Kachina
Ouvert à tous. Topic créé pour mettre en scène un instant de la vie de votre pantin. Aucun lien exigé entre les posts.
Chevauchée matinale.
Fougères et ses ruelles tristes et vides. Fougères qu'ils se sont jurés de faire revivre. Mais la belle qu'on nommait un temps l'Insoumise semble comme endormie. Depuis leur arrivée sur ces terres, ils ont croisé au grand maximum 3 habitants. Et nul doute que si les Bonnets Rouges ne lui avaient appris à aimer Breizh, elle songerait à réveiller tout ça de quelques feux de joie allumés.
Les heures s'écoulent, semblables et paisibles. A reprendre force et resserrer les rangs. Elle piaffe, la Brune, presqu'autant que ce pur sang noir qu'elle selle en cette aube nouvelle.
Elle se hisse sur Fantoche, enserre le flanc de l'animal de ses cuisses, et le claquement de langue familier donne le signal du départ. L'air est frais mais plutôt clément pour la saison. Et un sourire vient égayer le museau de la Brune au souvenir d'une missive reçue la veille. Merven a raison, le printemps déjà prépare son retour. De ces jours qui rallongent à ces oiseaux qui chantent déjà plus fort, du ciel encore chargé et gris qui retrouve pourtant chaque jour un peu de sa luminosité.
Les sabots martèlent les pavés, au rythme lent qu'elle impose tout d'abord à l'animal. Jusqu'à passer les tours portières pour rejoindre les chemins de terre où elle lance l'étalon au galop d'une voix impérieuse.
- Allez !
Sans se soucier de la brise froide qui vient mordre ses joues, ses lèvres et sa nuque, elle entre dans le bois, bousculant au passage quelques taillis bien trop sages. Visage rieur, elle s'abandonne au rythme du cheval, temps rythmé par la cadence du galop et de ses battements de coeur qui s'accordent au tempo, insouciante du cri indigné de cette pie qu'elle dérange et qui s'envole à grands battements d'ailes, offrant à la cavalière une plume qui vient s'accrocher à la cape de lainage sombre qui couvre ses épaules.
Elle respire à grandes goulées gourmandes l'air du matin chargé d'odeurs de mousse et de feuilles, emporte à grand galop l'animal docile qui laisse échapper de temps en temps un long hennissement ravi. A cet instant, elle n'a plus peur de rien. Ni des souvenirs chagrins qu'un Breton repousse chaque jour de ses rires chauds et tendres, jusqu'aux demains incertains, semés d'embûches et de rêves à prendre , torches et lames à la main.
Le bois se fait plus dense, et l'insolente cavalière voit soudain sa coiffe couleur de daim, arrachée par une branche basse qu'elle évite de peu. Elle s'en moque, la retrouvera au retour et l'oublie aussitôt dans un rire , continue encore sa folle chevauchée, jusqu'au ruisseau qu'elle traverse d'un bond au milieu de gerbes d'eau glacée qui viennent parsemer ses bottes fauves de gouttelettes fines.
Quand elle sent l'animal à bout de souffle, que la végétation se fait plus dense encore, elle retient l'animal d'une douce poussée aux flancs, le laisse flâner à son bon vouloir dans les herbes hautes, les fougères qui caressent la robe noire luisante de sueur et d'écume. Brune et sa monture retrouvent leur calme, alors que s'apaisent les battements fous du sang dans ses veines, et qu'elle recale d'une main, quelques mèches folles de sa tignasse échevelée qui lui retombent sur la joue.
Les doigts fins quittent les boucles de jais pour venir caresser l'encolure aussi sombre de l'étalon, s'emmêler dans les crins, alors qu'elle murmure quelques mots tendres au cheval.
Et elle décide soudain de tourner bride, reprend le chemin du retour, lançant sa monture au petit trot. Apaisée et fougue calmée, jusqu'à retrouver les contreforts de Felger au loin et les cheminées qui fument.
Minois détendu aux joues rougies et aux lippes étirées dans un sourire. Sa vie est là...auprès de cet homme ardent et fou, de sa soeur, du frère retrouvé et des amis.
Coiffe oubliée, à jamais perdue...
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(Merci à Jd Axelle pour la bannière)