Theodrik
« Si vous avez des larmes, préparez vous à les verser. »
Shakespeare, Jules César.
Shakespeare, Jules César.
Théo navait plus grande joie que dobserver sa marmaille déambuler. Arborer fièrement les jouets ridicules quon lui offrait, décortiquer le monde par la seule force de ses petits yeux ébahis. Conserver le même mépris évident que son père, éveiller chez son entourage la même fascination que sa mère. Saccrocher aux bras de celle-ci, pour former un de ces duos, une de ces images qui mériteraient davoir pour légende « attention, labus de contemplation est dangereux pour la santé cardiaque ». Cétait put*** de jouissif, dentendre les gazouillis dun être conçu par ses soins, ou plutôt par sa négligence nocturne. Cétait exaltant la responsabilité quimpliquait cette vie à peine commencée, et quil fallait armer avant de la lâcher dans la cage aux lions et aux serpents. Ce matin, pourtant, ça nétait pas suffisant.
Ce matin, Théodrik quitta la couche sans paresse et sans caresses. Il avait eu toute la nuit pour faire chanter les oiseaux. Un regard laurait détourné de son objectif du jour. Chasser sa conscience à grand coup de bières. Balayer le temps de quelques heures le souvenir de sa femme alanguie (on ne retient que ce que lon veut bien) et de son fils barbotant. Il sétait habillé comme on revêt une armure, le matin dune bataille. Avec un calme apparent. Mensonger.
Ce matin, il ny avait plus que son désir immuable de vengeance et de justice, quil modulait à son envie. Parce que mille fois il lavait entendu de la bouche de son père. On est injurié, humilié, blessé, moqué, foulé ? On exige réparation. Théo navait été victime dans laffaire, et tenait plus dun bourreau que dun mouton. Mais toucher à ses surs revenait, pour ce berger excessif, à enrayer les Røykkness en entier. Et son nom, et sa famille, cétait tout ce qui lui restait de sa Norvège natale. Ce matin, il ny avait plus que sa haine. Celle quil entretenait furieusement pour les frères Piques, quand la raison voudrait quil sen détourne pour séviter les foudres de ces énergumènes. Il ne sagissait plus seulement dun viol ou dune désapprobation. Lépine était plantée entre eux, profondément enfoncée dans la colonne.
Cétait entre Théo et les jumeaux.
Cétait entre Théo et Samaël, le barge qui nemportait pas sa pitié. Cétait surtout entre Théo et Judicaël, pas moins fêlé que son allié.
Si vous avez des larmes, préparez vous à les verser.
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By JD Dôn.