La tolérance envers lhérésie : vertu ou faiblesse ?
Texte destiné à l'universalité des fidèles et aux évêques de l'aristotélisme.
La tolérance, cest reconnaître implicitement et tacitement lerreur sous des prétextes
humanistes. Ceux qui se complaisent dans la tolérance le font par indécision ou faiblesse !
La vocation de lhomme vertueux, de lhomme de foi ou de lhomme du monde nest-il pas
de lutter contre lerreur et la perversion morale, et non de sen accommoder ou de la tolérer ?
Tolérer, cest accepter, ou selon létymon, endurer et supporter, une croyance que lon sait
être fausse. Est-il vertueux de laisser son prochain se complaire dans une foi erronée ?
La tolérance est une fausse vertu pour ceux qui lutilisent mal à propos, car elle nest
bienveillante et vertueuse que dans un seul cas : celle où elle est exprimée entre fidèles et
imprégnée de lamitié aristotélicienne. Dans les autres, elle nest que dédain et cynisme.
La tolérance est la vertu des faibles quand ceux-ci lexpriment envers les hérétiques. Ils
tolèrent lerreur, linsulte et loutrage sous le prétexte fallacieux de lamitié aristotélicienne
et de « lamour divin en lhomme », quel quil soit. Trop timorés pour prendre position, ou
envahis par une idée fétide damitié universelle, ils se complaisent dans cette idée.
Le fidèle qui tolère une liberté de culte ou de croyance et qui se trouve à la tête dun
gouvernement commet là deux crimes : lun envers son peuple, et lautre envers Dieu. Le
premier est quil maintient délibérément et tacitement une partie de la communauté dans
lignorance et lerreur de façon cynique, mais surtout dans une destinée qui la mènera
inexorablement aux portes de lenfer sélénite. Le second est quil accepte que le Père
universel auquel il croit et quil aime soit injurié et bafoué par une partie de son peuple. Et
sous quel prétexte ? Celui du libre arbitre ou de la liberté de for ? Comment lhomme peut-il
penser que le libre arbitre puisse dédouaner un homme doutrage envers le Ciel ?
La politique du Malin nest-elle pas de plaider en faveur dune tolérance infinie et universelle
entre toutes les créatures humaines ? Car il sait que sans lutte, cette tolérance permettra de
gagner un peu plus de terrain chaque jour dans le cur des esprits faibles ou indécis.
La perversion de la bête sans nom gagne dailleurs le curs de tous les hommes, quels quil
soient. Même si les clercs sont sans doute ceux qui sont les mieux prémunis pour sy opposer,
ils nen sont pas pour autant immunisés. Voilà pourquoi certain prélat se laissent tenter par un
discours que nous jugerions déviant.
Lune des vertus aristotéliciennes majeures est la tempérance, non la tolérance. Une religion
qui tolère les autres ne songe guère à la propagation de sa Foi et de sa Vérité. En outre
critiquer le magistère spirituel de lEglise et ses actions incitant à la conversion sous le
prétexte quElle étouffe les libertés, cest pécher contre Dieu et lhumanité pour les raisons
que nous avons déjà évoquées, à savoir, laisser en connaissance le peuple ou lhérétique dans
lignorance et lerreur. Ceux qui font de la tolérance universelle leur credo sont sur le chemin
de lapostasie.
Daucuns se questionneront sur une tolérance tacite quimpose certain concordat au sein de
comtés, voire de royaumes ; lEglise nagit là que par calcul et raison. Faisons dailleurs
allusion à notre discours prononcé en août MCDLVI où nous disions que « la créature sans
nom est sans cesse à notre porte, et que la peur engendrée par les guerres, fussent-elles
saintes, est de son entreprise » et que nous devions lutter « contre cette peur avant que
dimposer une image sublimée de la cité idéale entrevue par le prophète. La précipitation
de sa mise en place annihilant tous les espoirs futurs de la voir naître éclatante ». Toujours
valable, ce raisonnement nous pousse parfois à tolérer, non par lâcheté mais avec raison, une
hérésie afin de mieux avancer, et de rendre la Vraie Foi toujours plus grande, toujours plus
accessible et son règne plus éclatant encore.
Vice ou vertu, la tolérance lest selon létat desprit dans lequel lon sexprime et agit ; mais
soyons clair, il sagit dun vice lorsquon immole le triomphe de la Vraie Foi sur lautel de la
tolérance. La tolérance nest vertueuse que lorsquelle ne contrevient pas aux lois divines et
prophétiques.
Aaron de Nagan, Cardinal.
Le VIII mars de l'an MCDLVII, jour de la Bienheureux Norv.