Alaynna
[L'esprit se plie volontiers à la discipline qu'il a lui-même imaginé.]
- Lindsey Stirling - Dracula
C'est affaire de volonté tout simplement.
Je venais de refermer la porte de la bibliothèque derrière moi. Depuis mon enlèvement, et que j'avais découvert l'existence de cette pièce, c'est ici que je passais la majeure partie de mon temps, avec Anna-Gabriella. L'endroit me rappelait une autre pièce dans laquelle j'avais passé toute une partie de mon enfance, même si l'architecture en était complètement différente, les trésors littéraires qui s'y trouvaient, eux, m'étaient familiers.
L'odeur qui émanait de ces lieux-ci me rassurait et m'attirait à la fois. Après la mort de ma mère, je m'étais réfugiée dans la bibliothèque maternelle. Depuis la mort de Loras, les évènements avaient fait que la grande bibliothèque du manoir Von Znieski était devenu en quelque sorte notre refuge à Anna-Gabriella et moi.
Même elle semblait se plaire dans ces lieux. Il faut dire que j'y avais trouvé de nouvelles inspirations pour nos petites histoires du soir, rituel de son coucher depuis dix mois.
Depuis mon arrivée dans ce manoir et cette fameuse première nuit, durant laquelle j'avais entendu ce sinistre cri qui m'avait glacé le sang, je restais persuadée que l'endroit recelait des âmes égarées. D'autant plus que de manière récurrente, j'entendais indépendamment du jour ou de la nuit des bruits étouffés de chaines qui, par moment, se faisait plus distincts lorsque des courants d'air se faisaient sentir parmi les vieilles pierres des murs du manoir.
Et si lorsque nous étions partis en Franche-Comté, j'avais commencé à donner quelques recommandations en douce à Eugène, loin des oreilles et du regard de Gabriel, il était temps de passer aux choses plus sérieuses.
C'est que depuis quelques semaines je m'étais penchée sur des ouvrages qui avaient retenu tout mon intérêt.
J'en avais déjà lu des similaires dans mon adolescence, la bibliothèque maternelle recelait quelques ouvrages relatant le même sujet mais en Italie.
Or là, je venais de découvrir un fait troublant : les pays Slaves avaient eux aussi leurs mystères et leurs us et coutumes sur les mêmes faits.
Ce qui ne manquait pas de me troubler. Surtout, lors d'un nouveau chapitre que j'avais lu et qui venait de marquer mon esprit. Terriblement.
Il était indéniable que j'étais marqué à vie par la disparition de Loras. Il m'avait été arraché à l'aube d'une nouvelle histoire de ma vie. Les jours, les semaines, les mois passaient depuis, mais rien ne pouvait effacer ce manque de Lui. Accentué par le fait que Gabriel m'ait faite enlevé et que je considérais avoir abandonné le Serbe qui dormait désormais seul, dans ce lit où je l'avais moi-même bordé.
Ce putain de sentiment qui continuait de m'étreindre. La mort me l'avait arraché mais l'enlèvement de Gabriel m'en avait démunie une seconde fois.
Mais le plus terrible dans cette histoire, c'est que mon esprit lui, voyait des similitudes entre le Polonais et le Serbe. Je me souvenais encore de cet étrange sentiment qui m'avait saisi à Marseille, lorsque les deux Slaves s'étaient rencontrés pour la première fois, sous mon regard. Chacun causant à l'autre dans leur propre langue maternelle, s'observant comme deux chiens de faïence et finalement les regards Slaves s'était absorbé sur l'Italienne que j'étais, venant perforer un peu plus mon âme, et distiller cet émoi au tréfonds de ma conscience. La disparition de Gabriel que je n'avais ensuite pas revu pendant deux semaines.
Et ma conscience, en cet instant n'en menait pas large alors que je venais de faire une découverte littéraire.
Selon une croyance Slave, après la mort, l'âme persiste et peut évoluer sur la terre pendant quarante jours avant de rejoindre l'au-delà. Dans les morts violentes, l'âme refuse de se détacher du corps. Alors le corps peut être possédé par une autre âme en peine, cherchant à se venger des vivants.
Le Serbe est mort d'une mort violente et sans aucun doutes, atroce.
Depuis, ces mots martelaient ma tête et venaient de plus se mélanger aux conseils prodigués par Diego et Eliance sur le sujet.
Loras. Gabriel. Un Serbe. Un Polonais. Vinguette ! Comme dirait ma soeur de coeur, Eliance.
Un que j'ai imaginé castré et qui ne l'était pas. L'autre que je savais castré mais que j'imaginais tout autrement que ça ne l'est en réalité.
Putana. Je suis dans la m.ierda. Et l'ombre de Niallan qui s'en plane au milieu de tout ça.
C'est à s'en arracher les cheveux et cela me fait immanquablement penser à ce jour où Gabriel a tailladé avec art dans ma chevelure pour la coiffer en chignon. Quand Niallan m'a abandonné.
Et me voilà à pâlir davantage et à avoir des sueurs froides en me remémorant ce jour sur Marseille, où le Serbe m'a fait asseoir sur ses genoux, me sculptant un chignon, après que j'ai mis à mort ce putain de mariage factice entre Niallan et moi, que je ne lui ai toujours pas pardonné d'ailleurs. Ce chignon qui veut tant dire dans la culture du Serbe, qui m'avait précisé que chez lui, les femmes portant chignon appartenaient à un homme. Ajoutant que maintenant j'étais sienne.
Depuis, bien qu'il soit mort, je porte toujours chignon et la fibule qu'il y a fiché. Gabriel d'ailleurs lui-même, n'a pas touché à mon chignon pour me le refaire à sa sauce, bien que parfois, je ne sois pas dupe du regard qu'il y pose dessus.
Et une horrible idée, suite à mes dernières lectures, vient de me traverser l'esprit.
Aussi, Anna-Gabriella entre les bras, je vais rejoindre la galerie des portraits de la famille Znieski.
L'un des portraits qui s'y trouve, est salué tous les jours et Anna-Gabriella lui parle, dans son language bien à elle, lui tendant même les bras et ses petites mains. Si sur le moment j'ai été un brin choquée parce que le portrait de Niallan figure sur les murs du manoir, la galerie est devenue la visite rituelle de la journée. Deux fois par jour. Le matin, Anna vient dire bonjour à son père, et le soir, lui souhaiter une bonne nuit.
Quant à moi, j'aime à regarder ces portraits et à les scruter, traquant dans chacuns d'eux, les traits dont Gabriel a pu hériter.
Mon portrait préféré, excepté celui de Niallan qui est hors-jeu bien entendu, c'est celui du Patriarche. Il y a une lueur dans le regard peint, qu'il m'est arrivé de surprendre plusieurs fois dans les yeux de Gabriel. Bien entendu, je me suis bien gardé de le lui dire, ne sachant pas comment cela serait perçu.
Plantée dans la galerie des portraits, j'attends Eugène, que j'ai fait discrètement mandé. Car je sais que l'endroit le plus tranquille pour lui parler sans que des oreilles trainent, c'est celui-ci. Parce que la plupart des gens n'aiment pas venir en cet endroit glacial. Ce qui n'est pas mon cas.
Je surveille donc, patiente et déterminée, l'arrivée du majordome de la Maison Von Znieski.
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- Lindsey Stirling - Dracula
C'est affaire de volonté tout simplement.
Je venais de refermer la porte de la bibliothèque derrière moi. Depuis mon enlèvement, et que j'avais découvert l'existence de cette pièce, c'est ici que je passais la majeure partie de mon temps, avec Anna-Gabriella. L'endroit me rappelait une autre pièce dans laquelle j'avais passé toute une partie de mon enfance, même si l'architecture en était complètement différente, les trésors littéraires qui s'y trouvaient, eux, m'étaient familiers.
L'odeur qui émanait de ces lieux-ci me rassurait et m'attirait à la fois. Après la mort de ma mère, je m'étais réfugiée dans la bibliothèque maternelle. Depuis la mort de Loras, les évènements avaient fait que la grande bibliothèque du manoir Von Znieski était devenu en quelque sorte notre refuge à Anna-Gabriella et moi.
Même elle semblait se plaire dans ces lieux. Il faut dire que j'y avais trouvé de nouvelles inspirations pour nos petites histoires du soir, rituel de son coucher depuis dix mois.
Depuis mon arrivée dans ce manoir et cette fameuse première nuit, durant laquelle j'avais entendu ce sinistre cri qui m'avait glacé le sang, je restais persuadée que l'endroit recelait des âmes égarées. D'autant plus que de manière récurrente, j'entendais indépendamment du jour ou de la nuit des bruits étouffés de chaines qui, par moment, se faisait plus distincts lorsque des courants d'air se faisaient sentir parmi les vieilles pierres des murs du manoir.
Et si lorsque nous étions partis en Franche-Comté, j'avais commencé à donner quelques recommandations en douce à Eugène, loin des oreilles et du regard de Gabriel, il était temps de passer aux choses plus sérieuses.
C'est que depuis quelques semaines je m'étais penchée sur des ouvrages qui avaient retenu tout mon intérêt.
J'en avais déjà lu des similaires dans mon adolescence, la bibliothèque maternelle recelait quelques ouvrages relatant le même sujet mais en Italie.
Or là, je venais de découvrir un fait troublant : les pays Slaves avaient eux aussi leurs mystères et leurs us et coutumes sur les mêmes faits.
Ce qui ne manquait pas de me troubler. Surtout, lors d'un nouveau chapitre que j'avais lu et qui venait de marquer mon esprit. Terriblement.
Il était indéniable que j'étais marqué à vie par la disparition de Loras. Il m'avait été arraché à l'aube d'une nouvelle histoire de ma vie. Les jours, les semaines, les mois passaient depuis, mais rien ne pouvait effacer ce manque de Lui. Accentué par le fait que Gabriel m'ait faite enlevé et que je considérais avoir abandonné le Serbe qui dormait désormais seul, dans ce lit où je l'avais moi-même bordé.
Ce putain de sentiment qui continuait de m'étreindre. La mort me l'avait arraché mais l'enlèvement de Gabriel m'en avait démunie une seconde fois.
Mais le plus terrible dans cette histoire, c'est que mon esprit lui, voyait des similitudes entre le Polonais et le Serbe. Je me souvenais encore de cet étrange sentiment qui m'avait saisi à Marseille, lorsque les deux Slaves s'étaient rencontrés pour la première fois, sous mon regard. Chacun causant à l'autre dans leur propre langue maternelle, s'observant comme deux chiens de faïence et finalement les regards Slaves s'était absorbé sur l'Italienne que j'étais, venant perforer un peu plus mon âme, et distiller cet émoi au tréfonds de ma conscience. La disparition de Gabriel que je n'avais ensuite pas revu pendant deux semaines.
Et ma conscience, en cet instant n'en menait pas large alors que je venais de faire une découverte littéraire.
Selon une croyance Slave, après la mort, l'âme persiste et peut évoluer sur la terre pendant quarante jours avant de rejoindre l'au-delà. Dans les morts violentes, l'âme refuse de se détacher du corps. Alors le corps peut être possédé par une autre âme en peine, cherchant à se venger des vivants.
Le Serbe est mort d'une mort violente et sans aucun doutes, atroce.
Depuis, ces mots martelaient ma tête et venaient de plus se mélanger aux conseils prodigués par Diego et Eliance sur le sujet.
Loras. Gabriel. Un Serbe. Un Polonais. Vinguette ! Comme dirait ma soeur de coeur, Eliance.
Un que j'ai imaginé castré et qui ne l'était pas. L'autre que je savais castré mais que j'imaginais tout autrement que ça ne l'est en réalité.
Putana. Je suis dans la m.ierda. Et l'ombre de Niallan qui s'en plane au milieu de tout ça.
C'est à s'en arracher les cheveux et cela me fait immanquablement penser à ce jour où Gabriel a tailladé avec art dans ma chevelure pour la coiffer en chignon. Quand Niallan m'a abandonné.
Et me voilà à pâlir davantage et à avoir des sueurs froides en me remémorant ce jour sur Marseille, où le Serbe m'a fait asseoir sur ses genoux, me sculptant un chignon, après que j'ai mis à mort ce putain de mariage factice entre Niallan et moi, que je ne lui ai toujours pas pardonné d'ailleurs. Ce chignon qui veut tant dire dans la culture du Serbe, qui m'avait précisé que chez lui, les femmes portant chignon appartenaient à un homme. Ajoutant que maintenant j'étais sienne.
Depuis, bien qu'il soit mort, je porte toujours chignon et la fibule qu'il y a fiché. Gabriel d'ailleurs lui-même, n'a pas touché à mon chignon pour me le refaire à sa sauce, bien que parfois, je ne sois pas dupe du regard qu'il y pose dessus.
Et une horrible idée, suite à mes dernières lectures, vient de me traverser l'esprit.
Aussi, Anna-Gabriella entre les bras, je vais rejoindre la galerie des portraits de la famille Znieski.
L'un des portraits qui s'y trouve, est salué tous les jours et Anna-Gabriella lui parle, dans son language bien à elle, lui tendant même les bras et ses petites mains. Si sur le moment j'ai été un brin choquée parce que le portrait de Niallan figure sur les murs du manoir, la galerie est devenue la visite rituelle de la journée. Deux fois par jour. Le matin, Anna vient dire bonjour à son père, et le soir, lui souhaiter une bonne nuit.
Quant à moi, j'aime à regarder ces portraits et à les scruter, traquant dans chacuns d'eux, les traits dont Gabriel a pu hériter.
Mon portrait préféré, excepté celui de Niallan qui est hors-jeu bien entendu, c'est celui du Patriarche. Il y a une lueur dans le regard peint, qu'il m'est arrivé de surprendre plusieurs fois dans les yeux de Gabriel. Bien entendu, je me suis bien gardé de le lui dire, ne sachant pas comment cela serait perçu.
Plantée dans la galerie des portraits, j'attends Eugène, que j'ai fait discrètement mandé. Car je sais que l'endroit le plus tranquille pour lui parler sans que des oreilles trainent, c'est celui-ci. Parce que la plupart des gens n'aiment pas venir en cet endroit glacial. Ce qui n'est pas mon cas.
Je surveille donc, patiente et déterminée, l'arrivée du majordome de la Maison Von Znieski.
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