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RP - Mère, fils et compagnie

Drago.corleone
{Le 5 Décembre 1465}

Drago n'avait peut-être que huit ans, mais avoir Gaïa Corleone pour mère faisait grandir plus vite. Ou du moins, affinait l'esprit plus rapidement. Sa Mamma estimait qu'elle avait accompli sa mission, qu'elle s'était suffisamment vengée. Drago n'était pas d'accord. Fleur comptait, bien sûr, annoncer au père l'état dans lequel elle se trouvait. Mais plus tard, avait-elle dit. Quand il serait trop tard et qu'il ne pourrait rien y faire. Elle y pensait en souriant, presque distraitement. Drago était sûr qu'elle serait trop occupée avec la naissance pour s'y employer dès le bébé venu au monde. Aussi se chargeait-il lui-même de cette annonce.

Il savait tout de la fausse rumeur et décida de l'utiliser pour lui. Il savait ce que sa Mamma avait fait, puisqu'elle lui disait tout et ne lui cachait jamais rien. C'était donc l'occasion rêvée pour être comme elle, pour réutiliser des idées, pour changer l'histoire, pour tenter encore et encore. Ne jamais baisser les bras, c'était ce que lui répétait sans cesse Fleur. Si le plan imaginé échouait, il fallait en trouver un autre, un mieux, un plus tordu, plus inventif. Ne jamais sous-estimé le pouvoir formidable de l'imagination, disait-elle aussi.

Drago, assis seul à une table d'une auberge quelconque tandis que sa mère s'assurait qu'ils avaient assez de vivres pour le trajet, s'empara d'un parchemin, d'un encrier et d'une plume. Il en trempa l'extrémité dans l'encre et réfléchit un instant avant de se lancer. La plume courut d'un bord à l'autre de la feuille durant quelques minutes, puis il signa avec application et cacheta le rouleau de vélin. Sans plus tarder, il se leva et partit porter lui-même la lettre à un coursier, qui lui assura que sa lettre serait transmise dans les plus brefs délais. Ne restait plus qu'à savoir si son correspondant réagirait ou s'il allait feindre l'ignorance...


Citation:

    Papà,

    Ça fait longtemps que je veux t'écrire mais je n'ai jamais eu le temps de me poser suffisamment longtemps pour t'écrire convenablement. Et puis Mamma était en deuil, encore, depuis qu'elle a appris que les Ferrini, une famille qu'elle connaissait, sont morts récemment. Une triste histoire, je crois, mais je ne connais pas trop les détails, je n'avais jamais vu cette femme et son petit garçon, qui est mort de maladie. J'aurais bien aimé, ça m'aurait fait un ami... Je m'ennuie, je n'ai pas d'amis, moi, et c'est vraiment dur, tu sais, parfois...

    Moi aussi j'ai été malade mais Mamma m'a bien soigné. J'ai eu une grosse fièvre. J'aurais voulu que tu sois là aussi, pour lire les histoires. Peut-être que tu pourrais m'en écrire une ? J'aime toujours les histoires de chevaliers et de dragons.

    Et depuis la grande nouvelle, c'est vrai que j'ai moins de temps. On voyage tranquillement pour ne pas brusquer Mamma et j'ai décidé d'être un bon petit garçon et de l'aider. Je ne sais pas du tout comment m'y prendre, je voudrais lui faire des cadeaux mais comment on fait tant qu'on ne connait pas sa nature ? Tu sais, toi ?

    En écrivant ces mots je me suis rendu compte ! Papà, est-ce que tu connais seulement la bonne nouvelle ? Mamma t'aura fait parvenir un mot j'en suis sûr ! Ou alors elle n'a pas encore eu le temps mais comme j'ai le droit de le dire, je ne vais pas me gêner. Je vais bientôt avoir un rôle très important. Et toi aussi bien sûr. Parce que... Tiens-toi bien...
    Mamma est enceinte.

    J'espère que tu me répondras, je voudrais avoir l'impression que quelqu'un d'autre que Mamma pense à moi de temps en temps. Comme un ami.

    Ton fils,
    Drago


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Fleur.des.pois
{Le 9 Décembre 1465}

Il avait fait si froid au court de la nuit que le sol, par endroit, était couvert d'une couche de verglas. Les pavés de la rue glissaient sous la semelle des chaussures des passants, et les bottines fourrées de Fleur n'y faisaient pas exception. Pas plus que les souliers de son fils.
Le ciel était d'un bleu clair, limpide, peu propice aux chutes de neige, au plus grand désespoir des deux Corleone, qui se trouvaient chaque fois un peu plus enchantés lorsque les flocons tombaient lentement, paresseusement, en tapissant tout d'un duvet blanc.

Les mains bien au chaud dans un manchon en hermine blanche, couverte d'une épaisse cape noire au col bordé de fourrure, et vêtue d'une robe en velours de même teinte mais rebrodée d'argent, Gaïa flânait, le nez en l'air, à la recherche d'elle ne savait quoi qui aurait pu lui plaire. Drago, quant à lui, marchait à ses côtés avec une gaité insouciante que nul au monde, si ce n'est sa mère, n'avait jamais pu voir chez lui. Sa Mamma venait d'aller passer commande dans une boutique d'un nécessaire à potion, qui constituerait l'un des cadeaux qu'il recevrait lors des douze jours de Noël. Le reste de ses présents restaient secrets et, lorsqu'il posait la question à sa mère, il n'avait comme réponse qu'un demi-sourire mystérieux, un baiser, et un « Tu verras bien ! » particulièrement enjoué.


- Quand ira-t-on cueillir le houx, Mamma ? demanda le petit garçon en s'interrompant dans ses sautillements joyeux.
- Nous pourrions y aller demain, si tu le veux. Après la messe.

Fleur lorgna son fils d'un air attendri. Drago était le meilleur fils au monde, elle en était convaincue. Il avait hâte de fêter Noël, même s'il était probable qu'ils ne soient que tous les deux. À moins - et cela était des plus possibles - qu'ils aient gagner l'Armagnac avant le jour de Noël.
Son regard fut attiré par la présence des marchands, sur la grande place de la ville. Elle dirigea aussitôt ses pas dans cette direction, en faisant bien attention aux plaques de verglas qui tapissaient le sol.


- Nous devons aussi acheter des rondelles d'orange séchée, de la cannelle, et suffisamment de vin pour en faire un bon vin chaud. Et nous ramasserons aussi des pommes de pin, des branches de pin, et tout ce qui nous plaira, pour décorer l'endroit où nous serons. Et puis ne pas oublier la crèche.
- Pour de vrai ? s'émerveilla Drago en se précipitant vers sa mère.
- Bien sûr, pour de vrai, répondit Fleur en riant légèrement.
- Oh Mamma, ce sera formidable !

Pouffant de rire, Gaïa s'approcha d'un étal et acheta, comme elle l'avait suggéré un instant plus tôt, des rondelles d'orange et de la cannelle. Drago, trop excité pour être attentif aux étalages, se contentait de regarder sa mère les yeux grands ouverts, et de lui tirer la manche pour attirer son attention.

- Et dis, Mamma, est-ce qu'on mangera un rôti au laurier ? Est-ce qu'on mangera des marrons bouillis ? Est-ce qu'on aura des pâtisseries et des cailles farcies aux cerises confites ?

Gaïa éclata de rire, paya le vendeur et s'accroupit devant son fils. Elle sortit une main de son manchon d'hermine, et serra Drago contre elle de son bras libre. Il fleurait bon le savon dont il avait usé pour se laver un peu plus tôt.

- Nous aurons tout cela, et encore mieux. On ira chanter à l'église, on allumera des bougies, on fera tout ce qu'il faut, tu verras mon trésor. Ce sera incroyable. Il y a même une jolie tradition dans ce pays, tu la connais ?


Fleur posa une main fine sur la joue froide de son fils.


- On va choisir la plus belle des bûches, celle qui nous plaît le mieux. On la décorera de jolis rubans et de feuillages, puis nous la porterons tous les deux dans la cheminée, on fera un vœu et si elle tient jusqu'au lendemain matin, alors notre vœu sera exaucé. Ce sera merveilleux, tu ne trouves pas ?

Drago hocha frénétiquement la tête, visiblement impressionné et impatient d'en arriver à cette étape.

- Mais avant, nous avons encore des tas de choses à faire. Et si nous allions acheter des bougies ?

Entraînant son fils avec elle, Fleur remit la main dans son manchon et regarda Drago déambuler devant elle en souriant de ravissement. Elle-même n'avait rien connu de tout cela, dans son enfance. Et c'était aux yeux de l'Ortie une raison suffisante pour offrir le plus grandiose des premiers Noël en France à son petit garçon adoré.








Les traditions de Noël au Moyen-Âge ont été trouvé ici.
Les autres (la bûche notamment) sont des connaissances personnelles, tout à fait vérifiables.

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Fleur.des.pois
{Le 22 Décembre 1465}

Il s'était passé un nombre incroyable de choses dans la vie de l'empoisonneuse, depuis quelques temps. À Limoges, revenue par erreur, elle y avait retrouvé Niallan, et avait eu vent de la lettre de son fils. Après quelques minutes de fureur, d'explications, de mots tout sauf tendres et de lamentations, la vérité avait fini par éclater. Elle portait un bébé et cela n'arrangeait pas le futur père qui, Fleur l'avait décidé sitôt qu'elle l'avait vu, n'en serait pas un. Il n'en aurait pas l'occasion. Un peu plus tard, on lui avait demandé de faire un compromis. Un compromis ? Elle ? Gaïa ? Dans quel monde en aurait-elle fait ? Il n'y aurait plus de contact, jamais. Mais en partant, elle avait planté la graine de l'espoir dans le coeur de son ex-mari. Elle était le hasard, avait-elle affirmé, et si par hasard ils se revoyaient... Mais elle était surtout Fleur, et les plus mauvaises plantes, même jolies, n'en restent pas moins de vilaines plantes.

En rentrant ce soir-là, elle avait tout d'abord expliqué à son fils qu'il n'avait pas à monter ses plans tout seul, qu'il l'avait prise au dépourvu et rendue ridicule, qu'elle avait été terriblement fâchée en l'apprenant. Jusqu'au moment où elle avait changé d'avis et y avait vu là la possibilité de faire encore un peu plus de mal autour d'elle.


- Tu comprends, amore. J'admire l'acte mais je ne peux que le réprouver pour le moment, même si tu m'as offert une merveilleuse opportunité. Je vais priver cet homme de son enfant, je sais qu'il adore sa descendance. Même toi, il t'aime, tu sais ? Je sais que tu ne le lui rends pas, mais ça n'ôte rien au fait qu'il t'aime. Alors ce bébé sera notre arme ultime, mon trésor. Nous en ferons l'instrument de notre vengeance, la lame aiguisée de l'épée que nous lui enfoncerons dans le coeur. Ce sera splendide, sanglant et mortel. Tu verras, amore, tu danseras bientôt sur sa tombe.

Puis ils avaient regagné la route, l'incertitude des chemins et les auberges plus ou moins agréables. Mais Fleur n'en avait cure, elle avait vécu infiniment pire.
Ils approchaient tranquillement de l'Armagnac, même s'il était désormais évident qu'ils ne fêteraient Noël que tous les deux. Gaïa, au fond, le regrettait un peu. Ce ne serait pas pour tout de suite, le grand Noël en famille, le réveillon bruyant et le banquet joyeux. Quelque chose lui manquait, mais elle ne savait pas quoi. Un détail, une chose insignifiante, une gêne bizarre. Comme lorsqu'un infime caillou se glissait dans une botte, que l'on marchait longtemps avec, et que bien que l'on ne souffrît pas vraiment, quelque chose, on ne savait quoi, nous gênait, nous gâchait le plaisir de la promenade.

Ce ne fut qu'en arrivant en Guyenne que Fleur réalisa ce qu'il lui manquait.
Il lui manquait un mari.

Ce n'était pas, n'avait jamais été, une femme entretenue. Fleur avait toujours possédé de l'argent, du moins dès qu'elle était officiellement devenue empoisonneuse. Elle détestait l'idée de dépendre de qui que ce soit, mais un mari, c'était pratique, utile. Lorsque son fils était endormi, elle en profitait en général pour s'octroyer, quand l'envie lui en prenait, un amant d'un soir dans la ville où elle se trouvait. Elle les choisissait toujours plein de charme, mais de ceux qui ignoraient qu'ils en avaient. Elle aimait les amants timides, n'optait que pour des célibataires parce que pour la durée de leur relation, c'était bien plus simple, aimait leur faire tourner la tête et adorait leurs étreintes, toujours plus passionnées que les hommes trop confiants qui auraient pu avoir l'impression qu'elle les avait choisi parce qu'il était impossible de leur résister. Gaïa jouait tantôt les femmes en détresse, tantôt les aventurières, tantôt les femmes fatales, le résultat étant toujours le même, de toute façon.

Mais un amant ne faisait pas un mari. Elle en avait un peu marre, chaque soir, de devoir répéter les mêmes opérations de séduction avant de se faire ôter la robe. Elle voulait un homme à temps complet. Pas nécessairement pour l'aimer, mais pour succomber au charme d'un nom tout neuf, pour le bonheur de faire tourner un malheureux en bourrique et le guérir à coup de baisers amusés, et peut-être aussi, au fond, pour que Drago ait une véritable figure paternelle, ainsi que son bébé à venir. Mais qui voudrait d'une femme enceinte, avec un fils de huit ans qui éprouvait plus d'attraits pour les poisons que pour les jouets, Italienne et veuve de surcroît ? Qu'importait, décida-t-elle en quittant sa chambre pour aller rencontrer son amant du soir. Elle trouverait. Elle trouvait toujours.

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Fleur.des.pois
{Le 28 Décembre 1465}

Ils avaient passé Noël tous les deux, dans une chaumière vide d'habitants. Fleur s'était arrangée pour qu'elle soit vide, du moins. Elle n'avait empoisonné personne car après tout, c'était Noël. Elle avait simplement fait remarquer que ce serait bien si les véritables occupants allaient passer le réveillon ailleurs. Dans leur famille. Elle avait même payé pour cela, indifférente au coût, désireuse de montrer à son fils que l'on pouvait tout acheter, que tout le monde avait son prix, et qu'il fallait toujours être celui qui payait plutôt que celui qui était payé.

- Tu vois, amore mio, quand tu gouvernes les gens, tout t'est alors possible. Il suffit de trouver leur talon d'Achille. Pour certains ce sera la personne qu'ils aiment, ou leur enfant. Pour d'autres, leurs parents. Pour d'autres encore, une simple somme d'argent. Méfie-toi de ceux-là, ils se vendent au plus offrant. Si tu sens qu'ils changent d'allégeance, il n'y a qu'une chose à faire.
- Quoi, Mamma ?
- Leur offrir un verre.


Drago arqua un sourcil, mais le sourire de crocodile de sa mère lui offrit l'explication. Gaïa était foncièrement mauvaise et elle n'y pouvait plus rien. Elle n'avait pas de coeur non plus. L'amour était la plus grande faiblesse de l'humanité. Parfois aussi sa plus grande force, mais elle n'était pas prête à le voir. Pas encore.

Drago avait reçu son alambic et un grimoire vierge, où il allait pouvoir consigner le fruit de ses recherches et tous les conseils de sa mère. Il avait offert à Fleur un très joli poignard au fourreau brodé de pois-de-senteur.


- Mon chéri, c'est adorable. Mais je ne me sers pas de ce genre d'arme, mon coeur.
- Ça, je sais. Mais les autres l'ignorent.


Gaïa avait éclaté de rire en le serrant contre lui. Les leçons étaient bien retenues, et l'Ortie était plus qu'enchantée de le constater.

Ce jour-là, ils s'étaient arrêtés dans une petite auberge proprette. Ils avaient passé la journée à visiter la ville et, le soir étant venu, Fleur décida de contempler les étoiles. Enroulée dans une cape au col bordé de fourrure, elle prit place sur un tronc d'arbre utilisé comme un banc, et qui jouxtait la taverne. Drago, muni de deux tasses de tisanes fumantes, prit place juste à côté de sa mère, qui l'attira tout contre elle.


- Tu vois là-haut, mon trésor ? Regarde, suis bien mon doigt... Tu vois ? C'est la constellation du dragon. On la nomme aussi Draco. Ce qui signifie dragon. C'est de cette créature que tu tires ton prénom.

Drago acquiesça, attentif, en suivant le parcours du doigt de sa Mamma dans les cieux.

- C'est parce que c'est là qu'est ta place. Au sommet de tous les sommets. Tu es né pour briller comme ces étoiles, mon fils. Ta destinée sera extraordinaire. N'oublie jamais cela, Drago Gaiüs Corleone.


Pour qu'elle l'appelle ainsi de son nom complet, Drago sentit que c'était très important, aux yeux de sa mère, qu'il comprenne bien cela. Elle avait un air sérieux qui ne lui était pas coutumier, et il se blottit contre elle en acquiesçant.

- Bene, maintenant buvons cette tisane avant qu'elle ne refroidisse, puis nous irons préparer nos affaires pour le départ. Nous sommes bientôt arrivés. Tu pourras utiliser ton alambic dans très peu de temps, mon ange.
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Drago.corleone
Drago l'avait promis à Actyss. Mais même sans cela, il l'aurait probablement fait. Sa Mamma était triste depuis le départ de la petite blonde, et lui même se sentait bien seul. Plus que tout, il avait besoin d'épancher son coeur auprès de quelqu'un qui ne soit pas une fille. Il s'éclipsa sans attendre, laissant Fleur concocter un breuvage contre la toux, et s'empressa de s'isoler dans sa chambre.

Citation:

    Niallan,
    Papà,
    Niallan,


    Papà,

    Je te demande pardon de ne jamais t'avoir écrit. Mamma disait que tu appartenais au passé, qu'il fallait l'accepter parce que tu avais le droit d'être heureux, qu'elle ne voulait plus tout gâcher. Nous gâcher. Elle disait que c'était mieux, que ça te permettrait de construire une bonne vie bien à toi. Elle disait encore des tas de choses mais je me souviens plus trop quoi. C'était dans le même esprit en tout cas.

    Après tout ce que je t'ai fait, je suis certain que tu ne liras cette lettre que d'un œil et en doutant de moi. C'est normal après tout, je ne t'ai pas vraiment laissé de chance, tu partais perdant avant même d'avoir pu essayer. Je te demande pardon aussi pour ça. Mais s'il te plaît, n'oublie pas qui m'a élevé. Je suis le fils de ma mère, il ne faut pas perdre ça de vue.

    Il y a peu de temps, Mamma et moi vivions avec une jeune fille très gentille, blonde comme le soleil, très belle. Je l'aimais vraiment beaucoup. Dis, Papà, est-ce qu'on peut tomber amoureux à huit ans d'une fille qui en a dix-sept ? En plus elle est mariée... Mais bon, est-ce que c'est possible quand même ?
    Mamma n'a pas été tendre avec mon amie, elle disait qu'il fallait l'endurcir parce que la vie est dure, elle disait qu'elle la protégeait en faisant ça, qu'elle l'aimait comme sa soeur. Moi en tout cas, je ne traiterai pas ma soeur ou mon frère comme ça. Je l'ai dit à Mamma, on s'est disputés, j'ai même cassé ses fioles.

    Je voulais savoir comment tu allais, aussi. Je pense le soir aux chasses au dragon, tu sais ? Il paraît qu'ils dorment sur des trésors gros comme des montagnes. Des milliards de pièces d'or et de pierres précieuses. C'est vrai ?

    Depuis le départ de mon amie, Mamma a changé. Mon amie est partie pour retrouver son mari et ses enfants, le bonheur l'attend au bout du voyage. Mamma est triste. Je crois qu'elle s'est rendue compte que personne ne pourrait tomber amoureux d'elle si elle se montrait si peu ouverte aux choses simples de la vie. Elle met souvent ses mains sur son ventre et elle soupire. L'autre soir je l'ai vu pleurer. Elle m'avait envoyé au lit un peu avant mais je suis redescendu parce que j'avais soif et j'ai vu des larmes sur ses joues, quand elle était assise devant le feu. Je n'avais jamais vu Mamma pleurer. Et j'ai peur. Si Mamma tombe, le monde s'écroule. No ?

    En tout cas, on a commencé à acheter des tenues pour le bébé. Pas beaucoup parce que Mamma dit qu'il faut faire attention, qu'il faut attendre février pour être sûr que tout ira au mieux. Mais on a vu une jolie chemise blanche et longue, ça ira aussi bien à une fille qu'à un garçon, avec un bonnet assorti. On a acheté aussi une paire de petits chaussons. Tu sais quoi ? J'aurais aimé que tu sois là, avec nous. Bien sûr tu construis ta nouvelle famille, mais j'aurais aimé... qu'on choisisse ça tous les trois. Mamma dit qu'avec la naissance du bébé on aura une vraie famille, mais c'est faux. Il manquera toujours toi dedans.

    J'aurais voulu me rendre compte plus tôt que j'avais vraiment envie de te connaître. J'ai tout gâché, n'est-ce pas ?
    Si tu veux, tu peux me répondre. Je serai heureux. Et je pourrais te donner des nouvelles de Mamma et du bébé, si tu veux.

    Je pense bien à toi.

    Ton fils,
    Drago.


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Fleur.des.pois
{Le 25 Janvier 1466}

Fleur était partie le soir-même où elle avait reçu la première lettre. Elle n'avait pris que le temps de faire ses valises et de louer une voiture. Il était hors de question qu'elle fasse le trajet à pieds, surtout avant la date fatidique des trois premiers mois de grossesse. Et puis, elle n'était pas une pauvresse. Depuis son départ, elle correspondait régulièrement avec Diego, à sa plus grande surprise. Surprise, parce qu'il lui avait écrit. Surprise, parce qu'il lui demandait à elle, de sauver l'homme qu'elle s'était jurée de faire souffrir le plus possible. Surprise, parce qu'elle était prête à le faire, qu'il fallait qu'elle le fasse, qu'elle n'aspirait qu'à le faire.

Ainsi donc le mariage de Niallan s'était terminé en petit spectacle des horreurs. Pourquoi cela ne l'étonnait qu'à peine ? Parce que tous les mariages de Niallan s'était achevé en bataille rangée ? Si elle n'était pas étonnée, en revanche, elle était ravie. Elle était bien décidée à imposer sa présence, à offrir à son ex-mari ce que les autres n'avaient jamais pris le temps de lui donner, elle comprise. Assister jour après jour à sa grossesse, puis, plus tard, à son accouchement. Suite à ça, que pourrait-il bien lui refuser ? Elle lui offrait le seul bonheur qu'il n'avait pas connu, et avec un peu de chance, il lui donnerait ce qu'elle désirait ardemment. Une famille.

C'était Actyss qui lui avait fait comprendre cela, à force de vouloir absolument retrouver la sienne. Il n'y avait rien de plus important au monde. Ils l'avaient eu un temps, Drago et elle, quand ils avaient vécu à Venise. Ils avaient eu la belle maison, le mari et la figure paternelle, la routine et la vie quotidienne. Ils n'avaient manqué de rien, alors, et avaient été parfaitement heureux. Aujourd'hui, tout cela avait pris fin, et les deux Corleone ne pouvaient plus compter que l'un sur l'autre. Cette famille réduite avait vu son agrandissement possible et prochain arriver comme par miracle, avec le bébé que Fleur portait. Mais là encore, il leur manquerait quelque chose. Peut-être que c'était ça, au fond, qui la minait tellement. Elle avait pris goût à être une épouse. Elle avait un peu trop aimé le bonheur.

Drago et elle étaient doucement ballottés dans la voiture de louage qui lui emmenait vers Limoges. Le petit garçon, sans l'avouer à sa mère, était heureux de ce voyage. Lorsqu'Actyss lui parlait de ses enfants, de sa maison, de sa mère et de son mari, il l'avait profondément jalousé. Ou plus exactement, il avait jalousé les enfants du couple. Il les avait imaginé grandir entouré de l'amour d'une mère et de l'attention d'un père, et l'expression baignée d'un bonheur sincère qui s'affichait sur le visage de la jeune fille lui avait donné envie d'être l'un de ces enfants-là. Drago avait hérité du caractère de sa mère, il s'estimait naturellement supérieur, et il prenait plaisir à tourmenter ceux qui lui déplaisaient. Mais il ne partageait pas que ça, avec sa mère. Lui aussi rêvait d'une famille comme les autres.

Peut-être Fleur parviendrait-elle à faire fléchir Niallan ? Peut-être qu'il verrait, comme elle, tous les avantages qu'il y avait à former une famille ? Peut-être qu'au fond, il éprouvait encore des sentiments pour elle et que si elle s'y prenait bien, si elle rangeait griffes, crocs et poisons, elle parviendrait à les faire surgir de nouveau ? Pouvait-on épouser deux fois le même homme ? Bien sûr, elle n'en était pas là. Gaïa esquissa un sourire amusé, en se rappelant que, quelques mois plus tôt, elle ne rêvait que de le voir gésir à ses pieds et que maintenant, elle se demandait s'il ne valait pas mieux l'épouser juste avant de ne plus pouvoir entrer dans aucune robe, à moins d'attendre l'accouchement. Elle en avait fait, du chemin, depuis lors ! La grossesse l'avait assoupli, bien qu'elle ait été rude avec Actyss. Aussi, n'était-il pas plus juste de dire que c'était Actyss qui l'avait attendri ? Qui lui avait fait voir le beau côté des choses ? Tous les hommes n'étaient pas des monstres, son fils ne deviendrait pas un monstre. Partant de ce principe, elle pouvait donc faire confiance. Et à qui d'autre l'accorder qu'à l'homme qu'elle avait aimé, qu'elle aimait toujours, qui lui avait donné un fils, et bientôt un second, et qui se trouvait au seuil de l'enfer ?

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