Volkmar
[Nuit du 8 au 9 janvier 1466]
La bataille est terminée, et l'ennemi a regagné Labrit, où il s'est retranché. Une fois encore, ils ont été repoussés. Au cours de la mêlée, trop sont tombés. Un, c'est déjà un de trop.. Mais Axelle. Il ne pouvait rien, sur le moment. Il ne pouvait rien, lorsqu'il a vu Lenu s'éclipser de son côté, rejoindre Eddard. Il ne pouvait rien, parce qu'on attendait de lui autre chose ; s'assurer que tous avaient pu battre en retraite, prendre les dispositions pour son échelon, recompter les absents, remettre la main dessus, s'assurer que tout le monde va bien, et rétablir un peu de discipline après la retraite. Parce qu'il s'en faut souvent de peu pour qu'une armée qui recule ne se débande. Mais le moral est bon, la discipline a vite repris le dessus. Labrit reste cette coquille ouverte, cette noix un peu dure, mais qui n'a pas la moindre chance de rompre le casse-noix dans laquelle elle est désormais enchassée.
Couvert de poussière, la broigne parsemée de tâches de sang qui ne sont ni à lui, ni toutes de son fait, les traits tirés et les lèvres gercées, voilà en quel attirail il se précipite à la tente infirmerie, dès les consignes données, dès chacun mis au repos.
On ne le laisse évidemment pas rentré. Comme on ne l'a pas laissé entrer pour voir Tara. Il n'est pas blessé, il n'est pas médecin, il n'est même pas propre ni rien n'amène qui puisse servir, pourquoi le mettrait-on dans les pattes des soignants ? Il n'espérait même pas, à vrai dire. Mais les nouvelles ne sont pas bonnes. Pas bonnes du tout.
"Informez moi dès qu'il y a du nouveau."
Il ne demande pas ; même s'il sait qu'ils ont tous autre chose à foutre que de lui courir après dans le camp. Autre chose à foutre que de prévenir tout un chacun de l'état de untel A ou B. Alors il ne bougera pas. Pas pour l'instant.
Défaisant son épée, la broigne qui tombe, plus à l'aise en chemise. La lame, il la pose à plat sur le sol, et s'installe juste devant, les deux genoux tout contre l'acier. Le cul posé sur les talons, les mains sur les cuisses, il ferme les yeux, ignorant complétement l'activité autour de lui, ayant seulement pris soin de s'éloigner du passage.
Un murmure s'élève de ses lèvres. Elles remuent à peine, psalmodie lancinante qui durera le temps nécessaire. Répétée, à mi-voix, dans un balancement d'épaules, d'avant en arrière, machinal... Concentré.
"Prête attention, Toi l'Unique,
Ta volonté est le salut et la voie,
Ta bienveillance est sur les nécessiteux,
Et ceux qui T'aiment jamais n'en manquent.
A Toi seul appartient de prendre ou de donner,
Et seuls, ne sommes pas dignes d'attendre de Toi.
Mais voit parmi mes prières égoïstes et vaines,
Ce que je n'ai pas demandé pour moi-même.
Laisse lui encore, le temps qu'il lui faut.
Laisse la, encore, elle n'en n'a pas terminé,
Pour ceux qui dépendent d'elle, pour Arnoul,
Pour ceux qui l'aiment et l'attendent."
Pourquoi est-ce important à ce point ? Pourquoi seulement s'en est-il soucié, là maintenant ? Pour quelle raison absurde et injuste, a-t-il fallu qu'il se précipite ici ? Aurait-il, pour d'autres, agit de même ? La réponse ne lui vient pas. Pour tous, certainement pas. Mais pour quelques-uns. Il s'en persuade. Tara, elle, était déjà hors de danger lorsqu'il l'a su, n'est-ce pas ?
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La bataille est terminée, et l'ennemi a regagné Labrit, où il s'est retranché. Une fois encore, ils ont été repoussés. Au cours de la mêlée, trop sont tombés. Un, c'est déjà un de trop.. Mais Axelle. Il ne pouvait rien, sur le moment. Il ne pouvait rien, lorsqu'il a vu Lenu s'éclipser de son côté, rejoindre Eddard. Il ne pouvait rien, parce qu'on attendait de lui autre chose ; s'assurer que tous avaient pu battre en retraite, prendre les dispositions pour son échelon, recompter les absents, remettre la main dessus, s'assurer que tout le monde va bien, et rétablir un peu de discipline après la retraite. Parce qu'il s'en faut souvent de peu pour qu'une armée qui recule ne se débande. Mais le moral est bon, la discipline a vite repris le dessus. Labrit reste cette coquille ouverte, cette noix un peu dure, mais qui n'a pas la moindre chance de rompre le casse-noix dans laquelle elle est désormais enchassée.
Couvert de poussière, la broigne parsemée de tâches de sang qui ne sont ni à lui, ni toutes de son fait, les traits tirés et les lèvres gercées, voilà en quel attirail il se précipite à la tente infirmerie, dès les consignes données, dès chacun mis au repos.
On ne le laisse évidemment pas rentré. Comme on ne l'a pas laissé entrer pour voir Tara. Il n'est pas blessé, il n'est pas médecin, il n'est même pas propre ni rien n'amène qui puisse servir, pourquoi le mettrait-on dans les pattes des soignants ? Il n'espérait même pas, à vrai dire. Mais les nouvelles ne sont pas bonnes. Pas bonnes du tout.
"Informez moi dès qu'il y a du nouveau."
Il ne demande pas ; même s'il sait qu'ils ont tous autre chose à foutre que de lui courir après dans le camp. Autre chose à foutre que de prévenir tout un chacun de l'état de untel A ou B. Alors il ne bougera pas. Pas pour l'instant.
Défaisant son épée, la broigne qui tombe, plus à l'aise en chemise. La lame, il la pose à plat sur le sol, et s'installe juste devant, les deux genoux tout contre l'acier. Le cul posé sur les talons, les mains sur les cuisses, il ferme les yeux, ignorant complétement l'activité autour de lui, ayant seulement pris soin de s'éloigner du passage.
Un murmure s'élève de ses lèvres. Elles remuent à peine, psalmodie lancinante qui durera le temps nécessaire. Répétée, à mi-voix, dans un balancement d'épaules, d'avant en arrière, machinal... Concentré.
"Prête attention, Toi l'Unique,
Ta volonté est le salut et la voie,
Ta bienveillance est sur les nécessiteux,
Et ceux qui T'aiment jamais n'en manquent.
A Toi seul appartient de prendre ou de donner,
Et seuls, ne sommes pas dignes d'attendre de Toi.
Mais voit parmi mes prières égoïstes et vaines,
Ce que je n'ai pas demandé pour moi-même.
Laisse lui encore, le temps qu'il lui faut.
Laisse la, encore, elle n'en n'a pas terminé,
Pour ceux qui dépendent d'elle, pour Arnoul,
Pour ceux qui l'aiment et l'attendent."
Pourquoi est-ce important à ce point ? Pourquoi seulement s'en est-il soucié, là maintenant ? Pour quelle raison absurde et injuste, a-t-il fallu qu'il se précipite ici ? Aurait-il, pour d'autres, agit de même ? La réponse ne lui vient pas. Pour tous, certainement pas. Mais pour quelques-uns. Il s'en persuade. Tara, elle, était déjà hors de danger lorsqu'il l'a su, n'est-ce pas ?
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