuvre enfantine colorée, le laissant recomposer tous les souvenirs qu'il avait d'Elles. Elle se fit silencieuse devant l'émotion qui s'affichait sur le visage. Être parent, c'était une sorte de Miracle. Elle se rappelait les larmes qui avaient inondé le regard de Cobra, l'ami à jamais séparé de son fils. Elle ne pouvait imaginer la peine, l'atrocité que c'était. Et elle n'aimait pas plus que Niallan ne puisse voir ses filles.
Toutefois, elle devait bien reconnaître, qu'elle, la première avait refusé que le blond voit Percy après la mort de Lexianne, et quand à son arrivée en Anjou, il avait demandé à passer du temps avec Percy, elle s'était imaginée les pires scénarii, qui finissaient toujours par l'abandon de Percy par Niallan. Elle avait accepté la proposition de Torvar de reconnaître Percy et de lui donner le nom de Kedzia Nazarov ; et grâce à la suzeraine de Torvar, Percy était entré dans la chevalerie, conformément à ses rêves les plus chers.
Elle voulait le meilleur pour son fils, quitte à le garder à distance pour qu'il réussisse, quitte à l'éloigner de son père naturel pour lui donner plus de chances de réussite.

Alors, mal placée pour dire quoique ce soit, elle s'était contentée de respecter la volonté d'Alicina, et de ramener ce qu'elle avait pu pour Niallan.
Et à voir l'émotion qui envahissait le blond et finissait par le submerger, elle comprit ... Elle ne pouvait réfuter l'évidence.

C'est à cet instant là qu'elle tenta de lui pardonner la mort de Lexi,
...
C'est à cet instant là qu'elle comprit qu'en famille, il pourrait être un bon père.
...
C'est à cet instant précis qu'elle comprit qu'ils avaient merdé en venant icy ...
...
parce que, que ça lui fasse du bien ou pas, Niallan allait avoir un enfant avec l'Italienne.
parce que, quoiqu'ils ressentent, tous les deux, à ce moment là, elle ne serait pas celle qui briserait le couple, elle ne serait pas celle qui volerait un père à son enfant.
...

C'est donc à cet instant suspendu qu'elle comprit que seule la distance pourrait leur permettre ...
de ne pas commettre ...
le pire.

Le laissant à ses émotions, elle se leva et commença à remballer les affaires ...

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Niallan
[Ce qui nous vient
Nous vient de loin
Ce qui nous tient
Jamais ne nous appartient vraiment*]


Nos deux corps se connaissent mieux que les pauvres connaissent la pauvreté, les mercenaires le meurtre ou moi les dettes. Nos deux cœurs sont unis avec plus de force que la connerie l'est à moi -et c'est pas peu dire-, plus de force même que la misère l'est au monde. Et pourtant, même si on se tient, on ne s'appartiendra jamais. Au cours de la nuit qu'on a passé, j'ai fait comme si je savais pas. Comme si j'ignorais qu'on ne poursuivrait pas cette escapade, comme si j'ignorais que c'était la dernière fois. Dernier round. J'ai beau être son Champion, celui-là je le gagnerai pas. C'était perdu d'avance. Et ça devient évident quand elle se relève pour fuir ma question.

Maryah...

Je secoue la tête, passant une main sur mon visage fatigué. J'ai très bien compris son manège mais j'ai pas franchement envie d'insister. Si ce qu'elle a à m'annoncer est trop dur pour qu'elle envisage de répondre à mes questions, j'ai pas envie de l'entendre. Pas maintenant. J'ai pas la force. Alors je ferme mon clapet et entreprends de me rhabiller. Ensuite, je la laisse volontiers m'amadouer avec de quoi boire et manger. Je ne reviens pas sur ma question, ne fais aucune allusion. Je lui souris, lui envoyant parfois quelques miettes de pain juste pour le plaisir qu'elle fasse les gros yeux en me disant qu'il ne faut pas jouer avec la nourriture. Aujourd'hui, j'ai envie de souffler un peu, de redevenir un gamin. Son petit Ni-Ni, ardent bûcher, bulle d'innocence et Unique. J'ai envie qu'elle se confie à moi comme elle pouvait le faire en ces temps où tout était encore si simple, j'ai envie de la faire marrer comme avant, de l'épauler tout autant. J'ai envie qu'on se retrouve, juste aujourd'hui. Juste nous. Alors...

[Parle-moi, parle-moi de toi
Qu'est-ce tu veux, qui tu es
Où tu vas *]


Et elle m'a parlé d'elle. D'Anzelme, d'abord. J'ai légèrement tiqué quand elle m'a dit qu'elle avait eu envie de lui mais n'en ai pas soufflé mot. J'ai Alaynna, elle a sa liberté. Là où j'ai commencé à grogner c'est quand elle m'a causé de la revanche du troll à l’ego blessé. Qu'on soit bien d'accord, je l'apprécie le Anzy mais disons qu'il y a certains trucs qui me chiffonnent. Il drague ouvertement ma ritale, se met à bouder quand Maryah refuse d'être sa compagne et raconte à qui veut bien l'entendre qu'il n'a qu'une seule nana dans la peau. Alors je la soutiens, lui dis ce que j'en pense. Tente quelques petites vannes, balance quelques sourires taquins. Et ensuite, elle me fait lire la lettre de Micka. Et là, ça me m'énerve de la minerve. Lui, au départ, je l'ai adoré. Et puis ensuite, j'ai vu qu'il était un peu trop seul, un peu trop désespéré. Ça passait encore. Mais cette lettre, ça passe pas. Encore moins quand je vois les répercussions qu'elle a sur l'Epicée. Alors je me fais réconfortant, prévenant et pour finir amant. Nota bene : privilégier le réconfort pré-coïtal pour profiter un maximum de celui-ci.

Et puis, alors que je caressais son dos avec un sourire béat accroché aux lèvres, elle s'est levée. Si j'avais su ce qu'elle allait m'offrir, je l'aurais empêchée de le faire maintenant. J'aurais négocié un temps de préparation psychologique suffisant pour que j'ingurgite une bouteille de whisky. J'aurais préparé ma pipe pour une longue séance de fumette, j'aurais cherché à provoquer une autre partie de jambes en l'air. Mais elle m'a rien dit, elle s'est contentée de s'agenouiller auprès de moi et de m'administrer une grosse claque fictive.

Abasourdi, je promène mes mains sur le tissu sans parvenir à décrocher un mot. J'écoute ce qu'elle dit sans parvenir à lui répondre, la gorge nouée. Quand ma main s'arrête sur celle de l'une de mes filles, je ferme les yeux. Je peux pas, c'est trop dur. Je les revois à Narbonne, me lançant de grands sourires dans les bras de leur mère. Je me revois glisser mon doigt dans leurs toutes, toutes petites mains. Et j'ai mal parce que je sais que ces mains ne sont pas prêtes de se glisser dans les miennes, pas plus que ces petits pieds ne sont prêts de s'avancer vers moi.

[On dirait qu'on a plus l' goût
A rien*]


Je suis tellement occupé à les imaginer conformément à la scène décrite par Maryah que je ne remarque même pas le départ de cette dernière. Je sais que j'ai merdé, que j'ai fait beaucoup de mal mais je persiste à croire que j'en ai pas fait assez pour mériter ça. J'ai pas mérité d'avoir l'impression qu'on m'arrache le cœur, j'ai pas mérité d'avoir envie de me foutre en l'air pour faire taire cette douleur. J'ai trompé, menti, volé, triché et tout ce vous voulez mais ça...ça fait trop mal. Tellement mal que je ne parviens pas à retenir les larmes qui roulent sur mes joues. D'un mouvement rageur, je cherche à les essuyer sans y parvenir réellement. Alors, je me relève, et ouvre ma besace en serrant les dents pour y glisser le tissu générateur de larmes incontrôlables. Ensuite, sans un mot, je marche vers l’Épicée pour l'attraper par la taille et l'embrasser sauvagement. J'ai pas envie de causer, encore moins qu'elle dise quoi que ce soit sur mes joues mouillées. J'ai envie d'oublier, de tout oublier dans ses bras. Sans réfléchir, je l'entraîne sur l'herbe et la débarrasse rageusement de sa chemise, sans jamais cesser de l'embrasser pour que jamais elle ne puisse lire la douleur dans mes yeux.

[Alors parle-moi, parle-moi de nous
Tous les deux, qu'est-ce qu'on veut
Qu'est-ce qu'on fout*]


Mais plus tard, parce que là j'ai trop mal pour prendre une autre claque.


*Jean-Louis Aubert - Parle-moi

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