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[RP] Alina !

Gyllaume

    ~~[ [1449] Sierre – Manoir des Valassi ]~~



L’automne ne faisait que commencer. De leur fenêtre les enfants pouvaient profiter des couleurs rouges et jaune qui se reflétaient sur les eaux tumultueuses du Rhône.

J’adorai le rouge à cette époque, c’était les couleurs du Valais en plus.
Et le jaune me rappelait le blason de la famille Vellini, celle de Maman.


Mais cet automne là c’était aussi celui d’un événement qui me marqua, moi, mais aussi ma jumelle.
Mes sœurs et frères aussi, même si certains étaient trop jeune pour s’en souvenir.



« Pourquoi ! Pourquoi ! » Ces mots, je me les étais posé des semaines durant.
Olivia avait déjà donné tant de vie dans cette famille. Alors qu’avaient-ils fait de mal pour que ça change ?

Caché en haut des escaliers avec ma jumelle, les mains serrées, nous regardions secrètement le salon en dépit de la volonté du paternel comme à notre mauvaise habitude ...


    A cet instant,

    J'avais dessiné sur mes yeux
    son doux visage
    qui me souriait
    puis il a plu sur cette table
    dans cet orage elle a disparue

    Et j'ai crié, crié, Alina! Faut qu’elle reparte
    et j'ai pleuré, pleuré, Oh j'avais trop de peine

    Je me suis assis auprès de son âme
    mais la belle dame s’était enfuie
    je l’ai cherché sans plus y croire
    et sans un espoir pour me guider

    Et j'ai crié, crié, Alina! Pour quelle reparte
    et j'ai pleuré, pleuré, Oh j'avais trop de peine

    Je n’ai gardé que ce doux visage
    comme une épave sur la table souillée

    Et j’ai crié, crié, Alina ! Faut quelle reparte
    Et j’ai pleuré, pleuré, Oh j'avais trop de peine
    Et j’ai crié, crié, Olivia! Faut qu’elle revienne
    Et j’ai pleuré, pleuré, Oh j'avais trop de peine
    Et j’ai crié, crié, Alina! Faut qu’elle reparte
    Et j’ai pleuré, pleuré, Oh j'avais trop de peine
    *



Mais rien, rien, ne la ramena.
L’âme en peine je restais frustré, collé contre ma chair. Le visage se détournant pour se perdre dans les larmes gémellaires.

Assommé, sans doute. Je ne me rappelle pas.
Quelques heures, presque une journée j’étais resté inconscient.


Et plusieurs jours durant je me refusai à voir ce qui s’apparentait pour moi à des tueuses. Quand bien même elles aient eu la même mère et le même père.




*Parôles un peu modifiée de: Aline - Cristhophe
_________________
Alaynna



Même pas dix ans encore.

Il y a quelques jours, mammà m'avait arraché une promesse alors que nous avions comme à l'accoutumée une de ces discussions fertiles entre une mère adorée et sa petite fille.
Je n'avais encore dans mon esprit, aucune idée de l'importance que prendrait alors cette promesse faite en riant sous une journée ensoleillée, le nez saupoudré de farine, alors que nous nous amusions dans la cuisine, mammà et moi.

J'avais bien noté de mes yeux d'enfant combien elle paraissait fatiguée ces derniers temps et son ventre était rebondi de telle manière qu'elle nous avait prévenus mon frère et moi que nous n'allions plus tarder à avoir frère ou soeur.

Pourquoi les évènements de ce jour, jour de drame, ne s'étaient-ils pas passé en huis clos dans la chambre conjugale des parents ?
Sans doute parce que notre mère fut prise de douleur alors qu'elle se trouvait dans le salon et que notre père ordonna alors au personnel de faire tout le nécessaire dans cette pièce-ci.

Cette pièce. Combien l'ai-je haï par la suite, ne supportant pas d'y mettre un pied et refusant de manière entêtée de participer à un seul repas qui y fut pris par la suite. Je préférais rester en cuisine, souvent esseulée, quelquefois rejointe par ma soeur Kaila mais jamais plus après ce jour je n'acceptais de rester plus de quelques minutes dans cette pièce.

Bien évidemment on nous avait envoyé dans nos chambres, mais avec Julian, nous n'avions rien trouvé de mieux que de nous lover dans un coin de l'escalier ou la vue était imprenable sur le salon.

Et sur mammà...

Mon frère s'était blotti tout contre moi, me saisissant mes mains qu'il avait entrelacés aux siennes.

J'ai oublié tout ce qui n'est pas l'horreur à laquelle j'ai assisté. J'ai oublié tout ce qui n'est pas le drame qui s'est déroulé sous mes yeux.

Ce jour là j'ai connu le pire jour de ma vie. Du moins le croyais-je, j'ignorais encore que quelques jours après ce drame, j'en vivrai un autre lorsque notre père m'arracherait mon jumeau et que nous deviendrons alors deux corps perdus.

Aujourd'hui j'ai vécu l'assassinat de ma mère.

Aujourd'hui je renies ces deux monstres jumelles qui sont sortis des entrailles maternelles.

Aujourd'hui j'ai vu ma mère faire don de sa propre vie et nous abandonner pour ces deux monstrueuses tueuses.

Je les hais. Elles ne sont pas mes soeurs. Elles ne sont rien.

Un jour, quand je serai grande, je vengerai mammà.

A partir d'aujourd'hui, je vais veiller à entretenir la mémoire de ma mère. A partir d'aujourd'hui, je vais ignorer les deux monstres que notre père est en train de bercer dans ses bras.

Et lui. Je commence à le haïr. Parce que c'est notre mère qu'il devrait bercer ainsi et pas ces deux tueuses.

J'ignorai encore que j'allais sous peu avoir une autre raison de haïr mon père au même titre que je hais déjà les deux nouvelles Valassi.

Et ma haine devient encore plus farouche, lorsque je l'entends en appeller l'une d'elle Alina.

Celle-là, elle vient de signer son arrêt de mort. Mon frère n'aura qu'à se charger de l'autre.

_________________
Juliane
    « Vivre la naissance d'un enfant est notre chance la plus accessible de saisir le sens du mot miracle » Paul Carvel.

    Oui, mais pas pour tout le monde.


                ***********************************************


          [ 9 mois tout pile ]


    9 mois déjà que la chaleur du ventre de ma maman me tenait au chaud, nid douillet où j'ai pu grandir et voir apparaître mes bras, mes jambes, mes pieds, tout ce qui fait de moi un être humain.
    Je n'avais pas envie de sortir. Pas maintenant. Je sentais déjà la pluie d'automne me glacer les os et cette idée m'effrayait.
    J'avais décidé d'attendre encore un peu. Maman était malade, en plus. La grippe ? Un simple rhume ? Aucune idée. Bah ouais, j'étais trop petite pour être médecin, t'es bête toi !
    En tout cas, plus j'attendais, plus l'état de santé de maman se dégradait. J'en suis venue à me demander si ce n'était pas de ma faute, si je n'aggravais pas les choses. Néanmoins, j'étais convaincue qu'il fallait mieux que j'attende que maman-chérie guérisse, avant de pointer le bout de mon nez.



          [ 9 mois & 3 jours ]


    A côté de moi, ma copie conforme, mon double, la première vie humaine que j'ai connu, mon sang, en somme ma soeur. Elle, au contraire voulait sortir. Dans tous les sens elle gigotait, alors même que maman souffrait. Promis j'ai essayé de l'arrêter avec un coup de pied mais ça a provoqué une intense secousse que je ne suis pas prête d'oublier.
    Tout le ventre de maman se mit à trembler, je ne me sentais plus aussi bien qu'avant. Je me suis débattue, cherchant à m'accrocher où je pouvais. Hop, en quelques minutes je me suis retrouvé la tête en bas. Quant à ma soeur adorée, elle se prenait mes pieds dans les côtes. C'est peut-être pour ça qu'aujourd'hui elle n’est pas très nette, non ?

    Bref, la position dans laquelle je me situais était inconfortable, il était L'heure.

    Il semblait que je sois la première à sortir. Est-ce maman savait qu'on était deux là-dedans, hein ? Une inquiétude me prit, mon coeur se serra. Et si maman oubliait ma soeur dans son ventre ? Et si je sortais seule dans ce monde cruel ? Non, je ne pouvais pas imaginer ça. Ainsi, je me mis à faire de la résistance, même si les secousses me poussaient vers la sortie, il était hors de question que je sorte sans ma soeur. Ah, vous ne n'aurez pas ! Je n'abandonnerai jamais !

    Plus les heures passaient, plus la résistance était difficile. Maman poussait de toutes ses forces mais je ne pouvais pas laisser ma soeur, mon amour dans cette tombe en avenir.


          [ La délivrance, enfin ! ]


    Une secousse, plus puissante que les autres, secoua les filles dans tous les sens. Tentant par tous les moyens de garder sa position de rébellion, maman mit une dernière fois son corps à contribution. La poussée qui vint la déranger était trop pesante pour résister plus longtemps. Je lâchais alors prise, me laissant glisser sur le toboggan menant à la vie. Sa soeur fut également propulsée dans la foulée et aussitôt, les deux princesses arrivèrent au monde, accueillies par 2 paires de bras protecteurs.

    Lumière éblouissante d'une chandelle, bruit immonde d'une pluie battante, l'arrivée au monde n'était pas si merveilleuse que ça pour les principaux intéressés ! Du coup, avec ma soeur, on décida de le montrer. Grande inspiration, poings serrés, bouche ouverte et...


    « Ouuuuuuuuuuuuuuuuuuuin, ouuuuuuuuuuuuin, ouuuuuuuuuuin, ouiiiiiiiiiiin....... »

    Je veux y retourner !! Laissez nous retourner dans le ventre de maman ! Maman ? Où est-ce qu'elle est, tiens, maman ? Avec du mal, j'ouvris un oeil curieux. A quoi pouvait-elle ressembler, hein ? Sa vision était floue, beaucoup de personnes s'affairaient autour des jumelles mais aussi autour de leur mère. L'agitation dans la pièce empirait. Pourquoi on ne la posait pas dans les bras de maman ?

          [ Un bonheur pour un malheur. ]


    La panique dans la salle d'accouchement déchaînait encore plus les filles qui se sentaient perdues. D'un coup, je vis des bras tendus. Une femme, brune, trempée, décoiffée, chercher à l'attraper elle et sa soeur. C'était donc toi, maman ? Que tu étais belle...
    On nous déposa chacune à un bras de maman, heureusement qu'elle en avait deux ! Les yeux plissés, j'aperçue de magnifiques yeux marrons brillants, gonflés de larmes de bonheur. Elle avait un teint parfait, ma maman, un teint italien sans imperfection.
    A peine le temps de l'admirer quelques secondes qu'elle se mit à fermer les yeux. Elle nous murmura un truc comme «
    Je vous aime mes... » et puis plus rien.



    Rien.
    Rien.
    Rien.
    Rien.
    Rien.
    Tout est fini.



    La mise à mort de sa mère était achevée. Ses bourreaux ? Ses filles nouvellement nées. Comment peut-on vivre avec ça ?

    Sa jumelle semblait ne pas comprendre ce qu'il se passait, elle continuait à brailler. Quant à moi, je savais au fond, je sentais que le corps sous moi perdait la vie.
    On nous arracha des bras délicats de maman pour nous poser dans un couffin unique pour deux, confortable mais tellement moins que la poitrine de sa maman.

    La pluie s'arrêta, la bataille était terminée pour sa mère et elle commençait pour les jumelles.

    Une vie sans Mère les attendait.

                ***********************************************


                « Dans un coin d'une pièce, un petit lit moelleux
                Abrite deux anges bruns minuscules et gracieux.
                Ah ! divines enfants, de vos belles frimousses
                Comme vos traits sont fins et vos peaux si douces !

                C'est un moment unique, un instant merveilleux
                Qui flatte mes regards, m'en jette plein les yeux
                Lorsque vous tendez la main ou vous tordez sur votre couche
                Pour quérir quelque objet à porter à vos bouches.

                Vous êtes comme un joyau dans un écrin précieux
                Vous les doux chérubins angéliques et radieux
                Arrivés sur la terre un jour bien monotone
                Est-ce là surprenant : c'était un jour d'automne !

                C'était par un temps triste, et franchement pluvieux
                Que du Ciel vous nous vinrent et me trouvas heureux :
                Vous les présents des Dieux, de Mère Providence
                Vous avez mis dans mon cœur une chaleur intense »*



                ***********************************************


    Les jours qui suivirent, le deuil pesait dans le Manoir des Valassi. Les jumelles ne voyaient pas grande monde mis à part les nourrices, les majordomes, et de temps en temps leur père, anéanti par le décès de leur maman, qui passait les voir dans leur couffin, sa cage dorée à elle.
    Les mois passèrent et le deuil se fit lentement, mais sûrement. Leur père réussit à les aimer de plus en plus. Elles rencontrèrent leurs frères et soeurs pour la première fois. Certains avaient de grands sourires quand d'autres - Gyllaume et Alaynna notamment - les méprisaient du regard.

    Un jour, lors d'une promenade où les deux soeurs, plus unies que jamais face à cette tragédie, découvraient les joies du printemps faisant suite à un rude hiver. Les fleurs voyaient leurs pétales naître doucement.

    A un moment donné, mon regard se porta sur un petit objet rond, lisse, avec quelques difformités. Sans savoir pourquoi, je m'épris pour cette chose dont je ne connaissais rien. Une attirance irrésistible qui me poussa à me débattre pour tenter d'aller le toucher, l'attraper, le serrer contre moi.
    Mon père remarqua ma détresse et décida de nous déposer dans l'herbe douillette et chaude, qui nous chatouillait les pieds. Je pus admirer de plus près ce truc dur, gris et poli. Ma plus grande découverte qui deviendra ma plus grande passion : les cailloux.

    La douce Alina leva la main, doigts bien tendus, en dirigeant son bras vers le beau caillou et l'attrapa. Le temps défila, les années passèrent et 8 ans plus tard, Alina faisait exactement le même geste avec le même entrain alors qu'elle trouva un caillou qui lui semblait être le plus beau de sa collection.

    8 années avaient passées, accompagnée de son père, ses frères, ses soeurs, mais surtout Sa soeur, Sa jumelle dont elle était collée chaque jour que Dieu faisait.

    Le jour de mon anniversaire, premier jour de l'automne, je décidai d'aller poser à mon frère et à ma soeur - les jumeaux fusionnels -, une question qui me trottait dans la tête. Pour une fois, je laissais derrière moi ma soeur aimée dans notre chambre. Arrivée devant celle des jumeaux, je toquai à la grande porte de bois.


    « C'est Alina ! ». Je n'hésitai pas pour entrer, sachant qu'ils refuseraient de me laisser faire si j'attendais une réponse. Un instant pour réfléchir à la formulation de ma question, un soupire puis les mots sortirent tout naturellement.

    « Dites, pourquoi vous ne nous aimez pas ? ».
    C'était dit, & il était temps pour eux de tout lui expliquer.




* Poème de Maurice Curie, mis au pluriel.

_________________
Gyllaume





    Voila deux années déjà que j'étais revenu reprendre ma place, celle que j'aurai toujours du occuper auprès de ma moitié.



    Depuis je m'efforce de plonger chaque soir un peu plus dans mon rêve et je laisse jaillir mes pensées.

    Sauf que ca fait deux ans aussi que mon pire cauchemar est redevenu réalité

    Deux ans à se taper des cailloux partout dans la baraque !

    Deux ans à supporter leur sourire niai et débile.
    Et chaque jour voir ces deux monstres hanter la maison.



    Colère, colère et désespoir. Je vous Haie.



    Et tout les matin le même rituel, éviter le couloir pour ne voir leur tête.
    Prendre place à l'autre bout de la table. Emmener son regard au loin, le porter sur sa moitié.



    Une journée comme les autres. Je rentre de mon entrainement à la caserne.
    J'aime pas ce job mais je vois pas les deux monstres comme ca.
    C'est elle encore une fois .. et une autre sur ce pantins. Je le frappe avec fougue.

    Il faut vraiment que je me soigne.
    Je sais pas comment je peux continuer à vivre. Prise de tête, Maux de tête.

    Encore ce cri dans mon esprit "HAAAAAAAaaaa .....HAAAAAaaaaa"



    Chasses ces pensées noires.
    Pense à elle. Rien qu'à elle.
    Il faut que tu récupères un peu d'espoir.

    Je partirai avec toi, loin de ces choses immondes qui détruisent la beauté du monde.


    Mais
    Ce soir ... ce soir je t'emmène dans notre chambre, pays de rêve.
    Ce soir ... ce soir je ne mangerai pas de leur gâteau et toi non plus.



    Son corps sur le mien et ses jades qui irriguent mes veines de bonheur.
    Draines encore ma colère.

    Je prendrai tout ce que tu as à m'offrir.
    Je veux me noyer avec toi encore une fois.

    J'entend ... J'entend ... cette chose qui périme mes pensées.


      « C'est Alina ! ».

      Toi !


    Les monstres n'ont pas de nom. Ils n'ont pas le droit d'exister d'abord.
    Je la regarde. Regard béat. Regard de tueur.
    Elle entre en plus.
    Soupir de désespoir.

      « Dites, pourquoi vous ne nous aimez pas ? ».

      - Parce que vous êtes nos sœurs.


    Je vois pas . Pourquoi ? C'est simple.
    Je me lève et me dresse en face d'elle. J'ai pas peur de ce montre, je le laisserai pas détruire encore nos rêve.


      Vous êtes des tueuses.


    Les mots étaient lancés sans retenue. Les conséquences, je m'en fiche !
    Allez je continue.

      Une abomination ... la cause de tout nos maux.


      Faut que tu repartes le plus vite possible maintenant.
      Ca devient insupportable !



_________________
Alaynna
Tout vide non accepté produit de la haine, de l'aigreur, de l'amertume, de la rancune. Le mal qu'on souhaite à ce qu'on hait et qu'on image, rétablit l'équilibre.
- Simone Weil -


Je les évite. Depuis ce jour funeste. Jamais je n'ai accepté de jouer avec elles. Jamais je ne leur ai adressé la moindre parole. Je deviens muette lorsque je les aperçois dans les parages et je me carapate.
Notre père n'a jamais rien pu y faire. Je n'ai jamais voulu céder à ses intimidations. J'ai souvent été punie parce que je les ignorais. Je m'en moque.
Ce sont des tueuses. Elles ont tué notre mère. Et j'en suis venu à haïr notre père également pour cela.

Jamais il ne m'obligera à leur parler. Je n'ai strictement rien à leur dire. Je vis ma vie, dans mon coin sans me préoccuper d'elles.

Mais ce soir il y en a une qui vient de franchir la ligne interdite : celle du passage de notre chambre. Celle que notre père a eu le culot d'appeller pratiquement de mon propre prénom. Comme si moi finalement je ne comptais pas, je n'étais rien.

C'est sans doute ce que je suis au yeux de ce paternel que je déteste autant qu'elles. Rien.

Je lève les yeux aux ciels en voyant l'irruption. Mon frère lui ne se gêne pas pour leur parler, mais il n'est jamais tendre avec elles. Et encore une fois, il n'y va pas par quatre chemins.

Moi non plus. Mais d'une manière différente. Je caresse la joue jumelle d'un souffle tendre.
Puis j'enfiles mes bottes. Un mantel.

Et sans un mot je passe devant l'une des tueuses, l'ignorant superbement et je m'en vais.

Au moins sur le port, je pourrai penser à celle qui n'est plus sans entendre les jacassements des jumelles monstrueuses.

_________________
Nuccia
        [ -"Qui a dit que la route qui mène au pardon pouvait parfois être longue ?
        - Non, parce que moi, j'pense qu'la vérité, c'est qu'elle va être interminable..." ]
        *

          * Nuccia - Tiré d'une de ses nombreuses réflexions.


    Nuccia. Le voilà mon prénom. C'est celui que m'a attribué mon père, un jour d'avril, alors que nous venions, ma jumelle et moi, de quitter les entrailles, douillet cocon, d'une mère que je n'ai jamais connu.
    Les simples choses que je sais concernant cette dernière me furent rapportées par mon géniteur, pour qui le manque, parfois, devenait trop pesant. Parler de celle qui nous avait si durement enfanté n'était pas un fait rare. Cela arrivait aussi souvent qu'il ressentait le besoin de puiser de la force dans ses souvenirs. Une force qui lui était nécessaire pour se relever, un rappel devenu essentiel à sa survie.

    Alors a chaque fois, je suis restée attentive au moindre de ses récits. Et soyons honnête, si je le faisais, c'était davantage par respect plus que par envie, car jamais, je n'ai vraiment ressentie le besoin d'évoquer cette mère que la mort a emportée trop tôt. Beaucoup me disent qu'elle fait partie de moi, s'imaginent que de ne l'avoir pas connue a dû occasionner chez moi un manque terrible. Seulement voilà, ils se trompent puisqu'elle ne me manque pas. Comment cela pourrait être le cas, puisqu'elle m'est physiquement inconnu. Ceux qui pense que le manque existe, sont ceux qui ont eut la chance de connaître l'être disparu.
    Ce qui n'est pas mon cas.

    Pour vous dire, jamais, je ne prononce le prénom de celle qui m'a fait naître. Moi, je suis plutôt du genre à éviter le sujet. Moi, dont le prénom est trop souvent associé à la mort, parce qu'a entendre certains de mes proches, comme Gyl ou Alaynna, je suis coupable d'avoir tué. Oui ! Ma mère, vous l'aurez compris, à payer un bien lourd tribut en nous mettant au monde, ma soeur et moi. Une double naissance qui lui aura coûté la vie. Mais ai-je voulu pour ma mère ce terrible destin ? Bien sur que non. Comment aurions-nous pu savoir qu'elle ne résisterait pas ?

    Quoi qu'il en soit, et ce malgré ma persistance à essayer de me convaincre que ma soeur et moi n'y sommes pour rien, j'ai fini, avec le temps, et à force qu'on cherche à me mettre cette idée en tête, par me sentir coupable.
    Il n'est pas une journée, dès lors qu'Alina et moi sommes amenées à croiser nos aînés, sans que les reproches ne fusent. Toutes les occasions sont bonnes pour qu'on nous punissent, qu'on nous maltraitent, non pas deux ou trois fois pas semaine, non pas une ou deux fois par jour, mais de façon continuelle. Chacun de mes nerfs s'est alors mis à les craindre, et chaque partie de ma chair ou de mes os tressaillent dès l'instant qu'ils s'approchent. Il y a même des moments où la terreur qu'ils m'inspirent me rend folle.

    Et parce qu'ils nous détestent au plus haut point, nous les aimons, surement plus que de raison. Étrange non ? Alors tout ce que nous faisons, nous l'entreprenons dans le but de nous "racheter", pour qu'enfin, ils finissent par nous aimer. Et je sais que le chemin sera long.


            *


    Ce n'est pas aujourd'hui que nous l'obtiendrons notre pardon. Je le sais en entendant les voix qui s'élèvent, provenant du rez-de-chaussée. Le ton est rude, les mots assassins. "Alina"... Voilà ce que je me dis tout en secouant légèrement la tête, devinant aisément que c'est à elle que Gyl s'est adressé, usant de son habituelle virulence. J'ai l'impression, je dois bien le dire, que ma soeur a parfois des envies de se faire tuer. Moi, j'ai davantage de réserve. J'essaie toujours de les prendre avec des pincettes.

    Il en est une autre dans ce Quatuor infernal qui ne dis jamais mots, en tout les cas jamais lorsqu'elle se trouve à devoir nous faire face à Alina et moi. C'est Alaynna. Elle se renferme comme une huître, pour finir par disparaître. Cette fois encore, elle préfère s'enfuir. De là où je suis, debout devant une fenêtre, planquée derrière l'un des rideaux que j'ai pris soin de tirer, je la vois qui quitte la maison. Mais pour quel autre endroit ?
    Ma curiosité m'a poussé à sortir de ma planque, pire encore, elle m'a poussée à suivre la fuyarde. Jusqu'au port, je l'ai filée, et cela sans même qu'elle ne se soit doutée un seul instant de ma présence.
    J'ai marqué la pause un bref instant, le temps qu'Alaynna rejoigne le bord du quai et se ne fut que lorsqu'elle s'immobilisa que je repris ma marche, prenant la direction qu'elle avait elle-même empruntée quelques secondes plus tôt. Mes pas restèrent inaudibles tandis que je marchai sur les pavés, recouverts pas les rires et les discussions des marins qui brayaient un peu plus loin. Je m'approchai toujours, assez près pour qu'elle m'entende lui parler.



      - " Alaynna... ? Je sais ! C'est moi. Mais s'te plaît. T'sauves pas."

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" Le sentiment de ne pas être aimé est la plus grande des pauvreté " - (Mère Teresa)
Alaynna
Assise sur ce ponton, une larme perla sur ma joue. Elle semblait provenir d’une source limpide, généreuse et intarissable. Mammà me manquait. Indubitablement. Son absence, sa disparition, sa mort m'avait forgée.

Je regardais le déchargement des cargaisons des navires. Armateurs et les marchands s’entendent sur la valeur des barils d’huile, des fanons, de la viande et des fourrures rapportés. J'aimais souvent à percer quelques bribes de discussions entre marins. En effet, il était plus souvent question entre eux de butins, d’abordages, de camarades pendus ou tués en combattant que d’histoires de pêches miraculeuses ou de chaloupes fracassées par des baleines en furie.

Bête curieuse et attachante que je suis ! inaccessible, mais attrayante ! Pour te saisir, il faut se placer au bon endroit, trouver l’angle d’attaque qui te dévoile et te met à nu. Démarche impossible, mais tentante. Quelles que soient les circonstances, tu ne manques jamais d’imagination.
Mais il semble que l'une des jumelles haïes ait trouvé le moyen de venir m'atteindre.
La garce m'a suivie !

Je me surprends alors à me relever d'un bond, et à lui adresser la parole, sur un ton peu amène. Je pointe, tête haute et poitrine bombée, mon doigt vers Nuccia. Il ne faut surtout pas que je manque mon entrée en scène. S’agissant toujours du même plateau où, pour exister, jouer la comédie est aussi indispensable que respirer, cette fois, je dois monter sur les planches. Parce qu'elle m'y oblige.


" - Que fais tu ici ?"

Merde, merde et merde, me dis-je,Madre mia(1), tu aurais pu m’épargner cette épreuve !

(1)ma mère.
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