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[RP] “Vieille amitié ne craint pas la rouille.”*

Kachina
Une brise froide souffle sur les côtes normandes. Le sel gerce les lèvres, le sable fouette les joues, s'insinue dans les plis des vêtements. Ses pas laissent leur empreinte sur la plage, alors que sa cape ondule au rythme des rafales qui tentent de lui faire perdre pied. Elle s'en amuse, les défie, écartant les bras, entame une danse sur le sable dur et humide.. Suivie de près par l'étalon qui ne la quitte pas d'une semelle.
Quelque part dans les ruelles proches, ses compagnons investissent déjà les tavernes locales, réclamant soupe chaude et godets d'alcool dans cette nouvelle ville à découvrir.

Elle est restée à l'écart.
Octobre la rend parfois nostalgique.
D'un passé révolu qu'elle s'interdit de raconter.
A vrai dire, ses proches en ont tous plus qu' assez de l'entendre ressasser hier. Elle en est consciente, se soigne, va de l'avant vaille que vaille.
Mais ce matin... Bon sang...


La faute à Eni et ses questions à 10 sous. A moins que ce ne soit Théa qui aie la veille ranimé les souvenirs en les interdisant.

Elle s'arrête un instant, se plaque au flanc chaud du cheval qui vient souffler de ses naseaux son souffle tiède dans son cou. Foutue question...


- " Quels amis souhaiterais tu revoir, toi... Kachi ? "

Elle a répondu sans trop réfléchir, comme ça, laissant venir les noms familiers...Satine... Anzi... Néo et Seth, Gab... Hector...Ghost... Ayme, Diane, Yam,

Ils sont nombreux ceux qu'elle a perdus au détour d'un chemin de traverse, sur le seuil d'un triste monastère......Elle a ajouté : Bibus bien sûr et Bart.... Alaynna et...

La Brune a marqué une pause alors que défilaient sous son crâne, des images rieuses de chopes qui s'entrechoquaient, de défis relevés, jusqu'à ce qu'une ritournelle bravant un Roy lui revienne à l'oreille. Elle a avoué alors dans un souffle :
Et Niallan... Bon sang, il me manque ce bougre là !

Elle s'est perdue un instant à imaginer le Blond, le complice des temps insouciants veillant sur un berceau, visage radieux devant un nouveau né braillard à souhait accroché aux seins d'une Italienne plus belle que jamais. Il doit être père à présent, couler des jours heureux en Provence.

Mais la dernière missive envoyée à Alaynna est restée sans réponse. Lui en veulent-ils ces deux là de ne pas avoir été là à leur retour de Marseille ? Niallan la connait assez pour savoir qu'elle se terre au fond d'une grotte quand le ciel s'assombrit ou qu'elle selle son cheval et qu'elle s'en va au vent maudit.
Elle n'a jamais écrit à l'Ami après qu'ils aient pris des chemins différents. Elle y a songé quand Anso est parti butiner d'autres fleurs, y a très vite renoncé. Brune rancunière et bien trop fière. Elle s'en veut de ça, ne l'avouera jamais. Folle orgueilleuse qu'elle est.


Pourtant en cette aube d'automne, sur une plage normande, c'est au cheval qu'elle murmure ce qui depuis hier lui rend l'âme bougonne :

- Niallan, tu fais quoi, tu deviens quoi ?

* Proverbe français

_________________

(Merci à Jd Axelle pour la bannière)
--Ameline
[Dans la chambre d'un manoir, à des lieues de la ]



- Hummm......Niallan !

Un pâle soleil d'octobre vient caresser l'épaule de la femme allongée sur le lit. Ameline émerge à peine du sommeil, mais déjà sur sa bouche vient fleurir le nom de l'amant qu'elle murmure dans un feulement. Alanguie et paresseuse, elle garde les yeux fermés, se contentant de revenir doucement au monde, alors que sous son front défilent les images de la nuit.
Qu'il était beau à la lueur des flammes. Penché sur elle, réclamant ses cris en réponse à ses coups de reins. Elle se remémore comme on aime à se souvenir des instants magiques, chaque mot murmuré, chaque caresse, chaque soupir. Le Blond s'est révélé un amant talentueux et ardent bien plus habile que son époux occupé à Paris pour ses affaires. Elle ne sait rien de cet homme qui a partagé sa nuit. Que ce qu'il a bien voulu lui confier de lui entre deux soupirs. Niallan, il s'appelle Niallan, vit à Marseille, mais voyage à présent au gré de ses envies. Il n'est même pas de son rang mais ces vagabonds insolents et désoeuvrés sont toujours au final, les plus habiles au lit.

Le corps féminin s'étire sous les draps, assouvi et détendu, tandis qu'un sourire étire ses lèvres. Il sera un compagnon agréable et docile pour ses nuits . Elle sait reconnaitre les âmes perdues et celui-ci en est une. Il a ce je ne sais quoi dans le regard qu'ont ceux qui n'ont plus rien à perdre. Quelques cadeaux flattant son orgueil de mâle et il sera tout à elle. Elle le modèlera à sa guise, le tiendra englué dans sa toile, en fera son courtisan attitré.

Le feu doit être mourant dans l'âtre, il fait froid.
Il faudrait appeler Sidonie, que la servante s'affaire à ranimer les braises.
Elle frissonne et remonte la couverture de sa main gauche, alors que sa droite cherche à ses côtés la chaleur de l'autre. A défaut de feu, le Blond saura bien à nouveau embraser sa peau. Elle le veut encore, recommencer leurs jeux et
gouter à nouveau
à sa peau, à ses caresses.
Mais aucune épaule, aucun torse ne vient rencontrer ses doigts impatients. Elle ouvre les yeux et découvre la place vide à ses côtés. Elle s'étire et s'assied, se cale au dossier du lit, parcourant la chambre du regard.

Vide.

Le plancher est froid sous ses pieds nus quand elle se lève et se dirige vers la commode en bois précieux. Le miroir lui renvoie l'image d'une femme encore belle, aux courbes douces, et elle sourit à nouveau quand elle revoit Niallan tel qu'il était la veille,à cette même place devant la psyché... Collé à son dos, occupé à lui mordre la nuque en lui retirant les épingles de sa chevelure qu'elle lisse à présent machinalement du bout des doigts. Le jeune homme aura certainement été chercher aux cuisines de quoi se régaler pour un délicieux matinel.


Mais une rafale de vent s'engouffre dans la pièce, humide et glaciale, faisant claquer les battants de la fenêtre ouverte. A peine a t-elle le temps de s'en étonner et s'en indigner que son regard tombe sur le coffret contenant ses bijoux les plus précieux.

Ouvert.
Et vide.

Sa main droite tente vainement de calmer les battements fous de son coeur qui s'emballe. La longue chemise fine se soulève au rythme fou de sa respiration, alors qu'elle comprend. Ce malandrin s'est bien joué d'elle. Il a filé, emportant ses pierres et ses perles.

D'un geste rageur, visage fermé et bouche pincée, elle referme la fenêtre, ignorant la vue magnifique sur le jardin paré aux couleurs de l'automne.
Et son visage n'a plus rien de séduisant quand folle de rage, elle lâche à voix haute :
Tu paieras pour ça Niallan ! Tu n'es plus qu'un homme en sursis, sale voleur !

Interprétée par jd Kachina
Niallan
[Mais la douleur et les regrets sont les mêmes
Là où il y a la mort
Maintenant je suis perdu et je crie au secours tout seul
...
Relaxe, prends le bien
On ne peut plus rien y faire*]


Quand Alaynna est partie sans mot dire -ni maudire-, emportant notre môme pas encore né, je me suis demandé ce que j'allais bien pouvoir foutre de ma vie. Je pouvais pas rester, je pouvais plus espérer. Alors je me suis barré. Et depuis que je suis sur les routes, je me pochtronne allègrement le groin tout en m'enfumant le cabochard. Y'a rien à faire de plus. Je peux juste prendre la vie comme ça, comme elle vient. En la traitant de chienne une bonne quinzaine de fois par jour. Évidemment, je le prends pas franchement bien qu'on ait foutu de grands coups de couteaux dans ce qu'était ma vie pour qu'elle finisse par ressembler à un tableau de Picasso. Mais j'ai pas le choix. C'est comme ça. Alors j'ai décidé d'en tirer le meilleur parti possible.

Plus de femme ni d'enfant, ça veut dire que personne ne payera plus pour mes conneries. Une fois que j'aurai mis mon fils en sécurité, je n'aurai plus à craindre que mes créanciers viennent le chercher, à défaut de me trouver. Maintenant, je peux détruire tout ce que je touche sans avoir des remords. Alors, ouais, encore une fois c'est pas la joie mais je m'en sors pas mal. J'ai toujours de quoi picoler et fumer, aucun brigand n'a décidé de retenter sa chance et les femmes restent sublimes. J'en veux un peu à toute la gente féminine mais pas assez pour me faire moine, voyez.

D'ailleurs, hier soir, j'ai prouvé mon infinie mansuétude à l'une de leurs représentantes. Carrément jolie, une de ces bourgeoises qui s'ennuie ferme dans sa vie bien rangée et qui aime bien tâter du vagabond. La nuit avait été brûlante, passionnée et vide de tout sentiment. Ça m'intéresse plus. J'ai essayé. Encore et encore. À chaque fois, ça a foiré. Et y'a un moment où il faut tout simplement arrêter d'essayer. Quand vous élevez des cochons sans jamais pouvoir en bouffer un seul parce que vous oubliez de les nourrir, vous allez continuer indéfiniment ? Bah non. A un moment faut lâcher l'affaire, passer à autre chose. Vous abandonnez les cochons pour tout ce que vous voulez sauf du maïs et l'amour pour tout sentiment qui n'implique pas qu'on vous arrache le cœur à un moment ou un autre. Vous verrez, vous ne vous en porterez que mieux.

Moi, par exemple, quand je me suis réveillé ce matin, je me sentais pas plus mal que la veille. J'ai même hésité à remettre ça. Sauf qu'un truc a attiré mon attention. Soyez indulgents, une pie aurait fait pareil. Je suis sorti du lit en employant la méthode commando. Celle avec laquelle on met trois plombes à sortir mais y'a pas un pet de bruit. Sisi, vous l'avez déjà fait. C'est aussi celle que j'appliquais quand je rentrais à pas d'heure et que je voulais pas qu'Alaynna le sache. Ensuite, je me suis approché des bijoux. J'ai hésité, un peu. Et puis je me suis rappelé que j'avais plus de femme ni de gosse alors je me suis dit que j'avais bien le droit d'être un enfoiré. De toute façon, mon opium va pas s'acheter tout seul.

Très lentement, en gardant les yeux rivés sur la donzelle dont j'ai oublié le nom, j'ai sorti un à un les bijoux du coffret pour les glisser dans mes poches. Ensuite, je me suis dirigé vers la fenêtre, adoptant la démarche du crabe. Après, j'ai ouvert la fenêtre, toujours en la regardant. Et c'est là que j'ai un peu tiré la gueule. J'avais passablement zappé qu'on avait grimpé un escalier la veille. Pas que ce soit la première fois que je m'échappe par une fenêtre mais c'est toujours plus chiant dès le matin. Tant pi, je le prends bien. Je passe mes deux jambes à l'extérieur dans un silence religieux, m'accroche à l'appui de fenêtre et tends la main vers le lierre. Et là, c'est la catastrophe. Pourtant, ça a déjà marché. Mais pas aujourd'hui. Aujourd'hui, le lierre a cédé sous mon poids et, impuissant, je me suis écrasé au sol.

Ta mère la chèvre.

Que je maugrée sans prendre le temps de constater l'état de mon crâne, occupé que je suis à ramasser les bijoux avant que la bourgeoise n'émerge. L'herbe est humide de rosée, y'a du brouillard, c'est désagréable. Heureusement, avant que je n'ai pu associer ton père à un bouc, les bijoux ont retrouvé le fond de mes poches. Je me relève, tourne la tête vers la fenêtre. Toujours pas là, parfait. Je tape un sprint en direction des limites de la propriété et c'est là que je l'entends. Une voix à vous glacer le sang, une voix qui vous donne pas envie de ralentir. Alors j'accélère. Direction de nouveaux ennuis. Bien loin de Kachi et de tous ceux qui ont pu compter. Du moins, à mon avis.


*Traduction paroles Mika – Relax, take it easy

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Bannière réalisée par les grands soins de JD Calyce.
Kachina
[Quelque part en Normandie]

Soirée ordinaire dans une auberge au décor ordinaire. Le feu crépite dans la grande cheminée ornée d'une tête de cerf empaillée. Assise à une table, le dos fourbu d’avoir encore parcouru des lieues à cheval, elle écoute distraitement ses amis qui l’entourent.

Mais son regard vert s'attarde à deux hommes s'affrontant dans un bras de fer. Autour d'eux les paris fusent.
Elle murmure pour elle-même :
Je parie sur le brun barbu ! A la table voisine c'est un chien rongeant un os, couché aux pieds de son maître qu'elle admire un instant, avant de balayer la salle des yeux.
La serveuse s'affaire autour des tables, plateau supportant une dizaine de chopes mousseuses, posé sur son épaule. Elle évite les mains avides d'un bedonnant éméché qui lui lance des plaisanteries grivoises et glauques.


Il règne ici un joyeux brouhaha. La vie est là dans ces odeurs de soupe au lard, ces rires mêlés au bruit des verres qui s'entrechoquent, des dés qui roulent sur les tables, et de murmures amoureux de couples de passage. Pourtant au-delà de cette effervescence, l'oreille fine de la Brune perçoit soudain une conversation qui provient d'une table à sa droite. Elle entend sans vraiment écouter trois hommes qui en évoquent un quatrième. Ces trois-là ont la morgue et la carrure des mercenaires aguerris.

- A quoi il ressemble ce bougre ?
- Blond, les yeux bleus très clairs. Belle gueule
- Il traine souvent les bas-fonds pour se fournir ses drogues
- Tiens, la patronne est douée pour le dessin, elle nous en a fait le portrait. Elle veut récupérer son collier et s’amuser un peu avec lui avant qu’on lui fasse la peau. Récompense double les gars... Si on lui garde vivant.
- Comment on va l’trouver ?
- Un de nos gars l’a repéré hier. Il est à…

Une bagarre éclate, distrayant un instant la Brune des trois compères occupés à finaliser leur contrat. Brune, qui du coup n’entend pas la suite. Après tout qu’est-ce qu’elle en a à faire ? Il ne s’agit là que d’un contrat banal, un pauvre voleur qui, s’il tombe entre leurs mains passera surement de sombres heures. Elle les oublie au profit des tabourets qui s’écrasent sur les têtes imbibées de bière, compte les poings, sourit aux esquives, admire les ripostes. Finalement cette soirée ne manque pas de charme.

- Niallan ! Il s’appelle Niallan !!!!

La terre semble d’un coup s’arrêter de tourner, alors qu’elle observe avec un intérêt nouveau l’étrange trio. Le prénom familier vient de crever le tumulte de la bagarre. Niallan………Foutre dieu, existe-t-il en ces royaumes un autre Niallan ? Blond, regard bleu et mignon ? C’est comme une sonnette d’alarme qui résonne sous le front de la Brune. Elle en repose la pomme qu’elle était en train d’éplucher, détaille chaque trait, chaque expression sur les visages que les chandelles éclairent.

Sans réfléchir, alors que la serveuse s’approche des mercenaires avec son plateau chargé, Kachi se lève, rejoint leur table et s’empare sans façon d’une cruche pleine.
- Permettez ?
Alors qu’elle offre un sourire amical et poli aux accents d'insolence aux 3 compères, ses amandes fougères glissent très vite de leurs visages au croquis étalé sur la table. Aucun d’entre eux ne s’en aperçoit, occupés qu’ils sont à saluer, un peu interloqués cette voyageuse insolente qui vient de leur chiper leur pot de vin épicé et brulant. Affairés à découvrir la fine silhouette caparaçonnée de cuir aux courbes féminines, ils ne voient pas le sourire s’éteindre sur la bouche carmine, ni le regard vert qui vient de s’assombrir.
Foutre dieu…L’ébauche n’est pas parfaite mais ce sourire mi- charmeur, mi- moqueur, cette tignasse blonde indisciplinée, ne peuvent appartenir qu’à l’Ami.


Quelques instants plus tard, alors qu’elle a rejoint sa place, que le vin brule sa gorge en longues goulées, pour venir détendre ses tripes nouées, elle griffonne quelques mots à la hâte



Niallan,

Dans quels sales draps t’es-tu encore fourré ? Je suis dans une auberge normande et toi, tu es censé couler des jours heureux sous le ciel de Provence. Dis-moi pourquoi alors je viens de croiser trois hommes qui semblent en vouloir à ta peau ? C’est quoi cette histoire de collier ? Niallan, j’crois que t’es mal barré. Ceux qui sont à ta recherche ne semblent pas des enfants de chœur.

J’veux pas croire que c'est vraiment à toi qu'ils en veulent. Tout a mal tourné pour toi. Tu sais comme j’aime les belles histoires, du genre ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants. Même si j’y crois plus, bordel, t’étais censé incarner ça. Malgré tes frasques et tes coups de sang.

Donne de tes nouvelles. Dis-moi que tu berces un enfant, que tu peins ta belle Italienne nue au milieu des calanques. Dis-moi n’importe quoi, mais dis-moi que pour toi, ça va.

J’t’aime. J’vais bien. Mais toi ?

Kachi

PS / Bon sang, t'es ou ?

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(Merci à Jd Axelle pour la bannière)
Niallan
Mais t'es pas là, mais t'es où ? Non, je déconne. Caca beurk.
On sait où il est. Always lost in the sea.* Même qu'on pourrait rappeler une vérité vraie « Qu'on crève d'une absence ou qu'on crève un abcès c'est le poison qui coule. »*. Faut la retenir, pour le comprendre, ce paumé en mer.

Putain mais t'es qui toi ?
Que je gueule à l'espèce de taré qui vient de me flanquer un coup de chaise. Oui, de chaise. Le bois a éclaté dans mon dos, je serais même pas surpris si j'avais des échardes. Mais ça ne suffit pas à monsieur, non, après la chaise, il envoie carrément valser la table. Heureusement, cette fois j'ai prévu le coup et suis passé derrière le comptoir.
Merde, c'est quoi ton problème ? Qu'est-ce que je t'ai fait ?
Après s'être essayé au lancer de chopes dans ma direction et m'avoir vu les esquiver presque à chaque fois -question d'habitude-, l'agité de la soirée consent à répondre. En gueulant, parce que faut pas trop en demander.
Tu m'as volé mon champ d'maïs ! Mignon d'catin !
Hein ?

J'écarquille les yeux et perds un instant ma concentration, laps de temps suffisant pour que je me prenne une chope en pleine tronche. Et ça m'a fait mal. Mais ça c'est qu'accessoire, y'a toujours mon immense surprise. Je veux dire, vu la dernière lettre de Kachi, je m'attendais à un « T'as baisé ma femme ! » ou un « Sale voleur », quoique le second aurait eu le mérite du changement. Mais un champ. De maïs. Sans déconner. Sans le vouloir, je me mets à rire et reçois par la même occasion une autre chope, sur l'épaule cette fois. Mais le maïs ? C'est trop. C'est l'aliment premier sur ma liste des aliments-ennemis-jurés-crachés qui ne comporte qu'un aliment.
Attendez, calmez-vous, je vais tout vous expliquer...

J'ai attendu qu'il se calme et je lui ai tout expliqué. Je lui ai parlé de cette rumeur. De ce Henri qui n'arrivait pas à nourrir ses cochons et qui avait prévu de s'attaquer à un champ des environs. J'ai même précisé qu'on pouvait pas faire confiance aux Henri, que mon frère s'appelait comme ça et qu'il s'était tapé ma femme. Là, il a payé sa tournée. J'ai même réussi à le convaincre que le maïs c'était à chier et qu'il fallait se tourner vers autre chose. Si vous pensez à un élevage de cochon, c'est que vous avez rien compris. Ils crèvent tous, comme les gens, c'est pas sain. Je l'ai orienté vers les vignes. Parce que c'est grâce aux vignes qu'on fabrique le vin et le vin, c'est une valeur sûre. Je lui ai même pas fait payer son rendez-vous spécial conseiller d'orientation. Parce qu'avec ce type-là, à partir de ce moment-là, tout a changé.

[Quelques jours plus tôt]
Un petit flash-back pour instaurer le suspens. Avouez que vous crevez d'envie de savoir ce qui a changé. Pas vrai ?

Je m'étais enfin décidé à répondre à la lettre de Kachi. Mais j'allais lui mentir. Du début à la fin. Parce que j'avais tout simplement pas la force. J'avais pas les épaules pour lui dire que j'aurais jamais l'occasion de peindre ma belle italienne où que ce soit. Je les avais pas non plus pour lui dire que je ne bercerai jamais d'enfant, que le berceau tendrement construit resterait vide. J'en avais marre de toute cette souffrance, de toutes ces crasses. Et puis je voulais pas qu'elle ait un poids de plus à porter. Je savais que je l'avais déçue, qu'Anso et elle avaient rompu. Et je savais plus lui parler. Je voulais pas mettre de mots sur mes maux pour leur donner une chance de disparaître. Ou au mieux, de n'affecter que moi. Elle l'avait eue sa belle histoire.

Citation:
Kachi,

Te bile pas. Tout va bien.

T'as tellement l'habitude de devoir me sauver la peau que t'as dû devenir parano. J'aime pas les bijoux, je les perds tout le temps quand je suis bourré. Et tu connais Alaynna, à part ses perles de murano, elle s'intéresse pas à grand chose. Donc non, je n'ai pas volé de collier. Encore moins près de la Normandie, puisque je suis à Marseille.

Je t'aime aussi. Même que tu me manques.

Niallan.


[Maintenant]

J'avais pas eu le cœur de briser ses espoirs déjà bien fragiles en l'amour. Mais avec ce sympathique Jean rencontré plus tôt, tout avait changé. Je m'étais rendu compte que j'étais plus tout seul. Que je pouvais pas risquer sa vie à lui. Que je devais le protéger de tout et avant tout de mes conneries. De ces types qui peuvent débouler en taverne d'un moment à l'autre, comme Jean l'a fait par erreur.
Et j'ai à nouveau écrit. J'ai crevé l'abcès pour laisser le poison couler.

Citation:
Kachi,

Je pense que mon premier coursier a déjà dû te trouver. Aussi, sache que je t'ai menti. Sur toute la ligne. Ou plutôt, sur toutes les lignes que je t'ai écrit.

Je vais pas bien, je suis pas à Marseille.
J'ai réfléchi à la manière de te dire ça mais j'ai pas trouvé un truc convenable. Alors voilà, Alaynna s'est barrée. Je sais pas pourquoi, je sais pas pour qui. Elle m'a rien dit. Je l'ai cherchée. Je les ai cherchés parce qu'aujourd'hui, s'il est toujours en vie, ce n'est plus à l'intérieur de son ventre. J'ai cherché longtemps. Et j'ai rien trouvé. Alors j'ai abandonné. Je suis désolé, je voulais vraiment pas foutre de grands coups de pompes dans tous tes beaux rêves. Si ça peut te consoler, c'était les miens aussi.

Ils étaient tout ce que j'avais. Alors tu vois, je me suis dit que puisque que j'avais plus rien, je pouvais faire tout ce que je voulais. Et depuis, c'est la merde, je cours après les emmerdes. Les bijoux, c'était moi. J'ai sauté une bourgeoise y'a pas longtemps, plutôt pas vilaine d'ailleurs. Et je me suis barré avec l'intégralité de son coffret à bijoux.
Je voulais pas t'en parler, je voulais pas que tu saches tout ça. Mais je me suis rendu compte que j'étais pas tout seul. Que quelqu'un comptait sur moi, que quelqu'un avait besoin de moi. Je laisserai pas tomber mon fils, je ne laisserai rien lui arriver. J'ai besoin de savoir tout ce que t'as pu retenir sur ces types. N'importe quoi. Leurs gueules, leur façon de parler, leur destination, les éventuelles signes pouvant les rattacher à qui ou quoi que ce soit. Il faut que je sache. Pour trouver une solution. Et régler tout ce merdier. Et je crois que j'ai besoin de toi sur ce coup-là.

J'espère que tu vas toujours à peu près bien.

Niallan.

P.S : Je suis en Bretagne. Une histoire de conversation morbide, tu me prendrais pour un fou.

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Bannière réalisée par les grands soins de JD Calyce.
Kachina
- Hum... Oui... Bien sûr que je le connais ! Il s'appelle Niallan !
- Mais oui ma Belle, c'est ça ! Il est où ?
- Ce salaud a engrossé ma soeur !
- M'étonnes pas ça ! On l'cherche pour le punir de tout ça. Il est où ?
- Combien la récompense ?
- Un paquet d'écus ma mignonne. Alors tu l'as vu où ? Parle bon sang !
- Dans un bouge où on vend de l'opium ! C'est bien celui-là, celui du portrait. Joli coup de fusain d'ailleurs ! Je sais où il dort. Non loin d'ici.
- Hein ? tu sais vraiment où il est ? Dis moi tout, mortecouille !
- Paye d'abord l'ami. Dis moi z'êtes plusieurs à sa recherche ?
- Trois ! Moi bien sûr, le Balâfré et l'Ecorcheur !
- Hum, jolie brochette ça dis moi !
- Tu peux le dire ma Jolie, et crois moi, elle le veut vivant, la patronne, mais on va jouer avec lui un moment avant de lui rendre. Le Balâfré aime les blonds. Et l'Ecorcheur est en mal de ces jours où il torturait pour la prévôté. Alors, tu craches le morceau Petite ?
- L'argent d'abord beau merle !

Une bourse pleine vient retomber devant la main de Kachi qui l'attire à elle et la glisse au fond de la sacoche de cuir. Un sourire aguicheur est offert au mercenaire qui - en mâle qui se respecte- bombe aussitôt le torse et entend déjà défiler en boucle sous son crâne les premières notes de " Accroche toi Jeannot, la nuit est à nous. Il a gobé tous ses mensonges, et un rire silencieux secoue Kachi au plus profond des tripes quand elle songe à Théa dont le ventre est des plus plats. Assise en face de lui dans cette auberge où elle a retrouvé enfin la trace du bougre, après des jours de recherche, la Louve se penche vers lui, pour murmurer avec un regard des plus prometteurs :

- Trop de monde ici. Si tu me suis jusqu'à la grange où j'ai laissé mon cheval, je te raconterai tout ce que je sais sur lui. Et j'ai planqué sous la paille, une gourde d'armagnac 10 ans d'âge. On file ?

La nuit n'a jamais parue si belle pour le gredin. Une Brune des plus girondes, de l'alcool , et enfin, après des jours à chercher en vain la proie convoitée, des renseignements sur le blond. Il parle beaucoup trop , tout au long du chemin qui les mène vers cette grange isolée à la sortie du village. La porte est poussée dans un grincement , et la lueur de la lanterne éclaire les planches mal jointes, les poutres et le foin, ainsi que la silhouette d'un étalon noir qui pousse un joyeux hennissement en voyant arriver sa maitresse.

- Ne t'approche pas de lui, il est des plus sauvages ! Tiens, tu veux bien accrocher la lanterne à la poutre ?

L'homme s'affaire aussitôt, ravi de sa bonne aubaine, imaginant déjà trousser la belle au terme de ses confidences sur la paille, récupérant sa bourse au final. Tout à ses pensées lubriques, il ne voit pas la Brune dévisser la gourde et faire glisser la pierre qui orne sa bague. Une poudre fine et blanche se déverse dans l'alcool. La cigüe se fond dans l'ambre d'or, sournoise et puissante.

Il se retourne, impatient et fébrile, déshabille déjà de son regard porçin la Brune à quelques pas de lui.

- Alors ? Racontes moi tout ? C'est quoi ton nom, belle Brune ?
- Tiens ! buvons déjà mon Tout Beau ! Goûte moi ça et dis moi ce que tu en penses !

Elle lui sourit.
Le regarde boire.
Laisse le silence s'installer.
Amandes fougères rivées à l'homme.
En attente...


Impassible, elle le regarde soudain vaciller, s'appuyer au rebord de cette charrette à foin pour se retenir . Le regard vert reste de marbre quand celui de l'homme se trouble et que sa bouche se tord sur une grimace de douleur. Le ton, lui... est déjà désespéré quand il lui lance :

- Garce ! Tu m'as empoisonné !

Elle le regarde s'affaisser, voit l'écume lui venir aux lèvres. Et la pointe de sa botte repousse sans pitié, le bras qu'il tend vers elle dans une dérisoire tentative de lui attraper la jambe.

- Kachina ! Mon nom.... C'est Kachina !
Et Niallan est mon Ami ! On n'touche pas à mes amis, beau merle !


Quelques instants plus tard, la nuit avale la cavalière qui talonne sa monture, laissant derrière elle, une grange en feu . La Faucheuse se régale ce soir d'une nouvelle proie.

Quelques jours plus tard... Niallan recevra une nouvelle missive :




Niallan,

La Bretagne ? Mais bon sang, j’en reviens de la Bretagne. J’y étais, il y a peu. Avant de filer vers l’Anjou. J’avais fait quelques bêtises à Laval. Niallan, tu sais bien, toi, que le seul ennemi c’est l’Ennui.

Et puisque tu parles de rêves, mes rêves les plus fous se sont fait la malle en Anjou. Par deux fois. Je crois ne jamais en être revenue. Mais j’survis. Alors t’as intérêt à rien lâcher. Laisse toi crever et je te jure que je déterre ta dépouille pour te dire en face tout le mal que je penserais de toi. Je ne vais pas noricir ce vélin en évoquant Alaynna, l’enfant… Je sais le vide que laisse l’autre, la souffrance d’être à nouveau un quand on a été deux.

J’ai envie de te dire rapplique. Bon sang, comme j’aimerais ça. Même si j'aurai envie de te coller une beigne en te revoyant, pour m'avoir abandonnée à Narbonne. Si je n'étais pas si orgueilleuse, je te demanderais de me rejoindre avec des armes, des renforts, et des onguents. Parce que ça chauffe ici, et que même si l’Anjou tient, on aurait bien besoin de tout ça ici. Les royalos puisent dans les coffres d’or de leur souveraine. Ici, nous n’avons que la niaque, l’insolence et l’envie.

J’ai envie de te dire « Viens » Mais de ce que j’ai compris, ta tête est mise à prix, chez les enfarinés du coin. Tu ne passerais pas. Celle qui veut ta peau, après l’avoir goutée de ce que j’en ai compris, semble avoir les poches cousues d’or. Tu lui ,aurais as volé un collier rare et précieux. Et j’espère que c’était pour me l’offrir à nos retrouvailles. Et que cette précieuse là était douée au lit. A vrai dire elle a un don aussi pour tracer le portrait. Elle a su reproduire à merveille ta belle gueule de charmeur blond.

Deux… Ils sont deux à tes trousses. Le troisième, le pauvre n'a pas aimé l'armagnac à la cigüe que je lui ai offert. Ses rêves à lui se sont envolés en fumée une nuit de décembre. Le pisteur ne savait pas qu'il était lui aussi traqué. Mais je n’ai pu retrouver les deux autres. Le Balâfré et l'Ecorcheur et de ce que j'en sais, ce ne sont pas des tendres.

On s'est ratés. Bon sang, je t'aurais embarqué avec moi , je crois. Tu serais plutôt mignon avec un bonnet rouge enfoncé sur le crâne.

J' t'aime. J'ai été blessée aux combats. Mais j'vais pas trop mal. Prends garde à toi.
J'veux un jour te revoir en vie.

Kachi

PS/ C'était un 5 décembre. Il a écrit : J'arrive ! Je t'aime ! Et puis, plus rien. Et puis le vide.
Je sais Niallan. Je sais. Tiens bon, foutre Dieu !

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(Merci à Jd Axelle pour la bannière)
Niallan
Depuis qu'elle est partie, j'ai le mal de vivre. Ne pas savoir pourquoi elle est partie, où ils sont, ça me tue. Je bois trop pour ne plus penser, baise trop pour l'oublier. J'y arrive pas. C'est comme si je tournais en rond dans une forêt lugubre qui ferait flipper le loup du Petit Chaperon Rouge, en me vautrant continuellement sur des racines. Il y a mon gamin, alors je camoufle les dégâts, j'arrive même à faire comme s'il y en avait pas. Mais je galère, si vous saviez comme je galère.

Ils me manquent. Lexi, Aphrodite, Vector, Diego, Léan, cet enfant déjà né que je ne connaîtrai jamais et celui qui est peut-être né. Ils sont tous morts, ou disparus. Chaque jour, je pense à eux et chaque jour je me prends autant de coups de batte mentaux dans la tronche. C'est ça le problème quand on s'emmerde, on pense trop. On pense à ce qu'on a pas, à ce qu'on aurait pu avoir et à ce qu'on aura jamais. Parfois, je pense aussi à ce que je pourrais avoir, je pense à Kachi, je serre le bonnet rouge fraîchement acheté d'une main et je commande une bouteille de whisky de l'autre. Si seulement...

Si seulement je pouvais tout avoir, y compris le cul de la crémière.
Elle en avait un de ces culs, elle aurait fait bander un cadavre !
Cinq gorgées pour Alaynna et son postérieur.
Si seulement c'était plus simple, s'ils étaient plus simples.
Pourquoi est-ce qu'il faut toujours que les gens que j'aime se détestent, hein ?
Et huit gorgées pour ces choix que je déteste faire, plus un verre généreusement offert par mes soins au tavernier qui me prête une oreille plus ou moins attentive.
Si seulement ils étaient encore là, tous ceux d'avant, même l'empoisonnante Fleur, même la tortionnaire Catherine, même le frangin cocufieur, même le taré qui voulait m'émasculer. Non, quand même pas pour le barjo.
Pourquoi les gens partent toujours ? Et pourquoi ils crèvent alors qu'ils sont en parfaite santé ? L'hypothétique connard qui crèche en haut aime bien les rebondissements, c'est ça ?
Dix gorgées pour ces lâcheurs qui se meurent, plus trois pour le blasphème.
Si seulement je pouvais avoir un peu moins fumé et moins bu au préalable.

[Niallan VS Le Balafré]

Je vous ai parlé des racines sur lesquelles je me vautrais ? Là c'est un tronc qui menace de me percuter de plein fouet. Au départ, je l'avais pas franchement remarqué, y'a toujours des types qui se la jouent mystérieux et qui se posent dans le fond de la taverne pour attirer des donzelles. Technique barbante et manquant de défi selon moi, mais passons. J'avais pas fait gaffe au spécimen à sale gueule. C'est quand j'ai vu ladite gueule que j'ai percuté.

Légèrement saoul, j'ai échappé la bouteille, celle-ci a roulé dans la taverne, je l'ai suivie. J'ai relevé les yeux et je l'ai vue, la cicatrice très moche qui pourrait produire des surnoms comme « le Balafré ». Il m'a regardé, je l'ai regardé. On s'est compris. J'ai hésité un laps de temps infiniment court avant de sacrifier le contenu de ma bouteille de whisky en l'éclatant sur le crâne du mercenaire. Il a gueulé, je me suis mis à courir. Vite, très vite. Mais pas assez vite puisqu'il m'a fait un plaquage digne des dieux du rugby, me brisant sûrement quelques côtes au passage. Par on ne sait quelle acrobatie, j'ai réussi à m'écarter un peu, lui ai balancé un coup de pompe en pleine tronche et ai gueulé :

Va te faire fourrer par un phacochère, face de zèbre !

Ce qui est sûr c'est que ça ne lui a pas plu parce qu'ensuite, quand il a réussi à me rattraper après une seconde course folle, il m'a collé un gnon digne des plus grands boxeurs de tous les temps. Je me suis cogné contre un arbre et l'ai regardé, légèrement sonné, sortir un trop long coutelas. Là, j'ai compris que j'étais gravement dans la merde et complètement bourré quand j'ai dit :

Si j'ai parlé du zèbre, c'était pour les cicatrices.

En peu de temps je me suis retrouvé avec une lame sous la gorge et les narines frémissantes du Balafré bien trop près de mon visage.
T'as d'la chance qu'on doive te garder en vie.
Il va te ramener à la donzelle, mauvais plan. Mourir c'est pire mais mort tu seras si tu y vas. Trouve un truc.
C'est toi qui as de la chance, je vais pouvoir t'empêcher de crever.
Qu'est-ce que tu me racontes ?!
Ton...je me concentre sur l'odeur de son haleine...cognac, tu l'as aimé ?
Qu'est-ce que ça peut t'foutre ?
Ton ami a beaucoup apprécié les ajouts de mon amie, si tu vois ce que je veux dire. Et je vois que les miens commencent à faire effet.
J'vais t'en foutre une si tu t'arrêtes pas de causer !
Depuis que t'es sorti de la taverne, t'as pas comme des bouffées de chaleur ? La tête qui tourne ? Le cœur qui bat trop vite ? Tu sens pas comme des lancées, dans ton crâne ? T'as du mal à respirer, non ? Sûrement que t'as déjà envie de vomir. Ça devrait plus mettre bien longtemps...Heureusement que, comme tout bon empoisonneur, je possède toujours l'antidote sur moi.

Je lui ai décrit les symptômes d'une course folle ajoutée à plusieurs cognac, un coup de bouteille et un coup de pompe. Il m'a cru, j'ai sorti un reste de liqueur dégueulasse d'une fiole dans ma besace et l'ai posée sur l'herbe, après m'être éloigné des vingt pas réglementaires. Ensuite, j'ai tracé comme jamais et enfin, j'ai écrit, à l'Amie.

Citation:
Kachi,

Il faut que je te dise : tu es plus douée pour sauver ma peau que je ne le suis. Il me manque sûrement les courbes promptes à ôter toute envie de meurtre au mercenaire le plus chevronné, un peu de ciguë et l'armagnac qui va avec. Putain ce que j'ai envie d'armagnac ! Bouge pas, je reviens.


Je suis allé me chercher une bouteille d'armagnac en faisant bien gaffe à qui je croisais et me suis remis à ma rédaction, bien à l'abri dans une chambre d'auberge reculée prise au nom de Jean-François.

Citation:
Je sais bien que tu auras pas attendu, ou du moins que cette lettre n'avait pas besoin de la mention précédente mais j'ai besoin de faire comme si je te causais. Si tu savais comme tu me manques, toi et tes défis, toi et ta répartie, toi qui rendais mes midis, mes après-midi et mes nuits tout sauf moisis. Et on va se revoir. Bientôt. J'ai toujours le collier et je me ferai un plaisir de le passer autour de ton cou. J'aimerai te promettre que le mien ne sera jamais prisonnier d'une corde pendante ou saigné mais il se trouve que j'ai rencontré le Balafré. Je l'ai pas tué, il m'a pas tué. Mais ça m'étonnerait qu'il soit du genre à en rester là. Ça colle, sa patronne est du genre pleine de ressources au pieu. Bref, je m'égare. Je suis doué pour m'attirer des emmerdes, pour les fuir mais pas pour les résoudre. Sauf que là, je peux pas fuir. T'as une idée ? Si ton brun te vide de ton énergie intellectuelle, je comprendrais fort bien et t'assure que je ne serai pas mort avant qu'on se soit revus, au moins.

Et toi, ça va ? Cette bande, elle te rend heureuse ?

Je t'embrasse et lève mon dernier verre de la soirée à ta santé.

Je t'aime,

Niallan.

P.S : C'est toujours la mode des bonnets rouges ?

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Kachina
Un drapeau rose flotte au vent sous le ciel de Bretagne. Il fait couler de l'encre, délie des langues des commères - si tant est qu'elles ont besoin d'être déliées - en amuse ou étonne certains de par son étrange couleur, impropre aux humeurs guerrières.

En résumé, il dérange. Et comble de tout. Il est rose. La faute à un malencontreux lancer de dé. Parfois même les héros ne contrôlent pas tout. Pourquoi après tout les drapeaux devraient-ils toujours évoquer le sombre ou le sang ?
Celui-ci aura l'insolence d'une pointe de langue rose qu'on tire effrontément aux caprices du destin.

Il flotte... ce gonfalon là, chahuté par un vent marin qui l'imprègne d'odeurs d'embruns. Elle y jette de temps en temps de furtifs regards, comme pour s'assurer qu'il est toujours là. Assise sur une pierre qui borde le port, bercée par le roulis des vagues qui viennent cogner contre la coque des bateaux arrimés là, elle joue aux dés avec un mioche qui trainait dans le coin. Le bougre triche comme un effronté avec ce petit sourire chafouin aux babines qui amuse la Brune.
Non loin d'eux, deux oiseaux se disputent un poisson qu'ils déchiquètent à coups de becs impatients.


- Double 6, dame Kachi ! Vous m'devez 10 deniers !

Elle relance les dés, offrant au gosse une mine faussement dépitée. A quelques pas, un homme fait craquer la passerelle d'un bateau sous le poids de sa masse imposante. Elle le regarde approcher, sur le qui-vive déjà. Il ressemble à un des mercenaires à la recherche de Niallan. Le regard vert s'assombrit, avant de s'adoucir quand le marin passe son chemin sans faire plus que ça attention à cette femme portant braies de daim et cuissardes sombres, affrontant un gamin aux dés.

Mais déjà, les pensées de Kachi s'évadent vers un Blond qu'elle imagine coiffé d'un bonnet rouge.
Un coup de vent plus violent vient délivrer quelques mèches de la longue tresse de jais. Elle ne s'en préoccupe pas, bien trop occupée à empêcher la dernière missive du Blond - celle qu'elle relisait avant l'arrivée de son partenaire de jeu - de s'envoler vers les flots. Et elle revoit Niallan, dans cette auberge à leur dernière rencontre... allumant sa pipe, se perdant dans les volutes de fumée , tout en donnant le change.
Rieur en apparence.
Mais Niallan et elle se connaissent depuis si longtemps que ce regard presqu 'hanté qu'il offrait au monde ne lui a pas échappé. Elle sait que s'y cache une belle italienne à l'accent chantant et aux courbes douces. Et que si le Blond brule ses nuits pour se sentir encore exister, il a, chevillé à l'âme, le manque d'Alaynna.

Il en est de certains maux que l'amitié ne peut guérir.
Elle le sait.


Elle revoit un instant la joyeuse troupe de Saumur, croit réentendre encore cette ritournelle qu'ils claironnaient à tue-tête dans les ruelles angevines. Le ventre creux, mais le coeur plein d'insolence et de rires. Prêts à défier les roys, les dieux et le diable en prime.
Sûrs qu'ils étaient que cette complicité là entre eux durerait toujours. Et puis, si le Roy avait trépassé, ces mêmes dieux ou ce foutu diable par contre, s'étaient chargés de leur apprendre les bonnes manières.

Elle n'était alors au plus profond d'elle qu'une coquille vide ballotée par les vents maudits. Elle donnait le change, vaille que vaille, se réchauffait à un voleur de miel pour oublier des matins bonheurs.
Anjou avait repoussé Lys ce printemps là.
Mais au final, Marseille n'avait pas vu les retrouvailles tant espérées.


- J'vends des tabliers dame, ça vous tente pas ?

Une vieille bonne femme ridée, étale sous ses yeux ses marchandises. La Brune secoue la tête, repousse d'un regard agacé l'intruse qui la tire de ses souvenirs.

- Non. Merci. Je n'vais pas beaucoup cuisiner ou travailler dans les champs, les jours à venir !

L'autre s'en retourne, marmonnant à son intention ce qui ressemble à une injure bretonne. Kachi la regarde s'éloigner, indifférente.
Elle sait que cet accent du sud, la gardera toujours étrangère sur ces terres de légendes.
Elle s'en fout.
Peu importe, on est de la terre où l'on est heureux.
Et elle a bien l'intention d'être heureuse ici.


Le gosse s'éloigne déjà, avec en poche quelques deniers. Elle le suit du regard un instant, frissonne sous une nouvelle bourrasque.

Elle change de place, se cale à l'abri d'un muret de pierres empilées, pour répondre au Blond. Au loin une femme chante une chanson à un enfant.
Bordel, chienne de vie, Niallan devrait être père à nouveau aujourd'hui.




Niallan,

Oublie le bonnet. Le rouge n'est plus de mise à l'heure actuelle.
Disons que je vois la vie en rose comme dirait ma soeur Théa. A propos de fratrie, j'ai découvert que j'avais un frère. Mais si tu veux savoir l'histoire, t'as qu'à rappliquer. Enfin autant te prévenir , que si tu provoques une bagarre dans un bouge un de ces soirs, assure toi de ne pas cogner sur un nommé Odren. C'est le nom qu'on lui donne. Moi je l'appelle Duart.

Oublie le bonnet.
N'oublie rien du passé, il fait de nous ce que nous sommes.
Apprivoise le, Niallan pour en garder le meilleur.

Je ne vais rien te raconter de moi. Je t'attends.

Rejoins moi là, où on s'était juré un jour d'aller après que le vieux Gédéon nous ait conté une histoire de cette contrée là.
Tu te souviens ?
J'y serai.

Et dérobe à une greluche à qui tu auras fait du charme, un morceau de tissu rose pour porter à ton joli cou que nul ne pendra ou égorgera.

Si on retrouvait foi en la Vie, Niallan ?
C'est joli le rose non ?

Je ne sais plus rien de ces hommes à tes trousses. Mais m'étonnerait qu'ils osent s'en prendre à toi si tu nous accompagnes.
Et puis au lieu de cogner des beignes aux premiers venus, tu retrouveras le plaisir de manier ta lame, ça te changera.

J't'aime aussi. Tu me manques.
Même si j'ai encore parfois l'envie de te coller des baffes pour Narbonne.

J'oublie les baffes si tu m'apportes un cadeau.

Bon sang... Niallan, prends la route..
Je t'attends.

Kachi


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(Merci à Jd Axelle pour la bannière)
Niallan
[Si tu pouvais lire dans mon esprit, (mon amour)
Mes pensées te raconteraient tout un conte
Comme une de ces nouvelles dans les journaux
Le genre qu'on vend dans les drogueries
Et quand tu en es au passage où le chagrin arrive
[...]
Je n'aurais jamais cru que j'éprouverais ça un jour
Et je dois dire que je ne comprends pas comment c'est arrivé
J'ignore où on s'est trompés
Mais les sentiments se sont envolés et je ne peux les rattraper*]


Au risque de vous décevoir, cette fois il n'y aura pas de course poursuite précédant la rédaction. Pas même l'ombre d'un marchandage sur fond d'empoisonnement. Je pourrais vous décrire en long et en large mon combat avec une mouche tournant un peu trop près d'un berceau mais je vais me contenter de vous dire que j'ai triomphé et laissé un cadavre minuscule écrasé contre un mur. Passé cet épique moment, je me suis assis au bureau et j'ai commencé à écrire :

Citation:
Kachi,


Je me suis arrêté là, c'était lundi. Ça fait des mois que je remets la rédaction de cette lettre à plus tard parce que les mots que je compte y écrire me foutent en vrac. Ça va pas lui plaire, pas du tout. J'ai pas été là pour elle, je l'ai pas rejoint, j'ai même revendu le bonnet dans le seul but de m'acheter de quoi fumer.
Le mardi, j'ai continué.

Citation:
Il faut qu'on parle.


Et je suis pas allé plus loin ce jour-là. Il paraît que Dieu a fait le monde en sept jours, je peux bien en prendre autant pour écrire une lettre. Je vous vois venir, il avait plus de taff que moi. Ouais, ouais. Mais lui il est perché tranquillou sur un nuage depuis, moi c'est loin d'être ma première lettre choc, ni la dernière.

Citation:
Je fume jusqu'à être suffisamment enfumé pour oublier que je suis un fumier qui mériterait d'être fumé.
Ça commence fort, pas vrai ? Je m'en veux, si tu savais comme je m'en veux. J'aurais dû être là pour toi, t'apporter le collier sur ces terres de légendes où nous aurions écrit la notre sur fond de rose. Inutile de préciser que je l'ai pas fait. J'ai appris pour le naufrage, j'ai su que t'allais bien, sur une plage. Je me suis contenté de ça. Je savais pas quoi te dire, ni quoi faire. Je suis un ami moisi, sisi. C'est pas une paire de baffes que je mérite, tu devrais carrément aider nos potes les mercenaires pour que jamais plus je ne fête mon anniversaire.
En ce moment, j'ai un millier de raisons différentes pour être désolé et t'en détiens plus d'une centaine à toi toute seule. Je te demande pardon, j'ai fait le con.


Ça c'était mercredi. Jeudi, j'ai poursuivi.

Citation:
Je chercherai pas d'excuse pour t'avoir plantée, je vais juste essayer de t'expliquer ce qui s'est passé. Je te préviens, tu vas crier et avoir encore plus envie de me tarter. Un conseil : prend de quoi boire ou fumer et demande un massage à ton breton avant de poursuivre ta lecture. Évite aussi les objets facilement projetables dans les parages, surtout les vases très chers. Ça y est, t'es prête ?


Moi je l'étais pas. J'ai arrêté d'écrire après cette question, j'ai repris vendredi et seulement après avoir appliqué mes propres conseils, le breton ayant été remplacé par une muse normande.

Citation:
La ritale est revenue. Elle s'était enfuie après ma dernière connerie marseillaise, pensant qu'elle allait mourir comme sa mère et ne voulant pas m'infliger ça. Elle a mis au monde notre merveille, Anna-Gabriella sur un bateau, entourée de marins. Aujourd'hui, elle a sept mois, j'ai raté les trois premiers et suis en train d'en rater d'autres. C'est là que ça se corse, là que tu commences à te demander ce que j'ai bien pu foirer. Je vais t'éviter de parcourir la lettre en diagonale pour savoir tout de suite: je suis tombé amoureux d'une autre. Ouais, je sais, c'est moche.

Je te jure que j'ai vraiment essayé de résister, de pas l'aimer. Surtout que c'est la nana d'un autre que je crois que tu connais, Jurgen. Balance pas ce vase, ça coûte cher. Elle, c'est Neijin. C'est ma Potesse, ça fait un moment qu'on se connaissait. On s'est aidés, à coup de soirées alcoolisées. Le germain n'était pas présent, la ritale absente. Je savais pas qu'elle reviendrait, je pensais qu'elle était morte. Alors quand Neijin m'a dit qu'elle m'aimait, j'ai tout envoyé valser. Le lendemain, Alaynna m'écrivait, elle revenait. J'aurais dû faire quoi, hein ? Me cogner la tête contre un mur jusqu'à oublier Neij' ? Peut-être. Courir rejoindre Alaynna et Anna ? Sûrement.
Mais j'ai rien fait de tout ça.

J'étais incapable de choisir. C'est comme si j'avais deux vies qui avançaient l'une vers l'autre et qui allaient bientôt entrer en collision sans que je puisse faire quoi que ce soit. J'ai épousé l'italienne pas longtemps après qu'elle soit arrivée pour que notre petite princesse n'écope pas de la même bâtardise que son père. Ça a marché, un temps. Très court le temps. Un temps où je les avais toutes les deux sans avoir à choisir. J'ai bien vu que ça ne convenait ni à l'une ni à l'autre, alors j'ai essayé de faire en sorte qu'Alaynna me déteste pour qu'elle puisse en aimer un autre. Ça a presque marché sauf que je l'ai brisée, je lui ai fait plus de mal que je n'aurais pu l'imaginer.
Pour finir, j'ai laissé Neijin et son fils à Limoges pour suivre le reste du groupe, avec la ritale. Puis je me suis rendu compte que je pouvais pas, qu'ils me manquaient trop. J'ai quitté la ritale, j'ai laissé ma môme, j'ai fait demi-tour. Je suis devenu son enfoiré de mari et pas le salaud qu'elle aimait tant.


Mettre tout ça par écrit et imaginer la déception de Kachi a tué ma motivation de la journée. J'ai attendu le lendemain -samedi, si vous avez bien suivi- pour reprendre ma rédaction.

Citation:
Je sais qu'à tes yeux, comme pour beaucoup, je suis le type qui a abandonné sa femme et sa fille pour rejoindre la femme et l'enfant d'un autre. Mais eh, t'aurais fait quoi toi ? Si Fez était revenu, est-ce que tu pourrais me dire avec certitude lequel des deux tu aurais choisi ? Est-ce que t'aurais seulement pu choisir et rayer définitivement l'un d'eux de ta vie ? Est-ce que t'aurais pu jarter Merven pour Fez, reprendre là où vous vous étiez arrêtés ?
Moi j'ai pas pu. Et aujourd'hui, dans la contrée des escargots, alors qu'elle est en train de s'occuper de son fils, je pleure le manque de ma fille. Je regrette ce temps où tout était si simple, où les seuls choix à faire étaient vitaux dans le cadre du saute-armées. Ce temps où j'étais auprès de toi, celui où j'étais ton poète.

Voilà, je crois que c'est tout.

Ah non, j'oubliais, Diego est de retour. Et sa sœur veut me tuer.

J'espère que tu me répondras. Si tu le fais pas, je me raccrocherai à l'idée que t'es heureuse quelque part, quels que soient les bras qui t'entourent et la couleur du drapeau qui flotte au-dessus de ta tête.

Je t'embrasse,

Je t'aime,

Niallan.


Dimanche, suivant l'exemple de notre seigneur, j'ai rien glandé.
Et lundi, soit une semaine après le début de ma rédaction, j'ai enfin envoyé la lettre.


*Traduction paroles Johnny cash – If you could read my mind

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Kachina


La missive l'avait trouvée assise sur un rocher. Avec la mer en ligne d'horizon. Le museau au vent, et le soleil du sud brulant ses épaules que le corsage laissait nues. Jupons quelque peu retroussés dévoilant ses chevilles et ses jambes.
Il faisait si beau à Marseille. Telle une chatte gourmande, elle dévorait tout ce qui s'offrait à elle. Les amis retrouvés, les nouvelles rencontres, les soirs de doute, et la chaleur d'un corps d'homme à nouveau contre sa hanche pour une nuit millésimée des plus sages. Elle prenait tout, s’en nourrissait, affamée de liberté, tel l’animal sauvage à qui on a ouvert sa cage.
Mais au final, c'est elle-même qu'elle ré apprivoisait. Elle se réapprenait. A la fois succube et Phoenix. Elle redevenait elle.


Une vague plus hardie que les autres vint lécher ses orteils et elle recula ses jambes d’un mouvement brusque. Pas encore prête à ça. Le naufrage avait laissé à cette intrépide qui se vantait souvent de ne plus rien craindre, cette peur de l’eau qu’elle tentait de vaincre sans grand succès. La mer qu’elle avait toujours adorée, lui semblait à présent hostile et sournoise. Sombre et bien trop cruelle. Elle l’aimait et la détestait à la fois.


- Niallan !!


Elle avait lâché le prénom de l’ami, dans un soupir. Parcouru encore de son regard vert ces mots si semblables aux autres. Elle fut tentée de railler : Tiens, une nouvelle ? Une belle de mai ? Une de plus, une encore… Avant de se souvenir qu’elle avait de son côté, étreint bien d’autres corps. Qu’elle avait - elle aussi - quitté, été quittée. Et salement déconné parfois.
Ainsi va la vie.


Niallan avait toujours plu aux filles. Il était ce genre d’homme qui - d’un seul sourire ou d’un compliment bien placé - faisait soupirer d’envie les donzelles. Leur jeunesse en commun était truffée d’histoires du genre. Il promettait la lune à la fille du rémouleur, invitait celle du boulanger au bal de la saint Jean, et oubliait lamentablement le rendez-vous donné à la cadette du charpentier qui l’attendait sous le pont à la rivière des heures durant.

Elle songea un instant à balancer le pli à la flotte. Qu’il aille au diable avec ses histoires d’amour à 10 sous. Qu’il fornique à tout va, qu’il baise, qu’il lutine, qu’il se vide dans tous les ventres féminins à sa portée. Et qu’il lui fiche la paix une bonne fois. Qu’il ne rapplique pas de grâce avec son cortège de cuisses chaudes, et de frustrées. Qu’il ressorte ses ex de la malle, mais loin d’elle.

- Bordel !!!


Pourquoi là, maintenant repointait-il sa gueule d'ange déchu ? Alors qu’elle avait lu la veille dans le regard de l’Italienne qu’il est des amours dont on ne revient pas. Il n’était après tout qu’un sale gosse trop gâté par la vie, qui aurait eu besoin d’une bonne correction. Ou qui aurait eu besoin qu’une femme lui apprenne le manque, et l’envie jamais rassasiée.
Que le chasseur, range ses pièges et qu’il oublie que la femme est une proie.

Elle le détestait.


Mais une chanson raillant un Roy triste, l’éclat d’un regard rieur s’invitèrent sous le front parsemé de boucles sombres avec une farandole de souvenirs en prime… Niallan pêchant les grenouilles, braies retroussées, appliqué et joueur. Niallan lui apprenant à faire des ricochets, s’interposant quand ce crétin de Martin l’avait malmenée en lui tirant la natte, s’accusant à sa place pour cette part de tarte chipée à la vieille Amandine…

Il était son enfance. Tout comme Duart.

Elle puisa dans sa sacoche de cuir de quoi écrire. La planchette sur ses genoux repliés, elle gribouilla une réponse, mèches au vent.




Niallan,

"Il faut qu’on parle", veut dire en gros sous ta plume, il faut que tu lises mes dernières frasques. Quant à savoir que tu es le dernier des fumiers avec les filles, je crois que ça, c’était depuis longtemps acquis. Tu prends, tu consommes et tu jettes. Tu reprends quand ça t’arrange et tu remets aux oubliettes. T’es vraiment un sale connard parfois.

Mais j’t’aime.
Sauf que je dois être une des seules en ces royaumes, qui ne rêve pas que tu retrousses mes jupons, et que tu m’apprennes les 1000 et une façons d’envoyer une greluche au 7ème ciel.
J’t’aime parce que t’as chassé ce clébard qui m’aurait arraché un morceau de cuisse quand on maraudait les noix dans le pré du vieux Gaspard. Parce que tu me laissais gagner aux osselets et que tu grimpais aux arbres pour m’offrir les plus belles cerises.
Et parce que t’es blond, blond et con à la fois.

Que répondre à ta lettre ?
J’ai jamais été trop bijou, et le seul que j’aimais vraiment porter à mon cou, je viens - comme une imbécile - de le vendre à un orfèvre sur un coup de sang. Alors ton collier, offre le à une nouvelle conquête, ça te fera un coup gratuit.
Le naufrage ? Bien sûr que j’aurais aimé te voir rappliquer. Mais mon frère est aussitôt venu, de même que Théa. Et Bibi. Perrette. J’étais soutenue, entourée. Et puis franchement, te voir te radiner avec ta suite de filles en détresse, c’est pas ce que je souhaitais de mieux.
Quant à boire ou fumer, j’ai ce qu’il faut merci. Et j’essaie pas d’arrêter si ça te préoccupes.
Mon breton ? Il n’est plus mien. Je crois qu’il n’a pas supporté cette cuisante défaite que fut le naufrage. Et il s’est fait oublier.
Pour les massages, je crois avoir oublié toute sensation des mains d’un homme sur ma peau. Si longtemps à présent que je dors seule. Rassure toi, je ne songe pas encore à me faire nonne hein.
Mais bref, j’ai supporté toute seule ta lettre jusqu’au bout. Avec les mouettes pour seule compagnie.
Tu vois, j’suis grande.

Je sais pour Anna-Gabriella. Al est arrivée avec Gab hier. Ta fille est belle. Elle a déjà en elle, tout le charme de sa maman. Je l’ai tenue dans mes bras et sa petite frimousse me parlait de toi.

Nial, j’vais pas te faire la morale. On sait toi et moi qu’on est doués pour les conneries du genre. J’ai fait souffrir moi aussi. Parfois j’y pense quand la nuit est trop noire. Mais que le Diable m’emporte, j’pouvais pas faire autrement.

Jurgen je le connais vaguement. Trop vaguement pour qu’il me coute un vase.
Et puis j'ai rien de ce genre sous la main. Je t’écris au bord de l’eau. Si tu voyais comme Marseille est belle sous le soleil.

Parce que oui, j’ai quitté Breizh.
Trop de titres à la mord moi le nœud, et pas assez de couilles. Brocéliande a jeté une malédiction sur ces terres de légende. Breizh est sage et elle dort. Quelques-uns essaient de la réveiller. Et souvent je me sens morveuse de les avoir abandonnés.

Pour revoir Fez…
Oui, ce bougre est revenu. Avec ses missives incendiaires sous fond d’amitié. Ces mots qui embrasent ma peau et mon coeur à la première ou dernière ligne.

Et ce fut facile. J’étais seule, j’ai pas eu de choix draconien comme toi. Alors, j’ai sellé Fantoche dès que mon épaule a été remise. J’ai chevauché droit au sud, là où il m’avait dit qu’il allait. Ma sœur m’a engueulée, elle m’a dit que chez nous , on ne court pas après les hommes, ce sont eux qui nous pistent. J’ai dit que j’allais me baigner aux calanques. Pas sûre qu’elle m’ait crue ma Théa.

Et tu sais quoi ? J’ai semé en chemin tous ceux qui trainaient, je n’ai pour une fois plus pensé qu’à moi. Et j’ai aimé ça. J’ai risqué une armée, j’en ai sauté d’autres .Et je suis arrivée la bouche en cœur, pensant que d’un claquement de doigts ou de langue, il tomberait à nouveau en pâmoison devant mon charme légendaire.

Et ça ne s’est pas passé comme ça.
Parce que tout a changé.
Lui, moi... Nous.
Parce que je ne savais plus tricher au début, plus jouer. Trop fragile la Louve, trop à fleur de peau, maladroite, imbécile. Si tu m’avais vue une vraie idiote. Je l’avais cru mort, tu comprends ? Alors j'ai morflé au début. Un peu... Beaucoup je crois.

J’apprends aujourd’hui à laisser venir les choses. L’incendie reprendra ou pas. J’suis un peu paumée je crois. Mais j’ai retrouvé mes calanques, et les rires amis, les soirées d’irraison.
Je vis. A retrouver la niaque, à avoir faim de tout.
Et me revient souvent aux tripes, cet épisode angevin où nous défions les soldats du lys à coups de ritournelles de ta composition, le ventre vide mais le cœur gonflé à bloc d’insolence et de défis.
Mais je retrouve un peu de ça, ici à Marseille. Partout ça rime, ça boit, ça chante, ça s’engueule et ça vit. Les royalos en moins. J'avoue ça pimente moins, mais qu'est ce que c'est bon...

Diego… Je l’ai croisé. Du temps de Belley. On avait parlé un peu. Je l’avais trouvé beau derrière sa façade de mâle conquérant qu’il voulait bien se donner. Il est bien plus que ça je pense. Salue le pour moi. Sa sœur je ne la connais pas, c’est qui cette tigresse ? Rassure-moi, je ne dois pas encore utiliser mes poisons ? Tu vas peut-être devoir sauver ta carcasse tout seul, cette fois.

Et j’ai rencontré Daeneryss. Je crois qu’elle et moi, on s’est reconnues d’un battement de cils. Cette fille est belle. On a fait route ensembles pour aller chercher une amie qui rentrait à Marseille, pour lui éviter les pièges des ruines d’Avignon.

Voilà Niallan. On va dire que tu fais au mieux. Que tu ne vis que de brasiers, qui t’enflamment sans que tu les voies venir. J’espère par contre qu’un jour, une Belle te rendra la pareille, que t’en baves un peu et que tu paies le prix. Et je t’offrirai mon épaule quand tu chialeras comme un mioche perdu. Et je te dirai que tu l’as pas volé.

J’vais bien.

Je t’embrasse.
Et j’t’aime aussi.

Kachi

PS/Je n’ai plus aucun drapeau au-dessus de ma tête, mis à part le ciel de Provence. Et c’est plutôt reposant pour le coup.

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(Merci à Jd Axelle pour la bannière)
Niallan
[There's an old voice in my head that's holding me back
Il y a une voix ancienne dans ma tête qui me retient
Well tell her that I miss our little talks
Eh bien dis-lui que nos petites discussions me manquent
Soon it will all be over, buried with our past
Bientôt, tout sera terminé et enterré avec notre passé
You used to play outside when you were young
Quand nous étions jeunes, tu jouais dehors
Full of life and full of love
Pleine de vie et remplie d’amour*]



J'y repense parfois, à l'avant. Quand on était enfants. C'était tellement plus simple. On était amis, toujours ensemble contre tous. On se marrait souvent et on s'engueulait rarement. Je lui faisais la courte échelle pour qu'elle grimpe à l'arbre et elle tapait sur mes doigts avant que j'ai pu manger une baie empoisonnée. Y'a que quand je lui ai confié que je le l'aimais avec toute ma maladresse de prépubère que ça a commencé à foirer et que je me suis barré. On s'est retrouvés des années après, reperdus puis reretrouvés. Et ainsi de suite. Aujourd'hui, je ne sais même pas si elle est en vie. Mais je le saurai si elle était morte, pas vrai ? Le sol se serait mis à trembler et les oiseaux auraient arrêté de chanter. Au moins.

Elle me manque, tu sais.
Qui ça ?
Kachi.
Mmh...

Devant le faible répondant du rital dû à la fumette, je poursuis tout en effeuillant méticuleusement une marguerite à ses côtés. Parfois, j'ai presque envie que ces types reviennent me foutre une raclée pour que ça nous donne une raison de nous retrouver.
Tu crois pas que tu t'aies déjà fait suffisamment défigurer par l'armée ?

Je grimace et passe une main sur ma mâchoire encore douloureuse. T'as raison, je vais lui écrire plutôt.
Comme tu veux mais file-moi la pipe avant, j'sens que t'en as pour un moment...**


Après avoir cédé à sa demande, je m'éloigne de quelques pas pour rejoindre un rocher plat et sors de ma besace mon nécessaire à écrire. Je prends une grande inspiration, fais craquer mes phalanges et c'est parti (mon kiki).

Citation:
Kachi,

Histoire d'en être débarrassé jusqu'à la fin de cette lettre, je vais commencer par te présenter mes excuses. Je suis une buse, j'abuse.
Je suis désolé d'être parti sans te dire au-revoir.
Je suis désolé de ne pas avoir écrit cet article que je t'avais promis.
Je suis désolé de ne pas t'avoir donné de nouvelles plus tôt.
Je suis désolé d'être un courant d'air qui, au lieu de te filer un rhume te file la migraine.
Je suis désolé d'avoir préféré la cogne de la Bourgogne à la pétanque dans les calanques.
Je suis désolé si je t'ai manqué -en tous cas, toi, tu m'as manqué-.
Ça, c'est fait. Bien sûr, si tu as d'autres griefs qui nécessiteraient des demandes de pardon, n'hésite pas à m'en faire part et je pallierai à cet oubli dans une prochaine correspondance. J'accepte aussi les baffes et autres manifestations de colère mais dans un futur assez lointain pour que je sois rétabli. Contrairement à toi, je me démerde comme un manche au saute-armées, je suis plus doué pour le saute-moutons. Tu te souviens quand on y jouait ? Moi oui. Et je maintiens qu'on ressemblait à tout sauf des moutons.

Avant de te faire un pavé indigeste sur mes aventures, j'ai des questions pour toi. Celle qui me semble primordiale est : comment tu vas ? Dans son sillage vient : es-tu heureuse ? Juste après : où es-tu ? Toujours à Marseille, à réapprivoiser la mer et à faire des galipettes dans le sable ? Question subsidiaire : avec qui les fais-tu ? Le pas si mort que ça qui t'embrase tant par ses mots que par ses gestes est-il toujours de la partie ? Est-ce que t'as encore dû lui courir après, défiant les us de chez vous ? Dans un souci de détail, j'ai : la mouette déchaînée déchaîne toujours autant les passions ? Et aussi : votre jeu d'assassin est-il terminé ? T'as pu repartir sur une autre manche ? Enfin, dans l'espoir d'une coïncidence heureuse : quels sont tes plans du moment ?


Je chatouille pensivement mon menton de la plume et étire un sourire en pensant à ce que ça pourrait donner si elle les rencontrait. Je suis sûr qu'ils s'aimeraient et qu'on serait plongés dans la félicité pour l'éternité. Sur cette pensée positive, je me remets à écrire :

Citation:
Je m'en vais répondre à mes propres questions dans un souci d'équité. Je vais bien ou du moins aussi bien que je peux après avoir été laissé pour mort par une armée bourguignonne. Une engeance de raclures de mainois, si tu veux mon avis. Je suis heureux, sincèrement. Y'a parfois des bas qui se rapprochent de gouffres mais les hauts touchent les étoiles et sont plus fréquents alors la moyenne est plus que satisfaisante. Quant à mes galipettes, elles se font exclusivement avec la femme dont je te parlais dans mon courrier précédent.

Neijin. Elle mérité bien un paragraphe entier. Je sais que t'y crois pas et au vu du nombre affolant de femmes que tu as vu défiler dans ma vie, je peux pas t'en vouloir. Je suis fou d'elle, tu sais. Enfin, non, tu savais pas mais maintenant tu sais. Tellement amoureux que je tiens ma queue. Je te jure. Pas une incartade, pas une. Sauf pour l'enterrement de vie de garçon de Diego mais ça compte pas parce que c'était au début et j'étais défoncé.Pour elle, je veux être un type bien parce que je ne veux ni ne peux la perdre. Je serai même prêt à me raser la barbe pour ses beaux yeux mais ne lui répète surtout pas parce que j'ai pas envie que mes joues ressemblent à un cul de bébé. En parlant de bébé... Non, je déconne. Ahah. T'en fais pas, t'es pas encore tata.
Par contre, on va se marier. Je lui ai demandé sa main et figure-toi qu'elle a accepté. La cérémonie devrait se faire cet hiver. J'aimerai que tu sois là, j'aimerai vraiment. Tu sais ce qu'on dit : « jamais deux sans trois ». J'ai atteint mon quota, c'est la bonne celle-là.

Et donc -conjonctions de coordination choisies au hasard- nous sommes actuellement bloqués en Bourgogne, plus précisément à Chalon. C'est une longue histoire que je ne vais pas t'expliquer ici.


Quoique... Je me tourne vers Diego, lui balance un petit caillou pour le réveiller et l'interroge en ces termes :
Eh, tu crois que je peux faire ma balance pour Alaynna et son plan foireux ?
C'est même plutôt conseillé.
Qu'il me répond.
Alors allons-y.

Citation:
En fait, si, je vais te raconter. Pour te la faire courte -ou presque-, Alaynna a été enlevée par Gabriel. Oui, notre Gabriel. Je les ai cherchées elle et Anna pendant un mois entier, j'en dormais plus. Elle a fini par écrire à Diego, c'était un appel à l'aide. Elle lui disait qu'elle était séquestrée dans un manoir, qu'il surveillait ses correspondances et qu'il voulait l'épouser de force. Évidemment, nous, c'est à dire toute notre joyeuse bande de potes -au nombre de quinze, presque une armée!-, avons pris les premiers canassons venus pour la rejoindre. Arrivés là-bas, surprise ! C'était pas une mission sauvetage. Alaynna nous annonçait être parfaitement heureuse et amoureuse, nous donnant juste après la date de leur mariage.
Vas-y, fous-toi de moi. Allez, je sais que t'en crèves d'envie. Je refais toujours les mêmes erreurs, exactement comme pour Alicina. Une ex m'appelle au secours, j'y cours. Et je me mange un mur.

Y'a un autre truc qu'il faut que tu saches. Tu vas pas aimer, je te préviens. Ce salopard de crevard la bat. Oui, tu as bien lu. Elle avait des bleus et il l'a aussi étranglée. Je suis devenu barge. J'ai tabassé Gabriel, essayé tous les arguments possibles pour que la ritale le quitte. Elle l'a pas fait. Elle me disait, tiens-toi bien, qu'elle l'avait mérité parce qu'elle avait été « odieuse avec lui ». Et ce fils de poulpe d'ajouter que si c'était à refaire, il le referait. Au jour d'aujourd'hui, ils sont mariés. Très franchement, je sais pas ce qui s'est passé dans leur ciboulot, si c'est une sorte de crise contagieuse ou des escargots avariés mais ils ont changé. Vraiment, beaucoup. Et pas en bien.

Comme tu l'imagines, on était déjà assez remontés d'être venus pour rien et il a fallu que les copains nobles de Gabriel s'en mêlent. Ces propriétaires de balais anaux n'ont eu de cesse de le défendre, lui, un homme qui frappe sa femme. Avec pour justification que « c'est pas grave, c'est moins pire que l'adultère ». Puis ils nous ont copieusement insulté, aussi. Alors on a pris la mairie. On a rien volé, à part un caillou. On a défendu pendant cinq jours et on a fini par leur rendre parce que c'était plus marrant. On a été mis en procès, juste après bannis avec ordre d'exécution immédiate. On est partis, c'était un piège, ils nous ont massacrés. Les procès sont bouclés, on a presque tous été condamnés. Sauf moi mais c'est parce que la grosse vache de juge mouille sa culotte quand elle me voit.
Vu qu'ils nous agacent, on s'est présentés aux élections ducales avec notre liste « Prends ma poulaine dans ta gueule ». C'est rigolo de les voir faire dans leur froc.

Voilà pour les potins.

C'est fou ce que tu me manques.
C'est barge ce que je t'aime.
C'est dingue comment je t'embrasse (amicalement, quand même).

Niallan.


Juste après avoir signé, je me lève et pars à la recherche de mon stupide piaf, sans remarquer que je suis suivi. Est-ce le rital, un cheval, un chacal, un marginal ou quelque chose de plus … brutal ? En tous cas, c'est pas normal et potentiellement létal.


*Paroles et traduction Of monsters and men - Little talks
**Avec l'accord de JD Diego

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Bannière réalisée par les grands soins de JD Calyce.
Kachina
Le bois est humide et peine à prendre, mais une faible flamme lutte pour gagner. Et la Brune la contemple, hypnotisée.
S'éteindra... s'éteindra pas ?
Accroupie dans cette cabane de berger elle souffle doucement pour l'aider à survivre. Jusqu'à ce que s'embrase un sarment et que les premiers crépitements lui assurent que c'est bon. La bicoque est propre et semble entretenue et son propriétaire ne leur en voudra pas d'avoir ici marqué une pause. C'est que le vent souffle depuis leur départ la veille de Marseille.

Avec le feu viendra plus tard un bol de vin chaud épicé aux senteurs de cannelle et de girofle. Mais pour l'instant, en attendant que les flammes soient plus vaillantes, elle se cale au plus près, fesses sur un vieux coffre, enroulée dans sa cape de lainage .

Et des jours plus tard, elle prend enfin le temps de répondre à Niallan.


"Sous le regard des chiens qui dorment à moitié
Les femmes se font vamps, les hommes se font loups
Chacun sa chacune, chacun son rendez-vous
A l'heure où l'on ose révéler sa face cachée
Aux beautés indomptées…
Dans la chaleur des nuits de pleine lune
Insomnie envoûtante
Dans la chaleur des nuits de pleine lune"




Nial....

Une page entière d'excuses... Même le plus décevant de mes amants ne m'en n'a jamais offert autant. A croire que tu cèdes à cette mode de se confesser à tout va pour un pet de travers.
A tous tes actes de contrition, sache donc que je ne t'imposerai nulle flagellation agenouillé sur les dalles de pierre d'une église - le dos lacéré d'une cravache cruelle. En plus tu serais capable d'adorer ça... Alors non... Faut pas déconner, clémente mais pas à ce point.

Je te file direct l'absolution.
Ajoutant que la gazette n'a besoin que d'auteurs inspirés. Tu ne l'étais apparemment pas. Et puis j'ai quitté Marseille, elle retombera certainement très vite dans l'oubli. Apprends aussi que je n'ai jamais joué à la pétanque à Marseille, mais que je me suis autrefois emmerdée grave en Bourgogne. Tu vois, tout est relatif. Je pense que les choses changent suivant ceux qui nous accompagnent.

Pour être franche, tu ne m'as pas vraiment manqué. Déjà parce que ça fait un bout de temps que nos retrouvailles riment avec brèves et succinctes. Et puis, à vrai dire depuis la fin de l'été, tout manquait à tout étant donné que Fez a une nouvelle fois disparu. Et tu vois, c'est pas comme s'il avait pas prévenu, pas comme si je n'avais pas accepté le risque cette fois.
C'est juste comme ça.

Tout manquait à tout.
Je n'avais plus le goût. Ni de répondre à ta missive. Ni à quoique ce soit d'autre.
J'avais décidé de jouer les Pénélope et quelques uns m'écrivaient déjà pour me consoler. J'ajoutais simplement des jours aux jours. En attendant je ne sais quoi.... Je crois que j'étais à moitié morte en dedans, donnant le change, me mentant à moi-même aussi.
J'ai pas envie de m'étendre en pleurnicheries sur le manque, les nuits froides et bien trop longues et le chagrin.

Et puis... il y a eu Lui.

En ce qui concerne le SABO (Saute Armée en Bande Organisée), sache que je le pratique comme une débutante. Mais ne va pas le crier sur les toîts, j'ai eu dernièrement dans les mains une liste normande où mon nom apparait encore, même après tous ces mois. Ils ont la rancoeur tenace ces bougres là.
Le Saute Armée, je l'ai toujours joué aux dés ou à pile ou face. Et j'ai encore de ci, de là quelques amis qui me préviennent qu'un capitaine souhaite prendre son pied en m'envoyant le sien au séant, le salaud. Et puis après tout, ça passe ou ça casse, j'ai appris à ne plus me soucier de ça.

Donc pour tous tes regrets à mon encontre : Vade in pace... Tout va bien.

Ensuite il me faut répondre à tes questions. Là encore, le plus zèlé des prévôts ne m'en aurait pas posé autant. Je vais y répondre dans l'ordre.

Je vais merveilleusement bien. A en supplier Dieu ou le Diable - le premier qui voudra bien m'entendre, peu importe - pour que ça dure encore , encore, encore....
Inutile de te préciser donc que je suis heureuse.
Où je suis ? En partance pour un long voyage. Et là encore, toi qui me connais, tu peux imaginer quel plaisir j'ai eu hier à passer les portes de Marseille. Moi qui depuis des mois, jouait les sédentaires, j'ai savouré chaque galop, chaque odeur de sous-bois, chaque crissement des feuilles sous les sabots des chevaux, chaque sentier, chaque souffle du vent venant mordre mes joues au plus noir de la nuit.

Pour la suite des questions, je ne te raconterai pas en détail, le décor de mes galipettes... à ce jeu là tu es peut-être plus inventif que moi. Quoique...... il me vient aux lippes alors que ma plume court sur ce parchemin pour venir à toi, un sourire quelque peu chafouin.

A ta question subsidiaire - qui j'en suis certaine affleure déjà sous ton front de blond - je répondrai : Il est beau. Foutrement beau. A me redonner envie de tout. De conjuguer à nouveau le "Nous".. T'imagines ?
Et comme tu risques à ce stade là de ta lecture de ressasser dans ta mémoire une liste erronée de prétendants, je file direct ta langue au chat : Il s'appelle Alan. Et son prénom roule dans ma bouche comme une caresse quand je le prononce au cours de nos ébats. Et le soir avant de dormir, qu'il me vient au réveil aussi alors que déjà nos peaux se réclament encore...

Pour ce qui est d'Al, et Gab... A vrai dire je ne vais pas me mêler de ça. On me prête bien trop souvent des propos sur les uns les autres. On interprète à sa sauce si tu vois. Aussi, je vais - si tu veux bien - économiser mon encre. J'en use beaucoup en ce moment. Pour des raisons bien plus belles, crois moi.
De Gab et Al, je ne veux garder que ces instants à Saumur quand nous étions les rois du monde tous, à narguer le Lys et à chanter aux oreilles d'un Roy décevant. Quand on avait le ventre vide mais qu'on s'aimait tellement...
Avant que Gab ne m'écrive cette missive qui a tout fait capoter alors que j'avais cédé à la sensualité sulfureuse d'Anso. Avant qu'Al ne se perde de t'avoir trop pleuré.
Donc je passe mon tour sur ce coup, d'accord ?

Quand à Neijin, de ce que j'en ai vu, de ce que tu m'en as dit, pour sûr qu'elle mérite un chapitre entier. A sa place je te réclamerais tout un grimoire moi. Je suis gourmande tu vois... Mais là encore, possible que vu le temps que j'ai mis à te répondre, tu aies déjà la main sous le jupon d'une autre et le coeur en vrac pour une belle de passage. Et là encore, j'ai fait bien trop de conneries pour me répandre en réprimandes. Vis tes rêves Nial, tes coups de sang, tes coups de coeur. Pour le mariage pourquoi pas ? Dis moi quand, où ? Et j'essaierai de venir si je peux.

Chalon... Foutre dieu, de ce que je m'en souviens, c'était des plus mortels... Pauvres de vous. Diego en est ?
"Prends ma poulaine dans ta gueule", j'ai bien ri en te lisant, je crois que j'aurais aimé en être de cette liste là. Et ça m'a fait souvenir d'un poutrage en Périgord et d'un concours de fesses inoubliables.

Ici, j'ai bien tenté d'aider le recteur à l'Université, c'était un ami et il remplaçait au pied levé l'ancien. Mais j'ai vite abandonné quand j'ai vu se pointer quelques langues de vipères qui ne se sentent exister que dans la critique. Et puis avec quelques amis j'ai enlevé sa fille au recteur en question et on a touché la rançon.
Et puis un pas d'armes franchement, c'est plus marrant que la politique. Plus dangereux aussi.
Et j'ai plein de parties de dés à jouer encore..... Et à gagner.

J'vais bien Nial...
En ce qui concerne le caillou de la mairie, tu sais bien que le plaisir est dans l'instant où on escalade le lierre, sans dessous dessous et sens dessus, dessous.... Le butin n'est qu'accessoire...

J't'aime aussi.
J't'embrasse aussi.
Pour le reste... vis Nial... Vis tout intensément. Et peu importe si cette chienne de vie réclame un jour le prix à payer. Vis.
Vivons...




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(Merci à Jd Axelle pour la bannière)
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