Afficher le menu
Information and comments (0)

Info:
"Et pour une des premières fois de sa vie, Samsa ne ressentait pas pour Gadrielle cet instinct protecteur particulièrement puissant, celui-là même qui était à l'origine de son surnom de Cerbère, car elle se doutait que la jeune femme n'en avait pas besoin, qu'elle était de ces gens qui n'ont même pas besoin de soutien en apparence. Elle n'avait pas le besoin de la protéger, mais plutôt de partager les aventures du destin avec elle, de combattre, de rire, de voyager, de vivre sur un coup de tête. Il semblait à Samsa que la Combeferre était une sorte d'Égale."

[RP] Les lances se briseront sur nos âmes de fer.

Samsa
    "Mes peurs de grand, mes peurs d'adulte,
    Lui dire 'fais gaffe' car finalement,
    Ta tête et ton cœur tout petit
    Feront de moi ce que je suis."
    (Boulevard des Airs - Ce gamin-là)



Elle avait donné rendez-vous à Gadrielle dans un pré non loin du château seigneurial de Longny-au-Perche, au sud, près de La Robioche, un des nombreux cours d'eau qui traversaient le village et sillonnaient les terres verdoyantes, un peu vallonnées, qui abritaient même une forêt où vivaient toutes sortes d'espèces animales. Le temps était clair alors que les feuilles des arbres commençaient à se tâcher de brun et qu'une brise fraîche soufflait sans pour autant rendre le temps froid. Il faisait même presque bon et Samsa prenait plaisir à sentir cet air glisser sur son visage aux traits majoritairement figés par la vie mais pourtant avenant. Ses cheveux bruns aux forts reflets roux -ou l'inverse peut-être-, légèrement ondulés et tombant jusqu'au bas de ses omoplates, dansaient légèrement quand la brise se durcissait, faisant également voler les crins des deux chevaux qu'elle tenait. A sa main droite, Guerroyant, un solide Cleveland Bay qui était le destrier de Cerbère dans toutes ses batailles où la cavalerie lourde était de sortie. Sa croupe puissante et son poitrail large étaient en effet des atouts non-négligeables pour enfoncer les lignes ennemies et ses grands sabots étaient des menaces à prendre en considération. Son voisin, tenu dans la main gauche de Samsa, s'appelait Caporal et était un cheval de Bresse. Il était alezan, de la même taille que Guerroyant, mais plus fin. On le devinait aisément plus rapide et maniable, mais aussi avec un meilleur caractère que le destrier rendu nerveux par ses activités martiales.

Lorsqu'elle arriva en vue du champ, Samsa sourit en constatant que Gadrielle y était déjà. Peut-être observait-elle la lice, constituée de deux poteaux espacés d'une quarantaine de mètres et reliés entre eux par une corde décorée de fanions aux couleurs or et sable de Longny-au-Perche. Au pied de l'un d'eux se trouvaient des lances, des écus de joute ainsi qu'un plastron.


-Je me suis dit que ce serait plus équilibré de te laisser le choix de le mettre ou pas pardi.

On ne pouvait décemment pas qualifier d'équilibrée la joute à venir. A vingt-six ans, le corps de Samsa reflétait à lui seul l'expérience de la guerre et notamment des charges équestres. Pas très grande mais de taille convenable, la Baronne avait une stature bréviligne et charpentée qui ne semblait pas souffrir du port permanent d'une cotte de maille même si, pour l'occasion, elle avait opté pour un plastron également. On notait sans mal que ses jambes étaient plutôt courtes, à l'inverse de son buste. Il ressortait de sa carrure quelque chose de tassé, facilement sous-estimable, et pourtant l'erreur ne devait en aucun cas être commise car si Cerbère n'était guère dotée de muscles longs et souples, aisément endurants, elle était en revanche d'une énergie explosive et d'une force surprenante sur de courts moments. La seule chose qui la grandissait n'était pas son maintien, bien qu'il soit droit, mais plutôt son port de tête, naturellement fier. Il se dégageait de Samsa, en somme, un panache et une force qui conquéraient les cœurs et le monde. Son visage martial, marqué d'estafilades sombres à la joue gauche, au-dessus du sourcil gauche et d'une cicatrice à la tempe droite, était orné de deux petits yeux d'un brun sombre agrémentés d'étincelles métalliques enfoncés sous des arcades sourcilières prononcées qui renforçaient chez elle ce regard chaud bienveillant et cet air vif, toujours prêt à tout.
Face à elle pour cette joute, Gadrielle n'était qu'une jeune femme de dix-huit ans, plus sèche que Samsa. Celle-ci la devinait solide mais l'était-elle vraiment plus que la carrure de la Baronne ? Sans doute, en revanche, Gadrielle devait-elle compenser sur bien d'autres aspects. Toutes deux avaient les yeux sombres mais Gadrielle, elle, n'avait pas de lueurs métalliques dans le regard; il était orné de multiples tâches de rousseur autour, notamment sur le nez et les joues, et il s'en dégageait une témérité de jeunesse sans doute réelle.


-Je te présente Caporal pardi. Ce sera ta monture pour ces joutes pardi !

Samsa lui sourit et lui tendit les rênes de Caporal. Elle n'aimait pas les joutes mais celle-ci avait un sens différent, elle le pressentait.
Cerbère avait rencontré Gadrielle il y a un peu plus d'une semaine auparavant, à Verneuil. Comme souvent, elle avait fait l'effort de sortir, de faire connaissance, mais le faire avec Gadrielle n'avait rien eu d'un quelconque calvaire. La jeune femme était dynamique, volontaire, agréable et dotée d'un humour particulier qui ressemblait fort à celui de Samsa. Elles avaient parlé de guerres, d'aventures, de gens, d'ambitions aussi, et Samsa avait été heureuse quand Gadrielle avait accepté de faire route avec elle jusqu'en Orléans. Elles avaient parlé de leur passé mais très peu de leurs blessures, celles que la vie laisse, celles que la mort inflige, les douleurs secrètes et les périodes sombres, et pourtant Samsa devinait que Gadrielle avait un vécu derrière elle. Il lui semblait voir en elle ce qu'elle-même était encore quelques années auparavant, quand elle venait de stabiliser sa vie et sa personnalité, avant qu'elle ne se rende compte qu'elle commençait à vivre en même temps que de vieillir. Le temps avait eu l'air de comprendre son regret et, lui faisant pour une fois une fleur, la préservait des stigmates physiques qu'il infligeait pourtant aux autres : Cerbère se battait avec la vigueur d'une femme de moins de vingt-cinq ans, portait sa cotte sans faiblir, et les éventuelles marques sur son visage n'étaient que dues à une fatigue superficielle qu'une nuit de bon sommeil effaçait. Et pour une des premières fois de sa vie, Samsa ne ressentait pas pour Gadrielle cet instinct protecteur particulièrement puissant, celui-là même qui était à l'origine de son surnom de Cerbère, car elle se doutait que la jeune femme n'en avait pas besoin, qu'elle était de ces gens qui n'ont même pas besoin de soutien en apparence. Elle n'avait pas le besoin de la protéger, mais plutôt de partager les aventures du destin avec elle, de combattre, de rire, de voyager, de vivre sur un coup de tête. Il semblait à Samsa que la Combeferre était une sorte d'Égale.


-Un coup de main pour se mettre en selle té ?

La Baronne lui sourit avec une pointe d'amusement, prête à venir l'aider pour le plastron ou la mise en selle. Elle n'aimait pas les joutes, mais jouter contre Gadrielle, et donc potentiellement perdre, lui était tout à fait acceptable. C'était plutôt pour elle l'occasion de créer des liens solides que rien n'altèrerait, et ceci valait bien plus qu'une vulgaire question d'égo mal placé.
_________________
Gadrielle

    Et si un jour je baisse la tête,
    Ce sera uniquement pour admirer mes chaussures.


Ce jour-là, une grosse paire de bottes sanglées à ses chevilles et à ses cuisses pour le maintien. On ne l’entendrait jamais le confesser à haute-voix, mais comme bien des choses, Combeferre connaissait bien mieux l’image des chevaux que les précis d’équitation. Elle se défendait, c’était entendu ; il n’empêche qu’elle n’en mènerait probablement pas large face à Cerbère.

Gadrielle s’était levée tôt. Elle s’était réveillée plus tôt encore, et avait abusé sans scrupule d’un couchage de plume autant qu’il était décemment possible, avant de s’ennuyer. Tierce la surprit à crapahuter en forêt, cherchant le meilleur point pour admirer l’étendue des terres domaniales et rencontrer des vilains locaux. En rebroussant chemin, elle s’arrêta à la lice, pour y attendre Samsa et n’eut guère à patienter longtemps avant de reconnaître sa silhouette se détacher sur le lointain, suivie de deux montures. Sa frimousse avait pris l’habitude de s’éclairer d’un large sourire à son arrivée. Elle s’étonnait parfois de ne la fréquenter que depuis quelques jours, quand cela aurait pu être des mois, et se surprenait plus encore à devoir faire le tri des mots en bataille qui voulaient jaillir de sa bouche, de peur de ruiner leurs moments. Elle était d’ordinaire avare de ses pensées et des nouvelles de son cœur, aussi pudique qu’elle était bavarde. C’était sa manière d’être silencieuse.

Enfin Prime arriva, imposante dans sa stature et dans son attirail. Il s’en dégageait quelque chose de si fait pour la noblesse et les batailles que si elle ne l’avait pas connue, Gadrielle était persuadée qu’elle l’aurait prise pour une amazone, ou une walkyrie.

D’ailleurs maintenant qu’elle y pensait, ça ne lui disait rien qui vaille pour la suite de la journée.

- Bonjour. Merci. Prête ?

Elle tendit la main pour flatter l’encolure du cheval, puis son museau, répétant son prénom à mi-voix. Combeferre savait monter, on l’a déjà dit ; mais se maintenir en selle à l’impact d’une lance, c’était là un plus grand défi qu’elle avait hâte de relever. En fait, elle frissonnait d’impatience, avec l’impression de se livrer en secret à des bêtises de gosses. Elle n’était pas censée jouter, elle le savait bien. Peut-être même que si on les surprenait, elle aurait de gros ennuis. Mais depuis son enfance, depuis les contes du coin du feu, depuis les récits des plus belles passes des meilleurs chevaliers du Royaume, depuis les après-midi passées à l’ombre des bosquets à épier les grands tournois de Champagne, à imiter les grands avec les autres gosses du coin en se jetant les uns sur les autres à grand coups d’épaule, voilà. Ça lui trotte dans le crâne, ça l’obsède, ça la fascine.

-Un coup de main pour se mettre en selle té ?


Elle hésite. Elle ne veut surtout pas le montrer. Elle ne s’était pas sentie aussi jeune depuis des années – ce qui n’était pas une bonne chose, quand on avait dix-huit ans. Elle qui passait son temps à se faire plus vieille qu’elle n’était se retrouvait soudain confrontée à la dure réalité. Monter non, mais un plastron… Elle avait bien une idée de comment on l’enfilait sur quelqu’un. Mais se l’enfiler à elle, c’était une autre paire de manche – en métal. En fait, je veux bien que tu m’aides. Avec ça.
Elle désigna le coupable accoutrement d’un vague mouvement du menton, comme un gosse reconnaît de mauvaise grâce qu’il patauge dans un problème qui devrait être simple. Et puis, si tu as des conseils avant de commencer, je prends. J’aimerais qu’on fasse ça bien. Dans les règles.

Elle connaissait l’aversion de Samsa pour les joutes et, si elle comprenait ses raisons, ne partageait pas tout à fait son désaveu. On pouvait mettre ça sur le compte de sa bleusaille ; il y avait fort à parier que dans un premier temps, tout allait l’émerveiller. Gadrielle restait un enfant d’été, au cœur encore blanc – majoritairement. Il lui faudrait bien le temps de s’aguerrir. En pareil compagnie, elle n’avait pas seulement confiance : elle avait hâte.
_________________
Samsa
    "Je refuse de choisir,
    Je ne compte pas, je vis.
    Pas de quoi en faire un drame,
    Je respire à pleins poumons.
    Les victoires, les défaites, je préfère l'aventure;
    Moi je préfère l'aventure."
    (Da Silva - L'aventure)



-Je suis toujours prête pardi.

Il était facile de penser que Samsa portait une cotte de maille, des gantelets de combats et une épée en permanence par peur. Pourtant, c'était loin d'être le cas; il y avait peu de choses qui savaient insinuer la peur dans l'âme de Cerbère, puisque celui-ci était animée de soif d'action. Son équipement lui permettait de pouvoir se lancer au coeur d'une bataille à tout instant, sans penser à rien d'autre qu'à se battre et gagner.
Elle sourit à la demande qui finit par émaner de Gadrielle et lâche les rênes de Guerroyant pour saisir le plastron. Les pièces d'armure classiques étaient souvent lourdes et peu pratiques à mettre seul, mais Samsa avait l'apanage de l'indépendance et de la forge, c'est pourquoi elle s'efforçait de fabriquer des pièces simples et pratiques. Pour elle, elle n'avait pas besoin d'autant de protection blindée que les autres puisqu'elle était la meilleure. L'égo au service de l'innovation. La Baronne prit le plastron et le présenta devant la jeune femme.


-Ce sont deux pièces d'armure assemblées pardi, une pour le dos et une pour le buste té. Elles sont attachées par des sangles sur les épaules et les côtes, tu vois té ? C'est plus pratique pardi, on a moins besoin d'aide té.

Voire pas, mais Samsa n'en dit rien. Orgueilleuse elle-même, elle prenait soin de la fierté des autres et comprenait qu'on ne pouvait pas tout savoir du premier coup. Qu'on lui mette une bêche dans la main et retourner la terre correctement lui serait aussi complexe qu'un problème de navigation.
Elle souleva le plastron et fit passer la tête de Gadrielle entre les deux courroies qui vinrent ensuite reposer sur ses épaules. Resserrant celles sur les côtes, Samsa ne put que constater que la pièce d'armure était légèrement trop grande et elle donna une tape amicale dans le dos avec un sourire amusé.


-Faudra que tu manges plus de carottes pardi ! Mais tu as du style comme ça té.

La Baronne se rapprocha de Caporal et resserra les sangles de la selle au pommeau et troussequin relevés. Elle ne tenait pas à ce que Gadrielle fasse une chute bête, même si une selle qui tourne est plutôt amusant à regarder; tomber ne l'est jamais. Pire, cela pouvait même être dangereux. Combien de rois étaient morts à cause d'un accident de chasse dû à une chute de cheval ? Combien de boiteries éternelles ?

-Allez grimpe pardi, je vais t'ajuster les étriers et te donner ton équipement pardi.

Cerbère se détourna, laissant Gadrielle monter -puisqu'elle n'avait pas demandé d'aide- pour aller chercher un écu et une lance. C'était plutôt encombrant, et peu léger. Cela le serait d'autant plus à cheval car Samsa ne disposait pas d'armure adaptée aux joutes, rien pour caler la lance ou maintenir les jambes, même pas de heaume; elle ne s'en servait pas, comment aurait-elle pu en donner à Gadrielle ?

-Tiens té. Fais attention c'est lourd pardi, porte-la à la verticale en attendant la charge pardi. Pour le bouclier, tu passes le bras dans les sangles et comme ça tu peux tenir les rênes en même temps té. On n'a pas de heaume alors ne vise pas la tête pardi !

Le but c'est de casser la lance ou de désarçonner pardi. On fait trois manches pardi. Tu verras c'est déjà beaucoup té !


Samsa lui sourit, avec amusement malgré tout, puisque tout danger n'était pour elle qu'un jeu. Danser avec la mort, elle connaissait bien. Jouer avec sa vie, se rappeler que des gens mourraient, c'était sa manière de rester en vie même si elle s'imaginait un peu trop immortelle. Pourtant, dans ses batailles perdues, lorsqu'elle avait senti la mort souffler sur elle, elle en avait éprouvé du soulagement. Samsa avait fini par en conclure secrètement que ses blessures passées restaient brûlantes.
Elle ajusta les étriers de Gadrielle avec soin et lui désigna le piquet le plus proche.


-Rejoins ce piquet pardi. Quand je serai prête à l'autre té, j'abaisserai ma lance pardi, et je te laisse l'honneur de lancer le signal la charge té. Faute de trompette pardi, tu devras avoir un peu de voix té !
Mais attends pardi, il va falloir que tu me donnes ma lance té.


Samsa lui tendit la sienne, le temps de se mettre en selle. Elle avait la technique, entre descendre bien bas l'étrier gauche et le mouvement de corps pour avoir un élan le plus léger possible. Guerroyant aussi avait l'habitude de supporter l'indépendance de sa cavalière qui n'était guère encline à se faire aider. Son bouclier, elle l'avait sanglé à l'épaule gauche. Elle ne portait que rarement, sinon jamais, son bouclier à la main, considérant cela comme un handicap; mieux valait, à ses yeux, garder une main libre. Un poing surprenait facilement un adversaire au corps à corps. Et surtout, il lui permettait d'effectuer sa fameuse charge à pied, celle où Samsa rentrait légèrement l'épaule pour mettre son bouclier en avant pour s'en servir comme bélier; elle n'avait rien de fin dès que le paramètre physique entrait en lice, elle avait des manières de suicidaire mais, pourtant, elle était toujours debout et vivante, parvenant à tuer avant de l'être.
La Baronne réajusta son étrier gauche, sourit à Gadrielle en prenant la lance qu'elle lui avait gardé et s'éloigna au petit galop au piquet suivant. La brise faisait légèrement s'agiter les fanions le long de la lice, les crins et les cheveux. Cerbère rassembla correctement ses rênes dans sa main, maintenant Guerroyant qui sentait le temps de la charge venir et commençait à s'agiter.

Enfin, Samsa abaissa sa lourde lance heureusement contrebalancée par le manche presque aussi long que le reste, signifiant ainsi qu'elle était prête et qu'elle attendait le signal de Gadrielle pour charger.



Suite au lancé de dé quatre face Un chacune.
1 : Manqué
2 : Touché mais lance intacte
3 : Touché, lance brisée
4 : Désarçonne l'adversaire

Si JD Gadrielle ou moi faisons un 3 ou 4, la manche est remportée et on passe à la suivante.
Si nous faisons toutes deux un 1 ou un 2, on recommence la charge.

_________________
Gadrielle

    With golden strings
    our universe was clothed in light.
    Pulling at the seams,
    our once barren world now brims with life,
    that we may fall in love
    every time we open up our eyes.
    I guess space, and time,
    takes violent things, angry things
    and makes them kind.


    - Sun, Sleeping at Last


Le plastron, ok.

Ça pesait lourd sur ses épaules, mais elle s’y était habituée, à force d’entrainement. C’était même de là qu’elle tenait les muscles secs qui roulaient sous sa peau. Elle était plus gênée par la rigueur du métal qui l’empêchait de se mouvoir en toute souplesse que par son poids. Conséquence logique, l’ascension équestre représenta un effort qui aurait mérité tous les honneurs et deux ou trois récits héroïques ; n’empêche qu’elle y réussit, après avoir perdu une ou deux jambes dans l’air, et su bien gré à Cerbère de n’avoir pas assisté au spectacle. Montée, parée, ne restait qu’à arborer fièrement son équipement. Elle reçut des mains de Samsa lance et bouclier, qu’elle positionna comme recommandé. Ça aussi, ça pesait lourd. Ça pesait lourd, et en même temps, elle se sentait légère et forte. Combeferre aurait voulu pouvoir se dédoubler pour s’admirer, juchée sur un cheval, sanglée dans une armure, cheveux lâchés au vent, lance en main. Qui l’aurait dit ? Qui l’aurait cru ? Certes, elle ne participait guère à un grand tournoi où l’on chanterait l’adresse de ses passes pour les années à venir, mais… c’était la première fois. Les premières fois comptaient.

« Trois manches ? Je voudrais en faire cent ! »

Elle ne voudrait pas vraiment en faire cent. Mais ça l’amusait beaucoup de l’affirmer.

Gadrielle laissa à peine le temps à Samsa d’agripper la lance qu’elle lui tendait qu’elle avait déjà talonné sa monture pour rejoindre le fameux piquet d’où elle allait se lancer. Epouser les mouvements du cheval était un exercice difficile, et elle surprit son cœur à manquer un battement lorsqu’elle se sentit basculer sur la droite, emportée par le poids de son arme. De justesse, elle contrebalança son allure avec le bouclier à gauche, et se redressa ; elle ralentit l’allure jusqu’à trottiner gentiment, le temps de s’habituer à ces sensations nouvelles. Elle avait chaud. Le cheval était aussi nerveux qu’elle, au point qu’il devenait difficile de savoir lequel des deux piaffait le plus d’impatience. Elle avisa la lice, la distance à parcourir, le petit matin, la silhouette de Cerbère qui se détachait plus loin. Elle s’amusa un instant encore de la situation. Il y a quelques jours encore, elle errait à cœur perdu sur les chemins de France, lourdée de regrets et de doutes. Aujourd’hui, elle tremblait d’envoyer valdinguer la femme qui lui avait rendu le sourire à travers les airs, parce qu’elle savait qu’elles vibraient toutes les deux d’adrénaline et d’une violente force de vivre.

« Chaaaaaaaaaarge ! »

On avait rarement l’occasion de crier à plein poumons. On pouvait hurler quand on avait peur, si les pierres d’un chantier menaçaient de s’effondrer sur un enfant qui passait par là ou lorsqu’on surprenait un début d’incendie. En prenant son inspiration, Combeferre aurait voulu que son cri déchirât les cieux. S’il avait pu atteindre Samsa, ce serait toujours ça de pris.

xxx vous a défié aux dés et a obtenu le résultat suivant : 1.
xxx vous a défié aux dés et a obtenu le résultat suivant : 4.

Rarement elle s’était sentie aussi vivante depuis sa naissance, et cela la conforta au moins dans l’idée que c’était à ça qu’elle voulait sacrifier sa vie. Juger à l’instinct, à la vitesse du cheval, à la vitesse parcourue, à l’imposante silhouette de Cerbère toute de métal, de brun et de roux qui se rapprochait, toujours plus vite, elle abaissa enfin sa lance et se crispa pour l’impact.

Oh, l’impact vint.

Pas de sa dextre, qui maintenait encore vainement sa lance en l’air, dans le vide. Mais de sa senestre, qui maintenait le bouclier, tandis qu’elle se sentait s’envoler. Le cœur au bord des lèvres, les bottes glissant soudainement des étriers, le mouvement entier sembla prendre des années. Il ne fallut même pas une seconde.

Le goût de la poussière dans sa bouche, le souffle coupé, Gadrielle se ramassa comme un animal blessé. Elle n’était plus qu’un amas incertain de cheveux roux et de fer, hébété, incrédule. Lentement, elle fit l’inventaire de ses divers membres et autres articulations. Les mains, les poignets, les coudes, les chevilles, les genoux. Tout fonctionnait. Sa lance était tombée à son côté. Elle hasarda timidement une main pour la récupérer, et referma un à un ses doigts autour de la garde. Alors seulement elle redressa une gueule rayonnante, ardente, superbe.

« On recommence ! »


Avec des fils d'or,
Notre univers était habillé de lumière.
Tirant sur les coutures,
Notre monde, autrefois stérile, déborde maintenant de vie,
Que nous puissons tomber amoureux,
Chaque fois que nous ouvrons les yeux.
Je suppose que l'espace, et le temps,
Prenne les choses violents, les choses en colères,
Et les rendent bonnes.


_________________
Samsa
    "Fuis avec moi,
    Âmes perdues dans les festivités,
    Déchaînées et libres;
    Deux enfants, toi et moi."*


Le signal de Gadrielle résonne aux oreilles de Samsa comme le son d'une corne. Immédiatement, impatiente elle aussi, Cerbère enfonce ses talons dépourvus d'éperons dans les flancs de Guerroyant qui prend appui sur ses postérieurs pour se projeter violemment en avant. Samsa sent la puissance de son cheval sous elle, les foulées lourdes et la respiration rapide, elle sent l'air sur son visage qui est forcé de s'écarter à son passage et son coeur qui galope, lui aussi. Elle aime tant les charges équestres, ces explosions de puissance, ces expressions de force si violentes ! Elle aurait aimé que la lice soit plus longue, parcourir encore de la distance ainsi avant de devoir croiser Gadrielle. La lance abaissée, les petits yeux sombres fixent le bouclier adverse; la Baronne n'aura aucune pitié.

xxx vous a défié aux dés et a obtenu le résultat suivant : 4.


L'impact est violent, tout comme la vibration qui remonte dans le bras de Samsa, dans tout son corps, car sa lance vient de se briser sur le bouclier de la jeune femme. Peut-être que la manche aurait pu s'arrêter à cela, si Cerbère n'avait pas résisté à la force de l'impact qui repoussait la lance en arrière. Non, Samsa, elle, tient bon, comme elle l'aurait fait avec une épée traversant un corps ennemi, et la résistance multiplie la force, repousse Gadrielle qui vide ses étriers avant de chuter lourdement et de rouler dans l'herbe.
Cerbère ralentit à la fin de la lice et fait se retourner Guerroyant. Au sol, Gadrielle gît et Samsa s'approche lentement au pas, finissant par constater qu'elle bouge un peu. Il ne manquerait plus qu'elle se soit cassée quelque chose et c'est la fin, Cerbère s'en voudra pour la fin de ses jours. Elle trouve une demoiselle drôle et téméraire, qui tient cinquante écus de bière en une soirée, et elle la casse déjà ! Mais voilà Gadrielle qui rampe presque pour récupérer sa lance intacte et Cerbère tend un peu la truffe vers le sol avec un air plus intrigué qu'inquiet.


-Ça va té ?

Gadrielle relève le visage vers Samsa, un sourire heureux et béat sur les lèvres. La Baronne aurait même pu jurer qu'elle avait vu des étoiles dans ses yeux bruns et que si quelqu'un devait ressentir une joie pure quelque part dans le monde à cet instant, Gadrielle était cette personne. Peut-être finalement que Gadrielle est aussi rentre-dedans que Cerbère; c'était même de plus en plus vérifiable, et ce n'était pas pour lui déplaire. Samsa laissa un rire lui échapper, d'amusement autant que de joie ou de soulagement, et jeta sa lance brisée sur le côté avant de mettre pied à terre pour aider la jeune femme à se relever.

-T'as l'air entière té ! On fait un échange pardi, je vais chercher Caporal et tu me ramènes une lance té, elles sont au pied de ton piquet pardi.

Ça fait 1-0 pour moi pardi !


Rênes de Guerroyant en main, la Baronne alla chercher l'alezan de Bresse qui broutait plus loin, indifférent au précédent vacarme. Elle revint et sourit à Gadrielle en lui rendant sa monture d'un jour, la dévisageant afin de vérifier qu'elle n'avait pas de blessures visibles sur cette partie d'elle.

-Tiens té. Tu vas pouvoir remonter toute seule pardi, ou tu as mal quelque part té ?

Auquel cas Cerbère jouerait son rôle et veillerait à la santé de sa jeune compagne d'aventure en l'aidant à se remettre en selle pour lui éviter des acrobaties.

* = paroles traduites de X Ambassadors - Renegades

_________________
Gadrielle

    Défier des machines, narguer des lois
    Les foudres divines, ça m'effraie pas
    J'sais prendre un coup, le rendre aussi
    River des clous, ça j'ai appris
    J'suis pas victime, j'suis pas colombe
    Et pour qu'on m'abîme, faut que je tombe
    - Je sais pas
    , Céline Dion


"Qu’est-ce-que-tu-crois."

Chaque syllabe pesée avec la même sévérité mêlée d'un air boudeur et d'un ton goguenard. Gadrielle s’extrait de sa position fœtale tout en douceur, vérifiant quand même au passage que l’excès d’adrénaline ne masquait pas une cheville de travers ou une côte fêlée. Concluant manifestement que non, elle se retrouva finalement debout sur ses pattes, droite comme la lance qu’elle alla obligeamment chercher pour la ramener à Cerbère. Elle ne doutait pas que, eut-elle été blessée, Samsa aurait mis tout en œuvre pour empêcher qu’elle en gardât des séquelles. Combeferre n’avait pas encore eu l’occasion de vérifier jusqu’où s’étendait la véracité contenue dans son surnom. Quelque part, elle espérait bien ne jamais l’avoir, si cela pouvait signifier que tout irait toujours bien pour sa pomme ; mais d’un autre côté, c’était une perspective relativement rassurante dont elle espérait bien se montrer digne, le moment venu. Si Gadrielle avait pu se voir, elle aurait constaté qu’elle avait déchiré un peu ses braies aux genoux, et s’était éraflé la pommette gauche, où pointaient des griffures rougeâtres ; pas assez pour saigner, cependant. Même pas assez pour ficher la frousse à un hémophobe. En bref, rien de très sérieux.

C’est donc avec la meilleure volonté du monde qu’elle ré-enfourcha le cheval et repartit derechef à l’autre bout de la lice. Cette fois, elle était concentrée. Très concentrée. Elle anticipa la lourdeur de l’arme dans sa main, la distance à parcourir, le frisson qu’elle savait qu’elle allait ressentir en jetant sa monture au galop, et tout le poids de la folie qui s’emparait d’un corps qui n’était plus maître de la situation.

Sauf qu’elle comptait bien se la soumettre, la situation.

D’abord les joutes, ensuite, le monde !

Mais d’abord, en fin de compte, le cheval. Il n’avait pas l’air franchement pressé de faire repartir sa cavalière par le chemin des airs, et elle dût le mener d’une main qu’elle voulait ferme et convaincante. L’air de dire, « cette fois, on va l’avoir ». C’était rarement bon signe lorsqu’on se retrouvait à devoir convaincre un cheval.

Combeferre laissa planer encore un moment le silence, ferma les yeux, comme pour oublier un instant la situation.

Et puis elle prit une grande inspiration.

"Chaaaaargeeeeez !"
_________________
Samsa
    "Je viens combattre pour l'amour du jeu, inarrêtable.
    C'est pourquoi je, je suis invaincue.
    Sans laisse, sortie de la cage, un animal,
    C'est pourquoi je, je suis inarrêtable."*



On prend les mêmes et on recommence.
Cerbère échangea Caporal contre une lance une fois qu'elle fut remise en selle et regarda Gadrielle repartir avec un sourire sur ses lèvres. La détermination de cette jeune femme l'amusait et l'attendrissait en même temps. Elle ne savait pas jouter, elle venait de se faire ramasser, mais elle était remontée immédiatement, sans se plaindre, avec encore plus de volonté de vaincre et de réussir. Cerbère savait qu'elle irait loin grâce à sa force de tempérament, pour peu que la vie ne la brise pas aussi violemment qu'elle avait pu la briser elle, et que Gadrielle trouve au fond d'elle la force de se relever. Comme maintenant.

A son piquet, Samsa a réajusté son équipement et attend le signal de Gadrielle, presque tranquille. Cette première victoire l'a mise en confiance, l'a totalement détendue même presque. Guerroyant, lui, est dans le même état d'esprit qu'avant. La voix de Gadrielle se fait entendre sur la prairie et les deux femmes s'élancent. La terre tremble sous les sabots des équidés et le temps semble se suspendre avant l'impact. Les deux femmes sont comme de jeunes animaux pour qui le combat est un jeu qui resserre les liens et enseigne la vie et les techniques. Un jeu qui comporte cependant les risques du combat.


06/10/1465 20:44 : yyy vous a défié aux dés et a obtenu le résultat suivant : 4.
06/10/1465 20:44 : yyy a défié Gadrielle aux dés et a obtenu le résultat suivant : 3.


Cette rencontre est différente de la précédente, plus violente, plus explosive. Cerbère dirige encore sa lance vers le bouclier très exposé de Gadrielle, c'est la cible à atteindre il faut dire. L'arme ploie à son contact, éclate et la Baronne maintient, une fois encore, la force opposée qui s'exerce, déstabilisant gravement Gadrielle de sa monture. Cependant, la lance de la Combeferre ne part pas dans le vent cette fois et se dirige droit vers l'épaule gauche bordelaise qui a juste le temps de se rentrer pour que le bouclier prenne le coup, faisant exploser la lance adverse. Cerbère se couche sur l'encolure de Guerroyant, craignant les éclats volants dont l'un la frappe au niveau de la mâchoire pour lui occasionner petite coupure, renforçant ainsi le déséquilibre causé par le double choc, mais Samsa parvient à rester en selle, ne devant son salut qu'à son expérience en matière de charges équestres. Elle met plus de temps pour reprendre le contrôle de son cheval mais quand elle se retourne, c'est un Caporal à la selle vide s'éloignant pour brouter qu'elle retrouve, sa cavalière gisant dans l'herbe.
La Baronne s'approche au pas vers elle et met pied à terre avant de venir s'accroupir près de Gadrielle.


-Euh j'crois qu'y'a un truc que t'as pas bien saisi là pardi...

Tu ne marques pas de point en étant par terre té. Mais... T'as cassé ta lance sur mon épaule, tu viens de gagner ton premier point en joute non-officielle té, 2-1 pour moi pardi. Bien joué pardi !


Samsa lui sourit et tapota gentiment la joue qui n'était pas égratignée. Elle s'éloigna ensuite pour aller chercher une gourde d'eau près des équipements et la ramena à Gadrielle, s'asseyant près d'elle pour la réhydrater et la laisser nettoyer d'éventuelles blessures ou égratignures un peu douloureuses.

-Tiens pardi. Remets-toi d'aplomb avant de tenter ta chance à l'égalisation pardi.
Toujours rien de cassé té ? Tu veux faire une pause pardi ?


* = paroles traduites de The Skillet - Unstoppable

_________________
Gadrielle

    The dog days are over
    The dog days are done
    Can you hear the horses?
    'Cause here they come
    - Dog Days Are Over, Florence + The Machine


«Gnangngmpfh. »

Deuxième inventaire de la journée. Dix orteils. Dix doigts. Ou était-ce neuf ? Combien fallait-il en avoir, en principe ? Pourquoi n’y avait-il pas de manuel illustré ? A l’équation, on peut ajouter trente-six chandelles et le triple d’étoiles, quelques notes de musique et une grande lumière. A force de s’envoyer en l’air, elle commençait bien à avoir la tête en coup de vent.

« Nan. »

Elle grommelle en crachant de la terre. Jette un œil à son bouclier. Le truc commence à avoir une sacrée sale gueule, et un gros cratère au milieu, rappel cuisant de sa deuxième expérience de vol plané.

« ! »

Combeferre ne releva pas le sarcasme, mais constata avec une grande allégresse qu’à défaut de prestige, il y avait du progrès. Les vestiges de la lance qu’elle avait brisée contre l’épaule de Samsa en étaient une joyeuse preuve, parfaitement indéniable. « Une pause ? T’as peur, avoue. Si on poursuit dans la même logique, à la prochaine manche, je t’expulse du canasson ! » C’était tout à fait logique. Un peu beaucoup pour une journée, à fortiori pour une première fois, mais définitivement d’une logique implacable. Elle referma ses doigts endoloris autour de la gourde offerte et but à grandes gorgées, avant de laisser une grande gerbe s’écouler dans sa paume ouverte et s’en asperger le visage poussiéreux. La fraîcheur lui fit du bien. On étouffait vite, sous le poids des pièces d’armure. Il commençait à faire faim aussi, maintenant qu’elle y pensait. L’information remontait depuis son estomac, mais peinait à franchir la barrière de sa caboche : la victoire d’abord, la bouffe ensuite.
Le fauve décocha au cerbère un rictus pavoiseur. «Bon alors. C’était quand la dernière fois que t’as pris ton envol ? Besoin d’une piqûre de rappel ? Je te laisse faire les honneurs, cette fois. »

Frimousse crâneuse, frisson victorieux. Elle connaissait l’aversion de Samsa pour les joutes, mais la sensation brutale et crue de l’arme qui se brise dans son poing sous la violence foudroyante de l’impact, ça c’était un moment comme on avait peu l’occasion d’en vivre. Grisant. A défaut de champs de bataille, c’était son arène ; à défaut de son de cor, elle aurait le cri rauque et barbare que l’adrénaline portait à ses lèvres. C’était peut-être un peu risqué, peut-être un peu abusif, peut-être un peu prétentieux. Pousser le défi jusqu’à se remettre en selle pour retenter le coup ? Chiche.

Après tout, jamais deux sans trois.
_________________
Samsa
    "Debout dans la clairière il y a un boxeur,
    Un combattant de métier,
    Et il porte avec lui les vestiges
    De tous les gants qui l'ont envoyé à terre
    Et ont coupé sa chair jusqu'à ce qu'il crie
    Sous le coup de la colère et de la honte.
    J'abandonne, j'abandonne,
    Mais le combattant est toujours là."*


La Cerbère, carcasse de fer et d'acier, éclate d'un rire franc face à l'entêtement de Gadrielle. Elle apprécie ce trait de caractère avec ce brin de témérité orale, le tout soutenu par une logique bancale mais pas si absurde. Peut-être qu'à la prochaine manche, Samsa finira effectivement par terre. Assise à côté d'elle dans l'herbe, la Baronne aussi reprend un peu son souffle, jusqu'à la prochaine explosion de puissance. Elle roule de l'épaule droite qui commence à souffrir du poids de la lance, outil de combat bien inhabituel dont le contrepoids ne compense pas tout. Les armes longues nécessitaient une force impressionnante afin d'être maniées correctement en toute situation, à l'instar des arcs et arbalètes dont l'exigence était grande. La technique était bien plus visible que pour le maniement de l'épée qui elle, en revanche, ne pardonnait rien. Un coup d'oeil vers la jeune femme rend compte à Cerbère du rictus qui lui est lancé, comme une pique de provocation un peu trop sûre d'elle qu'elle prend avec amusement.

-La dernière fois pardi, c'était à la campagne d'Anjou sous feu Sa Majesté Lanfeust de Troy pardi. Un tir de couleuvrine qui a renversé mon cheval té. Je me souviens plutôt bien de la sensation de voler pardi, mais je te remercie de vouloir me faire partager tes récentes expériences pardi !

Samsa l'ébouriffe brièvement d'un revers de paume gantelée sur la chevelure rousse et or. Peut-être que les cheveux aux couleurs indéfinies étaient signe d'une grande personnalité, exception faite pour les personnes grisonnantes; après tout, tout le monde vieillissait, et il viendrait un jour où le roux et or de Gadrielle et le roux et brun de Samsa deviendraient communément gris, rejoignant ainsi sans distinction le chemin vieillissant des blondes platines dits 'comme les blés', des cheveux ébènes dits 'comme la nuit' et des rousses 'pures'.
Remise en selle pour celles qui sont encore peu communes. Des lances neuves se calent dans les mains, les boucliers sont repris ou remis et les rênes guident de nouveau les chevaux vers leur position respective, chacun à un bout de lice. Cette fois, c'est à Cerbère de sonner la charge et elle ne peut s'empêcher de trépigner légèrement sur le dos de Guerroyant, un frisson d'excitation encore récent l'agitant. Fixant Gadrielle à plusieurs dizaines de mètres de ses petits yeux sombres, ceux-ci s'enflamment, s'illuminent d'étincelles métalliques, se replaçant dans un contexte de guerre. Elle avait conquis l'Anjou, elle ne se permettrait pas la défaite face à une jeune débutante; face à personne, d'ailleurs. Les épaules roulent légèrement pour se replacer et lorsqu'elle se sent prête, puissance rassemblée, un aperçu en est clairement donné par la voix un peu plus grave que la moyenne féminine qui résonne soudainement :


-CHAAAAAARGEEEEEEEEZ PARDI !

25/10/1465 18:51 : yyy vous a défié aux dés et a obtenu le résultat suivant : 3.
25/10/1465 18:51 : yyy a défié aux dés Gadrielle aux dés et a obtenu le résultat suivant : 2.


Les talons dépourvus d'éperons s'enfoncent dans les flancs bai du solide destrier qui a une seconde de surprise, ne reconnaissant pas le milieu comme celui d'une bataille où un tel cri se justifierait comme il en a l'habitude. Il s'élance cependant, moins rapidement et puissamment que les autres fois, ne voyant sans doute nul intérêt à tout donner puisqu'il faudrait peut-être recommencer. Peut-être était-il même fatigué. Juchée, la Prime Secrétaire Royale tente de maintenir sa lance malgré ses muscles endoloris, s'imaginant cependant qu'elle désarçonnera Gadrielle sans forcer, celle-ci ayant déjà subi deux chutes et n'étant par conséquent pas dans un état très reluisant.

Erreur.

La lance de la Combeferre est partie pour atteindre Samsa à un point qu'elle ne peut contrer. Instinctivement, la Baronne agit comme elle le ferait pour parer une attaque, lançant son bras vers l'avant en pivotant pour faire reculer son épaule gauche. Les lances se croisent et celle de Samsa, dans un réflexe de parade, heurte celle de Gadrielle avant de se briser au centre du bouclier adverse. Celui de Samsa se verra décorer d'une rayure largement visible, preuve d'une touche évidente qui n'aura cependant pas suffit à briser la lance de Gadrielle.
A l'arrivée de la lice, la Cerbère rit en faisant se retourner Guerroyant une fois celui-ci au pas.


-Oh là pardi ! Tu n'apprends pas petit à petit toi, c'est plutôt violent té !

Mais le résultat reste le même et Samsa brandit sa lance brisée en opposition à celle, toujours entière, de la Combeferre.

* = paroles traduites de Simon and Garfunkel - The boxer

_________________
Gadrielle

    And if you're still breathing, you're the lucky ones
    'Cause most of us are heaving through corrupted lungs
    Setting fire to our insides for fun
    Collecting names of the lovers that went wrong
    The lovers that went wrong
    We are the reckless
    We are the wild youth
    Chasing visions of our futures
    One day we'll reveal the truth
    Youth
    - Daughter

« Un et un font deux.
« L’eau mouille,
« Le feu brûle,
« La neige est froide,
« Tout corps plongé dans un fluide subit une force verticale, dirigée vers le haut,
« Pierre qui roule n’amasse pas mousse,
« L’habit ne fait pas le moine,
« Combeferre est malaimée des dieux. »
Heureusement qu’elle est résistante.

Heureusement qu’elle prend la vie avec philosophie ; après tout, elle l'avait touchée. Ce n'était pas sa faute si Samsa était un vrai Juggernaut. Heureusement qu’elle se dit, « Cerbère aurait tout aussi bien pu tomber. » Elle se rassure ; « la prochaine fois, Cerbère tombera. » Elle persiste, et signe ; « la prochaine fois, le monde entier tombera. »
Bon, déjà, il faudrait qu’elle se relève et se débarrasse de l’attirail cabossé dans lequel elle était encore sanglée.

**

« Tu sais, Cerbère », dirait-elle plus tard, lorsqu’elles seraient rentrées au domaine et attablée devant un déjeuner reconstituant, « j’voudrais te remercier. De n’avoir pas retenu tes coups. »

Elle n’avait jamais fait la guerre. Trois batailles, des bagarres bien senties, un entraînement intensif, ça oui ; rouler sur le sol avec des couillons qui l’avaient bien cherché, ça très bien. Mais il lui manquait encore tant, alors que Samsa semblait avoir tout vécu déjà, et évoquait parfois ses campagnes et ses conquêtes avec une nonchalance surprenante. Gadrielle s’était mise à chérir chaque opportunité d’apprendre et se gorgeait bien volontiers de récit de bataille en trépignant d’impatience ; mais à mesure qu’elle vieillissait, apprenait également à tempérer sa fureur contre une attitude plus réfléchie.

Elle n’avait pas réalisé le poids de sa première joute sur ses épaules. Elle pouvait encore sentir comme la lance avait pesé dans sa main, et tiré sur son épaule, comme son dos et ses genoux avaient encaissés chaque coup et chaque chute, des coupures minimes au visage et aux poignets. Maintenant qu’elles étaient rentrées, elle se sentait curieusement vide, soudainement épuisée. L’adrénaline en se retirant à la manière d’une immense vague l’avait drainée de toute son énergie.

« Et merci aussi. De m’avoir laissée jouter. »

Elle avait déjà avoué comme c’était un de ses rêves de gosse, enfouis au fond d’un cœur gonflé de récits héroïques et de règles de bienséances. Avait-on jamais vu une gueuse menacer une baronne d’une lance au cours de joutes ou n'importe où ailleurs ? La conscience d’avoir transgressé un interdit conférait à son sourire des reflets complices, et badins. Elle était en confiance. Elle lui faisait confiance.

« On recommencera, dis ? J'ai une revanche à prendre. »

Et si vous respirez encore, vous faites partie des chanceux,
Car la plupart d'entre nous luttons avec des poumons corrompus,
Mettant le feu à nos intérieurs pour s'amuser,
Collectionnant les noms des amours qui ont mal tourné,
Les amours qui ont mal tourné,
Nous sommes les imprudents,
Nous sommes la jeunesse sauvage,
Pourchassant des visions de nos futurs
Un jour, nous révéleront la vérité.


_________________
Samsa
    "Aujourd'hui nous vivons, aujourd'hui nous respirons.
    Aujourd'hui nous avons conscience que nous sommes forts,
    Quand nous sommes faibles.
    Aujourd'hui nous faisons confiance, aujourd'hui nous l'emportons.
    Prenons toutes les chaines qui nous ont laissés esclaves
    Et jetons les."*



Samsa avait retrouvé sa tenue habituelle, cotte de maille sous chemise grise, dépourvue de plastron et de bouclier à son épaule gauche. Épée et gantelets restaient cependant et il n'y avait rien d'étonnant à cela. Attablées à une table qui semblait trop grande pour la vie plutôt solitaire de la Cerbère, les deux combattantes du jour se repaissaient de viande de chevreuil accompagnée de pois et de fèves. Quelques cubes de carottes pouvaient se trouver également, détail évident pour celle qui ne jurait que par cet aliment. La Baronne avait l'habitude de ne guère manger des plats élaborés, se contentant aisément de bouillie d'avoine, de pain et de maïs, denrées habituellement associés aux pauvres, mais en son domaine, elle appréciait un peu plus de diversité sans pour autant tomber dans le raffinement. De sa roture cependant, il reste sa façon de manger : le dos quelque peu courbé sur sa nourriture, les épaules rentrées, Cerbère a gardé cette attitude de protection envers sa pitance, celle que l'on gagne quand on mange en groupe et que la faim tiraille.
Ses petits yeux sombres se lèvent pour regarder la Combeferre assise en face d'elle, qui la remercie. Quel intérêt d'être assise en bout d'une table longue et sans de nombreux invités ?


-T'as la constitution d'une crevette pardi, mais celle de ta force intérieure, c'est celle d'une Lionne té.
Le corps, c'est rien pardi. Ce n'est qu'un outil pardi, comme un marteau té. Ce qui compte, c'est la force avec laquelle on l’abat sur l'enclume pardi. Tu m'aurais mise par terre si j'avais retenu mes coups pardi. Et je déteste manger la poussière té, surtout la première pardi.


Samsa lui sourit mais elle n'en pense pas moins. Gadrielle avait une stature moins carrée que celle de Cerbère mais leur détermination, leur courage et leur envie de vaincre étaient semblables. L'expérience seule avait permis de faire triompher la Baronne, l'expérience de la cavalerie bien sûr, mais aussi celle de l'humain, de ne pas se laisser attendrir par les plus petites constitutions lorsque leur âme était grande.

-On recommencera pardi, quand tu veux té !
Mais fais-moi plaisir pardi : pense à préserver un peu ma réputation si tu finis par gagner té.


Un sourire amusé vient prendre place sur les fines lèvres bordelaises. Il ne cachait rien, l'orgueil royal sincèrement apprivoisé par Gadrielle, prêt à perdre un jour parce que Samsa savait qu'elle avait rencontré quelqu'un à sa taille et qu'un jour, la Combeferre aurait acquis de l'expérience et plus de force physique quand celle de Cerbère déclinerait. Malgré ces différences données par la vie, Samsa avait l'intime conviction qu'elles étaient Égales.

Non de rang. Ou pas encore.
Non d'âge.
Non de constitution. Ou pas encore.
Non d'expérience.

Égales d'Âme.


* = paroles traduites de Skillet - Lions

_________________
See the RP information
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)