Rhuyzar
D'avance toutes mes excuses si mes réponses arrivent lentement. Si j'avais une guitare je dirais que c'est ma faute à toi, mais c'est en réalité plutôt celle de mon agenda.
[Coin Oriental - Infirmerie]
Non, les joutes n'étaient définitivement pas sa tasse de thé. Déjà, par le passé, il ne goûtait pas ce divertissement qui, à ses yeux, travestissait la réalité de la guerre et singeait, en se drapant d'or, une horreur qu'il n'avait que trop connue. Son parcours, son histoire n'y étaient pas pour rien. La boue mêlée de sang, les râles des mourants et les cris des estropiés, la folie aveugle des lames qui fracassaient, tranchaient au nom de questions ridicules d'honneur et de possession stupide. Toutes ces images s'étaient suffisamment gravées dans sa mémoire pour qu'il peine à percevoir la notion d'amusement. Un temps il s'était interrogé sur les raisons, se demandant si au fond il ne s'agissait pas simplement de tenter de reproduire ce qu'on ignorait et que les textes décrivaient avec force détails captivants et héroïques. Mais pour s'être perdu en son coeur, il le savait, la guerre n'avait rien d'héroïque et de captivant. Tuer et mutiler ne générait aucun honneur, aucune gloire, hormis celle qu'on inventait pour justifier et lui permettre de perdurer, parce qu'elle servait. Aux puissants et à tous ceux qui se tenaient en retrait, manipulant les pièces les unes contre les autres, désignant comme vainqueur celui qui en avait brisé le plus.
Alors oui, les joutes le laissaient de marbre, au mieux. Plus encore depuis qu'il avait côtoyé ces nomades des grandes plaines de l'est, ces cavaliers qui voyaient en leurs montures des compagnons plus que des biens, qui les respectaient et refusaient toute forme de dressage qui aurait nié le droit à ces animaux de choisir eux-mêmes leur route.
Malgré cela, et pour une toute autre raison, il avait décidé de se rendre au campement des jouteurs. Non pour combattre ou assister au spectacle, mais pour rejoindre celle dont il savait que les talents de guérisseuse ne seraient pas superflus. Elle parvenait souvent à les exercer dans ce genre de situation malgré les jugements hâtifs et effrayés qu'ils avaient pu provoquer par le passé. Au fond, lui l'homme de guerre et de mort était admiratif de cet art qui réparait les dommages causés par la brutalité et la violence dont il était coutumier. Il voyait en cette dualité une autre évidence amusante et touchante à la fois. Lame et onguents. Shiva.
Ne se trompant pas, il la trouva affairée à l'infirmerie, captant, en entrant, quelques bribes de conversation qui le firent sourire, de cet air susceptible de terrifier les plus ignorants ou ceux qui n'avaient pas besoin de savoir que la joie, lorsqu'elle étirait ses traits, n'était pas forcément synonyme de terreur.
Je génocide, oui, mais toujours avec clairvoyance. Et uniquement parce que j'ai conscience de la chance que j'ai d'avoir à mes côtés une telle épouse.
Le timbre grave et profond de sa voix fendit l'air sous la tente aménagée pour les soins. Il le contrôla néanmoins afin d'éviter que sa potentielle puissance ne vienne perturber le repos des convalescents. Même s'il n'aimait pas la société, il savait s'y tenir. Un peu.
Il s'approcha, évitant de perturber l'oeuvre de la Sombre, attendant qu'elle ait fini pour gratifier ses lèvres d'un baiser, aussi simple qu'il était puissant et révélateur d'une réalité que personne n'avait à comprendre. En ce simple geste nichait un ensemble de significations qui n'appartenaient qu'à eux.
Vous avez besoin d'aide Madame mon épouse ? Je suis assez adroit de mes mains vous savez.
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