Neijin
Ptêtre ça sfait pas lamour, cest pas un truc qui sfabrique, cest pas un truc qui svend, ça svit lamour
Saez.
Saez.
Neijin vivait l'amour. Pas avec un grand A, parce que leur histoire n'était pas parfaite. Les formes géométriques s'y étaient mêlées dès le départ et avaient empêché la majuscule de s'instaler, mais elle le vivait quand même. Elle vivait l'amour à tel point qu'il s'était installé dans son ventre et l'avait fait gonfler pour avoir plus de place. Aujourd'hui, il était prêt à exploser. Et au moment où la Pâle s'était sentie enfin prête à vivre avec la majuscule, au moment ou certains triangles s'étaient dissipés, l'amour s'était transformé. Il avait muté d'un coup, amenant la douleur insupportable qui va avec la brutalité du changement.
Jurgen. Son ami, son amant, le père de l'enfant à naître, était partit pour une sombre affaire. Elle avait encaissé la nouvelle comme on encaisse un coup de poignard. Une vive douleur s'était faite ressentir dans sa poitrine et elle s'était mise à trembler, à pleurer. Puis ils avaient passé leur dernière nuit ensemble à se dire au revoir. Parce que même s'il avait sous-entendu qu'il ne rentrerait peut-être jamais, elle refusait de l'entendre. Et puis elle s'était mise à supplier Deos de ne pas séparer leurs routes, de le lui rendre, mais à son tour il ne l'avait pas écouté. Alors elle avait pleuré, encore et encore jusqu'à ce que son corps ne puisse plus lui donner de larme.
En partant, le barbu avait emporté la douce Neijin avec lui. Pourtant, elle essayait de remonter la pente qu'elle avait dégringolé d'un seul coup. Pour leur enfant, pour son retour. Mais son départ lui était insupportable. Elle usait et abusait des choses qu'on lui avait interdite. Elle buvait et fumait beaucoup trop. Et c'est sans se rendre compte qu'elle mettait sa vie et celle de son enfant en danger qu'elle s'accrochait à ce qui avait le pouvoir de la soulager, ou à défaut, à ce qui pouvait l'empêcher de trop penser. Il leur aurait peut-être fallu faire des choix, mais cette décision lui avait été imposée et elle avait du mal à l'accepter.
Il avait fallu que Stain s'y mette pour qu'elle se calme. Ils s'étaient fait des promesses. Il l'aiderait à retrouver le chemin du Bonheur. Il la soutiendrait jusqu'à son accouchement. Elle avait finit par accepter. Elle savait que grâce à lui, grâce à Niallan, son fils et tous les autres, elle pourrait peut-être s'en sortir.
Mais la voilà qui se retrouve le lendemain à la rivière, en train de se frotter vigoureusement la peau, ne s'arrêtant que pour se sentir un bref instant avant de recommencer de plus belle.
- Tu pues la mort, Palotte.
Voilà la première phrase qui avait fait tiquer Neijin et qui résonne encore dans sa tête. Tout droit sortie de la bouche d'une lépreuse. Sans se démonter, elle lui avait rétorqué qu'elle irait se laver, mais la lépreuse avait enchainé, et l'engrossée s'était décomposée - et non l'inverse -.
- Cette odeur là elle part pas, crois moi, j'ai essayé avant de me faire à l'idée.
Ouais, ben c'est ce qu'on va voir...
- * frot frot frot *
- C'est c'que tu gardes en toi qui va t'faire crever. Pas l'gamin, hein, tes pensées. Ca va t'consumer à p'tit feu, ça va te pourrir de l'intérieur.
- *frot frot frot un peu plus fort*
Neijin ne veut pas mourir. Encore moins pourrir de l'intérieur, parce que ça doit faire sacrément mal. Alors elle frotte nerveusement sa peau rougissante, en espérant que l'odeur sentie par Dési s'en aille. Parce que si une lépreuse sent une odeur de mort, c'est qu'elle doit bien exister, non ? Partant du principe que les gens qui vont mourir s'y connaissent en mort, la Blanche ne cesse de s'agiter, sourcils froncés, sans remarquer qu'un liquide se met en couler entre ses cuisses.
- Quand il r'viendra ? Rêves pas Palotte, ça va t'bouffer. L'espoir a tué des gens bien plus forts que toi.
Le ricanement de la lépreuse résonna encore plus fort dans la tête de la jeune femme désespérée, ne s'arrêtant que dans une ultime phrase. Non t'as raison t'es pas un Homme, t'es une Chose.
TAIS-TOI ! Arrête ! Je veux plus t'entendre. Tu dis n'importe quoi... Tu dis n'importe quoi... Tais-toi...
Les mains plaquées contre ses oreilles, la Pale était tombée à genoux et se balançait d'avant en arrière. Elle ne voulait plus entendre cette voix lui crier qu'elle n'était qu'une chose qui allait mourir. Elle détestait la lépreuse. Elle n'aurait jamais du se retrouver seule avec elle, elle le savait et pourtant n'avait pas l'air de vouloir apprendre de ses erreurs. Le bercement ne dura qu'un instant. La voix s'était tue, remplacée par une douleur qui lui tordit le ventre. Clignant des yeux, ses bras descendirent jusqu'à son bedon rebondit pour s'enrouler autour. Elle attendit que le mal se dissipe avant de poser ses mains pour guetter le moindre mouvement du ftus. Rien. N'ayant aucune connaissance sur le déroulement de la mise au monde d'une enfant, la première idée qui lui vint à l'esprit fût que son enfant était en train de mourir. Là. Maintenant. A cause de l'opium, de l'alcool et de son énervement. Il allait mourir par sa faute. Gabriele le lui avait bien dit.
Prise de panique, elle s'habilla rapidement. Il fallait qu'elle rentre, qu'elle se repose et s'allonge pour prendre soin de cet enfant si désiré.
Mais c'est trop lentement à son goût qu'elle se rendit à l'auberge des Corleone. Il lui fallut faire des pauses lorsque la douleur réapparaissait sans crier gare pour lui secouer le ventre. Pestant contre elle même d'être allée se baigner de l'autre côté de la ville ce n'est qu'à la tombée de la nuit qu'elle grimpa douloureusement les escaliers de l'auberge. Elle cogna à toutes les portes de manière un peu brutale en appelant tous les noms qui lui passaient par la tête, espérant y trouver quelqu'un. Son bas-ventre se durcissait à présent de manière régulière avant de se relâcher, non sans lui avoir infligé une douleur lancinante.
Il y a quelqu'un ?
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