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[RP] Le Serpent et la Boulette

Eliette.masurier
La Rochelle, le dix-neuf janvier mille quatre-cent soixante-six.

    Elle s’avançait d’un pas enjoué sur la petite route caillouteuse joignant Niort et la Rochelle, à la recherche de quelques herbes médicinales pour atténuer ses maux de têtes. Après s’être promenée un peu partout ces deux dernières années, elle avait choisi de s’installer pendant un court moment dans le second village, décidant qu’il était temps de trouver ce qu’elle allait faire de sa vie. Pour le moment, ces objectifs n’allaient pas bien loin, ils se résumaient à travailler à la mine pour gagner sa pitance, ce qui n’était guère réjouissant, en grande partie parce qu’elle passait la majorité de ses soirées à tenter de dépoussiérer ses vêtements, qui commençaient sérieusement à montrer des signes de faiblesses.
    Elle aperçu un arbre qui se dressait fièrement à quelques mètres, et après l’avoir atteint, elle se laissa choir contre le tronc. Avec ses minuscules mains, elle retira ses chausses pour masser ses mollets et ses petits pieds. Une partie d’elle regrettait de s’être ainsi enfuie de son foyer familial, les traits de ses parents étaient déjà flous lorsqu’elle tentait de les imaginer, il ne lui restait encore que la magnifique odeur qui s’échappait de la fenêtre de la cuisine lorsqu’elle jouait dans le jardin, et encore, elle s’évaporait déjà, loin de sa mémoire. Levant les yeux, elle observa les alentours. Observer est un grand mot, car les herbes jouxtant le chemin étaient presque trop hautes pour elle lorsqu’elle était debout, alors assise comme elle l’était, elle ne risquait pas de voir grand-chose. Elle se dépêcha de remettre ses chausses et de remettre sur pied, ses iris vert d’eau tentant de discerner quelque chose à travers le rideau d’herbes. Il lui semblait qu’elle venait d’entre un bruit. L’oreille tendue, elle attendit que cela se reproduise, mais seuls les sons habituels de la nature lui répondirent. Elle attrapa la natte rousse qui pendouillait sur son épaule et la balança d’un geste rapide dans son dos avant de se figer de nouveau. Cette fois, elle n’avait aucun doute, une brindille venait de craquer sous le poids de quelque chose. Ou de quelqu’un. Son cœur battant fort dans sa poitrine, elle réajusta sa petite chemise élimée et attrapa avec ses petits doigts le coutelât qui était accroché à sa ceinture, les sourcils froncés et les yeux rivés sur les herbes qui l’entouraient. Lorsque des voix masculines parvinrent jusqu’à elle, elle avala sa salive et se remit à marcher en direction de la Rochelle, le plus rapidement possible, ce qui ne signifiait pas grand-chose vu la longueur de ses pas.
    Elle entendit un rire rauque sur sa droite, bien trop proche à son goût, et vit du coin de l’œil les herbes s’écarter sur le passage d’un homme. Avec un soupir, elle regarda autour d’elle. Le village n’était pas encore visible, autour d’elle, il n’y avait que ce chemin et les herbes qui l’entouraient. Son cerveau s’activa, tendant d’ignorer l’organe qui allait sûrement faire éclater sa cage thoracique s’il continuait à tambouriner comme il le faisait. Finalement, elle se tourna lentement vers l’homme qui lui faisait face, et qui l’observait en silence depuis qu’il avait mis le pied sur le sol poussiéreux.


— Alors, ma p’tite dame, on s’est perdue ?
— Je vous remercie de vous inquiéter de ma situation, sieur


    Elle avait répondu avec un grand sourire accroché à ses lèvres parce qu'elle venait de voir quelques épis de blé accrochés aux braies de l'homme. Il fronça les sourcils en baissant un peu plus les yeux sur elle, et elle sentit presque des mains invisibles tapoter ses poches à la recherche de quelques trésors pendant qu’il la dévisageait avec force. Elle se demandait encore comment elle allait faire pour se sortir de se guêpier lorsque des voix retentirent dans son dos et pesta intérieurement contre sa bêtise. Forcément, l’homme n’était pas seul, il voyageait en meute. Lorsque le reste de son groupe quitta les herbes, elle abandonna son immobilité morbide et fonça sur ses petites jambes, surprenant tout le monde. L’homme face à elle se pencha pour l’attraper, mais elle se faufila entre ses jambes écartées en arrondissant le dos, se précipitant dans les hautes herbes, en espérant de tout son petit cœur que le champ de blé qu’il avait traversé se trouvait dans cette direction.
    Elle ne le vit pas avant d’être entourée des grandes tiges beiges, et lorsqu’elle s’en rendit compte, elle continua de courir. Elle entendait les grandes enjambées des hommes derrières elle, et se sentait prête à céder à la panique lorsque son pied rencontra un caillou. Elle s’étala de tout son long sur la terre meuble du champ et perdit connaissance alors que sa tête heurtait un petit rocher.

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    Ysera_
      La tombée du jour. Je quitte Niort à dos d’un étalon musclé dont je talonne violemment les flancs pour ne pas perdre de temps. Sombre est la forêt, sombres et impressionnants sont les arbres effeuillés paraissant presque des monstres de rêves au sol. Mes Rouquines au vent, je scrute l’étendue de mes azurées de verre. Le vent est fort, il souffle, il siffle. Il fait froid mais je ne sens rien. Ma respiration est courte. De mes lippes charnues et rosées s’échappent les danseuses brumeuses à chaque expiration. Mes mains, gantées de noirceur, viennent resserrer la bride de l’animal affolé. Il n’a pas le choix, il fera ce que je veux. Un coup, deux coups, trois coups et le galop ; File.


      Je pense à la Rousse. Je pense à l’exquise dont la chair et l’âme sont d’un art délicieux. Sa voix, musique à mes oreilles. Ses lèvres, un péché pour une goutteuse mortelle. Elle me fascine. Mes tempes frappent et je l’imagine. Sous mes doigts, mes habiles dessinant ses courbes, mes charnues dégustant sa peau partie après partie. Maudite Goupil, maudite Renarde. Si je l’avais su j’aurais tranché ma gorge aussitôt. Je pense trop, beaucoup trop et je soupire car je suis seule, trop seule. Dana n’est parfois pas là lorsqu’il le faut, Dana n’est plus revenue depuis la boutique, mon double est là mais silencieux, un silence de mort ; Ah simples mortels comme je vous envie.


      Une branche accroche ma joue. Le carmin caresse mon Ivoire en douceur alors que je ne prends pas le temps de m’arrêter. Revers de manche. Je m’essuie sans un mot. J’ai mal. Personne ne le sait. Personne ne le saura jamais. Je suis comme ça, une pierre, un cimetière, non, une fosse commune. J’entends un bruit, mes oreilles se dressent à la manière de celles d’un loup, d’un prédateur. Tout est flou. Des voix, lointaines. Je m’arrête un instant et j’écoute, je scrute. Je ne vois rien. J’attends. Le silence s’installe, j’avance à pas de loup, je reste prudente. Rien, absolument rien. Je rejoins la route, des traces. Je me baisse pour caresser le sol. Tout est frais. Je continue. Un champ de blé, des pousses cassées, je m’aventure. Je suis, je cherche. Ils sont près, tout près. Je place mes cinq sur le manche de ma tranchante, je suis prête, j’attends pour agir. Ils ne me voient pas, tant mieux. Je me terre, légère. D’un bond, d’un seul j’assomme le premier, tranche la gorge de l’autre mais pourquoi ; Débarrassée.


      Anormal, oui c’est anormal, un autre parfum caresse mes narines. Je m’approche en douceur, méfiante. Un pas devant l’autre. Surprise. Oui surprise. Elle est là, minuscule. Je me penche. Petite chose fragile à dû sombrer dans l’Infini des Morts. Parfais, elle me servira, j’ai à faire. Je tends les bras pour la saisir, je la retourne sur le dos, j’ai envie de l’ouvrir là sur le champ, récupérer ce qu’il me faut. Tout son intérieur pourrait pourrir bien trop vite et ce serait dommage. Dommage de perdre de la jeune viande bien graisseuse. Je la saigne ? Oui, non. Je ne sais pas. Je veux la transporter, j’essaie de la soulever ; Trop lourde.


      - Foutredieu, en plus d’être grosse et grasse, tu es lourde !

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    Eliette.masurier
      Le sang battait dans ses tempes comme un tambour de guerre, elle garda les yeux fermés pendant quelques minutes à cause de la douleur, tentant de se remémorer ce qu’il venait de se passer. Un gémissement franchit ses lèvres alors qu’elle se souvenait qu’elle était en train de fuir des hommes avant de tomber, en grimaçant, elle se maudit immédiatement d’avoir laissé échapper un son alors qu’ils étaient peut-être encore dans les parages. Lentement, elle souleva une de ses paupières pour jeter un œil aux alentours, refermant vite son œil en apercevant une silhouette penchée sur elle. Pendant qu’elle faisait semblant d’être encore évanouie, elle analysa la situation, tentant d’ignorer qu’on la trainait sur le sol, ce qui était loin d’être aisé. La personne qui la tirait avait les doigts serrés autour d’une de ses chevilles, elle ne s’en était pas aperçu tout de suite à cause de l’épaisseur du cuir de ses chausses, toutefois, elle semblait seule. Eliette se retint au dernier moment de froncer les sourcils tandis qu’elle se disait cela, étonnée qu’il n’y ait aucun des autres hommes qui l’avaient attaquée, avant qu’une légère odeur n’atteigne ses narines. Une fragrance douce et sucrée qu’aucun individu de sexe masculin n’oserait s’asperger sous peine de perdre immédiatement toute virilité auprès de la gente féminine.

      Elle entrouvrit légèrement les yeux. Ce n’était donc pas un homme, mais bel et bien une femme qui s’échinait à la trimbaler sur le sol, maculant sans doute de terre sa seule et unique chemise. A l’idée que le tissu blanc soit maculé de boue elle ne put s’empêcher de lâcher une grimace qui déforma ses épaisses lèvres et son visage rond et joufflu devint cramoisi. Elle n’avait même pas encore une bourse suffisamment remplie pour s’offrir deux repas, et voilà qu’elle allait devoir se rendre au marché pour se procurer une nouvelle chemise ! Encore heureux qu’elle soit petite et que les hauts vendus en ville soient suffisamment grands et larges pour lui servir de robe, sans quoi, elle aurait dû choisir entre manger ou être habillée pendant les prochains jours. Elle décida que, peu importait l’identité de la bonne femme, elle lui devrait une nouvelle chemise. Elle croisa ses petits bras sur sa poitrine opulente et attendit que la femme lève les yeux ailleurs que sur son pied, qu’elle n’avait toujours pas lâché, et en profita pour l’observer. Visiblement, elle appréciait les ombres, chausses, braies, gants, corsage et houppelande, chacun de ses vêtements était teint en noir, l’unique touche de couleur provenait des mèches ondulées, d’un roux bien plus vif que les siennes. Si ce n’est cette teinte colorée, Eliette et cette femme n’avaient rien en commun. Même ainsi, allongée dos au sol, l’adolescente pouvait voir que cette femme mesurait bien trente centimètres de plus qu’elle, et qu’en prime, elle était mince, elle.

    Foutredieu, en plus d’être grosse et grasse, tu es lourde !


      Eliette ressentit un petit pincement au creux de sa poitrine en entendant cette voix dure lui rappeler sa dure réalité. Elle se rasséréna en se disant que la femme devait tout de même peser bien plus lourd qu’elle, mais cela n’empêcha pas ses yeux verts de devenir humide. Elle renifla légèrement en fermant les yeux et se dépêcha d’essuyer la perle transparente qui s’était mise à couler le long de sa joue rebondie. Son geste avait dû enfin attirer l’attention de la femme, il était peut-être temps qu’elle parle si elle voulait comprendre ce qu'il se passait.


    Mais bon sang, que faites-vous ?

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    Ysera_
    - Mais bon sang, que faites-vous ?


      Fichtre !

      Enfin pour elle pas pour moi. Je lance mon regard perçant dans sa direction et fronce de peu les sourcils. Je m’approche de sa petite voix. Près de son visage je la sens, je la renifle. Je passe mes mains dans ses cheveux. Elle est minuscule, au moins la taille d’un enfant, la taille de ma fille Mordred tout au plus. Elle n’est ni moche, ni belle. Agréable à regarder et ses grands yeux verts donne à sa bouille rondouillarde un air d’infériorité intellectuelle. Peut-être est-elle loin d’être bête, peut-être pas. Ses cheveux longs indécis entre le blond et le roux, qui, de base devaient être bien brossés et coiffés, ne sont maintenant qu’un tas de nœuds sales. Enfin comme tout le reste d’ailleurs ; Oui je me moque.


      Je fini de la tirer hors du champ. Je relâche ses pieds lourdement. Je les laisse s’écraser au sol. Nous sommes en bord de chemin. Je m’écarte un peu et je prends appui contre une grosse pierre avant de sortir une pomme de ma besace que je découpe pour la manger. Je la regarde. J’ai un malin plaisir à l’observer pendant que moi, je mange. Je souris légèrement en coin. Oui je suis méchante, non je ne suis pas là pour lui venir en aide et je compte bien l’embarquer d’une manière ou d’une autre même si c’est de la force qu’il faut user. Je l’observe. Ses yeux paraissent humides. Je le sais elle est blessée. Je m’en fiche je continue mon casse-croute sans la lâcher des azurées ; Petite chose.


    - Ce que je fais ? Mais ce qui doit être fait comme toujours. Je l’observe, impassible.


      Je vais finir ma phrase mais l’on m’en empêche subitement et je ressens une immense douleur dans ma poitrine, comme un coup de fouet.


    - Alors ? Tu ne sais plus comment trancher une gorge Ysera ? C’est étrange. Rire cristallin.


    - Cesse dont de toujours trop parler Dana. T’as langue est aussi sournoise et vile que la mienne ! Grognement guttural.


    - Oh mais c’est que la grande fille de son Maître serait prête à mordre maintenant ?
    Sourire radieux


    - Tu vas le payer chienne !


      Je serre ma dague entre mes mains et l’enfonce dans mon épaule gauche. Deux gémissements bien distincts se font entendre suivis de grognements et d’insultes aussi perçantes que viles. Mon regard est noir. Je retire la dague non sans serrer les dents. Je ne peux plus bouger mon bras. Je saigne. Abondamment. Même mes doigts ne répondent plus. Exprès ou non je suis allée loin.

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    Eliette.masurier
      Eliette puisait au fond de son être une force qu’elle ignorait posséder pour rester immobile lorsque la rousse s’approcha d’elle et frôla la peau de son visage avec son nez. La main gantée accrocha une mèche plus bouclée que les autres lorsqu’elle glissa dans la chevelure folle de la petite. Elle fronçait les sourcils en regardant la perche qui l’observait comme si elle était un animal de foire. De ça, Eliette ne s’en offusqua guère, lorsqu’on mesure un mètre vingt-huit, on prend vite l’habitude d’être regardé ainsi, ce qu’elle appréciait moins, c’est qu’on la regarde de haut, et ça, elle ne pouvait guère l’en empêcher, après tout, il n’existait pas vraiment grand monde dépassant les dix ans qui fasse sa taille.

      Finalement, la grande cessa de la tirer à travers le champ, Eliette lâcha une nouvelle grimace lorsque son pied heurta le sol car elle ne s’y attendait pas. Elle se dépêcha de s’assoir et massa son talon et fit de son mieux pour ignorer les élancements douloureux qui remontaient jusqu’à mi- mollet. Elle profita de l’éloignement de la femme pour observer l’état de sa tenue. Ses chausses étaient couvertes de terre, mais ce n’était pas très grave, si elle les nettoyait suffisamment vite il n’en resterait presque aucune trace, malheureusement, elle ne pouvait penser de même vis-à-vis de sa robe. Le tissu lui arrivait presque aux chevilles, autrefois blanc, il était désormais maculé d’une boue humide, sa ceinture en laine s’était déchirée à cause frottement contre le sol et pendouillait lâchement contre sa cuisse gauche. Elle était trempée de la tête aux pieds, le tissu collait à sa peau et montrait ses formes voluptueuses bien plus qu’elle n’aurait jamais osé les montrer. Elle porta une main sur ses cheveux, et en les sentant tout emmêlés et crissant sous ses doigts, elle marmonna un juron. Une goutte de boue sale glissait sur son front, elle voulut l’essuyer et l’étala sans le vouloir.

      En bougonnant, elle essaya d’écarter un peu le tissu de sa peau, sans grand succès car il s’y recollait dès qu’elle le lâchait. Une légère brise la faisait méchamment grelotter, c’était un coup à tomber salement malade. Abandonnant toute idée de se rendre plus présentable dans l’immédiat, elle croisa les bras sur sa poitrine et se les frotta dans l’espoir de se réchauffer un peu. Elle leva les yeux sur celle qui l’avait sauvée d’une attaque de brigands, et vit qu’elle était observée. La femme arborait un sourire moqueur, comme si Eliette ne se sentait pas suffisamment embarrassée. Elle allait lancer une remarque acerbe mais s’arrêta net en entendant la grande parler. Son étonnement alla en s’agrandissant lorsqu’elle comprit que la femme entretenait un dialogue sans aucun sens avec elle-même, changeant d’expression et de ton comme de chemise. Eliette recula d’un pas, tentant d’ordonner les milles et une pensées qui filaient à toute vitesse dans son esprit. Cette femme semblait folle. Complètement folle. Mais peut être était-ce une tare familiale ? Ou pire…le démon était-il venu la posséder ? Eliette s’éloigna encore un peu à cette idée, une lueur de peur brillant dans ses yeux verts. Le Très-Haut lui pardonnerait sans doute d’avoir croisé la route de cette femme si elle se dépêchait de partir. Cela dit…Non, elle ne devait pas penser à pareille chose, ce n’était pas son rôle.

      Elle sursauta et, les yeux ronds comme des soucoupes, elle vit la femme se mutiler sauvagement. Sans réfléchir, Eliette s’approcha immédiatement d’elle et, après avoir grimpé sur une pierre se trouvant à côté, elle se pencha sur l’épaule blessée sans même accorder un regard au visage qui lui faisait face. La lame avait pénétré profond dans la chair, et le sang coulait si abondamment qu’elle ne voyait rien. Sans prononcer un mot, elle attrapa un bout de la houppelande noire et la déchira avant de tapoter l’épaule avec le tissu, sans prendre en considération la douleur qu’elle pouvait infliger en faisant cela. Enfin, elle pouvait voir un peu mieux la plaie. Elle grimaça.

      Vous avez touché un tendon, je crois, Dame. Je peux réparer un peu les dégâts en attendant que vous alliez voir un véritable guérisseur, mais c’est tout…

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    Ysera_
      Elle déchire ma houppelande, je grogne. Elle me touche, je grogne et je m’approche nerveusement. Le regard noir. Je ressens l’envie de la tuer. Ou la douleur est trop insupportable. Je l’écoute parler mais sa voix est floue, légèrement. J’essaie de bouger mon bras, mes doigts. Impossible. Je secoue la tête doucement, je suis sonnée par là douleur. Nouveau grognement. Je me redresse. Je la regarde. Elle est gentille ; Je suis surprise.


    - Pas besoin !


      Mais je la laisse faire. Étonnant. Je tire ma bourse et j’en sors du fil et une aiguille que je jette à ses pieds. Je n’ai plus de force, je suis vidée. Ma respiration est dure, la douleur irradie tout mon corps. Je tousse, un peu, beaucoup, je serre les dents. Je me tourne un peu pour qu’elle ait une meilleure vue mais je grimace. Foutue idée. Je ne regrette pas, Dana est partie, enfin. Je suis en paix. Mes mèches ont glissé sur ma plaie, mes Rouquines sont teintées de carmin profond et elles collent entre elles. Je pose ma main valide sur mon épaule pour la serrer. Mon azurée tâte le visage de la naine alors qu’une perle de sueur roule sur mon front, ma joue, ma mâchoire et tombe pour mourir entre ma poitrine. Je la laisse opérer. Elle est douce dans ses gestes mais je reste méfiante. Premiers grognement lors des premiers coups d’aiguille. Je sens le fil glisser à l’intérieur de ma chair. Mon poing se serre. Merde. Il fait froid, l’air que j’expire d’entre mes lèvres se transforme en fumée ardente et dansante. Mes lèvres d’habitude si roses caressent les teintes violacées. Je suis entrain de mourir. Je crois. Ou pas. La mielleuse termine son œuvre, je respire ; Soulagement.


    - Je refuse de rester ici ! Emmènes-moi à la Cour des Miracles sans tarder !





    [Trois jours plus tard, Cour des Miracles, nuit noire]



      Je suis assise sur la scelle du canasson. Mon souffle est court, la blessure plus douloureuse encore. Je tiens à peine la bride de l’animal. Ma tête tourne. Mon Ivoire a perdu tout son éclat. Je pense à la Renarde, je voudrais tant la revoir avant de succomber à ma bêtise. Les rues sont sombres, les rues sont froides. Un silence de mort habite la Cour, rien de nouveau à la première fois que j’ai serpenté les recoins de la ville des fous. Je regarde Eliette de mon œil incertain. Je me sens défaillir. Des pas. Je tends l’oreille mais je ne saisi presque rien. Je suffoque presque et je redresse la tête. Ma vue sur brouille avant que dans un dernier effort je tombe de la bête dans un bruit sourd ; Le noir.

    _________________
    Owenra
    [Cour des Miracles, donc, en balade nocturne]

      Renarde déambule sans réel but dans les rues pavées de la Cour. Mains croisées dans le dos, lui-même droit, talons martelant le parvis comme de coutume, tête haute et à découvert. Elle se voit tout de même parfois interrompue dans ses errances quand la toux la prend. Violente. Imprévisible. Inarrêtable. Sanglante. Dans ces moments-là, les mains se délient et cherchent un appui quelconque, mur, tonneau, parfois pierre, il y a tant de possibilité pour offrir le soutien désiré par un corps malade, que l'Owen' n'a que l'embarras du choix. Quelle chance pour elle d'être ainsi réduite à un état aussi misérable, après tout, il n'est jamais trop tard pour apprendre la modestie. Réduite à l'état de mourante dans ces courts moments, elle ne peut qu'être face à la réalité de sa piètre condition. Il fut un temps où elle était belle. Où ses joues et ses orbites n'étaient pas creusées, marquées par l'anorexie et l'insomnie. Où la peau de sa gorge ne laissait la vision ni des clavicules, ni des côtes trop pointues. Où sa poitrine remplissait la paume de qui en prenait possession et n'était alors pas aussi timide. Où sa peau diaphane de rousse, donnait l'appétit et n'était pas aussi grise. Où sa voix douce et suave charmait pour peu qu'on puisse l'entendre. Vois Owen', contemple ton passé. Fais le deuil de celle que tu étais. Regarde-toi maintenant, incapable de rester une demi-journée sans courber l'échine sous la puissance de la Mort qui chaque jour s'approche un peu plus de ton pauvre cadavre en sursis.

      Elle en est là, dans ses divagations qui sont traduites par la route fortement hasardeuse qu'elle suit dans son quartier. Les lippes régulièrement souillées d'hémoglobine qu'elle essuie avec minutie à l'aide de son poignet. Elle crache un glaire sanglant sur le sol avant de reprendre sa route. Silencieuse. Discrète. Seuls bruits venant troubler la nuit : ceux des talons de ses bottes qui se plantent sur le sol pour donner l'impulsion voulue. Ceux-ci et puis... Ceux plus fort et clinquants ressemblant fort au martèlement d'un haut quadrupède dans la servitude de l'humain qui l'utilise à des fins martiales, ou en tant qu'outil de travail, ou bien pour quelques déplacements. Peut-être même au nombre de deux quadrupèdes. Un instant, l'Azur pense à la jument qu'elle eut volée sur un champ de bataille, il y a maintenant une dizaine d'années.
      La pauvre bête n'a pas eu une vie aisée, toujours sur la route, pour autant, l'Owen' en a pris soin indéfiniment, jusqu'à sa mort, il y a quelques mois. La tristesse avait étreint le cœur froid qui ne pensait pourtant pas être attaché un cet herbivore. Alors seulement, elle avait compris que la jument représentait toute une vie oubliée depuis longtemps par la Malade : une vie de femme auprès d'un homme aimé.

      Sans qu'elle n'y prête gare, ses pas la mènent jusqu'aux destriers responsables de cette remontée intempestive de souvenirs. Il lui faut un certain moment pour en sortir, juste le temps de se retrouver nez à nasaux avec l'un des herbivores. Perplexe, les pupilles affûtées remontent le long de la trogne de l'animal jusqu'à croiser son regard exprimant un étonnement sans faille. Sans doute n'imaginait-il pas tomber sur un bout de femme aussi frêle qu'une brindille en ces lieux et qui ne se soit pas annoncée de surcroît. En douceur, l'Owen' attrape la bride du mammifère d'une main gantée, l'autre se pose entre les nasaux alors qu'elle se met à parler :


    Eh bien, eh bien... Jolies bêtes que voilà. Que nous rapportez-vous ici-bas?

      Le sourire en coin narquois s'invite sur les babines charnues de la Renarde quand, enfin, elle daigne porter son intérêt sur les individus montés sur les selles des sabotés. Un sourcil roux s'arque quand les iris vertes pâles effleurent la silhouette épaisse, très épaisse et aussi très petite de l'une des cavalières. Une naine. Elle ne peut distinguer plus par manque de lumière, sans nul doute qu'elle se fera un plaisir de constater le physique étrange plus tard. Dans une mimique familiale, la tête se penche sur l'épaule et la langue claque contre le palais quand la voix rauque reprend, d'un air moqueur :


    Quel charmant cadeau qu'une naine fasse son entrée en la Cour. Sois la bienvenue, très chère.

      Un léger ricanement s'en suit pendant que le corps malingre pivote pour laisser aux miroirs de l'âme, la possibilité de constater l'absence de corps sur la selle du destrier tenu par l'Owen'. Alors la tête se penche sur l'autre épaule jouant ainsi au balancier. Enfin, elle se décide à porter son regard sur le sol où elle discerne une forme. Lâchant la bride, ses pas la guident jusqu'à ce qu'elle imagine déjà comme un mort. Elle s'accroupit et tâte du bout des doigts histoire de jauger l'état du cadavre. Elle sent un liquide poisseux sur ses doigts et envisage sans peine de ce qu'il en retourne. Nouveau ricanement quand elle s'adresse à la naine qui a sans doute réagit à l'intrusion de la Renarde sur le devant de la scène :


    Dis-donc,si tu veux faire disparaître un corps, ce n'est pas dans la rue qu'il faut le laisser.

      Renarde retourne le corps, cherche à voir le visage qu'elle attrape entre ses deux mains pour l'orienter vers une source même infime de lumière. Alors elle penche à nouveau la tête sur le côté quand les mirettes embrassent les traits du visage. Elle reconnait celle qu'elle a deviné comme étant une sorcière. Elle se souvient de leur rencontre à l'Opium et pince les lèvres. Elle ignore ce qui lui arrive, mais elle sait que si la jeune rousse est mal en point et qu'elle y passe, c'est une potentielle alliée du Clan qui crève. Alors elle grogne en soupirant :


    Bordel...

      La moue contrariée, elle attrape la dame-au-crapaud à bras-le-corps, prend une bonne inspiration et la hisse en soufflant et pestant sur le dos du cheval. Hors de question pour elle de la porter jusqu'au Clan, elle a déjà épuisé ses maigres forces dans cet effort, en témoigne l'essoufflement important dont elle fait preuve. Cependant, elle prend le temps de s'essuyer le front avant de grimper sur la bête et de maintenir la sorcière en travers du destrier. Il est vrai que l'installer plus confortablement demanderait trop d'acharnement pour la Renarde Galeuse qui n'a pas tant d'énergie que ça à gaspiller. Une main prend possession de la bride, l'autre des vêtements dans le dos de l'inconsciente. D'une voix sèche qui ne souffre aucune objection, elle s'adresse à la comparse de la presque-morte :


    Suis-moi, j'vais voir c'qu'on peut faire.

      Et les mollets pressent les flancs de la monture pour reprendre la route direction rue Montorgueil sur une cadence plus rapide que le pas et pourtant moins que le trot, faudrait pas perdre le paquet en route.



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    (Possibilité pour les perso's de plus de 30 ans de reconnaître l'Owen' au moyen de son BG de catin, ne pas hésiter à MP si l'envie vous guette)
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