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[RP]Demain. Je me relève de bonheur.

Alaynna
[Il est où le bonheur] - Christophe Mae -

J'essaye de le noyer, mais il flotte ce putain de chagrin. Alors je me chante mes plus belles notes et ça ira mieux. Demain.

"Je me rends compte que je peux vraiment pas te perdre. Je veux pas te perdre, je veux pas vivre sans toi. Je peux pas exister sans toi. J'ai envie de toi, de cet enfant, de cette vie. J'ai envie de Nous."

Ces instants fugaces de bonheur diffus, il faut les saisir, car ce qui les rend si précieux, c'est qu'ils ne durent pas !

"Je te promets de t'aimer, même quand je te donnerai des raisons de me détester.
Je te promets d'être là, pour vous deux.
De tout te dire, jamais te mentir.
Je vais faire de mon mieux, même quand on sera vieux et que je serai devenu gâteux.
Ouais, parce que je serai toujours là, et on ira, sur ce bateau."


Mensonges. Mensonges. Mensonges.
Il est tellement là pour sa fille et moi qu'il s'est carapaté un mois et demi après notre "mariage', pour être auprès de sa maîtresse et d'un enfant qui n'est pas le sien.

Je croyais qu'un mari, ça protégeait sa femme. C'est tout du moins ce que Roman m'avait dit à une époque. Sauf que ces dernières semaines, j'ai découvert avec horreur que mon mari ne me protégeait absolument pas mais s'évertuait à me détruire.

Aujourd'hui. Je sais que ce n'est pas cet homme là qu'il est redevenu que j'ai aimé. No. J'ai aimé celui qu'il était l'année dernière. J'ai aimé le Salaud et je le chérirai toujours. Mais le Salaud est devenu un enfoiré de première. Et celui-là, je le hais ou du moins je l'ai haï jusqu'à ces derniers jours. Je ne lui pardonne pas ce qu'il m'a fait vivre toutes ces dernières semaines.
Depuis que je sais. Il m'est devenu complètement indifférent. Très certainement parce que je ne ressens rien à part un immense vide. La douleur, je ne la sens même plus. Je me suis anesthésiée de tout. Les larmes ne coulent plus. Il n'y en a pas. Rien ne sort. Tout reste bloqué et figé à l'intérieur.
C'est sans doute pour cela qu'il m'a été si aisé de lui dire que je le laissais être père malgré tout. Parce que je me fous de tout ce qu'il peut advenir de lui désormais. Il veut être père mais il fait déjà tout son contraire. Peu m'importe. S'il le fait tant mieux pour Anna-Gabriella. S'il ne le fait pas, tant pis. Mais ce n'est pas moi qui irait lui galoper après. Je n'ai aucunement l'intention de lui écrire tous les trois-quatre matins pour lui détailler longuement les journées de notre fille. Parce que pour moi être père, ça n'est pas l'être que par le biais de missives. Et je n'ai pas non plus l'intention de l'appeller au secours ou de monter un plan vicieux pour le faire revenir auprès de nous.
Si certaines ont su par le passé en jouer, ça n'est certainement pas moi qui agirait de la sorte. Il m'a reconduite tout droit dans les enfers, mais mon putain d'orgueil lui est toujours là.

Il a fait son choix, il assume. J'ai dit que je le laisserai être père, et je tiens ma parole. Moi je ne mens pas et je reste moi-même. Malgré ce qu'il me fait endurer.

Depuis des jours j'évite Gabriel. Je lui ai simplement dit que Niallan était parti rejoindre sa maitresse. Je n'ai pas pu en dire davantage. Parce que j'ai réalisé que je ne suis plus rien pour lui. Donc elle n'est plus sa maîtresse, elle est sa compagne. Moi je suis la femme qui ne l'est pas vraiment. C'était juste un subterfuge pour Anna-Gabriella en fait. Je l'ai bien compris. Et ça me tue. Qu'il se soit joué de moi ainsi, ça me consume de l'intérieur à petit feu.

Alors. C'est sur un vélin que je me suis épanchée un peu plus. Et le retour ne s'est pas fait attendre.
Le Danois veut venir s'assurer par lui-même que je vais bien. Mais moi maintenant j'ai décidé de croire que ce que je vois. Alors en fait, je n'y croirai vraiment que lorsque je le verrais là, devant moi.

Anna-Gabriella est de nouveau en mode je perces mes dents. Alors comme je veux être là à tout instant pour prendre soin d'elle, j'ai demandé à Gabriel de mener les chevaux. Et nous avons viré de cap.
C'est à peine si j'ai remarqué qu'il manquait quelques affaires. Je m'isole depuis trois jours avec Anna, m'occupant de la soulager du mieux que je le peux. Elle pleure beaucoup et je ne suis pas idiote, je suis certaine qu'elle ressent la moindre de mes humeurs. Je pourrais essayer de prendre du repos en même temps qu'elle, lorsqu'elle finit enfin par s'endormir mais je n'arrive pas à dormir.
Parce que d'une, je ne supporte pas de dormir seule et ça, ça n'est pas nouveau, ça a toujours été ainsi.
Enfant, je dormais avec mon frère. Les cauchemars sont apparus lorsque nous avons étés séparés. Lorsque j'ai retrouvé mon jumeau, de nouveau, nous avions repris nos habitudes de dormir ensemble. Et par la suite, je dormais auprès de Roman. Jusqu'à ce que je tombe une première fois dans mes enfers et où là, je ne dormais que sous l'effet de substances plus ou moins nocives. Qui se sont avérées l'être plus que moins. Et puis après c'est Niallan qui dormait auprès de moi. Jusqu'à ma fuite où je dormais avec l'une de ses chemises juste pour me donner l'illusion qu'il était là.

Mais aujourd'hui, sa chemise n'est plus là. Je l'ai brûlée la nuit où il est parti. Et il n'est plus là pour que je dorme contre lui.
Alors je grapille quelques heures de sommeil quand je suis si épuisée que je m'endors malgré moi. Mais les cauchemars m'éveillent vite quand ce ne sont pas les réveils en sursaut parce que j'entends Anna-Gabriella qui est éveillée.

Mais Osfrid m'a écrit que je devais tenir debout, alors je m'efforce de le faire. D'abord pour ma fille. Et puis aussi parce que je n'ai pas tellement envie de me prendre une soufflante par le Danois.
Je vis. Je vis pas jour après jour mais je vis heure après heure.

Et plus je sens qu'il se rapproche le Danois, et plus je me concentre sur mes efforts. Et puis m.ierda. Moi aussi j'ai envie de m'assurer qu'il va bien. Parce que quand même, dans sa dernière lettre, il m'a parlé de sa femme et de son fils qui sont morts. Et du fait que lui, il soit toujours là. Et puis c'est pas comme s'il m'avait pas sauvé la vie dernièrement. Puis il est le seul qui peut s'approcher de moi sans que je n'ai envie de le baffer. Et puis je sais qu'il a raison dans tout ce qu'il m'a écrit dernièrement. Et il a beau boiter, il est quand même doué pour me rattrapper au vol quand je commence à sombrer.
On va donc s'assurer tous les deux qu'on va bien. C'est déjà un bon début. Et je pourrai aussi lui faire découvrir ma petite merveille. Enfin je sais pas trop. Parce qu'Anna pourrait lui raviver le souvenir de son fils qui est mort. Alors je ne sais pas. J'ai pas envie de le rendre malheureux en lui rappellant son passé. Mais ça ne m'était jamais venu à l'esprit que sans doute Osfrid s'y connait un peu en bébé.

Parce que moi. J'apprends sur le tas. Et ce n'est pas facile tous les jours.

Alors ce soir, peu importe qu'il soit tard dans la nuit, je vais vivre parce que demain, c'est décidé, contre toute attente, je me lèverai de bonheur.

Et pour commencer, je vais cesser de fuir Gabriel. Mon frère de substitution a une nouvelle coupe de cheveux à me faire. Et puis faut qu'on cause.

_________________
Alaynna
[Formidable] - Stromae -

Formidable, formidable,
Nous étions formidable, tu étais fort minable...



Hier matin j'ai reçu une missive apportée par un type bizarre, qui devait avoir une tête aussi moche que la mienne. C'était lui, l'Enfoiré. Qui m'écrivait.
Mes yeux l'ont parcouru, puis je l'ai glissé directement dans la poche de ma veste. Sans plus y prêter d'attention. Avant, je lui aurai répondu dans la foulée. Mais ça. C'était avant.

J'ai passé la matinée avec Anna-Gabriella et Apollo. On est allés prendre un bain tous les trois. Le bain était surtout prétexte à faire baisser la fièvre de ma petite princesse pirate. Elle a les joues toutes rouges et ses petites perles d'océan brillent bien trop à mon goût. Et je voyais bien que la plonger dans l'eau de la rivière, lui faisait du bien. Elle avait niché sa petite tête contre ma poitrine, l'une de ses minuscules menottes s'était lové dans mon cou et l'autre bras de ma petite sirène était tendu en direction d'Apollo qui barbotait comme un fou dans l'eau.
Je lui avais glissé mon index dans la bouche, et doucement, je lui massais sa gencive toute gonflée.
Nous n'avions pas froid. Les quelques rayons de soleil matinaux venaient s'échouer sur nous et on profitait de ces instants d'accalmie. Comme hors du temps. Et je regardais les petits petons d'Anna battre l'eau, avec adoration.

Et puis j'ai fini par mettre fin à ce moment idyllique, nous enroulant toutes les deux dans un long drap avant de filer sous la tente de fortune que j'avais dressé, non sans passer par la petite carriole de princesse fabriquée par Niallan, y choisir de quoi habiller Anna-Gabriella.
C'était sans doute pas la meilleure idée que j'avais eu de faire suivre la carriole, mais au moins Anna ne se sentait pas perdue et avait toujours ce repère-ci. C'est important les repères pour un enfant. Je suis bien placée pour le savoir. Moi on m'avait arraché mon seul repère, après la mort de ma mère, quand notre père nous avait séparés Julian et moi. Et les dommages collatéraux, s'en ressentent encore aujourd'hui. Je ne veux pas de ça pour ma fille.
Et pourtant. Niallan en se cassant n'a pas regardé s'il n'arrachait pas un repère à sa fille. Je hausses les épaules, et repousse la vision du blond dans un soupir un brin agacé.

J'ignore dans quelle ville nous nous trouvons. Depuis que nous avons pris la route, je focalise mon attention sur ma fille et je ne m'occupe de rien d'autre. Enfin si, je garde quand même un oeil sur Apollo et Epo. Mais les arbres peuvent bien défiler, je m'en tape. Quand on s'arrête, je monte la tente de fortune par réflexe de survie plus qu'autre chose et rien d'autre ne compte qu'Anna.
Mais je sais que je dois cesser de fuir Gabriel. Alors j'ai dirigé mes pas vers l'une des tavernes. L'endroit est tellement désert, que je n'ai aucun mal à trouver une taverne vide. Et me calant dans un siège, sans plus de façon, je délace ma tunique pour laisser Anna-Gabriella boire tout son soûl.
Et finalement, le plus gêné des trois quand Gabriel s'est pointé, c'était Gabriel lui-même. Nous on a tellement l'habitude qu'on ne fait plus attention et puis en général, on est toujours toutes seules dans ces moments là.
Je l'ai vu passer la porte, s'avancer vers nous et rester planté comme un con devant nous, se passant une main à la nuque. J'ai froncé les sourcils en le regardant d'un air interrogateur. Et puis finalement il s'est décidé à venir m'embrasser fraternellement le front comme à son habitude mais il n'a pas embrassé sa filleule. Et il a fallu que je lui dise de s'asseoir, sinon , il continuait de rester figé au sol près de nous.
J'ai remonté un pan de ma tunique pour planquer à demi le visage d'Anna en train de téter et puis il m'a balancé que j'avais une sale tronche.
J'ai haussé les épaules et je lui ai demandé pourquoi les affaires de Catalyna n'étaient plus là. Je m'inquiétais pas des masses pour mon amie, je me disais qu'elle avait encore du rater un départ et qu'elle n'allait pas tarder à nous rejoindre.

J'aurai mieux fait de fermer ma gueule je crois bien. Parce que je n'aime pas ce qui s'ensuit. Mais alors je n'ai pas aimé du tout ce qui a suivi. Et j'aurai voulu ne pas apprendre qu'il a quitté la Russe parce qu'il s'est aperçu que celle-ci convoitait mon mari.
J'ai encaissé. Même à retardement, faut encore que je morfles. Comme s'il ne suffisait pas que ma nouvelle presque soeur raconte des saloperies même pas vraies à mon sujet à mon mari, en lui balançant qu'Audric et moi on a fait des trucs - je sais pas d'où elle est allé s'inventer des conneries pareilles d'ailleurs - ; voilà que maintenant ma seule amie en pince pour Niallan.
Fini les amies et les presque soeurs, les soeurs tout court aussi d'ailleurs. Je ne suis pas prête d'accorder ma confiance de nouveau. Les coups de poignards dans le dos, ça commence à bien faire. Et puis j'ai bien compris que ça faisait rire mon enfoiré de mari qui ne l'est pas vraiment. De mari, pas enfoiré parce que ça par contre, il doit faire partie des plus gros Enfoirés de la terre.

Et finalement il a belle mine Gabriel de me balancer que j'ai une sale tronche, parce que la sienne est pas vraiment plus belle à voir.
Alors je lui ai demandé de me tailler un chignon. Encore. Et cette fois, vu qu'il avait tout ce qu'il fallait sur lui, il a accepté de s'y coller.

Et c'est ainsi qu'on a parlé lui et moi. Je lui ai raconté une partie de ma discussion avec Niallan avant qu'il ne parte. Et puis on a parlé de Marseille. De ma fuite. De cette connerie marseillaise de Niallan qui avait été la cause de tout ce qui a suivi. Et j'ai dit à Gabriel que je ne voulais pas aller à Marseille. Il m'a dit qu'on irait pas.
Pourtant je l'aime cette ville. Vraiment. Ce sont les souvenirs là-bas que je déteste et qui font mal encore.

Et puis je l'ai vu se mettre face à moi, me regarder et entrouvrir les lèvres, le visage figé sur moi. J'ai pris peur. Je me suis dit qu'il avait du me rater. Je voyais bien qu'il avait tailladé dans ma tignasse et je craignais le pire à voir son visage. Mais soudain, il m'a balancé que j'étais magnifique et qu'il comprenait pas comment on avait pas pensé avant à le faire.
J'ai froncé les sourcils. J'avais pas oublié qu'un moment plus tôt il m'avait dit que j'avais une sale tronche.

Et puis un type s'est ramené. Et j'ai eu droit à du Damoiselle, du magnifique et du sublime. Je me suis tourné vers Gabriel, la bouche ouverte et le sourcil de travers, mais mon presque frère n'a rien trouvé de mieux que d'en rajouter une couche.
Je les ai regardé tous les deux. Puis j'ai senti mon poing me démanger. J'avais envie de le cogner ce type. Et j'aurai presque pu en foutre une à Gaby aussi ! Alors je me suis levée, j'ai calé Anna-Gabriella contre moi et je me suis carapatée au pas de course en claquant la porte derrière moi.

Direction la tente. Je nous ai installé toutes les deux dans la couche, bien soutenues par des multitudes de coussins. Anna balançait ses petits petons dans les airs et jouait avec ses menottes. J'ai ressorti la missive de Niallan de la poche de ma veste. Je me suis dépouillée de mes habits, balançant le tout à travers la tente pour ne garder que ma chainse et je me suis assise face à ma fille, me calant moi aussi des coussins derrière le dos. Apollo est venu s'asseoir près de nous, calant sa tête sur les peaux de la couche.Et j'ai entamé ma lecture. Ponctuée de quelques commentaires de ma part à l'intention de notre merveille.


Je sais absolument pas comment commencer cette lettre. Je t'ai promis de t'écrire et j'ai envie de le faire mais j'ai l'impression d'être un enfoiré encore plus monumental que je ne le suis déjà en le faisant.

- Noooon tu crois que t'es un enfoiré monumental ?

Est-ce que tu vas bien ? Est-ce qu'elle va bien ? Comment c'est où vous êtes ? Et d'ailleurs, où êtes-vous ?

- Ouai, alors ça Enfoiré, où on est , ça te regarde pas !

Est-ce qu'elle me réclame, des fois ? Je veux dire, est-ce que je lui manque ? Est-ce qu'elle
C'est ridicule, excuse-moi. Elle, elle me manque, terriblement.


- Si évidemment qu'elle te réclame ! Elle a six mois, bien sûr qu'elle va gueuler Papàààà tu me manques, revieeeeens !

Toi aussi mais je pense pas avoir le droit de l'écrire alors si ça t'emmerde de le lire, mets-le sur le compte de la fumette ou de je ne sais quelle autre de mes déviances qui inspirent pas la confiance.

- Ah ? Je te manque ! No mais tu t'fous d'ma gueule là ! C'est couillon ouai. T'peux plus m'humilier, ça doit être ça qui t'manque en fait ! Forcément, c'est moins marrant maintenant. Saloperie d'enflure d'Enfoiré ! Puis c'est bien, c'est une fois ta connerie de faite que tu t'aperçois que je te manque. Fallait y penser avant.

Je crois que je me suis planté.
Je suis pas convaincu d'avoir pris la meilleure décision.
J'ai peur d'avoir plus foiré que jamais.
Je me demande si

Que comptes-tu faire ? Qu'avez-vous fait depuis que je suis parti ?
De mon côté et bien que je sois pas convaincu que ça t'intéresse, j'ai passé pas mal de temps près de la rivière, puis dans les bois et au marché. Je cherchais quelque chose à offrir à notre fille mais j'ai pas trouvé. Y'a rien que je trouve assez beau pour elle, rien qui me permettrait d'atténuer cette douleur sourde. Que j'ai provoqué, on est d'accord.


- Ouai bien sûr prends moi pour la dernière des connes. Tu repars voir ta maîtresse et tu vas me faire avaler que tu passes ton temps à la rivière, au bois et au marché. Mais je vais te croire ! Y'a rien que tu trouves assez beau pour elle ? Bah cherche pas. La seule chose dont elle a besoin c'est d'un père. Un VRAI.
Ah tu souffres ? Pauuuuuvre de toi ! Je vais te plaindre tiens !


Allez Anna, ouvre bien tes oreilles maintenant, ça c'est que pour toi !

Salut ma petite princesse pirate, c'est Papa. Aujourd'hui j'ai croisé un chien qui ressemblait à Apollo. Une femme se trimballait avec toute une ménagerie d'animaux, je suis sûr que même ta maman n'a jamais vu ça. Elle avait un furet dans son sac, des canards la suivaient, ainsi que des chats et elle avait un oiseau sur l'épaule. Dis, tu aimes les oiseaux, toi ? Il paraît que Papa est un aigle et qu'il vole un peu trop haut. Et trop loin de toi, en ce moment.

- En gros, papà il se prend pour un pirate maintenant et il a vu une bonne femme qui avait un chien qui ressemble à Apollo. Lui manquait plus que le loup pour que sa ménagerie soit complète. Encore une folle quoi !
Et si. Papà c'est un aigle royal. Mais s'il est loin de toi, c'est que c'est lui qui l'a voulu hein, nous on lui avait pas demandé d'nous abandonner.


Veille sur maman en attendant que je revienne. Fais-lui ces grands sourires et ces petits bruits avec ta bouche qui me faisaient sourire à m'en décrocher la mâchoire. Si ça suffit pas et qu'elle est toujours triste, c'est que c'est le moment de dire "Maman". Ma-man. Tu vas voir, c'est pas compliqué. Tu peux aussi dire Papa, Pa-pa, mais attends que je sois là pour ça. Tu me manques fort, mon trésor. Je t'aime."

- Et là pour résumé, ton père est un enfoiré. C'est pas à toi de veiller sur moi, c'est le contraire. C'était son rôle à lui d'veiller sur moi. Et ouai, demain tu vas te mettre à dire mamà et papà juste parce que ton père t'le dit. Mais tu lui manques et il t'aime. Au moins tu vois toi, tu es plus chanceuse que ta mère.

Une putain de larme est en train de rouler sur ma joue. Suivie par une autre. Et une autre encore. Je les essuies d'un geste rapide et je couve du regard Anna-Gabriella qui s'est endormie, son doudou serré tout contre elle. Je dépose des lèvres tremblantes sur sa joue, et je me love tout contre elle, l'enserrant dans un cocon tendre et protecteur.

Demain je la laisserai dormir dans son berceau de pirate. Mais cette nuit, je dors avec elle. Peut-être qu'ainsi je dormirai une nuit complète.
La lettre de Niallan a trouvé place contre mon coeur, ma tête repose contre celle de notre fille.
J'ai promis de lui lire ses lettres, je le fais. C'était juste une pause, le temps d'une lettre.

Demain. Je redeviendrai indifférente.

_________________
Alaynna
[Etre Père..] - Damso -

Le Danois est arrivé depuis la veille. Et il n'a pas son pareil pour souffler le chaud et le froid. Hier c'était le chaud. Aujourd'hui c'est le froid.

Je l'ai vu tout d'abord d'humeur glaciale avec sa cousine à tel point que je me suis demandé si je devais quitter la taverne ou pas avec Anna. Et puis ensuite il y a eu LA question. A laquelle il m'a donné le choix de répondre ou pas. Et comme je n'y vais pas par quatre chemins, que je suis directe et franche, je lui ai répondu. Même si cela implique, comme il me l'a dit, que cela tue un amour naissant dans l'oeuf. Ce qui m'a rappelé inévitablement que je suis douée pour tuer les embryons.

Déjà la veille, j'avais bien compris qu'il n'aimait pas l'attitude de Niallan. Mais absolument pas. Nous avions longuement discutés et au fil de la discussion j'avais senti la colère monter chez lui et il avait fini par me lâcher que Niallan ne méritait pas d'être père.
J'avoues que sa déclaration m'avait fait froid dans le dos et que cela m'avait interpellé. Et puis la discussion avait embrayé sur d'autres sujets et je n'y étais pas revenu dessus. Mais aujourd'hui c'est Osfrid qui y revenait avec sa question.


" Pourquoi voulez-vous laisser Niallan être père ?"
et c'est là qu'il avait rajouté que ça pourrait tuer un amour naissant.

Et j'ai flippé. Mais vraiment. J'ai flippé de ne pas arriver à lui faire comprendre le pourquoi. J'ai flippé de comprendre qu'un homme peut rejeter un bonheur pour de simples principes. J'ai flippé parce que j'ai fatalement pensé à mon propre père. Et j'ai flippé parce que personne, n'ôtera à Niallan ce droit d'être père qu'il a.

Vous connaissez le syndrôme de la montagne qu'il est si difficile d'escalader que l'on n'essaye même pas de le faire et que l'on préfère abandonner ? Moi je connais. Mais je ne suis pas de celles qui vont abandonner et baisser les bras.
Je me suis toujours battue pour ce que je crois juste. Même si personne n'y croit et que je suis la seule à le faire.

Alors je l'ai fait. Je lui ai répondu au Danois. En toute franchise. En toute honnêteté. Parce que ne pas le faire n'aurait pas été moi.

Si. Niallan est devenu un enfoiré monumental avec moi. Niallan est un connard. Niallan m'a humiliée. Il m'a ignorée. Il m'a traînée plus bas que terre. Il m'a faite replonger dans les Enfers dont il m'avait sorti il y a quelques années.

Mais. Il n'en reste pas moins le papà d'Anna-Gabriella. Il n'en reste pas moins qu'autant il est le mari le plus à chier de la terre qui soit, autant je sais qu'il peut être un papà formidable pour notre fille.

Alors j'ai expliqué à Osfrid. Que Niallan ne s'est jamais remis de la mort de sa fille aînée. Qu'il m'a demandé si on pouvait appeller notre fille Anna, parce que ce prénom lui rappellait celui de Lexianne. Dont je connais l'histoire, évidemment.
Je lui ai expliqué la souffrance que j'ai pu lire dans les yeux de mon mari quand Alicina lui a déclaré que ses jumelles n'étaient en fait pas ses filles. Par simple vengeance parce qu'il était amoureux de moi et que j'étais enceinte.
Je lui ai dit également l'amour qu'il porte pour chacun de ses enfants, Percy y compris mais qu'il ne sait souvent pas comment faire pour faire les choses bien.

Et j'ai raconté au Danois, comment Niallan voulait faire les choses bien cette fois pour notre fille. Certes, il m'a fait terriblement souffrir ces derniers mois. Mais ce n'est pas à notre fille qu'il a fait du mal. C'est à moi. Je sais qu'il a beaucoup souffert de ma fuite bien que ce soit lui et ses conneries qui l'avait provoqué à Marseille. Je sais qu'il m'a reproché de lui avoir volé trois mois de la vie de notre fille. Je pourrai moi lui reprocher de m'avoir fait foiré mon accouchement mais à quoi bon ? Et je ne veux pas être une femme qui va chercher à se venger par tous les moyens en utilisant notre fille.

Jamais.

Parce qu'Anna-Gabriella ne mérite pas ça. Et que je sais ce que c'est que de ne plus avoir son père. Et pourtant, le mien était là tous les jours. Mais depuis la mort de ma mère il était devenu un autre homme. Un étranger. Et je ne veux pas que ma fille fasse comme moi. Je ne veux pas qu'un jour elle en arrive à haïr son propre père. Je crois qu'elle peut être heureuse avec lui. Je crois qu'ils peuvent avoir tous les deux une belle relation. Même si ses parents ne vivent plus ensemble puisque son père a pris cette décision de partir. Même si un jour elle devait avoir un beau-père. Même si hypothétiquement elle pourrait aussi avoir une belle-mère.
J'ai assez morflé pour savoir que l'enfant passe avant tout.

Mais étrangement le Danois me fait du bien. Sauf qu'avec son "ça pourrait tuer un amour naissant", j'ai senti mon coeur se figer et j'ai eu l'impression que tout volait en éclat de nouveau.

J'ai bien vu que le Danois était gaga devant Anna-Gabriella. J'ai bien vu la manière dont il la regarde. J'ai bien vu comment il embrasse ses petites menottes. J'ai vu ce qu'il a fait hier, quand il lui a offert ce lacet de cuir au bout duquel pend son médaillon qui lui vient de sa propre mère. Et les paroles de protection qu'il a alors dites. Parce que c'est un homme qui m'a accouché sur ce navire et que chez le Danois, il se dit que si un homme voit l'enfant en premier, les Dieux désapprouvent et cela porte malheur.

Le geste qu'il a eu m'a touchée. Profondément. Et je ne suis pas aveugle ni idiote non plus. Toutes ces missives quotidiennes échangées ces derniers temps. Cette manière qu'il a de me caresser la joue ou de m'embrasser les doigts de la main. Ce regard qu'il me porte.

Mais il a peur des complications qui pourraient advenir. Il m'a alors dit qu'il pourrait se sentir peiné de ne pas faire profiter l'enfant de la femme qu'il aimerait de la protection de son nom. De ne pas pouvoir le faire enregistrer à la Hérauderie et bénéficier des bienfaits de son nom. Pourtant il est le premier à reconnaitre que les liens du coeur ne peuvent rien et que si l'enfant décide d'aimer autant son beau-père que son père elle le ferait également.
Mais. Pour lui c'est un problème apparemment.

Alors je lui ai confié ce que Niallan ignore toujours. Parce que le Danois a mis le doigt en plein dedans en me parlant de reconnaissance devant notaire. Et je lui ai dit. Que quelques jours avant de fuir, étant persuadée que j'allais mourir, je suis allée voir un notaire sur Marseille. Afin que la filiation de notre enfant soit formellement établie et que personne ne puisse contester à Niallan sa paternité.
Je lui ai promis de le laisser être papà. Du jour où j'ai porté notre enfant dans mon ventre je lui avais fait cette promesse là. Je lui avait aussi promis de ne jamais le quitter. Ce sont les deux seules promesses qu'il a pu m'extorquer. Hormis celles faites lors des voeux de notre mariage.
Alors si j'ai failli à ma seconde promesse, je ne faillirai pas à la première. Jamais. Et donc je sais que si je meurs, Anna-Gabriella aura toujours son papà. Et si je devais refaire ma vie un jour, il en serait de même.

Et si cela doit me coûter un sacrifice, si je dois perdre un être qui m'est cher parce que je n'empêcherai jamais un père d'être père avec notre fille, il faudra bien que je vive avec.

Mais je pourrai toujours me regarder dans un miroir.

Il est parti réfléchir à la question le beau Danois. Mais il a compris j'espère, pourquoi je ne ferai jamais une telle chose à Niallan.

Cela ne veut pas dire que je pardonne à Niallan ce qu'il m'a fait vivre ces dernières semaines.

Cela signifie simplement qu'Anna-Gabriella n'a pas à souffrir de nos conneries à Niallan et moi.

Je crois qu'il y a différentes façons d'être père. Il y a aussi différentes façons d'avoir sa famille. Il y a la famille de sang. Et il y a la famille de coeur, celle que l'on se choisit. Elle a beau être un nourrisson, je crois que le coeur d'Anna-Gabriella a de la place pour chacun d'entre nous.
Autant que ce soit pour son père, que pour sa mère, que pour un éventuel beau-père ou une éventuelle belle-mère.
Même si ce n'est, idéalement pas, ce que je voulais pour elle.

Je la voulais simplement heureuse, auprès d'un papà et d'une mammà qui s'aiment et qui soient là près d'elle, tous les deux.

Mais il y a longtemps que j'ai appris qu'on a pas tout ce que l'on veut dans la vie. Et qu'il faut parfois, savoir faire des concessions.

Mais je crois que je ne supporterai pas, à l'heure actuelle, d'être rejetée parce que je souhaite que Niallan vive le bonheur d'être père auprès de notre fille.

Le Danois a quand même réussi à me persuader d'aller consulter chez sa cousine, à Paris, à l'Hôtel Dieu. Il m'a dit qu'elle en est à la tête et que je ne pourrai trouver meilleur médecin pour savoir avec certitude si je suis cassée ou pas.
Je l'ai autorisé à m'y accompagner, il veillera sur Anna-Gabriella le temps de la consultation.

Je peux concevoir que le Danois ait peur et qu'il ait quelques inquiétudes.

Je n'ai juste pas envie de payer un tribut trop lourd et injuste, parce que je me tiens à ma décision. Et si c'est le cas...c'est peut-être que je me serai plantée en beauté.

Mais je sais que ma décision elle, est la meilleure pour Anna-Gabriella.

Nous reprenons la route cette nuit. Epo tirera un petit carrosse de princesse-pirate vide. Parce qu'Anna-Gabriella sera à cheval avec moi, tout contre mon pauvre coeur qui est au plus mal.

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Osfrid_
    Il est des paroles qui parfois résonnent dans la tête au-delà des efforts que nous faisons. C'était le cas pour Osfrid qui n'aurait peut être jamais dû poser certaines questions à l'Italienne. Mais la curiosité du danois et son désir de mettre les choses au clair dès le départ l'avait poussé à franchir la garde qu'il s'était fixé.

    Sortant de cette taverne où les mots résonnaient encore dans sa tête, le guerrier du nord avait pris le chemin vers le cimetière puis bifurqué au-delà du pont pour le franchir et se retrouver au beau milieu des champs. Là il savait qu'il pourrait défouler ses humeurs au lieu de le faire sur des gens. Sa cousine quelques instants plus tôt en avait fait les frais, il allait veiller à ne pas continuer sur cette lancée.

    Otant veste et chemise, Osfrid sortit son épée de son fourreau et se mit à faire quelques mouvements dans l'air. Pour lui, le plus important était avant tout de trouver un point d'équilibre avec sa jambe qui le faisait souffrir plus que de raison. Pris dans le feu de l'action, sur un champ de bataille ou lors d'une attaque sournoise, il se jetait corps et âme dans le combat et penser à hurler sa douleur après coup mais il était tout à fait conscient que cela devenait dangereux pour lui et qu'il lui fallait travailler sur ce handicap.

    Quelques mouvements sur la gauche puis sur la droite manquèrent de voir le danois basculer au sol. Il se rattrapa in-extrémiste avant d'aller bouffer l'herbe directement à la racine puis maugréa de toutes ses forces contre vents et marées et les dieux qui l'avaient abandonné à son triste sort. La colère grondait en lui, montant d'un cran à chaque minute qui passait. Mais il reprit le combat hypothétique contre l'invisible, chassant ses démons et pourfendant le vent. Et un revers de la main droite, quelques pas chassés sur le côté, un jeté de bras l'épée en avant, et un retourné… L'homme exécuté à la perfection la danse dont il connaissait chaque pas par cœur avant de s'écrouler au milieu des herbes hautes qu'il n'avait pas encore couché mais qui s'étalèrent sous son poids. Et Osfrid resta un moment là, sans bouger, grimaçant de douleur, les yeux rivés au ciel qui s'assombrissait.


    - Pourquoi… pourquoi mettez-vous toujours des obstacles sur mon chemin ?

    Les paroles étaient adressés aux dieux qui de là-haut devaient bien se marrer à le chahuter ainsi, du moins en était-il persuadé le danois au point d'avoir envie de ne plus les prier. Ramenant son avant-bras sur ses yeux, Osfrid essayait de chasser ses pensées qui le ramenaient toujours à Alaynna et à leur conversation. Et le guerrier de se demander à haute voix.

    - Comme si c'était cohérent… comment un homme peut-il être un bon père alors qu'il n'a pas élevé un seul de ses enfants ?

    Osfrid secoua la tête de gauche à droite en soupirant tout en tentant de se redresser. Il finit par planter sa Clémence dans le sol afin de s'aider à se tirer. Et d'un mouvement qu'il maitrisait maintenant, tendant légèrement la jambe pour qu'elle ne touche pas le sol sous son poids, il finit par se mettre debout. Seulement après, il fit rejoindre son pied suspendu près de celui qui supportait tout le poids du guerrier, prit le temps de trouver son équilibre puis fit quelques pas afin de revenir au centre du champ pour continuer à travailler ses exercices. La claudication se faisait plus prononcée à force que le temps passait et qu'Osfrid utilisait ses muscles meurtris et déchirés. Mais ce n'était là que le prix à payer pour oublier… oublier les mots qui l'avaient blessé au point qu'il se demandait comment une femme pouvait laisser un homme qui l'abandonnait pour une autre, enceinte, prendre autant de place dans la vie de son enfant car au final, le bonhomme en question n'était mené que par ce qu'il avait entre les cuisses et de sa fille, il s'en foutait sinon il n'aurait pas provoqué la séparation en trompant celle qu'il disait aimer pour une femme enceinte d'un autre… Tout était compliqué dans cette histoire et le danois commençait à se demander pourquoi elle faisait ça, à moins que cela ne soit dans le secret espoir de garder un lien avec le père de sa fille... Osfrid finit par se demander ce que lui faisait là, au milieu de tout ça...

    L'italienne il avait eu un faible pour elle alors qu'ils étaient à Pau, au bord d'une rivière pour pêcher. Et plus tard, lorsqu'il lui avait confié Apollo il avait eu envie de lui demander de la revoir mais quelques temps plus tard, Niallan était revenu dans sa vie, elle le lui avait écrit. Osfrid était alors parti afin de mettre son épée au service d'un noble comme il le faisait souvent. L'empire avait été son refuge quelques temps puis retour dans le sud où il était resté, tel un vagabond, à sa cacher pour n'être plus que personne…

    Osfrid reprit les mouvements avec plus de lenteur quand soudain il entendit rire sur sa gauche. Suspendant son geste, il tourna la tête dans la direction souhaitée avant de sourire aux deux gamins qui étaient perchés sur la barrière. Ramenant l'épée, la pointe de la lame vers le bas, le danois fit rouler ses muscles tout en observant la lueur dans le regard des gamins qui visaient sa Clémence.


    - Bonjour tous les deux…

    Les gosses sourirent en faisant signe de tête pour saluer le danois mais leurs yeux ne quittaient pas la lame et Osfrid la ramena devant lui.
    - On dirait qu'elle vous plait mon épée. Vous voulez la tenir.
    - Oh ouais… lança le plus jeune en donnant un coup de coude à son acolyte.
    - C'est vrai on peut rétorqua le second.

    Le sourire d'Osfrid illumina son visage. A eux deux ils lui rappelèrent son propre fils, Ragnard, qui aimait assister aux entrainements de ses parents quand il était encore tout petit et qui courait partout avec sa petite épée en bois.

    - Bien sur, venez là !

    Prenant appui sur sa jambe solide, Osfrid fit en sorte de mettre un des enfants devant lui tout en lui mettant Clémence entre ses mains. Bien évidemment, il ne lâcha pas les doigts du gosse car il savait l'épée trop lourde pour le petit mais il lui fit faire quelques brassées dans l'air ainsi qu'au second. Les gosses avaient les yeux qui scintillaient de bonheur. Et puis ils s'arrêtèrent sur le cerf gravé dans la lame.

    - C'que c'est beau mais alors... t'es un chevalier toi ?

    Le danois sourit en frottant la tignasse du gosse.

    - Ce sont les armoiries de ma famille et je suis un soldat, chevalier peut être plus vraiment mais un soldat à tout jamais.

    Les deux petits firent quelques pirouettes en rigolant et s'extasiant d'avoir pu tenir une épée de chevalier avant de s'éclipser tout en saluant le danois. Ce dernier leur fit signe de la main avant de remettre Clemence à son fourreau et de ramasser ses affaires. Un bon bain était maintenant nécessaire et il espérait secrètement que cela l'aiderait à l'apaiser car bien que le fatiguant, la séance d'entrainement ne lui avait toujours pas permis de se vider l'esprit de cette histoire tarabiscotée qu'il ne comprenait pas concernant Alaynna et son enfant. Et il sentait que cela bien lui pourrir son humeur déjà bien méchante dans les jours prochains.

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Alaynna
[Lost girls] - Lindsey Stirling -

Ses lettres me manquent. Je n'ai pas reçu de réponse à la dernière que je lui ai adressé il y a quelques soirs. Alors peut-être que c'est ridicule, parce que le Danois n'est pas bien loin. Mais c'est comme ça.

Je n'ai pas recu de réponses non plus ni de Percy, ni de Niallan. Chaque jour qui passe sans nouvelles du blond, je coche une croix sur le vélin qui est posé sur un guéridon dans cette chambre d'auberge qui ne sert vraiment de refuge ni pour Anna-Gabriella ni moi.
Et je commente à ma fille.


" - Huit jours maintenant. Moi je t'aurai écrit tous les jours. Deux. Trois fois par jour."

Et mes doigts caressent doucement la petite joue potelée.

Si Percy ne répond pas, je peux comprendre. Je comprends d'autant plus que j'ai vu le gamin danser devant moi en taverne quand je lui annoncé que Neijin avait accouché. Et que dans sa dernière lettre, il me dit aimer "un peu" Anna mais que le fils de Neijin c'est tout comme son petit frère.
Je n'enverrai pas d'autres courriers. A quoi bon s'attacher à un gamin que je ne verrai pas grandir de toute manière. Maryah n'aura qu'à le confier à Neijin tiens !

Quant à Niallan, il doit être bien trop occupé à s'occuper de Neijin et d'un nourrisson qui n'est pas de son sang, pour finalement se préoccuper de sa propre fille.
Je voudrais passer outre. Mais quelque chose m'en empêche. Des paroles qui ne cessent de résonner dans ma tête.

Celles du Danois.

Et alors, inévitablement, mes narines frémissent quand je pense à Niallan. Et elles frémissent mauvaises. Et plus je regarde Anna-Gabriella, calée au milieu de ses coussins et plus j'ai la rage qui grimpe. Pour elle. Pas pour moi. Parce que moi je ne pardonne pas et donc je ne ressens plus rien. Ni colère. Ni ressentiment. Juste la certitude que je ne veux plus jamais vivre ça, et que donc, de pardon, il n'y a pas. J'en suis incapable. Et si je veux être honnête avec moi-même, je dois reconnaitre que je revis depuis qu'il s'est barré.
Parce que je n'ai plus à supporter toutes ces choses que j'ai du subir.

Et peut-être sûrement aussi, parce qu'un Danois est revenu dans ma vie. Même s'il n'en était jamais vraiment sorti, parce qu'Apollo était là. Et parce qu'il était toujours quelque part dans mes pensées.

Je ne sais pas pourquoi ce matin je me sens rageuse, mais c'est sans doute parce que j'ai passé une sale nuit, et que ça devient une habitude depuis que je dors de nouveau seule, mon humeur s'en ressent.
Je me suis réveillée alors que j'avais enfin trouvé le sommeil, à peine quelques heures après, en hurlant. Et mon hurlement a fait peur à Anna qui s'est elle, mise à pleurer. Et alors j'ai courru auprès d'elle, je l'ai berçé dans mes bras, tout en m'excusant, et en lui parlant dans le creux de l'oreille en italien.

Et puis j'ai mal au coeur. Mais je sais très bien pourquoi. Depuis notre discussion et notre divergence d'opinion, il n'est plus le même avec moi.
Je ne pensais plus à aller danser dans les flammes, tous ces jours où je recevais ses missives quotidiennes, mais la nuit dernière, je m'y suis vue danser et c'est ce qui m'a fait me redresser sur ma couche en hurlant.

Ce matin je suis partie tôt. Il m'a bien conseillée la veille, le Danois, de faire attention, vu que les alentours ne sont pas sûrs mais j'ai la sensation d'étouffer alors j'ai emmené Anna-Gabriella avec moi, puis Apollo était avec nous.
Nous sommes allées profiter des rayons du soleil. J'avais déplié une couverture au beau milieu de cette prairie déserte et Apollo s'étant couché, je n'avais rien trouvé de mieux que de caler Anna-Gabriella contre les flans de l'animal. Et elle semblait apprécier la bougresse. Apollo se laissait gentillement "malmener" par une minuscule menotte qui s'abattait sur lui et je ne pouvais m'empêcher de sourire en regardant mes deux bébés.

Si je sais. On me prendrait pour une folle si je racontais à tout le monde qu'Apollo est mon bébé aussi. Mais le Danois, lui, il a ri quand je le lui ai dit, mais je ne crois pas qu'il me prenne pour une folle.
Hier il m'a fait comprendre d'une manière détournée, qu'il me verrait bien l'accompagner à quelques cérémonies, me rappellant au passage que nous avions un mariage auquel nous rendre. Je n'avais pas oublié. Je n'ai rien dit, mais j'ai farfouillé dans ma malle et je sais quelle robe porter.

Et puis ensuite, il m'a invitée à partager un repas avec lui hier soir, dans une auberge. Alors même si je sens mon coeur qui s'effrite à chaque fois que je le regarde, j'y suis quand même allée. Juste pour profiter de quelques miettes de bonheur.
Mais je ne suis pas bien. No. J'ai peur de le perdre et je me rends compte que je n'ai pas envie de le perdre ce Danois.
Et pourtant. La pente est plus que dangereuse.

Je regarde Anna-Gabriella qui pousse de petits cris tout en appuyant ses minuscules menottes contre les flans d'Apollo.
Et puis je repense à ce dîner avec le Danois. Le tout premier. Et le bain. Et sa jambe. Et soudain, je me redresse brusquement. Comment ai-je donc fait pour ne pas y penser plus tôt.
Napoli ! Pouzolles. Comment cela a t'il pu me sortir de l'esprit. Mammà en parlait pourtant et j'ai lu des ouvrages sur le sujet.

Il faut que j'arrive à persuader le Danois ! Il faut absolument que je l'emmène chez moi, en Italie, afin qu'il bénéficie de ces bains ! Sans doute que cela ne guérira pas sa jambe, mais il y a de fortes chances que ça lui soulage ses douleurs. Les sources chaudes qui émanent directement de l'un des cratères d'un volcan de Naples sont emplies de minéraux introuvables ailleurs et qui donnent cette particularité à ces bains. Peut-être que sa cousine au Danois,ne connait pas ces bains. Je devrai lui en toucher quelques mots pour qu'elle fasse des recherches de son côté.

Mais avant je me munis d'un vélin et d'une plume. Et traçant quelques lignes, j'écris au notaire marseillais. Lui demandant de m'envoyer par retour de courrier, les documents que je lui avais demandé de garder en sûreté. Et je précise que je veux que son émissaire me les remette en main propre.

Je me penche vers Anna-Gabriella, glissant mes lèvres sur sa tempe, sur ses joues. Je la reprends entre mes bras, la câlinant, mes azurées plongées dans ses petites perles d'océan. Et je lui déclare solennellement :


" - Anche se devo spergiurare, vado a proteggerti. Non lascerò nessuno farti del male. Assolutamente nessuno".


Et je m'assure que ma missive prenne bien son envol vers le Sud.

Je sens toujours cette rage en moi. Et il faut que je l'évacues. Alors puisque le Danois a accepté de m'apprendre à manier l'épée aussi bien que lui, il va devoir assurer. Et pas plus tard qu'aujourd'hui.

Autant que j'utilise ma rage à bon escient. Cela m'évitera d'aller jouer avec le feu.




Même si je dois me parjurer, je vais te protéger. Je ne laisserai personne te faire du mal. Absolument personne

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Alaynna
J'avais dit à Anna qu'on irait voir les vaches, parce qu'elle m'a fait comprendre qu'elle voulait les voir. Si. Elle va avoir sept mois dans huit jours et déjà, elle sait se faire comprendre.

Alors on a pris la route pour aller voir les vaches. Mais nous voilà aujourd'hui à Limoges. Pourtant ici des bovins, il n'y en a pas.
Par contre. Je détestais cette ville avant. Parce que ça me rappelle tout le temps l'odieux chantage qu'Alicina avait fait à Niallan. Mais d'un autre côté elle était chère à mon coeur. Puisque c'est là que j'avais compris que Niallan ne s'en foutait pas de moi. Avant que plus tard il ne m'avoue m'aimer.
Mais aujourd'hui. Je ne déteste pas cet endroit. Je le hais. Parce qu'un abruti de Corleone d'ancien mari est allé clamer dans toute la ville que j'avais "tué" nos bébés.
Parce qu'en même temps, celui qui se trouve être mon Salaud de mari, est devenu la pire enflure et le pire enfoiré que je n'ai jamais connu en m'humiliant d'une façon des plus ignobles.

Mais je me suis cadenassée, depuis que je savais qu'on devait remettre les pieds ici. Même si la veille, je me suis pris une murge, toute seule dans une taverne avec Anna, j'ai quand même réussi par un tour de force incroyable à monter sur mon camarguais à l'heure du départ.

Et à partir d'aujourd'hui, c'est fini. Je ne m'inquiète plus pour personne. Sauf ma fille. Ouai. Depuis que j'ai écrit au Danois en lui disant que je m'étais inquiétée et qu'il m'a sèchement écrit qu'il ne fallait pas, qu'il avait sa vie, ses besoins et que j'étais prévenue, qu'il ne changerait pas et que je devrais m'habituer à ne pas le voir pendant des jours voire des mois quand il irait à la guerre.
J'avais tiqué en lisant la lettre. D'abord parce que le ton ne m'avait pas spécialement plu. Et ensuite parce que me dire à moi qu'on me prévenait qu'on ne voulait pas changer, c'était comme si on me faisait une bonne blague.
Moi qui n'ait jamais demandé à Niallan de changer, qui l'avait accepté tel qu'il était, je prenais l'avertissement comme un reproche sous entendu et ça m'avait hérissé le coquillard.
M.ierda. S'il y en a bien une qui ne demande pas à un homme de changer, c'est bien moi.

Fais chier.

Cette putain de ville réveille les mauvais souvenirs.

J'ai vu un italien ce matin en taverne. Il vient de Venise. Et il m'a fait penser à mon frère. Julian. Trop ! Sa famille aussi est dans le commerce fluvial depuis des générations. Puis Gabriel et Bloodwen sont arrivés. Et Gabriel a parlé d'aller voir la mer. Il a dit qu'Anna apprécierait sûrement de se tremper dans l'eau avec les grosses chaleurs qui allaient arriver.
J'ai juste haussé les épaules. J'ai pas trouvé important de rappeller à Gabriel que de toute façon Anna est née au beau milieu d'un océan en furie et qu'en plus, il est évident qu'elle a la mer dans le sang avec la mère qu'elle a.

Et puis j'ai dit qu'on allait sur le marché. Et on y est allée avec Anna. Mais je ne l'aime pas ce marché. Il n'a rien à voir avec ceux du Sud qui me rappellent mon Italie.
Alors on est parties sur les remparts.
Et on a grimpé les marches. Les unes après les autres. Jusqu'à arriver tout en haut. J'ai voulu montrer à ma fille comment ça faisait, depuis les hauteurs.
Et c'est là que je me suis chopé un vertige phénoménal. Moi qui n'ait jamais le vertige. J'ai senti mon ventre se contracter du plus profond de moi, et puis c'est remonté jusqu'à ma gorge, jusqu'à mes narines, et j'ai senti les larmes franchir la barrière de mes paupières et couler sur mes joues.

Putain de vent ! C'est ça. C'est ce putain de vent qui souffle fort là-haut et qui fait pleurer mes yeux.

Je me suis reculée du bord précipitamment. Et je me suis assise contre le muret de l'une des tours, serrant fort Anna tout contre moi. Juste le temps de m'apaiser.

Et puis on est redescendues. Et je l'ai emmené dans cet appartement que j'ai acheté le mois dernier. Et dont je n'ai pipé mot à personne.
J'ai cette nouvelle lubie qui m'a pris, depuis mon retour d'Italie, d'investir dans l'immobilier. Mais je ne le fais uniquement que dans des endroits qui ont une signification pour moi. Que ce soit en bien ou en mal.

Ici, c'est pour ne jamais oublier que je hais cet endroit. Mais peut-être qu'avec le Danois, je pourrai m'y faire de jolis souvenirs.
Parce que j'ai quand même en tête, des souvenirs tout frais d'un repas partagé dans une auberge et d'une promenade au bord de la rivière. Et ceux de deux mains enlacées.

Bon certes, c'était pas sur Limoges.

Mais quand même. Ce sont de jolis souvenirs que je garde précieusement. Peut-être même que sur Limoges, on va regarder un bout de ciel bleu, lui et moi.

Parce que j'en ai ma claque des nuages noirs et que l'espoir fait vivre. Au moins pendant ce temps, je ne pense pas à aller danser dans les flammes.

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Alaynna
[I know it's worth the wait]

If there is a way
Then I'm gonna find it
If there is a hill
Then I'm gonna climb it
I'm not gonna lie
And tell you that I will never fail
But I'ma be okay
Just get up and try and try again
You talk that blablabla, you don't believe me?
Wont get me do-o-own - you wait and see



Il n'y a plus de ciel bleu. Il a préféré s'effacer parce qu'il a dit que je ne voyais que lui et que ça ne lui convenait pas. Personnellement, je n'avais jamais laissé entendre que je ne pensais plus aux nuages noirs et au tonnerre, mais faut croire que si tu regardes le ciel bleu au travers d'une fenêtre d'auberge ou serpenter près d'une rivière, ça ne lui convient pas.

Alors puisque c'est comme ça, et pour oublier, le temps d'une promenade, le trop plein d'émotion que les deux missives reçues de la veille, ont déversées sur Anna-Gabriella et moi, aujourd'hui nous sommes allées en forêt.
No. Nous n'avons pas cherché les petites maisons que les escargots portent sur leur dos. Comme la coquille que son père a envoyé à notre fille hier, et qui trône maintenant autour de son cou. Parce que je n'ai rien trouvé de mieux que de percer la coquille et d'y enfiler un petit ruban de soie beige, que j'ai noué autour du cou de notre petite princesse-pirate.
Et j'ai ôté le médaillon du Danois. Je lui aurai bien renvoyé, vu que ça lui vient de sa mère, mais étant donné qu'il m'a écrit de ne pas le chercher, j'ai donc vite abandonné l'idée. Histoire que lui n'aille pas s'en faire des idées. Et puis je suis italienne et j'en ai marre de voir mon orgueil se faire bafouer tous les trois-quatre matins depuis des mois.
Donc. Il y a du changement dans l'air. La faute à mon Salopard d'Enfoiré de mari. La faute au Lâcheur de Danois. La faute aussi à un Putain d'Italien qui semble me connaître aussi bien qu'il ne connait son meilleur pote.
Personne n'avait encore réussi à faire cet exploit là. Et il suffit qu'un Diego Corellio se mette à entretenir une correspondance avec moi pour que l'Improbable Déclic jaillisse dans ma caboche de putain d'orgueilleuse d'Italienne. Mon foutu orgueil me perdra un de ces jours. Il m'a sans doute coûté mon premier mariage avec le Corleone. Bien que Roman soit encore plus pété d'orgueil que moi.

Mais ça suffit. Il ne me coûtera pas mon second mariage. Parce que j'ai décidé que ce mariage-ci, serait mon tout dernier. Et que je ne le détruirai pas. Mais si moi je ne le fais pas, rien ne me dit que mon mari lui, si la lubie l'attrappe de ne pas tenir cette promesse là non plus, ne l'envoie pas aux oubliettes.
Alors. Comme me l'a dit une fois le Danois, ça risque d'être un combat déloyal. Mais je vais me battre. Sauf que ce n'est pas vraiment dans le sens de ce qu'il m'avait dit que je vais le faire. Mais plutôt dans celui du vent Italien.

Putana. La Ozera-Valassi estampillée pur sang Italienne se réveille de ses cendres. Finalement je l'aime bien ce nom qu'il m'a offert mon Salopard de mari.


I know I'm not there yet
But I know it's worth the wait
If there is a war
Then I'm gonna fight it till the end
If there's a closed door
It doesn't mean I'm not gettin' in
I'ma knock, knock, knock until it opens
Aint gonna sto-o-op for anything


Donc. Pour en revenir à nos coquilles d'escargots, je disais qu'avec Anna aujourd'hui,, nous avons fait encore mieux que son père ! Déjà. On a pas mis de robes no. Mais on a mis des jupons et des bustiers de dentelle, avec une petite veste en peau d'agneau sur les épaules de notre Merveille, parce que même si l'on vient de mettre les pieds dans le Sud, il faisait encore un peu frisquet ce matin. Surtout quand le chant du coq s'est fait entendre depuis peu.
Et nous sommes parties en forêt, on a fait suivre Apollo évidemment avec nous. Et Anna a trouvé ça beau, avec toutes ces petites fleurs dégourdies qui levaient la tête pour se montrer et nous dire bonjour. Ouai. J'ai rien trouvé de mieux à dire pour lui expliquer pourquoi les fleurs semblaient lui sourire. Et puis elle a adoré les cueillir. Sauf qu'elle l'a fait avec sa manière bien à elle. C'était plus de l'arrachage intempestif que de la cueillette. Mais faut pas abuser, Anna a juste sept mois qui pointent le bout de leur nez. Et moi j'étais en admiration de la voir faire et de l'entendre pousser ses petits éclats de rire dont elle a le secret pour vous enchanter soudain les oreilles.
Je lui ai montré les arbres qui rayonnaient de verdure et notre princesse-pirate a tendu les deux mains vers eux. Sans doute voulait-elle faire ce que parrain Gabriel s'évertue depuis quelques jours à lui apprendre en l'emmenant visiter les jardins dans les villes : toucher les feuilles ! Alors il faut la surveiller parce qu'elle a tendance à ne pas vouloir que les toucher et elle veut y goûter aussi.

On a ramassé plein de pommes de pin - genre il faut en envoyer une à Papà dans notre prochaine lettre - m'a t'elle baragouiné dans un langage que je suis la seule à comprendre avec elle. Même son père il comprend pas encore son charabia codé mais c'est normal. D'une, il n'est pas avec nous et de deux, c'est un langage de filles ! Et nous avons même récupéré de jolis cailloux en essayant de découvrir une pierre magique ! Vous savez, celles de qui, quand on la serre très fort, on sent un peu le coeur qui bat.
Si ! Même les pierres ont un coeur, il suffit de découvrir les bonnes. Ces pierres là, il faut les garder, parce qu'elles portent bonheur aux parents. Ouai. C'est encore Anna-Gabriella qui me l'a soufflé dans l'oreille. Et tout à coup, Anna en a trouvé une ! Siii c'est vrai, c'est elle qui l'a trouvé et pas Apollo ! Même s'il l'a tout de même pas mal aidé.
Leurs coeurs battaient ensemble aux pierres et c'était très émouvant. Et Anna leur parlait en y allant à coeur joie et la forêt résonnait de Da daaa daa daaa et de gaaa gaaa ga avec quelques intonations différentes. Crescendo ou pas selon le bon vouloir de notre mini-nous. Donc moi je me suis dit qu'elle était sans doute en train de parler à la pierre Maman et à la pierre Papa !

J'ai l'esprit très inventif quand il s'agit de ma fille.

Et puis je lui ai montré le soleil qui commençait à se faire tout beau, dans le ciel. C'était magnifique. Comme si un peintre magicien avait jeté toutes les couleurs de l'arc-en-ciel au-dessus des nuages et que quelqu'un de mystérieux avait éclaboussé le tout avec de l'or et de l'argent. J'osais à peine respirer de peur que tout s'efface mais surtout, j'avais la hantise de voir soudain un coin de ciel bleu revenir. Mais no. Il y avait juste l'éclat magnifique du soleil qui scintillait entre les branches feuillus des arbres de la forêt.

Et puis nous sommes revenues tranquillement au campement, et nous sommes allées déposer tous nos petits trésors, avant que je n'emmène notre petite princesse pirate prendre ses cours d'équitation.
L'avantage quand Niallan est loin de nous, c'est que je peux faire tout ce que je veux avec Anna sans qu'il n'y trouve à redire. C'est personnellement le seul point positif que je peux trouver à son absence, hormis le fait que je n'ai plus à subir les humiliations quotidiennes de l'Enfoiré qu'il est devenu et que je déteste.
Et je ne me suis pas privée pour ma leçon du jour.

Anna-Gabriella était on ne peut plus ravie de pouvoir poser ses minuscules petites mains entre les oreilles d'Epo, et elle agrippait avec un ravissement sans équivoque les doux poils de sa crinière d'argent. Elle lui a même fait des bisous la bouche grand ouverte sur les naseaux. Et je suis aux anges en la voyant ainsi. Elle n'a pas peur de mon Camarguais. Par contre, Epo a semble t'il commencé à moins apprécier quand elle lui a agrippé l'oreille et il a eu un léger mouvement de recul tout en renâclant.
Mais j'étais contente. Ma toute première leçon d'équitation avec Anna était une totale réussite. Je n'avais aucuns doutes sur le fait qu'elle est comme moi, elle a les chevaux dans le sang.
Faut bien qu'elle ait hérité de certains traits de sa mère tout de même ! Parce qu'avec la blondeur de son père - et je vous en reparlerai plus tard de la blondeur Niallanesque, pas devant Anna parce que c'est un sujet qui fâche et qui surtout m'a agrandi le précipice qui me sert de coeur depuis le départ du blond en question et sa foutue missive de la veille - ; et le bleu de ses yeux, je suis mal barrée question ressemblance physique avec ma fille. Hormis qu'elle a ma bouche. Et donc, je suis fière de m'apercevoir qu'elle ne montre aucune crainte devant Epo.

Après cette matinée bien remplie, il était temps pour Anna de se remplir son petit ventre. Et je profitais d'un coin calme et reculé pour la mettre au sein mais avant j'en profitais pour récupérer la lettre de Niallan.
Si. Je la porte contre mon coeur la journée et je dors avec aussi. M.ierda. Me faites pas chier avec ça.

J'ai volontairement posé mes yeux, sur le petit passage qui concerne la lecture que je dois faire à Anna. Zappant tout le reste. J'aurai assez durant mes nuits d'insomnie pour y revenir dessus, encore et encore.
Et alors que je laissais ma petite gloutonne faire sa gourmande, et que je me délectais de ses petits bruits de succion qu'elle fait et de ses petites mains qui câlinent ma chair rebondie, qui se fait toute tendre pour elle, j'entame sa petite histoire. Ecrite par son père.

Anna Banana. Comment tu trouves ce surnom ? Il est marrant, hein ? Si tu savais comme ton rire me manque, comme tu me manques. Maman m'a dit que tu avais maintenant trois dents, tu vas bientôt pouvoir manger du poisson pêché par papa. Quand tu seras plus grande, je t'apprendrai comment faire. En ce moment, je suis en Bourgogne. c'est là qu'on trouve les escargots. Et la coquille que maman va te montrer, c'est leur maison. Eh oui, ils la transportent sur le dos ! Ils bavent beaucoup aussi, plus que toi quand tu étais toute petite. Et on peut aussi les manger ! Quand tu auras toutes tes dents, je te ferai goûter. Je serai bientôt là mon ange, je ne vous oublie pas. Bientôt, je te tiendrai dans mes bras et embrasserai tes petites joues. Je t'aime.

Ma gorge se noue sur la fin de l'histoire et je sens mes yeux s'humidifier. Mais je repenses à la lettre italienne. Parce que si le coursier de mon mari avait su me trouver en pleine journée, bien qu'il ait manqué renverser une partie du mobilier de la chambre d'auberge, en s'entravant et en manquant se vautrer, - à se demander où Niallan l'avait pêché celui-là, il semblait avoir une mauvaise vue encore plus développée que celle de Bloodwen ! - ; le messager de l'Italien lui, avait eu le don de me réveiller alors que je venais de trouver - enfin - le sommeil en pleine nuit dernière.
Et forcément. J'en ai perdu mon envie de dormir. Parce que j'ai réfléchi, encore et encore et beaucoup trop pour pouvoir me rendormir. Mais quand même. Il est doué ce putain de Rital. Parce que mon mari lui. Il a encore rien compris à mon mode de fonctionnement. Et il fait tout le contraire de ce qu'il croit être bon pour moi. Alors je vais devoir le lui expliquer, mais pas aujourd'hui.

Aujourd'hui. Chose que je n'ai pas faite depuis bien longtemps, je me suis occupée de moi. Et je l'ai fait à bon escient, en me souvenant - même si ça me fait mal de penser à lui -, aux conseils de mon frère Julian ainsi que ceux d'Etienne, ce professeur si particulier que j'avais eu à un moment donné de ma vie, alors que je venais de rencontrer Niallan.

Et tout ça. Par la faute de deux missives reçues hier.

J'en connais un qui va avoir la berlue quand il va me voir débarquer tout à l'heure pour reprendre la route. Et il n'a pas fini de chercher à savoir le pourquoi du comment, Gabriel.

Et puis c'est là que je me suis vu arriver un nouveau messager. Celui-ci, avec son accent, j'ai vite compris qui me l'envoyait. Le chant des cigales, je connais.

Et j'avais entre les mains, ce qu'aucunes encore n'avaient jamais fait pour Niallan.

La preuve que moi, je tiens mes promesses malgré tout. Mais je lui remettrais les documents en main propre. Je ne les lui enverrai certainement pas, de peur qu'ils ne tombent entre des mains malencontreuses.

Et si j'étais une garce. Je pourrais lui en faire du chantage et le mener par le bout du nez mon mari, comme j'en ai vu d'autres le faire.
Mais ce ne serait pas moi et je hais ces comportements là.
Puis j'ai d'autres atouts cachés bien plus efficaces que ça. Parce que mon mari ignore encore que je les possède.
Il a voulu épouser une italienne. Il en avait déjà épousé une avant. Une Corleone. Moi je ne porte peut-être plus le nom de Corleone mais assurément, mon mari va découvrir qu'une Italienne qui relève la tête, ça n'a plus rien à voir avec une Ritale brisée.

Et si le ciel bleu croyait m'enfoncer un peu plus en disparaissant. C'est raté.

Suffisait juste qu'un Putain d'Italien se pointe, de manière improbable, pour me foutre un bon coup de pied au cul par missive interposée. Et faut croire que ça commence à faire son petit effet.

Une lueur vient de jaillir et de se rallumer dans le phare italien.


Get up, get up if your falling
Get up get up get moving
Get up get up and hold your head up high
Get up, get up and do your thing
Get up get up get moving
Get up get up you wont make it if you don't try

But I know it's worth the wait



S'il y a un chemin, alors je vais le trouver, s'il y a une colline, alors je vais y grimper, je ne vais pas te mentir, te dire que je ne tomberai pas, mais je vais me relever et essayer encore et encore.
Essayer de nouveau. Et si tu crois que c'est du blabla, que tu ne me croies pas, ne me laisse pas tomber, attends et tu vas voir.

Je sais que je n'en suis pas là encore, mais je sais que ça vaut la peine d'attendre.
S'il y a une guerre, alors je vais me battre jusqu'à la fin.
Et s'il y a une porte fermée, cela ne signifie pas que je ne vais pas l'ouvrir
Je vais frapper, frapper, frapper encore
Et je n'arrêterai pas jusqu'à ce que tu ouvres.

Je me lève, je me relève de ma chute
Je me lève, et je me redresse, la tête haute,
Je me lève et je fais ce que j'ai à faire
Je me relève parce que je ne pourrai pas le faire si je n'essaies pas

Parce que je sais que ça vaut la peine de t'attendre.

- Nicole Cross - Worth the wait

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Alaynna
[awesome] - Nicole Cross -


Tout que je fais est stupéfiant,
Je balance tout ce qui m'a pourri la vie,
Et je ne peux pas croire que j'avais oublié le bien que ça fait,



Et voilà, c'est un retour sept mois en arrière. Ou presque. Parce que même si Marseille n'a pas changé et que les calanques se dressent toujours aussi fièrement, que la mer est toujours là, fidèle à elle-même, rien n'est plus pareil, ma vie a subi un désastre, un vrai chamboulement.
Je reviens là où l'on m'a violemment poussé. Et là où je suis tombée. Pas pour relire les pages du passé. Celles là, c'en est fini. Je viens de les refermer et je ne compte pas les réouvrir.
Le chapitre est clos.

Je ne compte pas non plus écrire une nouvelle histoire. Je n'en ai ni l'envie, ni le besoin. Mais simplement ouvrir un nouveau chapitre, dans l'histoire actuelle. C'est le mieux à faire quand on se retrouve les pieds et poings liés par le destin. La vie donne. La vie reprend. De toutes sortes de manières. Et j'ai décidé de lui rire au nez.
Tomber. C'est fait.
Me relever. J'y travaille.
M'envoler. J'y compte bien.

Quand tout mon être est envahi du doute et que la fatigue surgit en coup au coeur. Comme un poisson hors de la mer, j'ai cherché à retrouver mon souffle et les bons éléments. La détresse me rendait de plus en plus solitaire, même l'Ami (e) ne trouvait plus les mots. Où je ne les entendais plus pour comprendre que c'est le passé en souffrance qui s'accrochait.
Alors ma tête lourde s'était baissé, mes soupirs empesés s'exhalaient. Les paupières coulaient sur mes yeux, mes lèvres assoiffées se glaçaient et collaient.
Et puis le cerveau s'embrume de pensées négatives, les sourires qui faisaient mon quotidien se sont figés, le noir des idées a assombri mon visage, le moindre de mes gestes devenait l'ultime.
J'ai vécu une petite mort dans tout mon être, elle avait envahi mon espace vital, et je me sentais couler, couler, sombrer.

Et puis il suffit d'une missive Italienne. Pas de n'importe quel Italien bien évidemment. Celui-là, j'étais loin de m'imaginer que j'y tomberai dessus, et encore plus loin de penser lire ses mots.
Et puis une autre missive..et une autre...et d'autres qui s'ensuivent. Les unes aux autres.

Et ces missives, les unes après les autres, éveillent ma conscience. Je les lis, les écoutant me raconter les secrets d'un intime appui, elles viennent apaiser mes douleurs morales.

Et alors je recommence à faire confiance aux jours qui passent. Je vis les nuits qui se suivent mais elles me sont toujours douloureuses celles-ci. Je ne dors que quelques heures, je sais que je dois y remédier et j'ai, je crois, trouvé une solution. Je ne suis pas encore certaine que cela fonctionne, ça va me coûter cher en écus cette histoire là mais je compte bien dégoter le gardien de quelques unes de mes nuits, et accessoirement, s'il pouvait faire office de gardien pour le mas et assurer notre sécurité à Anna-Gabriella et moi, puisque mon mari est incapable d'y veiller, ce serait le nirvana.
Alors j'ai un peu brodé auprès de Gabriel afin qu'il garde Anna ce soir, le temps d'une petite visite que je dois faire. Pas qu'il n'aurait pas voulu la garder, il raffole de son rôle de Parrain, mais c'est surtout qu'il ne fallait pas que j'éveille ses soupçons.
Et donc, comme je lui ai expliqué que j'allais me rendre dans un lieu où les enfants ne sont pas à leur place, afin de trouver un gardien, il en a conclu ce qu'il a bien voulu en conclure. Mais il n'avait pas l'air de s'inquiéter de l'endroit dans lequel je comptais me rendre. Qu'avait-il compris exactement, je l'ignore, mais j'avais atteint le but que je m'étais fixé : faire en sorte que Gabriel ne se doute de rien et ne vienne pas ruiner mes nouvelles manoeuvres.
Alors j'ai maintenant la quasi certitude que bientôt, je pourrai au moins dormir deux nuits complètes par semaine. Je compte bien le stipuler dans le contrat d'ailleurs.

Les souvenirs vont devenir l'estompe des pastels douloureux de ma vie. Je vais m'apprendre à nouveau de l'intérieur et l'Italien aussi va me donner des leçons particulières. Il veut m'apprendre mon mari. Je trouve ça étrange comme concept, mais j'ai décidé de reprendre les armes et ça tombe bien, j'ai aussi une nouvelle arbalète de la mort qui tue ! Donc, tout aussi étrange que cela puisse me paraitre, je fais confiance à l'Italien.

J'ai décidé de prendre soin de moi. De redessiner mes jours et ceux d'Anna-Gabriella au fusain de l'espoir. Parce que j'ai compris une chose ou plutôt, l'Italien a fait l'exploit de me faire comprendre que le destin ne joue pas avec ses couleurs mais que c'est à moi de les faire briller.
Et j'ai enfin redressé la tête. Pour Elle. Pour Lui. Pour Moi. Pour Nous. Pour cette putain de famille que je me suis promis depuis la première seconde où je l'ai su dans mon ventre, qu'Anna-Gabriella aurait un jour.
Et ce putain d'Italien que je n'ai rencontré qu'une seule fois, en tendant juste sa main pour venir perturber les eaux de mon vague à l'âme, a caressé sans compter mes blessures en souffrance, et apaisé de quelques traits d'écriture mes battements de mort.

Je viens de renaître à mon existence en fuite, et je mènes mes pas, au plus fort des tempêtes, ainsi que ceux d'Anna. Ce n'est sans doute pas un hasard, si notre petite princesse-pirate est née au beau milieu d'une tempête maritime.
L'amour est le viatique, je ne dois plus le dévoyer.

Nous venions d'arriver à Marseille. Alors le combat vient de commencer. Parce que j'ai compris que mon envol vers le bonheur d'offrir une vraie famille à Anna-Gabriella, ne se fera pas tout seul.

Je dirigeais d'abord nos pas vers notre mas, ensuite, c'est sur le port que nous irions et pour finir la journée en beauté, je ferais ma petite visite impromptue ce soir.

Et j'écrirai à l'Italien, pour le prévenir que nous sommes bien arrivées mais que je n'ai pas encore vu sa femme et sa fille pour leur délivrer son message.

Je souries de nouveau,
Un peu effrayée, je l'admets,
Mais je pourrais trébucher, être désarçonnée, renverser ce que je porte
Que je m'en foutrais, et ne me soucierai pas de ce que tu pourrais penser
Je vire le passé de ma tête
Tu ne m'as jamais vue ainsi !

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Alaynna
[Relève toi comme un enfant ferait son premier pas.
Ne les laisse pas te prendre ce que tu as.
Relève toi.
C'est par les failles que passe la lumière,
Relève toi
Comme une armée en marche que rien n'arrête.
Et montre leur de quel bois tu es faite.
Tomber plus haut pour mieux renaître.
Relève toi.
]



Hier, Anna-Gabriella et moi on a repris possession des lieux.]

Aujourd'hui je suis ivre.

No. Pas des chopines que Fez et Anzy m'ont servi à tour de bras hier au soir. Heureusement que j'avais demandé à Eugène de veiller sur Anna pendant ma petite virée du soir. Je marchais peut-être plus vraiment tout à fait droit pour retourner au mas en pleine nuit, mais j'y voyais sacrément clair.

Je suis ivre de soleil et de sève d'oliviers. Et j'ai bien l'intention d'ennivrer Anna-Gabriella aussi aujourd'hui.

Alors ce matin on s'est préparées pour une matinée à la plage. Parce que les après-midi, hors de question que j'y emmène Anna, sous un soleil qui commence à se faire de plomb. La tenant dans mes bras, mèches de cheveux qui volent sous la tramontane, j'ai emprunté le petit chemin de coquelicots sauvages qui mènent à la petite crique et au front de mer, sur les terres basses de notre mas.
Je pourrai presque peindre une aquarelle de nous deux.
Elle avec son petit foulard rouge sur le crâne, ses fines boucles soulevées par le souffle du vent. Elle est protégée par sa petite veste en peau d'agneau, que j'ai glissé par dessus l'adorable petit caraco de dentelle rouge ; et sa petite culotte du même ton, laisse nues deux adorables minuscules gambettes et petons sur lesquels mes doigts jouent de manière harmonieuse, délivrant quelques chatouillis qui arrachent des éclats de rire à ma Merveille.

Et moi. Libre. Sauvage. Chignon au vent, indomptée Ritale qui savoure les caresses des petites bourrasques déjà plus que tièdes qui se font sentir. Jupons et bustier de dentelle, bracelets de ces perles de Murano que j'affectionne tant, aux poignets et aux chevilles, délestés de toute entrave.

Je n'ai pas encore eu le courage d'emmener Anna-Gabriella sur le port. Mais je vais le faire. Pour que je lui explique. Pour que je fasse la nique à ces putains de coup du sort.

Mais pour l'heure, c'est entre quelques rochers protecteurs que je nous fais échouer, toutes les deux, après que ayons fait un arrêt pour saluer les Camarguais qui caracolent dans leurs pâtures.
Apollo nous a déjà lâchées depuis un petit moment pour courir comme un fou sur le sable et filer se jeter à l'eau.
Un sourire fleurit sur mes lippes, en voyant Anna-Gabriella tendre les mains vers lui, tout en baragouinant " Apppppeuuuuu ! ", alors que je la cale entre mes jambes, son petit dos tout contre moi, et que je lui fais découvrir les joies du sable. Les minuscules gambettes tricotent en rythme et ma tête penchée contre la sienne, le bras protecteur autour de sa taille, je me délecte de ses babillages.
" brrrrrrrr ", ça c'est quand elle imite le bruit des vagues.

" dadaaaaa daaa ", ça c'est quand elle appelle les chevaux.

" gagaaaaaaaaaa gaaa ! " celle là, c'est quand elle râle parce qu'alors elle secoue la tête de droite à gauche, j'en ai conclues que ça signifiait "No !".

Et puis la meilleure pour la fin, parce que siiiiii, ça y est, Anna commence à parler ! C'est quand elle me fait des "Appeuuuuuuuu". Et là, j'ai vite compris que comme elle tend les mains vers Apollo, en fait, c'est qu'elle l'appelle.

C'est comme un répit depuis que nous sommes de retour ici. Un apaisement. Une parenthèse hors du temps. Même si le manque de Lui est là, et ne s'apprivoisera jamais. Il est absent de nos vies et pourtant, il s'y trouve bien présent.

Et puis il y a eux.

Gabriel évidemment. Pour lequel je m'inquiète en ce moment. Puis m'inquiéter pour lui, m'évite de le faire sur mon propre sort. Pas que j'aime le voir ainsi le presque frangin. Je lui ai dit qu'il pouvait s'installer au mas s'il voulait. Puis ça m'arrange, comme ça j'ai Eugène sous la main. Et Bloodwen aussi. Parce que même si Gabriel m'a dit qu'elle ne savait rien faire, moi je suis sûre qu'elle sait faire plein de choses, le Capuchon. Et puis à défaut d'avoir son papà près d'elle, Anna-Gabriella a au moins son parrain. C'est pas du tout pareil, d'accuerdo, mais quand même, Gabriel prend son rôle de parrain très au sérieux.

Il y a Kachi qui veut que l'on se fasse une soirée entre filles elle et moi. La brune, toujours égale à elle-même. Celle qui ne juge pas, celle qui comprend sans que je n'ai besoin de prononcer le moindre mot. Celle qui sait. Elle est un peu comme Diego. Quelque part elle aussi, un pansement à mon âme dévastée. Et puis c'est l'unique et seule Marraine de notre Merveille à Niallan et moi.

Il y a Anzy qui m'a dit que je suis la seule nana pas chiante qu'il connaisse. Et même s'il m'avait assommée un jour dans l'espoir de faire un reset, je l'aime ce géant Nordique là.

Et puis il y a Fez, que je ne connais que très peu et qui n'avait rien trouvé de mieux que de me surnommer "Baleine" ce qui m'a mise en état de choc momentané mais maintenant j'ai le sourire à m'en péter les lèvres depuis que je suis son hippocampe.

Et hier soir j'ai retrouvé Yam. Et là.Putana. J'avais le coeur au bord des lèvres parce que j'avais oublié que Yam est aussi poète que Niallan. Et puis il était avec sa pipe et ça m'a fait sourire. Par contre il a tiré la gueule quand il a su pour le blond. Et puis il m'a serré fort dans ses bras et je l'ai pas cogné, parce que c'est Yam, le mari de Zyv, et qu'en plus, ça faisait un bail que je ne l'avais pas vu.

Mais voilà. Ce que j'aime avec eux, c'est qu'ils ont la pudeur des mots et le respect de chacun. Ils ne vous crachent pas à la gueule et ne balancent pas des plaisanteries foireuses qui ne font rire qu'eux et qui vous tordent les tripes à vous. Et au lieu d'avoir l'impression de débarquer comme dans un jeu de quille et d'être l'emmerdeuse de service, tu te sens juste bien.
Et ils sont un baume à l'âme, à défaut de l'être au coeur. L'ambiance n'a pas changé, elle est toujours la même, faites de rires, de gages, de chansons, de défis, de loyauté. De tendres affections.
Et j'aime ça. Je me sens revivre. Comme l'an dernier, avant que tout ne s'écroule, et que Niallan était simplement le Salaud que j'aime et non pas l'Enfoiré qu'il est devenu.

C'est au moment où je me suis relevé pour que l'on aille se tremper les pieds avec Anna que le messager m'a trouvé.

J'ai lu la missive d'Eliance.

Et c'est comme ça que j'ai appris que Diego avait certainement du rejoindre Niallan à l'heure actuelle.

C'est là que mon coeur a commencé à s'emballer, à jouer des castagnettes et à cogner trop fort dans ma poitrine.
Ne pas penser à Niallan, ne surtout pas penser à cette enflure d'Enfoiré de première.

Je le déteste. Je l'aime. Je le hais. Fais chier.

" - Be', vaff.anculo, brutto stron.zo!"*

C'est là que j'avais à la fois envie de serrer Eliance, cette triple buse de presque-soeur, dans mes bras parce que je n'arrive pas à la détester même si je lui fais la gueule, mais que j'avais aussi envie de lui en coller une monumentale ! Parce qu'elle le mérite, qu'elle est conne, que c'est une pouffiasse, une emmerdeuse et qu'elle me fait chier, surtout quand elle raconte n'importe quoi à mon mari et qu'il me le répète après ! Et que je tombe sur le cul parce que m.ierda, j'aime bien la salade, mais celle là, elle m'est restée en travers de la gorge.

J'ai juste fourré la lettre dans la poche de mon jupon - dans l'intention d'y répondre quand même plus tard hein, mais là, tout de suite, j'ai autre chose à faire - ; et je me suis assise au milieu de l'écume, laissant celle-ci venir lécher les gambettes d'Anna qui se tortillait de joie en levant ses petits bras au ciel.

Je ne voulais pas penser qu'ils allaient bientôt débarquer. Je ne veux pas penser qu'Il va venir juste pour notre divine Merveille. Je ne veux pas penser que ça va recommencer. Je ne veux pas penser, je ne veux pas penser, je ne veux pas penser...

Alors j'ai regardé la mer. Et puis Anna-Gabriella. Et puis la mer, et le sable et Anna de nouveau. Et quelques minutes plus tard, allongée sur le sable, je tenais notre mini princesse-pirate à bout de bras au-dessus de moi et il semblerait qu'elle soit aussi téméraire que sa mammà et n'ait pas le vertige, car elle poussait des petits cris tout joyeux, qui m'ont arraché un sourire ému et la baignade s'est conclue par un plongeon d'Anna tout contre mon coeur parce que j'avais besoin d'un gros câlin.

Et c'est d'un pas dansant et fier en chantonnant, que nous sommes remontées un peu plus tard en direction du mas.


Va te faire foutre, connard !

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Alaynna
[Je suis allée trop loin] - I went too far - Aurora


Je suis allée trop loin quand je demandais à genoux
Demandais tes bras, pour qu'ils m'enlacent
Je suis allée trop loin et j'ai embrassé le sol à tes pieds
Attendant ton amour, espérant que nos regards se trouvent



J'ai fui dans la nuit, sous cette lune brune qui luit, bouteille de badiane entre les mains. Celle offerte par le Serbe.

Et assise sur le sable, mon arbalète encore chaude à la main, je regarde, silencieuse, ce Son et Lumière que je viens de composer.

Trois petits radeaux de bois qui flottent sur les flots. Et les carreaux enflammés sont venus les embraser. Sans fioriture, sans accroc. Les traits furent direct, droit sur leurs cibles, et l'arbalète, tout récemment acquise, joliment apprivoisée. Ne laissant plus danser que des hautes flammes, au-dessus de l'eau.

Et lentement, très lentement, je me suis levé et me suis laissé glisser dans l'eau, sous la lumière de la lune et des flammes.
Je suis trempée jusqu'à la taille et pourtant, ma chair brûlante me comprime. On ne peut fuir la douleur. C'est impossible quand elle est en nous. Et chercher à l'oublier, reviendrait à se fuir soi-même. On ne peut éliminer la douleur, car ce serait s'amputer d'une part de soi. Nos douleurs nous forgent. Pourtant, il ne faut pas la laisser nous submerger. Car elle ne reste qu'une partie minuscule de notre être.
Et aujourd'hui, j'apprends à vivre avec, à la dompter, à la laisser pleurer quand elle a besoin d'attention et surtout, j'apprends à la dominer quand elle devient caprice. Avant, elle surgissait comme un torrent et faisait couler mes paupières. Plus maintenant. Avant, je voulais ne pas la voir, ne pas la sentir, alors qu'elle était partout.

Si. Je sais faire ça la journée. Au milieu des autres, de nous, de moi.

Mais la nuit, je ne sais pas faire. La nuit mes démons sont là et viennent jouer avec moi. Dans cette obscurité où je reste éveillée sans trouver le sommeil. Dans ces ténèbres, desquelles j'émerge en hurlant, si j'ai le malheur de m'y laisser sombrer.
Ils ne sont plus là pour me protéger et pour veiller sur mon sommeil. Et la nuit, je suis en feu, je hurle en silence, mais mon corps vomit toutes mes forces. Cette souffrance me fait fondre jusqu'à ne plus me sentir humaine. Et alors, tout devient noir absolu et silence, jusqu'à ce que mes hurlements se fassent entendre et que je me retrouve assise et éveillée, le coeur cognant trop fort dans ma poitrine.



Je suis allée trop loin quand je demandais à genoux
Quand j'ai entaillé mes mains, pour que tu restes et me voies saigner
Je suis allée trop loin et j'ai embrassé le sol à tes pieds
Gisant dans mon sang, au goût doux-amer



Les entrailles vrillées et la tête dans un étau, la sensation est trop brutale, omniprésente, pour être nommée. Je sens les parties de moi-même éparpillées, flottant dans une mer d’horreur.
Mes sens me paraissent si loin que je ne perçois que cette douleur liant tout mon être. Pourtant ils sont encore là. Je sens le sol, quelque part au loin. Une barrière froide. Je sens une aura de glace tout autour de moi, une force qui cherche à m’étouffer, à comprimer ma douleur sur moi-même. Je la sens s’intensifier chaque seconde. Et puis je cède, je m’effondre, l’illusion du sable me heurte et je perçois mes genoux quelque part dans cette brume.
C’est à ce moment là qu’une étincelle de chaleur s’approche de moi. Révélant à mes sens perdus les fragments de mon corps ; pourtant elle ne me touche pas, je la sens à peine. Mes yeux sont torrent, mais je ne sais plus exactement ce qui en coule. Je tente malgré tout de les ouvrir un peu plus, de les relever vers ce qui me semble être le haut. La chaleur est là, tout près, je la sens s’ouvrir à moi. Sa présence repousse un peu ma prison de glace, m’entoure, et je sens sa douceur effleurer mon être en morceaux.

La chaleur se fait alors plus nette et je sens l’impact lorsqu’elle m’atteint. Comme si mes poumons écrasés par un rocher étaient finalement libérés, je sens une bouffée d’air sain m’emplir tout entier. Mais je sens en même temps la source de chaleur s’éteindre progressivement. La force qui me comprimait a fusionné avec elle jusqu’à l’absorption totale.

Julian le Frère, n'est plus là. Niallan le Mari, s'en est carapaté veiller sur le sommeil et l'enfant d'une autre.
Alors moi, je veille sur le sommeil de notre fille. Et je la protège.

Mais je ne sais pas me protéger moi.

J'ai reçu sa missive alors que je revenais de ma balade en bord de mer avec Daeneryss, Romeo, Callie et Anna-Gabriella.
Je ne l'ai pas ouverte tout de suite, j'ai attendu d'être seule. Et puis je l'ai lu. Et relue. Et relue encore. Sans savoir si je devais en rire. En pleurer. En hurler.


Mes amours aux doigts de fées,

Vous excuserez mon talent quelque peu limité pour ce qui est du dessin, ça fait quelques jours que j'y travaille. C'est comme ça que je vous imagine, souriant à la vie et vous riant du temps qui passe et de la mélancolie. J'imagine les vagues vous lécher les pieds, Anna s'en émerveiller, toi lui enseigner et le soleil venir vous réchauffer. J'imagine Apollo s'amuser dans l'eau et venir vous éclabousser, Anna rire aux éclats et toi la blottir dans tes bras.
Je vous imagine vous promener au marché, je la vois tendre son petit doigt vers un étal plein de couleur et je t'entends lui dire que cette soie vient de ton pays.
Je vous vois avancer dans la forêt, ramasser les pierres magiques et causer aux écureuils qui vous observent.
Parfois, quand je me couche, je ferme les yeux et je vous imagine à mes côtés. Je vois ses petites jambes battre l'air, je t'entends rire et embrasser son ventre. Quand cette image disparaît, je ferme les yeux plus fort et j'espère en rêver toute la nuit.
Au matin, je me réveille et je profite que mes yeux soient à demi-fermés pour l'imaginer avancer vers moi, ses premiers pas, hésitants et empotés. Je nous vois attendre, face à elle, résistant difficilement à l'envie de la prendre dans nos bras pour qu'elle y arrive elle-même. Et puis nous émerveiller quand elle y parvient.

Cette vie me manque, celle que je nous ai volé et que j'ai saccagé...


Le croquis dont il est question a fini déchiqueté, un peu plus tôt dans la soirée, dans l'intimité d'une taverne, terminant ses jours au fond d'une coupe. Sous un regard Serbe qui a simplement fait une évocation sur la vieillesse.
Plus tard, Kachina, découvrant la coupe, fera remarquer à l'Italienne qu'elle grandit. Confidences entre ces deux-là. Qui se sont comprises au premier regard. Mais du coté Rital, les aveux restent voilés, pudiques. Des choses sont tues. D'autres révélées.


Tu m'as donné une fille, tu m'as rendu Lexi et pour ça, je ne cesserai jamais de t'aimer. Même si ce n'est pas de la façon dont tu aimerais, même si j'ai sacrément merdé et même si tu ne crois plus à la véracité de ces sentiments, ils ne disparaitront pas.

Je ne te remercierai jamais assez de t'être battue pour tenir ta promesse de me laisser être papa. Je n'ose imaginer le nombre de conseils foireux que tu as dû recevoir, du genre "ne le laisse pas être père, ne le laisse pas l'approcher". Accompagnés évidemment d'affirmations tout aussi foireuses dans ce style-là "s'il n'est pas un bon mari, il ne sera pas un bon père, il va l'abandonner". Merci de ne pas y avoir cru, merci de les avoir envoyé valsé comme tu sais si bien le faire.


J'ai froncé les sourcils et j'ai eu envie de hurler à l'Enfoiré qu'il est. Mes mâchoires se sont crispées et quelques mots d'italien se sont fait entendre dans la nuit ; alors que je prends l'ampleur de l'étendue du désastre, dans la tête de mon mari.

" - Niallan, Non ti ho reso Lexi, Anna non la sostituirà mai"

Je te remercie aussi pour tout ce que tu me racontes d'elle. Tu n'imagines pas à quel point tes lettres sont précieuses pour moi, avec quelle impatience j'attends tes récits. Je les relis souvent, fermant les yeux en humant les mèches blondes que tu m'avais fait parvenir et serrant la petite pierre dans ma main. Parfois, j'arrive à me trouver une place dans l'histoire, à me persuader que j'y étais. Mais toi et moi on sait que ce n'est pas le cas, que je suis en train de rater tous ces moments qui ne seront jamais assez nombreux.

Merci d'avoir établi ma paternité par ce document que tu as mentionné et qu'il me tarde de détenir, pour pouvoir dormir un peu mieux la nuit.
Merci de me permettre de me détester un peu moins par tes explications sur cette Autre. Si tu savais à quel point je suis soulagé qu'elle soit partie et qu'elle n'ait laissé que le meilleur de toi, et l'Espoir.
Merci pour cette charade qui prouve encore une fois que tu me connais mieux que quiconque.


C'est après ce passage là que ça c'est corsé un peu plus. Pas l'histoire que je dois raconter à Anna-Gabriella. Je la lui lirai le soir prochain, avant qu'elle ne s'endorme. Mais c'est ce qui a suivi.
No. Je n'ai pas chevauché mon Camarguais jusqu'à ce que ça me passe. Si tu veux tout savoir, je suis allée en taverne, j'ai déchiqueté ton croquis qui a fini aviné dans une coupe. Il faut encore que tu t'améliores en dessin, Amore Mio. Celui là était un croquis magique. Mais Anna et moi, on ne s'y est pas reconnues dessus. Mais tu as toujours eu l'imagination si fertile.
Je me suis ennivrée de badiane offerte par un homme qui, selon Kachi, vaut tous les Niallan du monde et les Diego réunis. J'ai ri. J'ai passé un moment entre filles. Et j'ai ri encore, et j'ai bu, de cette badiane qui n'enflamme pas que mon gosier, mais tout mon être et mon âme.
Et puis je suis allée chercher mon arbalète et j'ai allumé des feux. Et je n'y ai pas dansé dessus, ni autour, je n'ai pas joué avec en lui offrant mes mains.
Je suis simplement là, sous le clapotis des vagues, à admirer les lueurs vives qui s'élèvent.


J'embrasse Anna et ton Salaud t'embrasse, l'enfoiré faisant profil bas.

Là. Tu m'as fait rire. Vraiment. De façon ironique, cela va de soit. Puis m.ierda. Tu n'es vraiment qu'un sale Con.
Alors je te répondrai bientôt. Dans pas longtemps. Mais pas tout de suite.

Et je ne savais pas encore, à ce moment là, qu'une autre missive allait me tomber sur la couenne quelques matins plus tard.
Celle d'une Russe. Celle de ma seule Amie. Celle qui m'avait achevé il y a quelques semaines de cela.

Alors tu vois. Je ne quitterai pas Marseille. Je ne nous mettrai plus en danger Anna-Gabriella et moi pour satisfaire tes caprices.


On m'a laissé en compagnie du vide
Et tout ce que j'étais est parti
J'ai essayé de rejoindre une autre âme
Pour me sentir entière

Oh, aime-moi
Oh, aime-moi

Oh, aime-moi, aime-moi et enlace-moi
Aime-moi et serre-moi dans tes bras
Oh, donne-moi un peu d'amour
Aime-moi et serre-moi dans tes bras




Niallan, je ne t'ai pas rendu Lexi, Anna ne la remplacera jamais.

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Alaynna
[Un esprit peut être mauvais sans être anormal]Matoma & Astrid S - Running Out


Une barque, au beau milieu du lac. En mode pêche, l'Italienne, aujourd'hui. Après-midi tranquille, avec Anna-Gabriella à mes côtés.

Tranquille ? En apparence.

Un peu plus tôt, j'ai confié la missive à l'attention de Niallan à un messager. Sans doute n'aura t'il pas trop loin à aller, les jours passant, le petit groupe doit se rapprocher.
Et moi l'impatience me gagne. L'excitation me rend fébrile. Mais je m'oblige à me ressaisir. Garder le contrôle. Me maîtriser. Toujours.

Et no, ce n'est pas leur arrivée qui me met dans un tel état. Mais c'est ce que je projette de faire dans deux jours. Dans deux jours, Andrea aurait eu deux ans. De quoi me rendre ivre de chagrin toute cette putain de journée à venir. Mais il n'en sera rien. J'ai décidé qu'il en serait tout autrement.

Je suis mauvaise, mais je mènes un combat contre ça. Depuis longtemps. J'ai conscience de ce qui est en moi. La seule qui sait, la seule qui a compris, c'est Catalyna. Parce que c'est une chose que nous partageons, la Russe et moi. Contrairement à elle, je n'aime pas entretenir ce côté obscur qui me définit. Mais c'est en moi. Comme un feu qui s'alimente à mes veines. C'est cette même obscurité qui garde mes sens en éveil, qui me brûle et me rappelle qui je suis. Mais bien qu'elle soit mienne, je combats cette facette là de ma personnalité.

Il est probable que vous m'ayez déjà croisée, sans vous douter un seul instant de ce dont je suis capable. Catalyna m'a dit une fois que j'étais un monstre, parce qu'elle s'est aperçue que je pouvais être pire qu'elle encore. Et elle n'a rien trouvé de mieux que d'aller en parler à mon mari. Ce qui a d'ailleurs précipité sa décision de me quitter. Car elle l'a fait flipper grave en allant lui raconter. Quelles étaient ses véritables motivations en faisant cela, je compte bien le savoir prochainement...

J'ai toujours aimé allumer des feux. A l'intérieur de moi, je suis du magma en fusion. Mais pour un oeil extérieur, rien ne transparait. A moins d'avoir l'oeil sacrément avisé. Rien n'indique ce désir qui me consume, et qui, paradoxalement, me rend si vivante.

J'anticipe. Je visualise déjà les prochaine heures qui viendront, d'ici deux jours. J'imagine mes doigts courir le long de la nuque. Je sens déjà le corps victime entièrement vibrer, trembler, à la seule vue de ma main approchant. Son souffle se fera court, sa respiration se fera saccadée, jusqu'à s'éteindre complètement. Et son regard, ses yeux...je ferme les miens un instant, savourant cette vision illusoire.
C'est un besoin vital et bestial. Contre lequel je me bats. Un manque qui peut parfois en arriver jusqu'à m'étouffer, sous un choc émotionnel puissant. Tuer pour le simple fait de tuer, n'apporte rien. Tout le monde en est capable. Même un enfant quand il va tuer un insecte.
Je reprends mon souffle, non en ôtant la vie, mais en me nourrissant de cette peur, jouissive, qui émane de toutes les cellules de ma victime. Une peur que je crée. En légitimant mes envies et mon instinct. Mon oxygène.

Voilà ce que je suis actuellement en train de combattre, alors que je pêche au milieu de ce lac. Reste à voir, d'ici deux jours, lequel aura eu raison de l'autre.

Mais pour l'heure, je m'en retourne sur les rivages avec Anna. Mon molosse danois nous y attend. Apollo n'est jamais bien loin de nous.
La pêche a été bonne.
Nous mangerons du poisson ce soir.

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Alaynna
[Look at them] - Jeanne Added -

J'avais prévu le déroulement de ma journée, depuis quelques jours déjà. Cette journée si spéciale. Ce jour que je commémore une fois dans l'année. Depuis deux ans aujourd'hui. J'avais échafaudé minutieusement mon plan du jour. Ma victime. Comment j'allais la faire cuisiner à petit feu, comme on fait mijoter un ragoût. Longtemps, longtemps, longtemps..jusqu'à ce qu'elle se mette à sentir l'odeur de la peur, et au-delà de l'odeur de la peur, celle de la mère. Et au-delà de l'odeur tiède et réconfortante du sein maternel, l'odeur de la rédemption, et au-delà de l'odeur de la rédemption, l'odeur de la capitulation de l'âme.

J'avais mon bréviaire.

Et la phrase du jour était : Tu jugeras. Parce que c'était la seule chose que Roman avait été capable de faire. Et qu'aujourd'hui, je le déteste pour cela.

C'est un mauvais jour. Cette date là, fatidique, je la maudirai pour ce qu'il me resterait à vivre. Et ça craque dans ma tête, je sens que ça va exploser. Je voulais me souvenir, je voulais tenir, j'avais tenu jusque là, c'était déjà ça. Mais ce n'était pas pour tenir. Si j'avais pu, je les aurai laissé partir mes tout petits. Je les aurai regardé partir comme une vieille peau. Andrea et Raffaelle. Mais je ne voulais pas les laisser partir, il ne fallait pas. J'avais voulu les conserver au chaud, bien calés dans mon cerveau, sans risque que personne ne vienne les déloger. Je savais qu'ils ne partiraient qu'avec moi, lorsque je partirai aussi.
Comme une petite croix rouge dans le fond, accrochée au mur dans le noir, et surmontée d'une petite lumière. Le sang. Toujours le sang. Point de fuite embué dans la tempête. Indéfectible point de fuite. Cela m'avait évité quelques naufrages, comme un phare dans la tempête, le sang m'avait fait tout traverser.

Mais aujourd'hui, Anna-Gabriella était l'autre versant. C'est Elle qui est en train d'agripper ses petits doigts aux miens. Elle qui blottit son petit corps contre le mien.

Alors la porte se referme et la petite croix rouge reste là, seule dans le noir avec cette petite lumière au dessus-d'elle, comme cette mammà qu'ils n'ont plus. Comme ce courage qui me manque à chaque fois que je pense à Eux.

Sensation de tranquillité immuable auprès d'Anna. Petit bout d'Elle, petit bout d'Eux qui ne juge pas. Elle me fait du bien. Elle qui commence à ancrer ses deux petits petons dans le sable quand nous allons jouer sur la plage, en agrippant mes jambes. Elle qui aime de plus en plus se déplacer en rampant. Elle qui maintenant, a tendance à se mettre à pleurer dès qu'elle ne me voit pas près d'elle. Parait-il qu'un jour on appellera ça l'angoisse du huitième mois.

Alors, c'est auprès d'elle que je reste. Et je lui raconte une histoire. Celle de son courageux grand frère et celle de sa non moins petite battante de grande soeur, à moins que ce ne fut un petit gars aussi. Je lui raconte que mammà n'a pas eu le temps de les aimer avant, mais qu'aujourd'hui, elle les aime tout autant qu'elle. Je lui raconte le noisetier et le gave près duquel repose Andrea. Je lui raconte le feu. Je lui dis aussi qu'il faut qu'elle aime très fort Percy, parce qu'elle n'aura jamais d'autres grand frère. Et je lui confies que mammà est cassée, et alors, qu'il n'y aura qu'elle, que personne ne viendra après elle pour l'accompagner dans ses jeux, dans le ventre de mammà.

Et grâce à ma fille, il n'y aura pas d'effusion de sang aujourd'hui.

Juste un feu que j'allumerai quelques heures plus tard, à la nuit tombée, dans le calme de la petite crique du mas, et au coin duquel, je graverai une rainure, la seconde en deux ans, sur un morceau d'écorce de ce noisetier qui veille sur Andrea, dans le Béarn. M'appliquant pour atteindre la perfection.

Petit Corleone jamais ne s'oublie.

Un jour Anna-Gabriella, quand tu seras plus grande, je t'emmènerai sous ce noisetier avec moi. Pour que même lorsque je ne serai plus de ce monde, tu puisses continuer, chaque année, à la même date, d'honorer cette petite âme, et les garder en mémoire, tous les deux.

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Alaynna
[L'espoir meurt en dernier.]


Ce n'est pas une, ni deux, mais trois missives qui me sont parvenues aujourd'hui.

Un pigeon italien m'a trouvé ce matin au réveil. C'était Diego, le meilleur pote de Niallan. Et puis en début d'après-midi, alors que nous sommes cachées sur un coin de plage au milieu des rochers, à l'ombre, avec Anna et Apollo, ce sont deux autres messagers qui ont réussi à nous trouver. D'abord celui envoyé par Eliance et puis, très peu de temps après, celui de mon mari. Niallan.
Et cela me faisait beaucoup à lire. Et j'ai plus d'une fois froncé les sourcils. Puis j'ai du lâcher quelques soupirs d'agacement et de frustration. Et puis j'ai ravalé mes larmes aussi. Et j'ai pesté. Notamment parce que je n'ai pas aimé apprendre pour les brigands, et puis parce que Niallan m'a écrit que Percy est malheureux. Et puis Diego qui me demande de réfléchir à un double mariage de Niallan. Et Eliance, qui me dit d'écouter Diego et de faire une dernière chose pour qu'Anna ait cette famille que je lui rêve depuis le premier jour où je l'ai porté dans mon ventre.

Et vous le sentez vous, le vent des emmerdes qui va se mettre à souffler vitesse grand V ? Moi, je le sens arriver. Je peux même affirmer qu'il va secouer pas plus tard que demain.

Finalement, que Niallan se soit pris des brigands dans la tronche, c'est un mal pour un bien. Parce qu'il a pris conscience de sa demande ridicule quand il voulait qu'on le rejoigne en Bourgogne avec Anna, Daeneryss et ses enfants. Et j'ai souri quand Diego sur sa lettre, m'apprend que lui était contre notre venue, justement à cause des dangers sur les routes pour des femmes avec des enfants en bas-âge. Et moi je n'ai toujours pas oublié les triples attaques auxquelles j'ai eu droit en allant rejoindre Niallan en Bretagne. Contrairement à ce que croit Niallan, je ne suis pas surhumaine, je suis loin d'être une femme indestructible. Et si un brigand s'était sauvé en boîtant, les trois autres qui avaient suivis, eux, avaient eu raison de moi. Et encore qu'Apollo m'avait aidé sur ces coups là.
Puis quand même, ça me fait chier de savoir que mon mari est blessé. Mais je hausse les épaules, un brin agacée contre moi-même, je me dis que Neijin a du soigner sa blessure, et il écrit vouloir voir un médecin sur Marseille, de toute façon, il n'est plus de mon ressort désormais, de m'inquiéter pour lui.

Je serre les mâchoires quand il m'avoue avoir peur, mais en flippage grave, qu'il se repasse la même chose que ce qu'il a vécu à Narbonnes. Je peux le comprendre. Mais no. Que je crève sur place si je me comporte de la même manière qu'Alicina le fît.
No. Jamais je ne pourrai faire une telle chose à Niallan, même après tout ce que lui m'a fait subir et endurer. Et cette promesse là, de le laisser être papà, je n'y dérogerai pas. Et jamais je ne lui ferai du chantage en me servant d'Anna-Gabriella. Jamais non plus je ne me servirai de Neijin pour lui en faire, parce que je n'ai toujours pas oublié ce que j'ai vécu quand il avait vu les jumelles sensées être les siennes sur Limoges pour la première fois.
Demain, il en aura la [preuve].

Je me masse les tempes du bout des doigts, parce que je n'en mène pas large. Et ça y est, j'ai les papillons flippeurs qui se réveillent dans le creux de mon ventre. Demain je vais le revoir. Et ce ne sera pas d'aller me cacher dans le coin le plus paumé du mas, parce que je le connais, il serait bien foutu de venir m'y dénicher.

Pourtant dans ma tête, j'ai tout préparé, tout est clair comme de l'eau de roche. Mais les trois missives là, reçues à la suite les unes des autres ça me fait comme l'effet d'une énorme conspiration. Les emmerdes. Les emmerdes. Les emmerdes....

Et bien sûr, Gabriel qui n'est pas rentré. Toujours à se cacher je ne sais où, et je ne peux pas lui mettre la main dessus pour lui confier mes craintes. Et qu'il me rassure. Qu'il me dise que tout va bien se passer.
Il y a bien Loras, mais je me refuse à le mêler à ça. Le Serbe est à part. Bien à part, et bien ancré dans ma tête. Mais si Niallan déconne avec moi, je ne donne pas cher de son crâne face au Serbe.
Alors je vais gérer ça à ma manière. Sans effusion de sang. Sans effusion de colère ou de rancoeur. De manière sereine. Et un lien indéfectible sera noué, même si un autre se dénoue.
Même si moi aussi, je suis morte de trouille. Même si je n'ai toujours pas pardonné, parce que je suis toujours incapable de le faire.

Mon courage, je le puise en Elle. Anna-Gabriella. Je sais que si je suis encore debout aujourd'hui, c'est à Elle que je le dois. Mon petit trésor. Ma fille. Notre fille. Toute petite, toute fragile, et pourtant, tellement jolie. Ses fines boucles aux reflets d'or, rayonnent sur elle, comme un soleil éternel.
Quoi qu'il se passe, nous resterons à jamais ses parents, et je ne crois pas qu'il y ait de plus beau cadeau que celui-ci, hormis celui de lui offrir la famille qu'elle mérite.
Ce que Diego m'écrit dans sa lettre au sujet d'Anna m'a arraché des larmes. Parce qu'en fait l'Italien ne m'apprend rien. Ce qu'il m'écrit je l'ai toujours su, car je connais la souffrance qui ronge Niallan. Anna n'est pas seulement un bébé-opium, elle est aussi la petite fille de l'Espoir. Avec un grand E. Comme la charade que j'ai écrit l'autre jour à Niallan.
Ils l'ignorent. Tous autant qu'ils sont. Mais je me suis fait une promesse à moi-même le jour où j'ai assisté à cette dégoûtante empoignade, lors de cette entrevue ou Alicina a craché au visage de Niallan que finalement les jumelles n'étaient pas ses filles.
De tenter l'impossible, jusqu'à me sacrifier moi-même s'il le faut, pour que Niallan guérisse et se relève. Pour qu'un jour, il soit simplement heureux et fier d'être papà. Sa souffrance, je la connais et je la vis au quotidien. J'ai connu ma mère, je l'ai perdu, elle m'a été arrachée par la mort. Lui a connu ses jumelles, mais c'est leur mère qui les lui a arrachées. Ce jour là j'ai vu un homme détruit, qui souffrait déjà de la perte de sa fille aînée, de celle d'un fils qu'il ne connait pas, et était venu s'ajouter ce nouveau coup du sort. Cette nuit là quand j'ai veillé sur le sommeil agité de Niallan, j'ai décidé que tout cet amour que je lui porte servirait un jour à le guérir.

Et je sais que demain, quand il la reverra, qu'il aura Anna dans ses bras, et qu'il saura avec certitude que jamais personne ne lui arrachera notre fille, pas même moi, il fera un pas vers la guérison.

Au milieu des rochers, il y a ce petit bassin d'eau naturelle, qui même à l'ombre, est à température tiède idéale pour qu'Anna y barbote. Apollo s'est allongé de tout son long, épuisé de jouer dans les vagues, et j'ai délicatement calée Anna-Gabriella contre le flan de l'animal. Et pendant qu'elle baragouine des "ma ma ma maaaa maaaa" en gigotant ses minuscules gambettes dans l'eau, je lui lis la petite histoire de son père.


"Coucou Anna, c'est Papa. Demain je viendrai chercher mon bisou magique et t'apporterai tes mûres. Quand tu me verras, il ne faudra pas que tu aies peur à cause des marques rouges et bleues sur moi. Tu te souviens quand je saignais du nez ? C'est parce que maman était fâchée et elle avait toutes les raisons de l'être. Avant-hier soir, j'ai rencontré des méchants, des vilains, des pas beaux et eux aussi ils étaient fâchés. Peut-être qu'ils ont eux aussi des bonnes raisons de l'être mais le problème c'est qu'ils sont fâchés contre le monde entier et ça, ça doit être fatigant. Ne t'inquiète pas, maman et moi on te protègera toujours des vilains, surtout des beaux, c'est les pires.
Tu sais pas quoi ma puce ? Quand je grimpe en haut d'une colline, je vois la mer. Je serai bientôt là. Je t'embrasse, je t'aime."


Et je la conclues en lui soufflant dans l'oreille, tout en la lui croquant légèrement :


" - Domani vai a vedere papà la mia cara !* "


*Demain tu vas voir papa, ma chérie.
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Alaynna
[L'envol..] - Damien Saez -


Anna est avec son père. Je la lui ai confiée pour la nuit.

Et moi, j'ai monté Epo, et je m'en suis partie dans la guarrigue, laissant mon Camarguais cavaler d' un rythme soutenu. C'est la direction de la rivière que j'ai pris. L'endroit même où je m'étais baigné la dernière fois.

Depuis que j'avais parlé avec Kachina, un peu plus tôt, je m'étais claquemurée dans le silence. Encore une fois, Kachina avait compris de suite. Elle m'avait passé le bras autour des épaules et nous avons parlé. Elle a compris à quel point Niallan m'avait détruite. Elle m'a dit qu'auprès du Serbe, je guérirai. Sans doute.
Je ne voulais plus avoir à souffrir. Je ne voulais pas d'un mariage qui n'avait été basé que sur des mensonges. Je ne voulais plus de cette vie là.
Ma promesse envers Niallan, celle de le laisser être père, je venais de la tenir. Je ne l'avais jamais vu aussi bouleversé, mais j'ai bien vu qu'il n'aimait pas du tout que je lui annonce que dès ce soir, je l'aurai libéré de ces liens factices. Qu'ainsi il pourrait épouser Neijin.
Il m'a répondu qu'il ne l'épouserait jamais, j'ai bien vu qu'il tirait la gueule, qu'il était chamboulé. Mais il a fini par me dire qu'ainsi qu'il me l'avait promis, j'étais libre d'agir à ma guise.
Et puis il y a eu ce murmure. Une dernière nuit. Il me demandait une dernière nuit. Et là. Dans un éclair, je le revois, après qu'il soit revenu de son escapade avec Maryah, me dire qu'elle lui avait demandé une dernière nuit.
Je me suis sentie de nouveau humiliée. Même si j'aurai pu accepter. Je ne l'ai pas fait. J'ai refusé. Et je lui ai dit que j'étais différente des autres. Que malgré tout, moi, je ne ferai pas ça à Neijin, même si elle, ça ne l'avait pas dérangé de me le faire.

Il a voulu savoir si j'en aimais un autre. Je lui ai parlé de Loras. J'ai bien vu son visage se décomposer, ses poings se serrer, je l'ai entendu marmonner sans trop comprendre ce qu'il disait.
Finalement, il m'a demandé de les suivre. Je lui ai répondu que j'en parlerai au Serbe mais que de toute manière, c'est le Serbe que je suivrai.

Et puis j'ai aperçu Neijin, seule en taverne. Un peu plus tôt elle était venu mais Niallan lui avait fait comprendre tout en étant désolé qu'il voulait rester seul avec moi. Et je me suis rappellé. De toutes ces fois où moi, je l'attendais quand il était avec Alicina, ou Maryah. Ou d'autres encore. Et je sais trop ce que l'on ressent. Alors je lui ai dit de ne pas laisser Neijin toute seule. D'aller la chercher.

Et puis il semblait si heureux avec notre fille dans les bras. Après tout, là était l'essentiel. Que le père et la fille soient réunis et que personne ne la lui arrache. J'y avais veillé. Neijin m'a remercié de ce que je faisais pour Niallan.

Je suis parti. A l'intérieur de moi, je me sens glacée.

Et j'ai du descendre plusieurs bouteilles de badiane avant d'avoir le courage de m'en aller dans la garrigue. La brise était agréable, tout comme l'eau qui venait fouetter mes pieds.
J'ai du rester longtemps, assise sur ce rocher, les pieds dans le courant de la rivière. Puis j'ai ôté la chaine et le pendentif avec le lapis lazuri que Niallan m'avait offert l'année dernière, de mon cou. Je raccourcirai la chaine et c'est le cou d'Anna-Gabriella qui accueillerait le bijou.

Je ne cessai de répéter la même chose, dans ma tête, mais, allais-je si bien que ça ? Est-ce que tout irait aussi bien que je le pensais ? En réalité, je n’en étais plus aussi sûre. J’essayais de me le faire croire tant bien que mal. Et puis je me suis remémorée de tout sur Limoges.
Et là, j'ai su que c'était ce que je devais faire. Un mariage n'est pas fait pour être construit sur des mensonges, ni sur des humiliations.

Le feu n'a pas tardé à crépiter, puis les flammes ont commencé à s'élever. Longtemps, j'ai gardé mon regard figé sur ma main. Puis j'ai ôté ma bague. Cette bague qu'il m'avait offerte pour nos fiançailles. Cette même bague qu'il m'avait repassé au doigt le jour de nos épousailles.
J'avais le coeur qui saignait et qui pleurait, sur ces années passées auprès de lui. Mais je savais que ce que je faisais était juste. Cela ne changeait rien pour notre fille. Mais je le libérais de ces liens factices.

Je lui rendais sa liberté, je reprenais la mienne.

Et j'ai laissé mes bleus se perdre sur les perles de murano qui se consumaient dans les flammes.

J'étais toujours aussi glacée, mais je ne ressentais rien, comme si ma conscience avait annihilé toutes mes émotions. J'avais simplement la certitude que j'avais fait ce que je devais faire.

Madone écoutait en silence, presque religieusement, le chant des flammes et de la rivière, alors que la nuit tombait.
Et puis si le Serbe me cherchait, il saurait bien où me trouver.

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Alaynna
[Aussi libre que moi..] - Calogero -


Tu peux venir te poser sur moi, je ne veux rien t'imposer.
Reste aussi longtemps que tu voudras,
si le voyage à mes côtés peut simplement te garder aussi libre que moi.
Ne résiste pas à cette envie, viens contre tout, contre moi,
t'engager comme avec toi je le suis, sans garde-fou et rester,

Je fais le voeu de te garder, aussi libre que moi...


...Et il avait su me trouver.

Et je l'ai laissé sur ma peau, se tatouer. De mes cheveux s'imprégner et y laisser sa marque dessus. Telle la coutume de son pays.
J'ai laissé sa main se poser sur ma nuque, dure, forte, et sa bouche s'abreuver à la mienne, mordre et être mordue en retour.

Et cette nuit, il m'a éveillée comme le souffle léger d'une brise soudaine. Loras. Il m'a ensommeillée de ces rayons précieux d'un premier soleil.
Cette nuit là, le Serbe a effacé les vents révoltés d'une vie chahutée, s'incrustant en neige douce recouvrant les passés obscurs. Il a éclairé de mille feux d'éclairs évadés, ma solitude, chauffé mon coeur hiberné dans un désir gelé.
Il a bouleversé ma peau asséchée, de caresses abandonnées et s'est glissé dans les éternités des courtes absences. Il a envahi les secondes de nos corps enlacés, il a épuisé mon corps de ses mains et sa bouche avide.

Cette nuit là, Loras s'est invité en mon présent qui devient notre avenir, il a valsé pour s'enrober en mes bleus, livrés à son regard de jais. Il a sculpté sur mon visage et mon corps, de ses lèvres, de son souffle, de ses mains, les esquisses de nos nuits. Il devine à nos jours des rêves, qui épousent la réalité.

Et cette nuit là, je lui ai livré mon abandon consenti, de ne plus le quitter. J'avais accepté d'être à Lui. De toutes les manières qui soit. Il m'a dit qu'il passerait toutes ses nuits auprès de moi. Il a fait de moi, sa prisonnière volontaire.

Un jour, il me montrerait la ville du Diable, dans son pays. Ce lieu où les lacs et la terre sont aussi rouge que le sang. Et je l'emmènerai chez moi, en Italie, pour lui montrer ces cratères d'où sortent les laves rouges et fumantes qui se déversent en de longues sentes brûlantes.

Loras. Cet homme qui ne se laisse pas apprivoiser, de par sa nature sauvage. Tout comme moi. Et pourtant, il m'a demandé si je lui faisais confiance et je lui ai dit que si.
Le Serbe ne se laisse pas discipliner, ni manipuler. C 'est ce qui fait son mystère et son charme. Et pourtant. Nous avons laissé nos corps danser ensemble. Nos âmes aussi. Je me suis retrouvée sur ses genoux, alors qu'il s'était mis en oeuvre de me tresser un chignon et de marquer ainsi son territoire. J'ai même trouvé que se laisser emporter entre ses bras, c'est divinement exaltant. Moi. Qui ne me laisse pas approcher. Qui ait plutôt tendance à ruer et cogner. Cet homme là, étonnamment, a su me détourner de mes démons.

Je ne me suis pas inquiétée quand à mon réveil, je ne l'ai pas trouvé. Je savais qu'il coupait du bois dans la forêt pour un seigneur, depuis plusieurs jours.

Ce n'est que lorsque Yam m'a dit l'avoir vu quitter la ville que mes sens se sont mis en alerte. Et c'est au bout de ma troisième nuit sans sommeil, que j'ai décidé de partir à sa recherche. Depuis deux jours je ressentais un drôle de pressentiment, depuis que j'avais croisé, dans l'une des ruelles, en me rendant en taverne, un chat noir. Et superstitieuse comme je suis, je peux vous assurer que ça m'avait frappé. Déjà je n'aime pas les chats. Mais n'importe quel italien vous racontera que lorsque nous croisons un chat noir, c'est signe d'un grand malheur. Kachina a toujours cru que je ne voulais pas que son chat m'approche à cause de mon molosse Danois, Apollo. Mais en fait no. C'est uniquement parce que je suis superstitieuse et que son chat me flanque une frousse d'enfer.
J'ignore si c'est le sien que j'ai croisé dans la ruelle, mais depuis je n'ai pas l'esprit tranquille. Et hier, Yam a fini de me le torturer.

J'ai pourtant essayé de m'occuper. Et je n'ai rien trouvé de mieux à faire que de me mettre en oeuvre d'attaquer le dressage de l'un de mes Camarguais. Le plus sauvage, celui qui allait me donner le plus de fil à retordre, et qui m'épuiserait et réussirait à faire disparaitre cette tension que je sentais croitre en moi au fil des heures.
Mais après la séance, j'étais toujours aussi nerveuse.

J'ai passé la soirée avec Fez et Yam, mais même eux ne sont pas arrivés à me faire retrouver ma sérénité.

Alors quand je suis revenue au mas, je suis allée demander à Eugène de surveiller Anna-Gabriella durant la nuit.

J'ai sorti la pipe qu'il m'a offert et je l'ai faite renifler à Apollo. Je sais qu'il n'y a pas meilleur pisteur que mon danois. Sauf quand il s'agit de Gabriel, Apollo n'avait pas été capable de suivre une piste correcte mais je reste persuadée que Gabriel avait fait en sorte que mon molosse ne retrouve pas sa trace.
J'ai même présenté les draps de la couche à Apollo pour qu'il renifle également. C'est pour dire que mon inquiétude avait grimpé d'un cran. Parce que je savais au moins une chose, c'est que Loras ne serait jamais parti sans me prévenir. La dernière fois il l'avait fait. Je savais même où il se rendait, et je devais le rejoindre avant que finalement, il ne fasse demi tour pour revenir.
Et j'avais confiance en lui.

J'ai troqué mes jupons et mes tissus de dentelle, contre ma vieille tenue de pirate, mes petons se sont retrouvés prisonniers de mes bottes de cuir élimées, j'ai vérifié chacunes de mes dagues, et arbalète à l'épaule, j'ai monté Epo, à crû, comme d'habitude, et je me suis enfoncée dans la nuit, en direction de la forêt dans l'intention de la traverser et de m'en aller ensuite sillonner la garrigue.

La nuit était déjà avancée, lorsque je suis partie à sa recherche.

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