Eliette.masurier
La Rochelle, le dix-neuf janvier mille quatre-cent soixante-six.
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- Elle savançait dun pas enjoué sur la petite route caillouteuse joignant Niort et la Rochelle, à la recherche de quelques herbes médicinales pour atténuer ses maux de têtes. Après sêtre promenée un peu partout ces deux dernières années, elle avait choisi de sinstaller pendant un court moment dans le second village, décidant quil était temps de trouver ce quelle allait faire de sa vie. Pour le moment, ces objectifs nallaient pas bien loin, ils se résumaient à travailler à la mine pour gagner sa pitance, ce qui nétait guère réjouissant, en grande partie parce quelle passait la majorité de ses soirées à tenter de dépoussiérer ses vêtements, qui commençaient sérieusement à montrer des signes de faiblesses.
Elle aperçu un arbre qui se dressait fièrement à quelques mètres, et après lavoir atteint, elle se laissa choir contre le tronc. Avec ses minuscules mains, elle retira ses chausses pour masser ses mollets et ses petits pieds. Une partie delle regrettait de sêtre ainsi enfuie de son foyer familial, les traits de ses parents étaient déjà flous lorsquelle tentait de les imaginer, il ne lui restait encore que la magnifique odeur qui séchappait de la fenêtre de la cuisine lorsquelle jouait dans le jardin, et encore, elle sévaporait déjà, loin de sa mémoire. Levant les yeux, elle observa les alentours. Observer est un grand mot, car les herbes jouxtant le chemin étaient presque trop hautes pour elle lorsquelle était debout, alors assise comme elle létait, elle ne risquait pas de voir grand-chose. Elle se dépêcha de remettre ses chausses et de remettre sur pied, ses iris vert deau tentant de discerner quelque chose à travers le rideau dherbes. Il lui semblait quelle venait dentre un bruit. Loreille tendue, elle attendit que cela se reproduise, mais seuls les sons habituels de la nature lui répondirent. Elle attrapa la natte rousse qui pendouillait sur son épaule et la balança dun geste rapide dans son dos avant de se figer de nouveau. Cette fois, elle navait aucun doute, une brindille venait de craquer sous le poids de quelque chose. Ou de quelquun. Son cur battant fort dans sa poitrine, elle réajusta sa petite chemise élimée et attrapa avec ses petits doigts le coutelât qui était accroché à sa ceinture, les sourcils froncés et les yeux rivés sur les herbes qui lentouraient. Lorsque des voix masculines parvinrent jusquà elle, elle avala sa salive et se remit à marcher en direction de la Rochelle, le plus rapidement possible, ce qui ne signifiait pas grand-chose vu la longueur de ses pas.
Elle entendit un rire rauque sur sa droite, bien trop proche à son goût, et vit du coin de lil les herbes sécarter sur le passage dun homme. Avec un soupir, elle regarda autour delle. Le village nétait pas encore visible, autour delle, il ny avait que ce chemin et les herbes qui lentouraient. Son cerveau sactiva, tendant dignorer lorgane qui allait sûrement faire éclater sa cage thoracique sil continuait à tambouriner comme il le faisait. Finalement, elle se tourna lentement vers lhomme qui lui faisait face, et qui lobservait en silence depuis quil avait mis le pied sur le sol poussiéreux.
Alors, ma ptite dame, on sest perdue ?
Je vous remercie de vous inquiéter de ma situation, sieur
Je vous remercie de vous inquiéter de ma situation, sieur
- Elle avait répondu avec un grand sourire accroché à ses lèvres parce qu'elle venait de voir quelques épis de blé accrochés aux braies de l'homme. Il fronça les sourcils en baissant un peu plus les yeux sur elle, et elle sentit presque des mains invisibles tapoter ses poches à la recherche de quelques trésors pendant quil la dévisageait avec force. Elle se demandait encore comment elle allait faire pour se sortir de se guêpier lorsque des voix retentirent dans son dos et pesta intérieurement contre sa bêtise. Forcément, lhomme nétait pas seul, il voyageait en meute. Lorsque le reste de son groupe quitta les herbes, elle abandonna son immobilité morbide et fonça sur ses petites jambes, surprenant tout le monde. Lhomme face à elle se pencha pour lattraper, mais elle se faufila entre ses jambes écartées en arrondissant le dos, se précipitant dans les hautes herbes, en espérant de tout son petit cur que le champ de blé quil avait traversé se trouvait dans cette direction.
Elle ne le vit pas avant dêtre entourée des grandes tiges beiges, et lorsquelle sen rendit compte, elle continua de courir. Elle entendait les grandes enjambées des hommes derrières elle, et se sentait prête à céder à la panique lorsque son pied rencontra un caillou. Elle sétala de tout son long sur la terre meuble du champ et perdit connaissance alors que sa tête heurtait un petit rocher.
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