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[RP] "Brocéliande", demeure d'Eoghann

Eoghann
Le cadeau avait été surprenant et agréable savouré. L'attention lui avait fait chaud au coeur, car depuis quelques temps, depuis les dernières élections en fait, il avait l'impression de décevoir sa mère et la distance qu'elle avait mis entre l'avait un peu blessé.
Le cadeau comme la lettre avait donc éloigné ces doutes. Mais, fils occupé avec sa charge de prévôt et des élections à préparer, la réponse à la missive avait attendu, attendu, attendu... Ce ne fut que 3 semaines après qu'il se rendit compte qu'il n'avait pas répondu à la missive maternelle.
Avant d'aller préparer le stand SAMER et sachant qu'il passerait au stand de ROARRR, il prit soin d'écrire une missive qu'il donnerait ensuite après en mains propres à Chimera.


Citation:
    Maman,

    Tout d'abord, excuse-moi du temps que j'ai mis pour répondre. N'y voit juste que le manque de temps.

    Moi qui avait toujours souhaité un cheval, je ne pouvais rêver plus beau cadeau. Lorsque je l'ai rencontré, je n'ai eu guère de difficulté à lui flatter le museau, et j'espère en faire un compagnon de vie qui sera toujours un rappel de ce que représente la famille pour nous.
    Pour quelques temps, je l'ai laissé aux écuries du château d'Alençon, le temps que les ouvriers finissent les travaux de mon manoir pour l'accueillir, ce qui ne devrait pas tarder.

    Que dirais-tu, plutôt qu'une lettre, que de se voir lors d'une balade à cheval ? Ca nous laissera un peu de temps ensemble, nous n'en avons que trop peu ces derniers temps. Et puis, je ne m'imagine pas autre chose qu'être avec toi pour ma première monte avec Ouranos.

    Je t'embrasse.

    E.

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Eoghann
Une missive accompagnée d'un paquet furent introduits dans la demeure désormais ducale du jeune Dénéré-Malines. Avant d'ouvrir le paquet, missive fut lue. Il manqua de mourir de rire à ladite lecture. Décidément, cette normande avait un don pour dérider Eoghann et aussi le surprendre. Dames des Atours Royaux ? Mon dieu, il ne savait même pas que ça existait ! Fichtre rustre que tu fais, vil barbare alençonnais.

Il ouvrit le paquet, et découvrit ledit cadeau. Il essaya la tenue, se regardant dans un miroir. Ca lui faisait un drôle d'effet, mais il la garderait précieusement. Une fois déshabillé et la tenue soigneusement rangé, il entreprit de répondre.


Citation:



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Citation:
De nous, Eoghann de Dénéré-Malines, Duc d'Alençon,
À vous, Geneviève Mary-Lisa de Courcy, Dame d'Aussillon, Maitre des Atours Royaux ;


    Salut & paix.

    Je me doute bien qu'on ne vous fait pas faire de telles horreurs pour le plaisir. Diantre, qui voudrait faire cela ? Enfin bon, vous êtes professionnelle, c'est au moins cela !

    Je le porterais, de temps en temps, pour honorer la Couronne. Mais bon, ce sera forcément parce que j'ai pas le choix, pas parce que j'aime, ne vous y méprenez pas. Je ne voudrais pas que vous pensiez que j'apprécie ce que vous qualifiez de "travail".

    Enfin bon, si jamais vous êtes toujours à Argentan, venez en ma demeure, je vous offrirais l'hospitalité. Le fait que vous êtes normande, délavée et désagréable ne m'empêche guère d'être poli !

    Cordialement.




D'une rencontre en taverne, une nouvelle recrue était attendue à la maisonnée Dénéré, qui était désormais d'un vide absolu. Son intendant étant parti dans le Sud pour une durée indéterminée afin de s'occuper de son oncle, il ne restait personne au duc pour gérer ses affaires privées à Argentan, Brocéliande comprise.
Tey, une jeune nouvelle venue, l'avait intrigué avec sa nature joviale, ouverte et volontaire. C'est de quelqu'un de cette trempe dont il avait besoin ici, le fait qu'elle soit aveugle n'étant qu'un obstacle tout à fait surmontable aux yeux d'Eoghann. Cela faisait bien longtemps qu'elle vivait ainsi, il ne voyait pas pourquoi elle ne pourrait s'adapter ici non plus !

Une missive lui fut donc envoyée au taudis, accompagné par un page qui serait là pour lui lire la missive et la conduire au manoir.


Citation:



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Citation:
De nous, Eoghann de Dénéré-Malines, Duc d'Alençon,
À vous, Tey, future intendante de notre logis ;


    Salut & paix.

    Excusez-moi du retard pour la missive. Des affaires m'ont tenu éloigné d'Argentan pendant quelques jours.
    J'y suis rentré, désormais. J'ai préparé votre chambre de fonction comme je le pouvais, et le page qui vous lit cette missive est là pour vous accompagner jusqu'au manoir dit Brocéliande, le mien. Il vous aidera à prendre vos affaires.

    Nous parlerons du reste dès que vous serez là.

    Cordialement.



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Alaynna
[A bout de souffle.] Saez

Définir des possibles pour défier l'impossible.
Et m'exploser le coeur, j'en ai plus rien à foutre...
Tu le sais bien on est vivant, tant qu'on est inconscient.
A bout de souffle...
Rien ne sert de penser, immortelle est la plaie,
D'éviter le combat.
Mais toi, toi, tu connais ça, atteindre des sommets.



A bout de souffle, je l'étais très certainement. Pas par mon voyage no. Contrairement à la dernière fois où je m'étais déplacée seule avec ma fille et mon chien pour rejoindre le père de la petite, l'année passée. Anna n'avait que quelques semaines et je m'était tapé un aller simple Provence-Bretagne pour rejoindre Niallan, ignorant totalement ce qui m'attendrait par la suite. Sans doute alors aurais-je du me méfier par les trois attaques successives de brigands que j'avais essuyé. Mais j'avais beau être superstitieuse, je n'avais pas tourné les talons. Cela m'avait valu un mariage en Bretagne, les tromperies du père de ma fille avaient débutées en Bretagne, et désormais, Bretagne était synonyme pour moi d'humiliation. Mais je gardais néanmoins bien précieusement le bien immobilier dont j'avais fait l'acquisition, ainsi que certains autres d'ailleurs. Négociations, tractations, patrimoines immobiliers et trésoreries n'ont aucuns secrets pour moi. Même si je hais mon paternel, je dois bien reconnaitre à mon corps défendant, que j'ai du hériter tout cela de lui. Néanmoins, tout le reste, je le tiens fièrement de ma mère.

Mais aujourd'hui, c'est sans n'avoir subi aucunes attaques que j'arrivais enfin à destination, depuis ma cachette hivernale, sur les hauteurs enneigées de Genève. Néanmoins, alors qu'un peu plus tôt dans la matinée, j'avais fait une halte dans une taverne dont je n'ai pas retenu le nom, faute de m'y être intéressée, c'est l'esprit bien moins tranquille que j'en étais ressortie...La fameuse broche au croissant de lune doré que j'avais laissé sur le bureau de Gabriel au manoir, bien étalée au milieu d'un vélin vierge, venait subitement de refaire surface sous mon nez, dans cette taverne.
Occupée avec les chiots, je n'avais évidemment pas eu loisir de voir qui me l'avait laissé bien en évidence, mais le fait était là. Quelqu'un savait que je me trouvais en ces lieux. Me serai-je faite piégée et ai-je été suivie malgré toutes mes précautions ? Gabriel aurait-il des espions dans le coin ? Je sais que mon mari disparu a le bras long et je le sais capable de tout mais là, je reste vraiment dans l'expectative.

La missive du Baron en main, je la relis encore une fois, comme si je ne la connaissais pas déjà par coeur. Cette annonce était une opportunité de premier choix. Parce que tout ce qui touche à l'Intendance, je connais bien. Avant la disparition de Gabriel, je m'occupais de l'intendance de la baronnie impériale et du manoir. Autant dire que je ne suis donc pas en terrain inconnu. Sauf que j'en concluais d'évidence que le Baron de Cui n'était pas marié, parce que s'il l'était, il aurait confié la gestion à sa femme. Après tout, c'est ainsi qu'avait pratiqué Gabriel. Ce qui m'avait interpellé également depuis que j'avais mis les pieds dans la région, c'est que, tout comme mon époux disparu, le baron était prévôt. Donc en fait, même si je n'avais pas déjà rencontré le Baron de Cui il y a quelques années, je me serai de toute façon sentie un peu déjà comme à la maison.

No la seule chose qui m'ennuyait vraiment, c'est la ré-apparition de cette broche. Qui avait forcément voyagé de Bourgogne jusqu'en Alençon dans la main de je ne sais qui, mais ce je ne sais qui, savait pertinemment que cette broche m'appartenait.
D'un coup de poing rageur, j'enfonçais le bijou dans le fond de la poche de mon mantel avec la ferme intention de remettre à plus tard la résolution de cette énigme.

Dans l'immédiat, j'avais chose bien plus importante à faire. Un dernier coup d'oeil sur la missive du Dénéré avant de la replier et de la ranger soigneusement. Des idées, pour faire fructuer ses terres, j'en avais à lui proposer. J'étais tout de même surprise par la générosité de ce noble-ci pour qui il semblait normal de prendre tous nos frais à sa charge. J'osais espérer que lui au moins, ne m'insulterait pas parce que mes origines n'ont rien de françoys. En effet, je n'avais toujours pas compris pourquoi mon supposé futur suzerain - qui n'était pas au courant de mon départ, quoiqu'avec l'apparition de la broche surprise je n'étais plus sûre de rien), voulait m'annoblir alors qu'il ne cessait de m'insulter lorsqu'il me voyait. D'autant que je n'avais rien fait de spécial pour mériter cela et je m'estimais heureuse, d'avoir pris la poudre d'escampette.

Je n'aime pas les nobles. Et ce n'est pas parce que j'ai du sang noble maternel dans les veines que je me considère comme telle. Et encore moins parce que mon supposé époux est noble impérial. Je sais qu'il n'a pas aimé que je refuse le titre consort. Mais ça m'est égal. J'ai mes propres valeurs, que cela plaise ou pas, je m'en contrefiche.


Et aujourd'hui, en l'occurrence, c'est une nouvelle vie qui s'ouvre à moi. Si tout va bien, d'ici quelques minutes, je serai définitivement à l'abri avec ma fille et nous allons nous créer une nouvelle vie ici. Je suis de toute façon persuadée que nous allons être bien.

Une inspiration plus tard, je pénètre dans les lieux et dépose pied à terre. Anna-Gabriella dort paisiblement tout contre moi bien à l'abri sous mon mantel. Une main tenant fermement la bride d'Epo et à mes pieds, Apollo mon Danois s'est mis à l'arrêt, les cinq petites boules de poils en ont fait autant.

Je libère Epo le temps de me saisir du heurtoir et frapper quelques coups à la porte. En espérant que le baron sera présent, car j'ai préféré m'arrêter directement en sa demeure sans le prévenir de mon arrivée. Parce que de toute façon, étant donné que j'ai appris qu'il est prévôt, je me doute qu'il doit déjà être au courant que nous sommes là.

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Eoghann
Un mandat qui se finit, encore, à la tête de la prévôté. Cela le mettait dans une sorte d'angoisse. Petit à petit, la prévôté était devenue son domaine. Il y avait pris ses habitudes, croisant les mêmes gens, faisant les mêmes choses, établissant ses rapports, cherchant à améliorer petit à petit les choses. Depuis son mandat de duc, le désir politique s'il ne s'était pas éteint s'était transformé en autre chose, en un désir plus sourd de faire les choses différemment. Alors, à l'angoisse du résultat des élections, il avait peur. Peur de devoir laisser tomber cela, sa prévôté, son travail pour lequel il s'investit corps et âme. La victoire ou le défaite de sa mère lui importait moins que ce qu'il laissait croire. C'est le ressentiment envers elle de ce qui s'était passé durant son mandat de duc qui parlait pour lui. À vrai dire, il savait au fond de lui qu'elle ferait une très bonne duchesse. Non, ce n'était pas ça qu'il remettait en cause, c'est juste qu'il ne voyait plus la mère en elle. Lui avait dû faire disparaître le fils pendant qu'il était duc pour être sûr d'être toujours juste et équitable dans son action et dans ses mots, elle, elle avait pris cela comme le fruit d'une forme de partisanerie à la haine de la duchesse Ozta à son égard.

Il se secoue la tête.

Il se lève de son secrétaire dans sa chambre, s'étirant. Sa chambre donnait sur le jardin, grand et non visible depuis la cour d'entrée. Ce jardin était un peu à l'abandon. Un peu comme lui, à vrai dire. Il était devenu une sorte d'automate qui ne ressentait plus rien ou presque. Si le terme burn-out avait existé à l'époque, cela aurait été pour lui. Et le pire dans tout cela, c'est que personne ne le voyait. Il tenait aussi bien éloigné ses quelques amis que sa famille. Oh, pas volontairement, c'était inconscient. Pourtant par moment, il sentait que quelque chose n'allait pas, une sorte de sentiment intérieur profond et incompréhensible, sourd et lancinant.
Un instant, il pose son front sur la vitre. Le temps est froid, couvert mais pas pluvieux. Un peu comme lui, en somme. Sa respiration est lente, et une buée informe se pose sur le verre. Il essaie d'écouter quelques bruits de vie, chez lui, mais rien. Sa demeure était vide, vide de toute vie et toute âme, à son image. Les yeux un instant fermés se rouvrent. Son lapin gambade joyeusement dans les herbes folles, toujours aussi énergique. Un léger sourire se dessine sur les lèvres un peu cachée par sa moustache et sa barbe à la vue de l'animal, vestige d'un moment partagé de manière indirecte avec sa sœur Adenora. Que devenait-elle, d'ailleurs ?

Ses pensées n'ont pas le temps de davantage prendre forme qu'il entend le bruit claquant du heurtoir qui fait son office sur la lourde porte d'entrée en bois massif. Il se redresse, intrigué, et se dirige vers le couloir du premier avant de descendre au rez-de-chaussée. Il ne voyait pas bien qui cela pouvait être... ? Son écuyer, peut-être ? Non, il n'était pas censé être là aujourd'hui. Il lui laissait encore pas mal de liberté jusqu'à leur emménagement proche au château de Cui.
Enfin arrivé devant la porte d'entrée, le nom de sa future intendante qu'il avait sur le rapport des douanes lui sauta aux yeux. Evidemment ! Que tu es tête en l'air, Dénéré, bon sang. Il secoue la tête pour lui-même. De ses mirettes vertes foncées, il regarde si sa tenue est correcte. Chemise, gilet, braies et de grosses pantoufles en peau lapin bien rembourrées. Bon, il ne sortirait pas comme ça, mais le baron avait vu pire comme mise, et puis son apparence, hein... Il avait plus l'allure d'un barbare mal fagotée entre sa tenue, sa tignasse blonde et sa très fournie barbe blonde-rousse, mais après tout, cela participait du mythe selon lequel il serait méchant. Soit, cela l'amusait. Il ouvrit donc la porte, et vit qu'il ne s'était pas trompée sur l'identité de la visiteur.


    « Alaynna. Entrez donc avec votre fille vous réchauffer. Laissons vos animaux dehors, les écuries ne sont pas loin et vides, ils trouveront à s'abriter seul, si cela ne vous gêne pas. Il y a un baquet d'eau là-bas déjà. »

Joignant le geste à la parole, il la fit entrée et ferma la porte. Il n'avait pas envie que ses chiens ne salissent tout l'intérieur. Il leur apporterait à manger un peu après, et écuries - petites mais entretenues - étant toutes proches, il ne doutait pas de leur intelligence à aller s'y poser.
D'un pas assuré, il la guida jusqu'au salon qui faisait office de bibliothèque sur tout un pan de mur. Le Dénéré-Malines avait toujours été érudit et compilait manuscrits et parchemins quitte à y passer une trop grande partie de ses revenus. La plupart de ses visiteurs étaient toujours étonnés de voir autant d'ouvrages et de parchemins chez lui.


    « Asseyez-vous, je vous prie. Le voyage n'a pas été trop long ? Voulez-vous une boisson chaude ? Quelque chose pour votre fille ? »

Il avait beau avoir une allure de barbare dépenaillée, il ne souffrait pas que la jeune femme puisse ne pas se sentir à son aise maintenant qu'elle était ici. Un coup d'oeil vers l'âtre qui semblait vive et crépitait de tout feu permettant d'avoir une atmosphère chaude.
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Alaynna
Alors que je jetais un bref mais perçant regard par dessus mon épaule, histoire de m'assurer qu'aucune silhouette ne rôdait dans les parages, non pas que l'épisode de l'auberge un peu plus tôt m'avait affolée, mais ma vigilance s'en était accrue, je reportais mon regard en direction de la porte qui s'ouvrait.
Si je m'attendais à voir apparaitre la face d'un majordome un brin coincé et pédant il n'en fut rien et je me trouvais face au Dénéré lui-même. Mes bleus eurent tôt fait leur inspection, notant les chaussons en peau de lapin, avant de remonter jusqu'au visage de mon interlocuteur. Assurément, de l'adolescent pré-pubère que j'avais connu, il n'en restait rien. Physiquement du moins. Je fis un rapide calcul dans ma tête. Combien d'années s'était écoulées ? Environ six. Si je n'avais jamais prêté attention auparavant à ce genre de détails, je me rendais à l'évidence, c'est que six années ça vous change un ado en homme.
Et si jusqu'à présent, mon esprit n'avait pu s'empêcher de jouer au jeu des ressemblances entre baron Impérial et baron Alençonnais, il était indéniable que les deux n'avaient au final strictement rien en commun physiquement. D'un imberbe à un fourni du poil il n'y avait assurément qu'un pas que je venais de franchir.
Je me serai cru face à l'un de ces sauvages vikings dont j'avais lu les prouesses dans des ouvrages. Néanmoins, je reconnus aisément l'éclat des prunelles vertes.
Et déjà, je redressais Anna-Gabriella qui, dans un rire joyeux, se penchait dangereusement vers notre hôte dans l'espoir d'aller fourrager ses petites mains dans la barbe blonde qui lui rappellait certainement celle de son père. Quoiqu'en y regardant mieux, quelques nuances de roux venait étayer le menton du baron.
Et ce qui ne manquait pas de me soulager, c'est que le baron n'avait rien, du moins, à sa mise, des ces péteux nobles arrogants et prétentieux, comme j'en avais rencontré en Bourgogne. Au moins celui-ci ne passerait peut-être pas son temps à m'insulter à chaque fois qu'il me verrait.
Et déjà je me voyais invitée à entrer. Je me retournais un instant vers Apollo, glissant une main sur sa tête, lui signifiant ainsi silencieusement que tout allait bien.
Et quand le baron évoqua les écuries, j'acquiesçais d'un mouvement du menton.


" - Apollo va se charger de son petit monde, il a l'habitude."

Effectivement, Apollo était bien plus qu'un simple chien à mes yeux, mais cela, le baron serait sans doute amené à s'en rendre compte avec le temps.

Je suivis donc mon hôte jusqu'à un salon dans lequel je me sentis tout de suite à mon aise en découvrant une bibliothèque qui ornait tout un pan de mur. Le crépitement des flammes dans l'âtre venaient ajouter à une ambiance quelque peu rustre mais feutrée, de celles qui me mettaient en confiance, de celles que j'aimais.

Je m'asseyais donc à l'endroit indiqué, tout en souriant à Anna qui ne semblait nullement apeurée par cette nouvelle situation , et bien qu'elle se soit blottie contre moi, je voyais ses petits océans grands ouverts qui semblaient partir à la découverte des lieux.


" - Je vous remercie Baron, nous nous sommes arrêtées quelques lieues avant d'arriver pour nous sustenter. Mais un peu de lait pour Anna ne serait pas de refus. Et notre voyage s'est bien passé, nous avons voyagé de nuit essentiellement. Mais je suis soulagée que nous soyons enfin arrivées."

Oui. Soulagée était le mot adéquat, mais je n'en laissais absolument rien transparaitre, l'esprit focalisé sur ma nouvelle charge à venir.
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Eoghann
Dénéré acquiesce, un peu perturbé. C'est qu'il en fallait peu pour le perturber lorsqu'il s'agissait de rapports sociaux. Le jeune homme n'était guère enclin aux allégresses des jeunes de son âge. On ne le voyait jamais sortir pour s'enivrer, jamais on ne l'invitait aux soirées pleines de beau monde, et souvent il déclinait les diverses offres de joutes ou de salons qui lui parvenaient, lorsqu'il en parvenait. Et recevoir quelqu'un chez lui... Diantre, une éternité que ça n'était pas arrivé !
Alors, voilà, lorsqu'elle mande un peu de lait en réponse, seul l'acquiescement lui paraît une réponse approprié. N'ayant guère encore engagé de personnel, c'est lui qui se charge de tout. Le voilà donc disparaître du salon pour les cuisines. Sans être immense, elles étaient d'une taille tout à fait acceptable pour le manoir qui pouvait loger une demi-douzaine de personnes en même temps, si on exceptait les domestiques. Le voilà donc à chercher du lait frais dans la réserve. Heureusement, le lait était une chose dont il raffolait, ce qui faisait que tous les jours, il payait un jeune garçon pour qu'il lui rapporte une à deux bouteille du breuvage. C'était un jeune garçon venant d'une famille désœuvrée et qui faisait le tour du quartier chaque matinée pour y gagner quelques monnaies. Hans, qu'il s'appelait, car le père était d'origine germanique, lui semblait-il.
Il ébroua ses pensées du garçonnet, et mis à chauffer le lait durant 3 petites minutes. Il le servit dans trois tasses une fois qu'il eut vérifié qu'il était chaud mais point trop. Par précaution, il prépara quatrième, froid, au cas où que la fille d'Alaynna le préférait ainsi. Il disposa quelques gâteaux au miel - son péché mignon - sur le plateau, et revint ainsi avec un plateau bien plus chargé que prévu. Il le déposa sur la table basse, et offrit un maigre sourire à son invitée :


    « Je nous en ai préparé aussi. Chaud, vu la rigueur de l'hiver. Mais si votre fille le préfère froid, il y en a un godet exprès. Et puis, j'avais envie de gâteaux au miel. Vous verrez, ils sont délicieux ! »

Les yeux aux reflets verts se posèrent sur Anna auquel il offrit un sourire chaleureux. La jeune enfant semblait éveillée et curieuse de tout, et c'était agréable à voir. Un instant, il se demanda ce que penserait Alaynna que ce soit lui-même qui fasse tout cela, mais la pensée disparut bien vite. Cela faisait longtemps que le baron ne s'inquiétait plus de ce qu'on pensait de lui. À ses dépens, parfois. Installé au fond de son fauteuil, il avait lui-même déjà en main gâteau et tasse de lait chaud.

    « Ne craignez rien, ce n'est pas moi qui les ai préparé. Je suis bien piètre cuisinier, si vous saviez ! »

Le jeune homme offrit un large sourire à la future intendance, franc et direct. Il fallait dire que le breton était assez paradoxal dans sa manière d'être. Oh, il n'était guère bipolaire, mais il était capable d'être aussi enjoué et souriant que taciturne et nostalgique, résultat de sa capacité à s'enfermer et à s'isoler un peu trop développée. Le sourire était toujours marqué par ses lèvres, mais il prit un air un peu plus sérieux.

    « Mais vous n'avez pas fais tout ce chemin pour m'entendre parler cuisine. Je suis heureux de vous avoir ici. J'ai besoin d'une intendante. Vous m'aviez marqué, voilà quelques années, et le hasard nous fait nous retrouver. Cependant, je ne crois pas au hasard, mais je crois aux gens.
    Ma question va vous paraître brute, mais... Pourquoi dois-je croire en vous, pour cette fonction ? »

Enfoncé dans son siège, il fixait son vis-à-vis, une étincelle dans le regard. Plus que toute autre chose, c'était les réactions physiques et les mimiques qu'il aimait observait chez les gens pour avoir réponses à ses questions, car souvent elles étaient bien plus vraies que les mots qui sortaient de leur bouche.
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Alaynna
A peine installées, et voila notre hôte qui disparait pour revenir un instant plus tard, les mains chargés d'un plateau dont émane une agréable odeur de lait chaud et de miel. J'ai profité du laps de temps de l'absence du baron pour laisser mon regard dériver vers cette imposante bibliothèque, qui, bien loin de m'effrayer, me rappelle des souvenirs d'enfance et d'adolescence. Pour un peu, je me serai levé pour aller à la découverte des ouvrages mais je me dis que j'aurai sûrement plusieurs occasions, plus tard, d'y jeter un oeil.

Je le vois revenir et note le sourire affectueux qu'il adresse à Anna. Celle-ci, même si elle reste sagement blottie sur mes genoux, ne semble nullement intimidée par notre hôte. Et c'est une petite menotte qui se tend tout de même un brin timidement vers les gâteaux qui doivent lui sembler alléchants.
Je glisse un petit gobelet de lait tiède entre les mains d'Anna, veillant à ce qu'elle boive correctement quelques gorgées puis je satisfais à sa demande en prenant un biscuit que je partage en deux avant d'en donner une moitié à ma fille, gardant l'autre dans le creux de ma main, tout en écoutant mon vis à vis, et en levant mes bleus vers lui.

Aussi, lorsque je reçois en pleine face, ce sourire qu'il m'adresse, j'en reste un moment le souffle coupé. Non pas que j'en sois gênée, mais j'en suis légèrement perturbée, parce que j'ai perdu l'habitude que l'on m'adresse des sourires de cette teneur là. Je suis moi même devenu assez radine en matière de sourires, les réservant depuis quelques temps exclusivement à ma fille.
Mais, j'ignore encore le pourquoi du comment, mais ce sourire là réussit le tour de force de me dérider et de m'apaiser.
Chose étrange, moi qui n'ait plus confiance en grand monde, il semblerait qu'auprès du Dénéré, mon quota de confiance remonte quelque peu et surtout, je me sens sécurisée et je n'éprouve rien de ce que je pouvais ressentir dans le manoir en Bourgogne.

Ici, tout semble paisible, du moins, du peu que je sois en mesure d'en voir pour l'instant. Mais il est certain que par la suite, l'une des premières choses que je ferais, c'est de m'assurer que les lieux ne sont pas hantés et que l'on n'entend pas des voix qui s'élèvent par les conduits de cheminée.

Dans l'immédiat, je bois une gorgée de mon lait, tout en écoutant attentivement le baron. Question qui semble paraitre abrupte pour lui, alors que pour moi, elle passe tout naturellement. Cet homme est quelqu'un de foncièrement droit. Il ne semble pas y avoir trace chez lui de la moindre mesquinerie, et encore moins de trait de folie. Et je relève en silence le fait qu'il ne croit pas au hasard mais aux gens. A la différence de moi qui ne croit ni au hasard, ni aux gens. Ou tout du moins, j'ai perdu cette faculté de croire en eux Mais avec lui, il y a quelque chose de différent. Et je me rends compte au travers de ses paroles, que chacun de nous a été marqué par la rencontre de l'autre, il y a quelques années de cela.
C'est donc tout naturellement que je me laisse aller à converser et à répondre à ses questions.


" - Pour ma part, je sais essentiellement cuisiner des plats italiens et le poisson. Ainsi que quelques pâtisseries et certains gibiers. Mais il y a longtemps que je n'ai plus eu l'occasion de le faire. Bene. Vous souhaitez donc que je vous dise pourquoi vous devez croire en moi pour cette fonction. Je pense qu'il y a des personnes qui sont faites pour faire telles choses et d'autres qui ne le sont pas.
L'intendance d'un ou plusieurs domaines n'est pas quelque chose d'aisé. Apprenez moi vos terres, racontez-moi leur histoire et je vous assure que je saurai faire en sorte de les entretenir, vous aider à les gérer, et les faire fructifier. Je vous serai loyale et fidèle.
Bien entendu, je n'ai pas une immense expérience de cette charge. Mais au fil des ans, j'ai acquis une passion pour tout ce qui est immobilier, négociations, tractations, commerce et je peux être diplomate tout comme je peux tout aussi bien rentrer dans le lard d'une personne. J'ai reçu une éducation stricte et dure, et je connais, bien que n'étant pas noble, l'étiquette et les usages.
Je ne suis pas quelqu'un que l'on peut qualifier de sociable de prime abord. J'observe bien plus que je ne cause, et je peux être une vraie plaie quand je n'ai pas l'envie de causer. Néanmoins, j'aime parler pour aller à l'essentiel. Et je n'ai pas mon pareil pour vous organiser une réception, ou un bal ou même des enchères et ce, au pied levé s'il le faut.
Donc, vous pouvez croire en moi parce que je vous serai loyale et dévouée, que je ne m'engage pas à la légère et que j'aime à relever les défis, même les plus improbables ou ceux qui paraissent insurmontables.
D'autre part, j'ai géré une compagnie commerciale avec mon frère, et si j'ai déjà quelques idées en tête, j'aimerai vous en faire part une fois que vous m'en aurez un peu plus appris sur vos terres. Histoire de savoir ce qu'il sera possible d'envisager et de mettre en oeuvre."


Si j'avais eu un miroir sous la main, j'aurai certainement pu m'apercevoir que mes bleus brillaient de passion contenue au fil de mes paroles.

Puis comme je souhaitais être tout à fait honnête auprès du baron, quitte à ce que cela me coûte la charge, j'ajoutais quelques mots en fixant Eo droit dans les yeux.


" - J'ai eu une vie...difficile... ces derniers mois. Et j'ai besoin de retrouver de la sérénité, de la stabilité, et une certaine...sécurité dans ma vie personnelle. Je me dois également d'assurer la sécurité de ma fille et son bien-être. Et vous êtes une des rares personnes en qui j'ai confiance et que je ne voudrai surtout pas décevoir. Alors vous n'aurez pas meilleure intendante que moi."

Je l'ignorais encore, mais Eoghann et moi avions nombre de points communs, notamment dans notre façon d'être. Autant lorsque je suis en confiance je peux être une vraie pipelette et avoir le sourire aisé, autant il est des moments où je suis renfermée sur moi-même dès que la confiance s'estompe où qu'une tête ne me revient pas. Sauf qu'actuellement, il y a ce sentiment d'insécurité, de peur, et de méfiance, notamment suite à la missive reçue de Gabriel, de ses adieux et de mes agissements imperturbables qui ont suivis. Une délivrance. Une renaissance auprès du Dénéré. C'est ce que je suis en train de vivre actuellement, sans forcément en avoir pleinement conscience. Un nouveau lieu de vie, de nouvelles perspectives. Bien sûr le baron l'ignore car je n'arrive toujours pas à m'épancher sur ma vie et je n'ai pas dit un mot sur ce que j'ai vécu.
Mais je sais que cette charge d'intendante est ce qui est en train de nous sauver Anna et moi.

Alors oui, il ne trouvera pas intendante plus loyale et fidèle que moi.

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Adenora
[Ce ne sont pas les êtres parfaits, mais les êtres imparfaits qui ont besoin d'amour.
C'est quand nous nous sommes blessés de nos propres mains, ou quand nous avons été blessés par des mains étrangères, que l'Amour devrait nous apporter ses soins.
Sans cela à quoi l'Amour serait-il bon ?*]


Fugitivement, mais indubitablement un voile de douleur obscurcit régulièrement le regard d'Eoghann.
La jeune fille qui n'a pas manqué de remarquer ses mains quelques peu abîmées au sortir de la cuisine, n'a plus aucun doute sur la nature du mal en constatant gonflement et coloration sur l'un des doigts de celle qu'il tente de ménager.
Elle l'écoute pourtant, sans l'interrompre, cherchant l'occasion de pouvoir le soulager, sans évoquer ce qu'il a préféré taire et visiblement dépasser.
Maladroite pourrait-elle se montrer subtile, faire oublier ses gros sabots?


Je connais déjà la réponse, mais je voulais quand même essayer.

L'introduction amène un sourire sur le visage d'albâtre de la châtaigne, sans la distraire tout à fait de son objectif.
Mais proposition évoquée dans la dernière lettre du blond remisée dans un coin de son esprit (pré)occupé, lorsqu'il l'énonce finalement, la cueille tout de même par surprise.
Sa première réaction, et la Mère comme les siennes savent qu'Adenora n'est pas souvent spontanée, aurait pu être d'accepter sur le champ.
Si elle ne peut se résoudre à l'être encore cette fois, c'est bien parce qu'elle ne serait pas la seule impliquée.
Il relance, son intonation comme les mots livrés ébranlent un peu plus ses certitudes.

C'est alors que l'apparition de son adorable compagnon à quatre patte, et la nostalgie qui semble saisir le jeune homme ont tôt fait de lui suggérer d'utiliser la diversion, qui lui permettra de faire coup double : le soigner tout en se ménageant un peu de temps.
Tant pis si s'est avec sabots!

Adenora se lève, saisie avec douceur le mangeur de carottes, et de chausses, le dépose sur les genoux de son hôte.


Innocent. Je te raconterais l'origine de son nom, et bien d'autres choses encore.
Peux tu le surveiller un instant?


Question rhétorique, puisqu'elle les abandonne déjà, jusqu'à sortir de la demeure presque en courant.
Là, elle casse une branche à sa portée, puis s'agenouille sous une fenêtre pour collecter un peu de neige qu'elle enveloppe dans un mouchoir, avant de retourner l'appliquer sur la main la plus maltraitée.
Elle disparaît à nouveau, presque familière des lieux, jusqu'à la cuisine, le temps cette fois de faire infuser de l'écorce de saule blanc, récupérée dans une poche de sa besace, de tailler proprement deux petits bâtons emprunté à la branche de l'arbre complice, et de déchirer le bas de sa chemise, (qu'elle a bien fait de rester en tenue de voyage, plutôt que de jouer les coquettes!), le plus régulièrement possible.
Lorsque enfin Adenora revient face à lui, elle lui affirme les yeux brillants :


La cause peut aussi parfois guérir.

Evoque t-elle le théâtre de "l'accident" dont elle revient, ou cette presque soeur qui a quelques notions de soins? Les deux surement.
Une tasse fumante est déposée là ou trône encore le lait au miel abandonné.


Du saule blanc, quatre fois par jour, en petites quantités, il en reste.

Elle lui prend délicatement la main, dispose de chaque côté du doigt brisé les deux bâtons confectionnés, avant d'enrouler le tissus tout autour pour maintenir son attelle de fortune.
D'un ton désolé, regardant d'un oeil critique le résultat obtenu.


Je ne suis pas médecin, mais j'ai longtemps eu quelque intérêt pour l'ovatie**. Lastree ou maman aurait su mieux faire.

Et de reprendre, comme lui un peu plus tôt, comme si de rien n'était.

Nous sommes arrivées à quatre en Alençon. Pour te voir d'abord, l'année dernière, puis Maman et Elisabeth ont déménagé dans la capitale, s'y sentant bien accueillies, j'y ai choisi un appartement.

Elles ne sortent plus guère de leur demeure depuis notre retour de Tulle, et avant cela encore. Ecris lui, peut être.

Tu sais, beaucoup de choses ont changé. J'ai voyagé plusieurs mois, sans elles, auprès d'un ami très cher. Un petit groupe s'est constitué, de villes et d'horizons différends, ils m'ont ramenés et ont décidé de s'installer tous à Alençon, pour rester ensemble.


Et pour une châtaigne, ils le lui ont dit avec tant de chaleur que le rouge lui monte aux joues rien qu'à ce souvenir.
La blondinette se réinstalle face à lui.


Malgré cela et même si j'aurais scrupules à m'installer ailleurs pour des raisons que tu comprends, j'ai très envie de vivre avec toi quelques temps au moins.

Son regard cherche le sien, avant qu'elle ne poursuive à mi-voix.

Je reviendrais mon... frère, nous en rediscuterons.
Elle n'a finalement hésité qu'un court instant à le désigner ainsi.

Je dois retourner bientôt à Rohan pour récupérer mes dernières affaires.



*Oscar Wilde
**L'Ovatie : Chez les druides, la médecine se décompose en trois branches : végétale, incantatrice et sanglante. Héritage de Diancecht, l'ovatie est la pratique de la médecine traditionnelle par la science des plantes. C'est l'art de connaître les vertus des plantes et de savoir utiliser ces connaissances à bon escient pour soigner et guérir.

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Eoghann
L'animal ainsi fourré dans ses pattes, le Dénéré-Malines n'a guère trop le choix que de laisser la sœur nouvellement acquise faire son petit marché. À chaque aller ou retour, il ne dit rien, pensif. La main valide s'occupe de la boule de poils, Eoghann ayant toujours aimé les animaux de toute façon. La douceur du pelage le soulage un peu plus, et le regard perdu, il n'évoque pas directement ce qu'elle vient de faire. Finalement, les yeux nostalgiques se posent quelques instants sur elle, émettant une reconnaissance tacite et réelle à son égard. Les mots pouvaient soigner les maux, mais cette fois-ci c'était l'absence de mots qui lui faisaient le plus de bien.

Il l'écoute, la laisse parler. Ecouter lui fait du bien. L'état d'esprit changeant se fixe, s'apaise. La voix de la jeune femme associé au bien-être de ses soins, de la présence d'Innocent sur ses genoux et de la chaleur du foyer lui procurent plus de bien qu'il n'aurait su le dire.
Le regard du Dragon finalement se fixe sur la tasse encore fumante. La voix est apaisée lorsqu'il parle.


Je comprends. Elle ne fermait la porte à rien, mais il comprenait aussi que sa vie à elle était ailleurs et qu'elle avait d'autres obligations. Comme je t'ai dis, je me doutais de la réponse. J'ai un peu fait ça sur un coup de tête. Si l'on peut considérer qu'un coup de tête l'empêche de dormir durant des nuits. Enfin bon, tu auras toujours ta place ici, au besoin, et je serais ravi de ta présence si jamais le coeur te dit de venir à Argentan, que ce soit pour quelques heures ou jours.

Cette part de la discussion est close. Finalement, il était soulagé, même si la réponse escomptée n'arriverait pas. La main droite saisi la tasse et la termine.

Quand à mère, je vais la laisser tranquille pour l'instant. Elle viendra à moi quand elle le jugera nécessaire.

Sourire légèrement contrit, avant de reprendre.

Je ne savais pas que tu avais quelques prédispositions. Qui t'as enseigné cela ? Une caresse sur le lapin, et de terminer. Avant de te laisser reprendre ta route et tes affaires, raconte-moi donc l'histoire de ce charmant ami.

Tout en disant cela, Eoghann se leva, portant l'animal jusqu'aux bras de sa propriétaire, puis se rassit, le regard émeraude aussi souriant que ses lèvres.
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Adenora_
Le silence les enveloppe sans qu'il ne soit pesant. Seul le feu crépite doucement dans l'âtre, et le ballet des flammes l'hypnotise quelques instants avant qu'elle ne confie.

D'aussi loin que je me souvienne je me suis intéressé aux propriétés des simples.
Peut être parce que très jeune je passais plus de temps dans la nature que parmi mes congénères...
... Ou parce que j'ai hérité d'un ouvrage traitant du sujet, et que j'ai un jour souhaité savoir soulager les êtres qui m'étaient devenus chers.

Ce n'est pourtant pas la voie que j'ai choisi le moment venu.


Blondinette n'a pas tout à fait répondu, alors elle poursuit, tout en l'observant attendrie, caresser la boule de poils immaculés.

J'ai beaucoup lu.
Maman a partagé avec moi le fruit de ses observations et recherches,
en chemin.

Et d'ajouter pour y avoir songé à plusieurs reprises.
Je pense qu'elle espérait que Lastree prendrait sa suite lorsque nous avons quitté Breizh.

Eoghann lui rend son petit compagnon, puis se réinstalle arborant visage joyeux et serein. Sa manière de l'inviter à raconter trouve en écho le son clair d'un rire léger.

Quoi, tu me chasses déjà?

Mais sans attendre de réponse à ce qui n'est que taquinerie, elle s'empresse de fouiller sa mémoire pour lui raconter.

Entre deux voyages, je l'ai trouvé sur le marché de Gwened*. Il était si petit, si mignon, je suis tombé sous le charme en un regard.
Rien de très original en somme.


Alors que je présentais ma trouvaille en taverne, le soir venu, il s'est avéré que le vendeur était l'un des notre. La compagne d'Alain en avait trouvé toute une portée en rentrant, et elle semblait fort déçue de n'avoir pensé qu'il puisse m'intéresser.

Mais cela n'avait aucune importance, bien sûr, et j'ai refusé qu'elle me rende des écus si bien dépensés.

A ce moment de son récit blonde mesure le chemin parcouru depuis ce jour, son esprit vagabonde, mais elle finit par reprendre.

C'est au cousin d'Elisabeth, Targazh**, enfin, Camille de Kermorial, que j'ai demandé de trouver son nom.

Civet, Childéric ou Innocent, ont été les choix par lui proposés, et dans cet ordre là!

Les émeraudes de la châtaigne pétillent à l'évocation de ce souvenir, et de cette complicité d'alors, pourtant éphémère et fragile comme les ailes d'un papillon.

Il ne m'a plus jamais quitté. Lui, n'ajoutera t-elle pas, les yeux voilés d'une légère tristesse.

En fait il n'a qu'un seul défaut : celui de volontiers grignoter mes bottes ou mes chausses la nuit...

Adenora ne pense plus qu'à l'interroger à son tour. Découvrir à travers leurs échanges ce frère qu'elle dont elle a tant rêvé.
Mille et une question lui viennent, dont elle obtiendra certainement réponses à la faveur de ce moment rare et précieux au coin du feu, qui n'appartient qu'à eux deux.

Le rideau se ferme donc sur les prémices de nouvelles confidences à venir, sur une promesse tacitement admise, celle d'être une famille.


*Vannes
** Matou


Adenora
Le groupe parti d'Alençon pour aider la châtaigne à ramener ses biens dans son duché d'adoption s'était attardé quelques jours de plus que prévu en Bretagne.
Trop.
Flânant du côté de Sant Brieg*, pour permettre à deux d'entre eux de voir la mer, se reposant à Rohan après quelques consultations médicales nécessitant fabrication de remèdes, pour que leur meneuse puisse étudier, aussi.
Et au moment du départ, à la tristesse des adieux s'ajouta la terrible nouvelle : Alençon assiégée.
Durant plusieurs jours ils avaient guetté la moindre information ou rumeur, hésitant à se précipiter par le plus court chemin, advienne que pourrait, ou à contourner les angevins, suivant plusieurs recommandations reçues, option finalement choisie, chacun d'eux se souciant de la sécurité des autres.
Arrivé à Lisieux ce groupe s'était scindé en deux, ceux qui ravitailleraient les armées, ceux qui souhaitaient en intégrer une au plus vite pour bouter hors la capitale les maudits envahisseurs.
Mais hélas pour le second dont elle faisait partie, le temps avait passé, dans un ennui mortel, sans qu'ils ne reçoivent consignes ou ne distinguent l'esquisse d'un plan de bataille à court terme.
A bout de patience, rongés par l'inquiétude, ils avaient décidé de rentrer à cheval, sans attendre d'avantage.
A Argentan, blondinette avait trouvé dans la journée nouvelle résidence, y avait fait déposer ses meubles, ainsi que diverses babioles, avant de repartir le soir même avec ses compagnons pour la capitale, n'emportant que vivres et armes avec elle.
Trop tard.
Les scélérats n'étaient plus là, ne laissant que blessés, désorganisation et rancunes après plusieurs jours d'occupation.
Une bonne semaine plus tard, voir d'avantage, lorsque enfin rassurée par l'état de ses amis restés sur place au moment des assauts, Adenora reprit la route d'Argentan pour achever son installation, sans annoncer sa venue à Eoghann.

Et s'est ainsi qu'elle se présenta de nouveau chez son frère, qui en tant que maire avait bien dû avoir vent de son acquisition de la demeure la plus proche de la sienne.
Quelques malles devant la porte pourraient lors laisser penser qu'elle s'est trompé de lieu, et pourtant... C'est arborant un grand sourire qu'elle frappe avec vigueur à l'huis.

Que dirait-elle si c'était lui qui ouvrait encore cette fois?

Surpriiiiiise???!!!

Un petit rire la secoue tandis qu'elle arrange une mèche rebelle lui cachant un bout du museau.


*Saint-Brieuc
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Eoghann
      | Surprise surprise. |

La vie reprenait son cours, à Argentan, bien que le marché soit encore bien vide en attendant que la Commissaire au Commerce veuille bien se décider à le mandater en matières premières, Eoghann du coup, courrait un peu partout pour essayer de régler cette situation assez catastrophique sur le marché. Là était le soucis d'un maire.

Ainsi, alors que la soeur se dirigeait vers le manoir du frère, lui-même n'y était pas. Il était passé voir Aemon qui pour la journée, s'occuper de réparer des barrières ceignant son élevage qui avait été défoncé par un accident de carrosse. Les réparations se passant bien, le Dénéré-Malines avait fait un tour par la mairie puis le marché, puis s'était décidé, en dépit de ne rien pouvoir faire de plus pour l'instant, de rentrer chez lui quelques heures.
Marchant donc dans les rues, il arriva près de sa demeure. Le portail en était ouvert - il ne fermait à clef que la nuit - et il fut surpris de voir tout un chambardement, puisque malles et affaires entourée une femme dont la chevelure, de dos, ne pouvait l'induire en erreur.

Un léger sourire naquit sur ses lèvres, et pendant un instant, tous les soucis qui envahissaient son esprit ces derniers temps allèrent prendre de l'air. S'essayant à la plus grande discrétion possible, il se mit sur la pointe des pieds et avança en silence, pendant qu'Adenora usait de l'huis pour annoncer sa venue. Les secondes qui lui fallut pour la rejoindre en silence lui parurent une éternité, mais alors qu'elle prenait son mal en patience, le propriétaire des lieux s'arrêta à un mètre derrière elle, et volontairement, pris une voix plus forte que nécessaire.


Alors, demoiselle, on essaie de s'introduire dans ma demeure par effraction ?

Puis d'afficher un grand sourire sous sa courte barbe en observant la réaction de la Châtaigne.
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Adenora
Alors qu'elle préparait mentalement la façon d'exposer son intention sans être trop confiante ou expensive, ni pour autant timorée, concentrée sur un bon mot à trouver et à dire, pour l'amadouer?, la châtaigne n'entendit pas le fripon s'avancer à pas de loup, jusqu'à la faire sursauter au son de sa voix retentissant dans son dos.
L'effet est instantané et c'est arborant un large sourire qu'elle se retourne les yeux pétillants tandis que répartie fuse.


Je m'y prendrais bien mal, mais cela ne serait pas si surprenant. Permets donc que j'essaie d'une autre manière, tu remarqueras que je n'ai pas... encore... forcé ta porte.

Montrant les malles éparses d'un signe de la main.

C'est peut être bien une intrusion remarques, mais j'aurais plutôt évoqué l'invasion de ton domaine.

De laisser échapper un petit rire avant d'ajouter presque aussitôt.

Tu sais... Ta proposition... N'est pas tombée dans l'oreille d'une sourde et a trouvé écho dans mon coeur. Il aura comprit.

Mais ne sois pas inquiet, j'ai désormais ma propre demeure toute proche de la tienne, et puis mon appartement à Alençon.

C'est juste que... J'ai envie de profiter de ton hospitalité. De vivre avec mon frère, tant que...

Ma présence ne nuiera pas à son intimité, tant qu'une autre ne prendra pas naturellement place à ses côtés, semble sous entendu par son propos.

Quelques temps.

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Eoghann
      | Deux fois plus de Dénéré-Malines à Argentan, diantre ! |


Le regard est chaleureux, le sourire sincère, les tourments du moments oubliés. Leur dernière discussion dans ce manoir avait été le déclic qu'il fallait à Eoghann pour se rendre compte qu'il pouvait avoir deux soeurs, celle qui avait disparu et celle qui était arrivée après. À partir de là, l'évocation d'Adenora était toujours une formule magique pour l'apaiser et le rendre peut-être un peu meilleur. Un peu moins froid avec les autres, un peu plus heureux, la solitude forgée comme une carapace autour de son coeur s'effilochait, et si auparavant ce simple constat l'aurait effrayé, ce n'était plus le cas aujourd'hui.
S'avançant vers elle, il la salua d'un baiser sur la joue, devenu habituel et qui marquait, là aussi, un grand effort pour le blond, mais un effort consenti.


Et bien, que n'ai-je le choix ? Les angevins auraient eu tôt fait de s'inspirer de toi pour l'invasion, ils auraient eu beaucoup à apprendre !

Le sujet était encore délicat et porté à coeur à beaucoup de personnes, dont lui-même, mais il préférait en rire que de se lamenter sur ce qui s'était passé. Aussi, l'humour était-elle aussi une passerelle pour guérir les blessures.

Mais ne t'inquiète pas, mon hospitalité t'es acquise. Bon, je vais t'aider. Il y a deux chambres inoccupées en haut.

Sans plus de bavardages, il ouvrit la porte après y avoir introduit la clef, et s'empara d'un bagage dans chaque main et entreprit d'atteindre l'étage, supposant que sa soeur le suivait.
Il désigna deux porte, l'une au bout du couloir, et l'autre sur la porte en face de celle de sa chambre.


Voilà, je te laisse choisir celle que tu veux.

Il entra dans celle au bout du couloir.

Voilà, celle-ci donne, avec la fenêtre en face de la porte, sur les toits des résidences voisines, et l'autre fenêtre, à notre droite, donne sur le jardin.

Sans mot dire, il l'amena dans l''autre chambre, en face de la sienne, passant devant les bagages déjà présents dans le couloir.

Et celle-ci donne uniquement sur la ville, comme tu peux le voir. C'est la plus grande chambre et un brin plus bruyante que les autres quand la rue s'anime.
Bon comme tu vois dans les deux chambres, il n'y a que le lit et une table de chevet classique. Mais dès lors que tu auras choisi ta chambre, nous pourrons aller en ville commander un peu plus de mobilier afin que ce soit plus vivable.


Le seigneur d'Hauterives lui sourit, un peu gêné de présenter deux chambre à l'abandon et poussiéreuses, presque pas meublées.

Bon, je demanderais à Aemon de faire un peu de ménage quand même. Je vais chercher tes autres bagages, je te laisse choisir ta chambre.

Le ton était un peu nerveux. Et si elle trouvait ça trop rustre ou trop moche ? A vrai dire, à part lui et son jeune domestique, personne n'avait jamais dormi ici. C'était une première pour lui, et le fait que ce soit pour sa soeur n'arrangeait rien. Aussi, la laissa-t-il rapidement seule le temps d'aller quérir le reste de l'invasion.
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Adenora
A dire vrai les malles ne sont pas très remplies.
Quelques vêtements bien sûr, la jeune fille possède une garde-robe modeste mais de bonne facture.
Pourtant l'essentiel de ses trésors n'est surement pas de tissus.
Des toiles, peintes par sa mère pour la plupart, son bâton en châtaigner, des coquillages, des cailloux, jolis évidemment!, plusieurs épées, un comble pour qui ne sait que très peu s'en servir, une dague, une vielle carte sur laquelle quelqu’un a dessiné (mal !) des buissons et édifices pour l’illustrer, une bride en cuir...
Quelques présents qui racontent une histoire et des amitiés qu'elle garde bien au chaud dans son coeur.
Alors évidemment, elle aurait très bien pu arriver avec bien moins de bagages, et même laisser le superflu dans sa demeure voisine ou son appartement d'Alençon.
Mais tout emporter, ou presque, n'est-il pas le meilleur moyen de traduire le fait, de le prouver, qu'elle souhaite durablement se rapprocher d'Eoghann?
Le sourire de la blonde s'étire, ravie de son idée d’invasion, mais surtout par l'humour et l’accueil chaleureux de son hôte.
Presque catastrophé aussi, de le voir se charger lui-même de transporter son bric à brac.
Oui oui, elle aurait pu le faire toute seule! N'a pas pensé un instant lui donner du tracas, ou un tour de rein...
Mais elle le suit, espérant très fort qu’aucun objet ne s’échappera pour lui tomber sur le pied ou un coin du museau. La jeune bretonne est tellement forte pour provoquer les catastrophes, ou plus vraisemblablement : parfois un peu maladroite.
A l'étage son guide lui détaille la disposition des lieux, lui fait visiter avec des arguments très vendeurs (bien qu'elle n'ait pas l'intention d'acheter, juste d'occuper vous l'aurez compris!), et tant d'application l'amuse bien moins qu'elle ne la touche. Son frère se donne du mal pour elle. Waouh!


Bon, je demanderais à Aemon de faire un peu de ménage quand même. Je vais chercher tes autres bagages, je te laisse choisir ta chambre.

Tout juste a t-elle le temps de lui glisser.

Les chambres sont très bien, tu peux être fier de ton logis, vraiment, dans son ensemble.

Que déjà le voilà reparti chercher le reste de ses affaires, et surtout la laissant seule devant le choix de la chambre qu'elle occupera...

Chacune d'elles présentent au moins un avantage différent.
Une vue sur le jardin, et pour l'autre la proximité du frère qu'elle est venu retrouver.
Longtemps elle hésite, si le bruit des rues d'argentan ne l'inquiète pas vraiment, oups rectification : pas du tout, reste que la chambre au fond du couloir donne sur un petit bout de nature et ménagera à Eoghann un peu plus d'intimité.
Dilemme tout de même!
Peser le pour et le contre toujours, blonde soupire de le faire même pour un lit! L'important c'est d'être sous son toit, situation propice à toujours plus de complicité.

Adenora ouvre la fenêtre de la chambre du fond, se penche, raisonnablement, pour admirer la vue et respire.
Elle annonce sans se retourner.


Tout est parfait Eoghann, ne t'inquiètes pas. Merci!

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