[Nuit du 8 au 9 janvier 1466]Dis Béatrix, tu vas faire quoi cette nuit ?
La même chose que toutes les nuits, Minus, trier des simples et découper de la charpie !
L'arrivée d'Axelle trouva Béatrix occupée à la première activité de sa longue (non) liste de tâches nocturnes. Les blessés étaient somme toute assez peu nombreux, et quand ils venaient, c'est qu'ils avaient besoin d'une réelle assistance médicale d'où le fait qu'elle n'ait pas été d'une grande utilité jusqu'à lors. Quand ce fut au tour de la gitane, c'est Lénù qui prit la main. Et la Volfant restait plantée là, à découper des racines de primevère officinale qu'elle jetait dans un petit chaudron d'eau froide. Bien entendu, elle était distraite par toute l'agitation, les ordres donnés par la moitié de Bretonne (ou quelque chose comme ça) qui claquaient dans l'air comme un fouet, l'inquiétude qui se peignait sur les visages.
Elle finit enfin par installer sa décoction sur le feu. Juste avant que Lénù ne le réactive pour y placer son tison. Cautériser. C'était donc une sale affaire. Elle ne voyait pas bien, depuis sa table de travail, en partie car ils étaient trop penchés sur Axelle pour qu'elle puisse avoir une lecture claire de la situation. En revanche, elle entendait. Et n'étant pas faite d'un bois à rester les bras croisés, elle commença par aller déposer un tabouret près d'Eddard. Non qu'elle ne le classe dans la catégorie des chochottes, mais enfin assister aux souffrances, ou pire, d'un ami auquel on est attaché, c'est tout de même autre chose que d'embrocher un ennemi au champ d'honneur. Un sourire compatissant.
- Je suis là, Lénù, si besoin.Enfin. Une apparition-disparition la fit à moitié changer d'avis.
- Je vais dehors, un cri et je rapplique illico presto.Retour à la table de simples, sous laquelle elle a entreposé son panier. En sort deux gobelets d'étain, et la fameuse gnôle à pépé. Verres remplis, elle en glisse un, au passage, dans la main libre du père Lablanche, et puis passe l'entrée de la tente pour se faufiler à l'extérieur. Non loin, celui qu'elle cherchait. En prière. Elle ne le dérangea pas, pas avant de sentir qu'il avait fini. Là alors, elle se contenta de s'accroupir à son côté, une main posée sur son épaule, l'autre lui tendant le précieux élixir de son aïeul.
- Lénù sait ce qu'elle fait.Un sourire qui se veut amical et réconfortant. Toujours plus utile que de tailler des queues de cerise, selon elle... D'ailleurs, de l'autre côté de la toile, sa décoction chauffait à gros bouillons, déjà toute prête à déborder. On a dit qu'elle filait un coup de main, pas que l'efficacité était optimale, hé.
_________________