Ysera_
- Je ne vois rien, tout ce que je sais cest que je souffre. Mon souffle, sil est, encore faible peine à être extirpé de ma cage thoracique. Chaque mouvement volontaire ou involontaire me fait gémir ou même grogner. Le sol est froid, gelé même et sa dureté me fait mal aux os, mal à lêtre, mal tout simplement. Mon bras. Jai limpression quon me le découpe petit à petit avec une lame mal aiguisée, quon tranche ma peau avec un plaisir inimaginable, quon brise ses parties à coups de bâtons. Je veux parler mais ce nest quun sifflement qui séchappe même si mes lèvres remuent mais rien. Sorcière ne parle pas, Sorcière passera certainement de vie à trépas et alors ce sera une fin bien mal écrite que celle-ci.
Jentends des bruits de pas. Eliette ? Non, la Boulette ferait un bruit bien plus sourd malgré sa petite taille. Les sabots des chevaux tapent le sol. Ils ne sont pas stressés mais surpris par le bruit fin dune irruption inattendue. Un Parfum. Il est ocre, son hôte est très certainement mal en point. La brise me rapporte la fragrance, je veux sourire mais je ne peux pas. Je peux la reconnaître entre milles. Toutes rousses elles peuvent être mais pour moi il ny en a quune, unique, la seule. Mon azuré lourd de douleur se glisse un instant sur elle bien quelle ne puisse le remarquer. Je me délecte de sa joute verbale envers la naine. Cette voix. Pure mélodie, enchantement rocailleux. La Renarde est grande, longue, fine et sa beauté est inégalable. Je ne peux rêver mieux. Je sais quelle pourrait me laisser crever là comme un vulgaire animal. Je pense néanmoins que ce soir-là jai une bonne étoile, je ne sais pas. LAzur me fait frissonner. Mon front est chaud, encore plus chaud. Elle est proche, si proche et moi incapable de me saisir de cette fleur damnée. Mon esprit se perd alors quelle pose ses mains, son doigté sur mon Ivoire de glace. Ô douce fée, Muse des chants éternels ne me quitte pas, je ne demande quà te saisir, tembraser du feu le plus ardent. Ma gorge se serre. Je ne demande quinstant, un instant avec elle avant de méloigner vers les Terres Damnées.
Je sombre un peu plus. Je gémis lorsque l'on me ballotte. Je la sens me saisir, me soulever à bout de force. Elle le fait, elle y arrive. Renarde, Cauchemar de mes nuits contre moi appuyée donne le pas de la marche équestre. Je nai jamais peur pourtant elle me terrorise. Le peu de gens dans les rues chuchote à notre passage, les fous et les maudits parlent sans cesse. Jai limpression que ma tête va exploser. Elle bout comme leau sur le feu, mes oreilles sifflent si fort. Je veux mourir certes mais pas tout de suite, je veux dabord dessiner chaque trait de la Goupil dans les moindres détails de sa perfection. Pour certains elle nest quune rousse de plus, pour moi elle est un Joyau dune valeur inestimable. Elle est troublante, enivrante, goutue, aimable et détestable. Elle est tout, tout et rien à la fois. Jenrage de sentir mon cur frapper par moment dans ma poitrine, je ne comprends pas ce quil marrive et pourtant une part de moi voudrait se laisser envahir par le Tout alors que lautre est dans le dégoût, le rejet le plus total dune simple impression. Je ne veux pas, je ne peux pas. Ma rage est grande. Je me crispe dans un grognement.
Les quadrupèdes font halte. Aucun mot mais je sens quon me tire avec peine de mon perchoir. Je heurte le sol un peu brusquement. Bordel mais sont-ils tous aussi brusques et idiots. Je sens à nouveau le parfum de la Rusée, sa voix lointaine, musique troublée. Je ne sais ou lon memmène mais le chemin pédestre dure, un peu, beaucoup. Jentends encore faiblement les sabots des chevaux claquer au sol. Le bruit est sourd, sûrement une cour. La chaleur menvahi, les portes souvrent puis claquent. Renarde parle mais avec qui. Derrière, la petite Eliette, de ses courtes jambes elle suit pourtant la cadence. Je ne sais pas, je ne sais plus si lon me tire ou lon me porte, jai tellement mal. Dans un ultime effort je parviens à dresser ma dextre pour me saisir du tissu qui habille lAzur, enfin je crois, qui sait, pas moi. Mon bras retombe.
On me dépose quelque part. Cest dur, cest froid. De petits doigts sactivent, les choses passent de mains à mains mais je ne peux voir qui ou quoi. On arrache mes bandages, on déchire ma houppelande. Je hurle cette fois tant la douleur est intense. Mon corps se courbe, ma colonne craque dans un bruit sec, ma mâchoire se ferme dans un coup de dents bruyant. Mon front brûle de plus en plus. La plaie de mon épaule purulente est infectée, lodeur est plus que nauséabonde et le liquide coule de toutes parts. Je suis à vif, de corps, de sang. Je tremble, jai froid. Ma tête est lourde, mon corps se détend à nouveau bien quil soit un bûcher aux flammes les plus violentes fouettant lIvoire de mon être comme lon fouette pour punition. Même le Sans-Nom nose pas sapprocher de ce brasier. Il guette, lointain mais il rit, il rit à men percer les tympans. Mon poing se serre, mes larmes coulent. Je ne suis plus maître de rien, encore moins de mes pensées. Je suis en perdition, on me pousse dans les Enfers petit à petit et je traîne des pieds. Je voudrai que tout sarrête en un instant, je respire à peine et pourtant je suis encore là, entière. Pour linstant. Mes lippes sentre-ouvrent bien que rien de distinct ne prenne le chemin des esgourdes voisines.
Jinspire, jexpire dun rythme saccadé, essoufflé, stressé. Dans ma bouche, un gout acre et amer qui fini par glisser entre mes parois gutturales. Une glaire vient de même métouffer avant que je ne tousse et que le tout éclabousse. A cet instant je sens quelque chose ou quelquun se pencher sur moi ; Morrgana. Elle chuchote à mon oreille des mots doux, rassurants. Elle me chante une berceuse. Il est venu le temps de la Banshee, le temps de la Dame aux Pleurs, le temps des corps qui se meurent.
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