Axelle
*André Gide
Vraiment ? Oui, vraiment. Tu es bien certaine ? Oui. C'était lui. Tu l'as reconnu ? Non. Alors, comment sais-tu que c'est lui ? Sa bouche. Vraiment ? Oui. Es-tu certaine ? Oui. Pourquoi ? Cette bouche, je la connais par cur. Tant son goût, les sursauts de son souffle, que les promesses qu'elle a glissées à mon oreille. Mentait-il encore ? Je ne sais pas. Et ses yeux ? Je ne sais plus ses yeux. Tu as peur ? De moi, oui...
Le verre était fin entre les doigts gitans, une de ces coupes qu'une paume un brin trop emportée suffit à faire éclater en mille éclats, taillant la chair d'échardes étincelantes et de larmes écarlates. Si la poigne avait été clémente, les lèvres à son bord, bien moins, venant et revenant sans cesse s'y perdre pour y perdre la raison. Pour ne pas laisser porte close face au passé revenant à pas de loup bousculer ses certitudes forgées âprement depuis deux longues années.
Que ferras-tu ? Rien. Pourquoi ? Je ne cours plus. Tu as dit oui pourtant. Il va venir.
Dans le bazar tout féminin de sa chambre, la manouche laissa rouler sa tête sur ses épaules dans un long soupir avant de remplir encore la coupe pour s'y brûler la gorge aussi vite. Tu m'ennuies. Tu regrettes ? Un long rire qui n'avait rien de gai s'échappa des lèvres ivres alors que la manouche, envoutée par la valse de son monologue tourna sur elle-même, faisant claquer le rouge de sa robe dans le cocon confiné de sa chambre, indifférente à la pomme de senteur roulant sur le parquet. Arrête de danser, tu vas tomber, la tête te tourne déjà bien trop. Le rire de nouveau fusa. Si je devais arrêter de danser à chacun de mes regrets, je ne pourrai même plus faire un pas. Une statue, oui, voilà ce que je serai. Une belle statue d'ébène. Ca vaudrait mieux parfois. Sans doute. J'ai déjà vécu tant de vies que je pourrai avoir mille ans. Laquelle as tu préféré ? Se laissant tomber sur le lit, les bras en croix, les doigts bruns relâchèrent mollement la coupe qui se brisa sur le sol. Celle que je n'ai pas encore vécue. Alors ne t'endors pas. Non. Je l'ai assez attendu. Et même si, Clarisse ouvrira avant de partir à son tour. Alors tu ne peux plus changer d'avis ? Non, c'est trop tard. Mais... Tais-toi.
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Vraiment ? Oui, vraiment. Tu es bien certaine ? Oui. C'était lui. Tu l'as reconnu ? Non. Alors, comment sais-tu que c'est lui ? Sa bouche. Vraiment ? Oui. Es-tu certaine ? Oui. Pourquoi ? Cette bouche, je la connais par cur. Tant son goût, les sursauts de son souffle, que les promesses qu'elle a glissées à mon oreille. Mentait-il encore ? Je ne sais pas. Et ses yeux ? Je ne sais plus ses yeux. Tu as peur ? De moi, oui...
Le verre était fin entre les doigts gitans, une de ces coupes qu'une paume un brin trop emportée suffit à faire éclater en mille éclats, taillant la chair d'échardes étincelantes et de larmes écarlates. Si la poigne avait été clémente, les lèvres à son bord, bien moins, venant et revenant sans cesse s'y perdre pour y perdre la raison. Pour ne pas laisser porte close face au passé revenant à pas de loup bousculer ses certitudes forgées âprement depuis deux longues années.
Que ferras-tu ? Rien. Pourquoi ? Je ne cours plus. Tu as dit oui pourtant. Il va venir.
Dans le bazar tout féminin de sa chambre, la manouche laissa rouler sa tête sur ses épaules dans un long soupir avant de remplir encore la coupe pour s'y brûler la gorge aussi vite. Tu m'ennuies. Tu regrettes ? Un long rire qui n'avait rien de gai s'échappa des lèvres ivres alors que la manouche, envoutée par la valse de son monologue tourna sur elle-même, faisant claquer le rouge de sa robe dans le cocon confiné de sa chambre, indifférente à la pomme de senteur roulant sur le parquet. Arrête de danser, tu vas tomber, la tête te tourne déjà bien trop. Le rire de nouveau fusa. Si je devais arrêter de danser à chacun de mes regrets, je ne pourrai même plus faire un pas. Une statue, oui, voilà ce que je serai. Une belle statue d'ébène. Ca vaudrait mieux parfois. Sans doute. J'ai déjà vécu tant de vies que je pourrai avoir mille ans. Laquelle as tu préféré ? Se laissant tomber sur le lit, les bras en croix, les doigts bruns relâchèrent mollement la coupe qui se brisa sur le sol. Celle que je n'ai pas encore vécue. Alors ne t'endors pas. Non. Je l'ai assez attendu. Et même si, Clarisse ouvrira avant de partir à son tour. Alors tu ne peux plus changer d'avis ? Non, c'est trop tard. Mais... Tais-toi.
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