Lallie_ap_maelweg
Habitée par le sens du devoir, elle avait toujours accordé aux cérémonies officielles - qui plus est les intronisations - un caractère obligatoire. Estimant que la solennité de pareils instants ne sauraient être réduite à quelques âmes facilement dénombrables, elle mettait un point d'honneur à être présente un jour comme celui-ci. Certes elle finirait bien par y officier tôt ou tard dans la journée mais la Primatiale était un supplice auquel il fallait pourtant se plier. Alors, docile, elle bougerait le bout des lèvres dans le brouhaha ambiant et donnerait ainsi l'illusion de réciter le crédo quand viendrait le moment de l'auto-flagellation commune. Ils allaient tous expier, tous sans exception, pauvres pêcheurs.
Combien de sacres avait-elle vu ? Et a combien d'entre eux avait-elle participé ? Trop peut-être pour que la mémoire soit encore très exacte et le fil de ses pensées suffisamment sûr. Pourtant, dans l'attelage qui la conduisait, elle songeait encore que quelques quelles années auparavant c'est son mari que l'on célébrait ici, avant que tout s'emmêle et ne devienne plus qu'un souvenir entaché par le sang. Sans cette foutue couronne et le poids des responsabilités, aurait-elle encore un époux ? La question demeura en suspend dans son esprit. Et si ? Elle n'aurait pas supporté son oisiveté, elle n'aurait pas supporté qu'il n'ait aucune ambition ni le courage de les mettre en pratique. C'était le seul chemin, la voie la plus évidente et la plus naturelle, chercha t-elle à se convaincre. Il n'y aurait pas pu avoir d'autres issues pour eux. Mais bientôt le cahotement de la voiture sur le pavé chassa ces pénibles réminiscences : Elle venait de passer les portes de Nantes.
La ville était saturée par la foule et les glorieux équipages bretons et étrangers. Avancer dans une attelage à quatre chevaux devenait quasiment impossible. Le coche fut contraint au stationnement et l'homme qui l'accompagnait suggéra de poursuivre à pied.
- A pied, dit-elle, vous n'y pensez pas !
Ses yeux se posèrent sur la nuée bruyante et le malaise s'installa. Le sacre était le premier grand rassemblement auquel elle assistait depuis plus d'une année. Les régions désertiques de la Valachie lui avaient fait oublier le fourmillement des grandes capitales et toute cette agitation lui causait une inquiétude nouvelle. Comment se frayer un chemin sans risquer le heurt ? Dans son état traverser la foule immense en jouant des coudes pouvait rapidement devenir périlleux.
Elle avait mit un point d'honneur depuis quelques semaines à dissimuler sous les jupons le léger renflement de son giron et masquer la gorge sensiblement gonflée derrière des cols et autres pèlerines. Elle était grosse de ses ébats valaques avec Kermorial mais il était encore trop tôt pour se trahir. Pourtant, si elle voulait gagner la Primatiale avant la nuit, il lui faudrait accepter l'idée d'abandonner la voiture et son confinement. Alors un hochement de tête résignée plus tard, elle était debout sur le pavé entre deux de ses hommes. La longue chevelure laissée lâche n'était qu'une multitudes d'entrelacs et de tresses perlées d'or et sur son front d'albâtre brillait un cercle de bronze. Pour l'occasion et en sa qualité d'officiante, elle avait revêtue la traditionnelle saie immaculée et à sa taille, accroché à la ceinture, la fameuse serpe d'or. Une main crispée sur la fibule à trois corneilles qui retenait la lourde cape de fourrure blanche placée sur ses épaules, elle entreprit son périple, marquant régulièrement l'arrêt, butant quelques fois, avançant toujours à petit pas, l'autre main aux phalanges blanchies tenait fermement le bâton en bois de chêne ciselé qui lui servait alors d'appui. Primatiale fut bientôt en vue. Ce piétinement l'avait fatiguée plus que de raison mais il lui fallait faire bonne figure. Druidesse gravirait seule les marches du parvis, abandonnant à la foule sa garde dévouée sans omettre sur son passage les saluts de rigueur aux visages qui avaient le mérite d'être reconnus. Le siège qui lui était réservé fut bientôt investit, le souffle court.
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Combien de sacres avait-elle vu ? Et a combien d'entre eux avait-elle participé ? Trop peut-être pour que la mémoire soit encore très exacte et le fil de ses pensées suffisamment sûr. Pourtant, dans l'attelage qui la conduisait, elle songeait encore que quelques quelles années auparavant c'est son mari que l'on célébrait ici, avant que tout s'emmêle et ne devienne plus qu'un souvenir entaché par le sang. Sans cette foutue couronne et le poids des responsabilités, aurait-elle encore un époux ? La question demeura en suspend dans son esprit. Et si ? Elle n'aurait pas supporté son oisiveté, elle n'aurait pas supporté qu'il n'ait aucune ambition ni le courage de les mettre en pratique. C'était le seul chemin, la voie la plus évidente et la plus naturelle, chercha t-elle à se convaincre. Il n'y aurait pas pu avoir d'autres issues pour eux. Mais bientôt le cahotement de la voiture sur le pavé chassa ces pénibles réminiscences : Elle venait de passer les portes de Nantes.
La ville était saturée par la foule et les glorieux équipages bretons et étrangers. Avancer dans une attelage à quatre chevaux devenait quasiment impossible. Le coche fut contraint au stationnement et l'homme qui l'accompagnait suggéra de poursuivre à pied.
- A pied, dit-elle, vous n'y pensez pas !
Ses yeux se posèrent sur la nuée bruyante et le malaise s'installa. Le sacre était le premier grand rassemblement auquel elle assistait depuis plus d'une année. Les régions désertiques de la Valachie lui avaient fait oublier le fourmillement des grandes capitales et toute cette agitation lui causait une inquiétude nouvelle. Comment se frayer un chemin sans risquer le heurt ? Dans son état traverser la foule immense en jouant des coudes pouvait rapidement devenir périlleux.
Elle avait mit un point d'honneur depuis quelques semaines à dissimuler sous les jupons le léger renflement de son giron et masquer la gorge sensiblement gonflée derrière des cols et autres pèlerines. Elle était grosse de ses ébats valaques avec Kermorial mais il était encore trop tôt pour se trahir. Pourtant, si elle voulait gagner la Primatiale avant la nuit, il lui faudrait accepter l'idée d'abandonner la voiture et son confinement. Alors un hochement de tête résignée plus tard, elle était debout sur le pavé entre deux de ses hommes. La longue chevelure laissée lâche n'était qu'une multitudes d'entrelacs et de tresses perlées d'or et sur son front d'albâtre brillait un cercle de bronze. Pour l'occasion et en sa qualité d'officiante, elle avait revêtue la traditionnelle saie immaculée et à sa taille, accroché à la ceinture, la fameuse serpe d'or. Une main crispée sur la fibule à trois corneilles qui retenait la lourde cape de fourrure blanche placée sur ses épaules, elle entreprit son périple, marquant régulièrement l'arrêt, butant quelques fois, avançant toujours à petit pas, l'autre main aux phalanges blanchies tenait fermement le bâton en bois de chêne ciselé qui lui servait alors d'appui. Primatiale fut bientôt en vue. Ce piétinement l'avait fatiguée plus que de raison mais il lui fallait faire bonne figure. Druidesse gravirait seule les marches du parvis, abandonnant à la foule sa garde dévouée sans omettre sur son passage les saluts de rigueur aux visages qui avaient le mérite d'être reconnus. Le siège qui lui était réservé fut bientôt investit, le souffle court.
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