Afficher le menu
Information and comments (0)
<<   <   1, 2   >>

[RP] Ville fantôme

Sabaude
"N’ai-je pas neuf vies ?"
"Je rentre. "


Deux phrases, courtes. Une économie de mots qui se répercuta d’écho en écho dans l’âme de Sabaude.

Claquent les becs des oies, jasent et caquettent les cuisinières, se dérobe le furet, ragaillardit la neige.
Dans la flaque une patte se pose avec retenue tandis que quatre autres se jettent avec impétuosité, sautent et éclaboussent.

S’il devait subsister quelques doutes dans l’esprit de l’alençonnais quant à la réalité de la rencontre, ceux-ci s’engloutirent dans les ombres chassées par un sourire qu’un soleil jeune de printemps aurait pu envier.
Les lèvres du noble s’étirèrent et s’écartèrent pour révéler une herse d’émail qu’une bouche démissionnaire de sa fonction de gardienne, leva.
L’éclat d’un rire né dans les flots troubles des convulsions nerveuses, s’éleva bientôt, vigoureux et débarqué du vaisseau fantôme que représentaient les deux années d’absence. Le regard châtaigne, plein d’une franche gaieté, prit des airs de cabri gambadeur, trouvant dans les traits et courbes du visage de Tabouret, un terrain de jeu à explorer.

Renard verbeux faisait face à Chat compendieux.

Les notes enjouées échappées de la gorge dénouée déchirèrent le voile d’intimité dans lequel ils s’étaient drapés à l’initiative de Messey, et les révélèrent aux badauds dont la marche, sous l’effet de la surprise et de la curiosité, imita le mouvement d’un soufflet de forge. Telles une brise légère elles se levèrent et descendirent dans la ruelle où on suspendit des conversations, des gestes et des échanges marchands pour observer l’effusion musicienne et tenter de comprendre la raison de l’émoi.
Dans ce spectacle de rue improvisé, un homme en attrapa un autre possiblement hébété, par les épaules, pour l’attirer à lui, le serrer à l’étouffer, et finir par le relâcher dans un ébouriffement de cheveux à la manière de ces jeunes gens pleins de vitalité que l’adolescence griffait et l’âge moins tendre caressait. Le château de cartes avait laissé la place à une forteresse de rocs.


Alphonse !


L’agglutinement familier de lettres composait cette fois une œuvre magistrale expirée profondément.
Dépouillé des feuilles mortes de la pudeur et de l’incertitude, le prénom se dressa dans les airs, lance gracieuse au fer pointu qui claqua joyeusement contre le pavé et les murs, et résonna bientôt aux oreilles d’une foule à l’onde troublée.
En contrepoint du divertissement qu’ils offraient, la confidence fut exprimée hardiment
.

Avise-toi seulement d’envisager de disparaître à nouveau et il te faudra plus de neuf vies pour échapper à mon châtiment. Ta prestance bourgeoise et ta couronne capillaire ne se remettraient pas du traitement.

Au côté de l’avertissement boute-en-train veillait la bienveillance, une disposition d’âme du jeune Renard aux états émotionnels labiles. D’un pas de biais il laissa la lumière du jour l’envelopper et invita l’ébouriffé à faire de même. Ils ne pouvaient en rester là, à associer ces retrouvailles aux ombres du porche d’une habitation.

Viens ! Nous avons tous les deux grands besoins de laisser les langues enflammées des rudes breuvages envahir notre palais et notre gorge.

Dans ses yeux on pouvait lire la crainte du refus et l’assurance qu’il ne chercherait pas à le faire parler.

Il y a non loin une taverne qui saura accueillir nos verbes distincts et notre argent. La note ira au plus taiseux.


De nouveau ce sourire, et un clin d’œil à dessein moqueur.


Prépare ta bourse !
_________________
Alphonse_tabouret
« Des portes s’entrouvrent mais je reste sur le pas, curieux indécis. Accepteriez-vous de guider l'esquif ? », avait un soir demandé le Goupil armé de tout son chien dans le salon feutré et parfumé de l’Aphrodite, déposant aux pieds d’un faune entraperçu un soir de Noël, l’espoir d’un désir de vivant.
Il lui semblait que depuis cet instant ci, il avait toujours su déchiffrer dans le regard de Sabaude l’imperceptible hésitation et le vertige des désirs, examinant chacun d’eux avec l’espoir avide d’un jour y percevoir un reflet de sa propre humanité. Livre ouvert, Messey s’était offert entier à l’appétit de sa pathologique curiosité et avait surpris chaque avant-poste en les envahissant jusqu’à la ruine, laissant au hasard de ses démonstrations affectives, des pousses éparses et désordonnées germer jusqu'à fendre la rocaille de ses fondations. Guide, il avait fini par cheminer au même rythme que l’élève, se découvrant créature carencée de ce que Sabaude possédait à foison sans même le cultiver. A cet instant ci, c’était une joie dense et naïve qui immergeait ses prunelles jusqu’à les faire chanter, une joie suave et chaleureuse qui propageait aux nerfs engourdis d’Alphonse, un écho involontaire et résigné ; il ne savait même pas lui refuser un sourire.
Lui qui n’avait jamais su se modeler le rire aphone qui lui montait à la gorge lorsqu’il s’agissait de s’enthousiasmer, avait découvert à Florence l’éclat improbable des risées chorales, bruyantes, colorées et chantantes, montant au ciel comme autant de prières chargées d’ouvrir l’éther ; celui de Sabaude à l’ombrage de la rue, menait à lui seul séraphins et chérubins en première ligne, démontant le soleil pour nourrir leur pyrée.

A leur tour, les carmines mâles s’étirèrent, et lorsque le rire fraternel s’étouffa à la faveur de l’accolade, ce fut un regard aux nues qui remercia les cieux d’étrenner des retrouvailles dépenaillées de craintes, et de tourments. Avec moins de retenue, les corps se lièrent, et s’accrochèrent, palpables, tangibles plus encore maintenant que la parole était née, et l’avenir tracé, et s’il eut envie de grogner en sentant cette main ébouriffer ses cheveux, il se contenta d’un soupir soulagé, chiot réuni à la portée, les yeux clos, la truffe enfouie aux odeurs familières d’après-midis partagées.
Son prénom claqua dans l’air automnal, annonçant son retour à Paris, créant la consistance dans le sillage spectre jusqu’à ce qu’alors, pour la première fois depuis son arrivée, il sente la douceur pâle d’une chaleur hélianthe à sa peau.


Avise-toi seulement d’envisager de disparaître à nouveau et il te faudra plus de neuf vies pour échapper à mon châtiment. Ta prestance bourgeoise et ta couronne capillaire ne se remettraient pas du traitement.
Je ne crains ni l’arbre, ni la plume, rétorqua-t-il, insolent animal fanfaronnant quand il savait l’autre pourtant capable de beaucoup. Aux distances retrouvées, quittant l’ombre pour affronter la lumière, le néant frissonna à même ses entailles ; à sa gorge, Compagne fronça la gueule d’un air morose
Viens ! Nous avons tous les deux grands besoins de laisser les langues enflammées des rudes breuvages envahir notre palais et notre gorge. Il y a non loin une taverne qui saura accueillir nos verbes distincts et notre argent. La note ira au plus taiseux. Prépare ta bourse !

L’air détaché du chat accusa la raillerie autant que la sentence, et accorda, tendrement rogue, un sourire en réponse au sien.

Quitte ou double... le contredit il en passant un bras à ses épaules, l’entrainant sans plus hésiter vers un lieu plus intime où les mots pourraient se dissoudre ou s ‘envoler à leurs convenances. Les murs ne manquaient pas ; leur soif et la réconfortante courtoisie de l’alcool à rendre toute chose plus facile égayait la perspective des possibles silences que l’absence, fatale, jetait parfois en gouffres entre deux ancres. Le premier qui pleure a perdu, ajouta-t-il en guise de nouvelles règles, dévoilant des crocs certains de leur victoire en le paraphrasant : Prépare ta bourse.

Aux heures, s’égrèneraient les mots, aux verres, les gestes d’affection quand les vérités, elles, s’enfouiraient, pudiques sous le jeu des retrouvailles, alors, Paris Linceul deviendrait Terreau, laissant sa chance au trèfle, tout comme au chien-dent.
_________________
See the RP information <<   <   1, 2   >>
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)