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[RP] Folles illusions

Samael.
With time the child draws in
Avec le temps le gamin rentre dans le moule
This whipping boy done wrong
Ce souffre douleur qui a mal agi
Deprived of all his thoughts
Dépossédé de toutes ses pensées
The young man struggles on and on he's known
Le jeune homme continue son combat et il a compris
A vow unto his own
Il s'est promis
That never from this day
Que jamais à partir de ce jour
His will they'll take away
Ils ne lui prendront sa volonté





Le jour ou nous nous sommes tués.
Pas de larmes ni drames, juste un éloignement, un ignorement et un silence, bien plus cruel et douloureux que les mots ou les coups. Des connaissances en commun au regard fuyant , un isolement provoqué, un châtiment infligé pour je ne sais quel crime. Le voir heureux derrière une fenêtre, d'une taverne ou son portier m'a interdit l'accès.
Et si pendant 25 ans je m'étais trompé? Si tout cela n'avait été que le fruit de mon imagination?

Comment deux êtres provenant d'un même oeuf et destiné à vivre en binôme, toujours penser par deux pouvaient à un moment donné de leur existence, se séparer.
Inconcevable, inhumain et irrationnel.
Toutes les missives, ou les mots écrits froidement et alignés en vrac, main guidée par une âme tourmentée et un coeur arraché furent jetées dans l'âtre.
Rage, amertume, incompréhension.


Et si tout cela n'avait été qu'un leurre?
La seule explication logique que je m'accordais était celle du jumeau fantasque, l'ami imaginaire, l'être sublime et parfait, mon garde-fou que j'avais moi-même crée.
J'en devenais cinglé.
Nuance, je l'étais déjà et mon état dépassait tout entendement .

De certes, j'avais été dupé.
Dupé par mon esprit qui réfléchissait trop, calculait trop .
Et si je m'étais enfermé dans un idéal, moi qui ne savais me comporter avec mes semblables et rejetait la société qui m'entourait.
J'avais dû m'enfermer dans un monde imaginaire, ou un autre moi avait pris le dessus,
Mâle dominant qui régissait ma vie, prenait les décisions à ma place et m'évitait toutes les contraintes auquelles je voulais échapper.

Judicael venait du vieux breton et signifiait le chef magnanisme, un combattant qui a la grandeur et la force de l'âme, l'opposé de Samael , ange déchu qui après avoir porté la lumière de DIeu, vivait dans l'ombre.

Comment avais-je pu être si stupide, si renfermé sur moi-même et avec si peu d'assurance que j'en étais arrivé au point de m'inventer un double ?
Car tout cela n'existait pas, n'est ce pas? Car, on ne pouvait séparer un binôme identique dans sa chaire et dans son sang.


La poitrine oppressée d'une douleur insoutenable, le roux tomba à genoux, les bras tendus avec dans la main sénèstre qui si souvent avait été meurtrière, une dague, compagne fidèle qui de la pointe de sa lame vint se planter furieusement entre deux côtes, farfouillant à la recherche de ce maudit coeur martyr. Il fallait que le mal cesse, meurt.
Un hurlement bestial emplit l'espace autour de Mael, brisant un silence assassin.







What I've felt
Ce que j'ai éprouvé
What I've known
Ce que j'ai appris
Never shined through in what I've shown
N'a jamais transparu dans mon attitude
Never be
Jamais été
Never see
Jamais vu
Won't see what might have been
Je ne verrai pas ce qui aurait pu se passer
What I've felt
Ce que j'ai éprouvé
What I've known
Ce que j'ai appris
Never shined through in what I've shown
N'a jamais transparu dans mon attitude
Never free
Jamais libre
Never me
Jamais moi même
So I dub thee unforgiven
Aussi je te surnomme l'impardonné

_________________

le Renard
Magdelon
I'm the next act
Waiting in the wings

I am all the days
You choose to ignore (1)


Les flammes qui dansent devant son regard l'hypnotisent depuis une poignée de minutes maintenant, réchauffant à peine le corps engourdi par le froid revenant d'une escapade de plusieurs heures à travers la montagne. Il y a quelque chose d'envoûtant dans ces paysages enneigés, glacés, immobiles, comme figés en attendant un renouveau qui tarde à venir. Pourtant, le froid et l'altitude ne font pas bon ménage avec ses crises, et souvent au cours de ses balades journalières, les chocs sont violents et emmènent ses membres dans une sarabande incontrôlée. Immanquablement, la noiraude revient trempée et glacée jusqu'aux os, la neige s'étant incrustée dans ses habits lors de ses chutes où l'esprit se déconnecte totalement, guidé par la valse des neurones endiablés. Se réchauffer lui prend un temps fou, si bien que ses mains portent toujours sur elles les stigmates de ces pérégrinations. Glacées, tremblantes, nerveuses. Doucement, Magdelon les approche du feu, les retirant aussi vite qu'arrivées, des picotements trop intenses parcourant ses doigts et les paumes trop envahies par la glace. Dans le silence de l'auberge où ils se sont installés, vide à cette heure, l'oiselle repose son corps et son esprit fatigués. Elle somnole, un peu, sans vraiment réussir à se laisser embarquer dans un sommeil profond. Il est rare, le repos intense, celui qui détend les muscles et redonne de la vitalité, et ce manque, brunette le porte depuis quelques mois maintenant, bien ancré sur sa trogne.

Au beau milieu de ce calme apparent se joue pourtant à l'étage une scène dont Magdelon ignore encore la teneur. L'issue aurait toutefois pu être imaginée, ayant capté cet air sombre arboré parfois par le rouquin, l'incompréhension dans ses yeux, les interrogations et les doutes. Pourtant, incapable de lui apporter son aide mais lui montrant tout son soutien, elle l'avait laissé cheminer seul à l'intérieur de lui-même. Peut-être y trouverait-il les réponses, en cherchant bien, car chacun devait composer avec ses démons et son histoire. La séparation des jumeaux leur appartenait, pleinement, entièrement, et ce qui se jouait entre eux devait rester sur une scène privée, où les deux protagonistes de l'histoire écrivaient les répliques et les didascalies. Discrète, l'oiselle se tenait en coulisses, comme beaucoup d'entre eux, gardant des liens ténus avec chacun car elle ne pouvait les briser. Au cœur de cet acte jaillit alors un cri que brunette reconnaîtrait entre mille, la poussant à se mettre sur ses jambes en un bond, renversant la chaise recueillant sa carcasse fatiguée au sol. Immobile l'espace d'un instant et la respiration coupée, Magdelon se met en branle, inquiétude vrillée aux tripes, et bientôt les escaliers sont atteints, grimpés aussi vite que possible. À la volée, la porte est ouverte, révélant un spectacle la laissant sans voix, la gorge sèche et les jambes tremblantes.


You're all I need
I'm in the middle of your picture
Lying in the reeds


Au sol se tient Samaël et déjà le pourpre tâche de ses pigments les habits malmenés par la chute. Senestre ne s'est pas détachée de la dague assassine, plantée au côté, la traîtresse semblant chercher un cœur encore vivant pour l'obliger à s'arrêter de battre. Le sien, d'ailleurs, explose à cette vision. Sans doute qu'un cri passe ses lèvres, fichée sur le pas de la porte sans oser bouger pour l'heure comme si un seul mouvement risquait de rendre la scène plus réelle. Au moment où le corps rudoyé s'effondre de tout son long, le dos épousant les lattes du plancher sans douceur, Magdelon s'approche, avalant la distance en quelques pas. Ses genoux heurtent le sol sans ménagement et une dextre glacée s'appose sur le manche de la dague, arrimé là comme un piquet de bois secoué par les flots. Les soins, elle n'y connaît goutte, la seule connaissance acquise est qu'il ne faut enlever les flèches ou les couteaux au risque de provoquer un saignement encore plus intense. Les paupières mâles se ferment, doucement, et le silence reprend ses droits en un râle. Est-il parti, déjà ? La faucheuse lui aurait-elle vraiment enlevé sans qu'elle puisse lui dire au revoir ? La mort est une compagne bien plus douloureuse lorsqu'elle vient happer les êtres aimés.

I'm a moth
Who just wants to share your light
I'm just an insect
Trying to get out of the night
I only stick with you
Because there are no others


Ses lèvres s'approchent des siennes, essayant de sentir son souffle, et sa main vient se lover sur son cœur, sa poitrine, pour y espérer un battement, un soulèvement prouvant qu'il est encore là et que l'espoir n'est pas vain. Il lui semble... peut-être... Venant de nulle part, la colère la prend, ça n'était pas à lui de décider quand partir, pas comme ça. Et surtout pas avant elle. Prenant de la hauteur, sa main glacée se lève et vient gifler sa joue. Une fois. Deux fois. Trois fois. Et c'est en criant qu'elle l'invective, ce petit con qui veut la laisser seule, en proie à ses démons.
    - Putain Samaël, c'est moi qui devais crever la première ! Moi !


(1) All I Need – Radiohead
Je suis le prochain acte
Patientant dans les coulisses
Je suis tous ces jours
Que tu as choisi d'ignorer
Tu es tout ce dont j'ai besoin
Je suis au milieu de ton image
Allongé dans les roseaux
Je suis un papillon de nuit
Qui veut juste partager ta lumière
Je suis juste un insecte
Qui essaie de sortir de la nuit
Je te reste fidèle
Parce qu'il n'y a en pas d'autre que toi

_________________

~~*~~ ReVolte ~~*~~
Samael.
Ami, prends ma lanterne car j'ai perdu ma flamme
Mon Autre est parti, il a jeté mon âme
À bouffer au néant, me laissant le cœur vide
Il a fait des fertiles, des averses l'aride





La douleur tenaillante et pernicieuse s'infiltre entre les côtes, la respiration s'accélère, le sang me bat les tempes et un gargouillis sort de ma gorge suivi d'un long filet carmin qui vient tacher le sol.
A terre, je rends les armes et bientôt je ne ressens plus rien hormis ce vide qui m'attire et m'enveloppe, les sons me provenant de loin.Des brides, des passages de ma vie me viennent en tête, clairement comme si je les revivais. Je revois le regard de chaque donzelle a qui j'ai volé l'intimité, je ressens leur peur. L'iris dilaté par l'angoisse de ceux a qui j'ai ôté la vie, leur prière silencieuse, la supplication dans le regard, je sens leur souffle quitter leur corps, leur flamme qui se meurt, cette humanité qui se dissipe pour ne laisser qu'un cadavre froid et vide de toute essence .
Le froid.
Je le ressens m'envahir, les frissons me secouant l'échine, ce contraste du sang qui coule le long de mon torse et qui me brûle la peau.
Je le vois.
Lui.
Et je me noie.
Je me noie dans le vert de ses yeux. Dans cet océan sans fond, dans l'abîme de les souvenirs et de ma souffrance
Je me noie.



Ami, regarde-moi, j'ai le cœur qui renverse
Sa présence en mémoire qui me colle à la peau
Et dans les bars du port, je cherche magie noire
Pour délivrer mon corps du sort qu'on m'a jeté




Étrangement, pour la première fois de ma vie-quelle ironie- j'ai la frousse, quelque chose d'incontrôlé et mon cœur qui commençait à ralentir se met à battre à tout rompre dans cette poitrine déchirée.
Non.
Je ne veux pas mourir. Pas maintenant.
Aidez-moi, je ne peux plus respirer, je me sens aspirer vers le fond.
Je tente de lever une main vers le haut, vers la lumière, mais j'ai tellement envie de dormir que mes paupière sont lourdes.
Sortez-moi de là merde, je n'ai jamais aimé l'eau et je ne sais pas nager, c'est trop dégueulasse, les poissons baisent dedans.
En parlant de poisson , voilà que la voix d'une sirène me parvint, de loin, étouffée, ses lèvres venant se poser sur les miennes me redonnent un peu de sérénité.
Je souris, bercé je me laisse aller jusqu'à ce que cette maudite poiscaille se mette à me dévisser la tête à paire de claques.
Garce !
Je tente de me débattre, je lutte et j'ouvre les yeux, l'estomac au bord des lèvres.

Elle est là, se tenant à mes côtés comme une apparition divine-fort mal coiffée- me fixant de ses grands yeux d'ébène qui me chamboulent de la tête aux pieds.
Ma petite...
Comment ai-je pu ?
Me morfondre dans des souvenirs, des folles illusions sans être conscient de se que je possédais déjà.
Elle.
Deux chats.
Une paire de couilles
...et un âne.
Une vie entière à construire, un monde à explorer et horripiler et...ha putain j'ai mal.


    Magdel...


Le goût métallique du sang me remplit la bouche et je vomis lamentablement sur le planché, ou j'étais vautré comme un vulgaire chiffon.

    Magdelon...



Que je meure à l'instant si l'envie me reprend
De remettre ma tête dans la gueule du serpent
De tenter encore de me crucifier le coeur
Pour une chimère qui fait mon propre malheur








*inspiré de Saez
_________________

le Renard
Magdelon
Stood by the gate at the foot of the garden,
Watching them pass like clouds in the sky,

Try to cry out in the heat of the moment,
Possessed by a fury that burns from inside.


Il ne bouge plus. De ces instants suspendus, Magdelon ne se souviendra que de ce visage immobile, blême, traits marqués par la souffrance autant physique que psychique. Les larmes ne doivent pas monter, pas maintenant, et ce malgré la gorge nouée, les poumons en feu et les tempes vrillées de peur de le perdre si tôt alors qu'ils ont encore tellement de choses à vivre ensemble. Il n'a même pas encore touché à son hymen, c'est dire que la route est longue et semée d’embûches. Défendant le fait de vouloir mourir pucelle à corps et à cris, il n'en reste pas moins que de le voir là, étendu, à la lisière de la mort, la fait sacrément douter de n'avoir pas profité de lui pleinement. L'oiselle ne sait comment le faire sortir du gouffre où Samaël s'enfonce inexorablement. Perdue, ses lèvres viennent à nouveau se sceller aux siennes, tentant d'y insuffler la vie au rythme de son propre souffle.
    - Réveille-toi Samaël, merde. Comment j'vais faire pour aller voir les oursins sans toi moi hein ? Et les chats, tu peux pas laisser les chats, ils vont pas comprendre. Et cette putain de chèvre que tu veux adopter ! Merde !

Les mots sortent, sans queue ni tête, se bousculant au fur et à mesure, essayant de toucher son esprit à défaut de faire émerger le corps. Tout. Magdelon dit oui à tout. Oui à ses idées folles, oui à ses envies, oui à sa violence incontrôlée, oui à ses expressions étranges, oui à cette jalousie qui le pousse à la protéger à tout prix. Oui à tout pourvu qu'il se réveille, maintenant, et que la vie reprenne ses droits en cette chambre miteuse. L'amour l'a frappée de plein fouet, sans lui laisser le temps de réagir, et voilà qu'il faudrait lui enlever, déjà. Chienne de vie qui se joue des sentiments pour écrabouiller les gens et les faire souffrir à loisir, petits pions sur un grand échiquier dirigés par des forces obscures. Pourtant, n'est-ce pas là un sourire qui pointe sur les lèvres renardes, la laissant espérer à un retour parmi les vivants ? Il sourit, brunette en mettrait sa main à couper. Sa respiration se suspend, plus aucun mouvement n'émane d'elle, le regardant lutter et revenir, doucement. Les émeraudes, enfin, apparaissent, et le souffle bloqué s'échappe de sa bouche en un soupir de soulagement. Ses mirettes s'accrochent aux siennes sans les quitter, petite silhouette frêle le surplombant de toute sa hauteur, n'osant poser les mains sur le corps aimé de peur de l'abîmer encore plus. La voix rauque brise le silence qui avait empli la pièce pour y lancer son prénom, faisant exploser à nouveau son cœur dans sa poitrine. Jamais pucelle n'a été aussi heureuse de l'entendre, ce Magdelon si souvent moqué par tout un chacun. Par tous, mais jamais par lui.

Dans un haut le cœur, Samaël reprend contact avec la vie, tapissant le sol de gerbe prouvant que son système digestif est encore bien actif et les réflexes bien présents. Encore plus que son prénom énoncé, la pâtée qui atterrit sur le sol de la chambre lui redonne confiance. Sa main vient attraper les cheveux roux en un geste maternel pour éviter qu'ils ne soient souillés, les faisant passer derrière une oreille abîmée et abandonnée au clan des Piques. Cette marque prouve à quel point le passé de Samaël est chaotique, bien plus que le sien, et c'est ainsi que Magdelon l'aime, avec ses failles, ses profondeurs, ses blessures et ses pulsions.

    - Sale petit emmerdeur va, on a pas idée de faire des conneries pareilles.

Conneries qu'il faut bien réparer, en plus, car il n'en reste pas moins qu'une dague se trouve encore et toujours plantée en son flanc. Et ça, brunette ne sait comment s'en occuper, hésitant à le laisser seul de peur qu'il ne flanche à nouveau. Mais rester à ses côtés n'arrangera en rien la situation et ne fera qu'augmenter les risques potentiels de le voir plonger dans des limbes dont il ne pourrait revenir. A son oreille, pulpe des doigts allant caresser le front, quelques mots sont chuchotés, se voulant rassurants et sûrs d'eux.
    - Je reviens rouquin, je vais chercher le vieux, il va savoir quoi faire, lui.

Car la seule personne à qui Magdelon pense en cet instant est celui qui lui a déjà sauvé les miches quelques jours auparavant et qui a eu la folie de les suivre lors du tournoi.
    - Crève pas en attendant sinon je te jure que je te bute en revenant.

La gourde de genépi offerte durant leur dernier voyage et dérobée à un berger traînant dans le coin de la pièce est débouchée et portée à ses lèvres avant de partir. Qu'il boive pour redonner un coup de fouet, pour enlever de sa bouche le goût acide de la bile et du sang. Un dernier baiser sur la tempe et la voilà partie, courant à en perdre haleine, sachant exactement où trouver le vieux à cette heure tardive. C'est une Magdelon échevelée et essoufflée qu'il voit arriver et qui saisit sa main sans autre forme de procès, le forçant à le suivre sans aucune explication, le regard et le visage en disant bien assez.

Played by the gate at the foot of the garden,
My view stretches out from the fence to the wall,
No words could explain, no actions determine,
Just watching the trees and the leaves as they fall.


Je suis resté près du portail au bout du jardin,
A les regarder passer comme passent les nuages dans le ciel,
Je tente de crier dans la chaleur du moment,
Possédé par une fureur qui me brûle de l'intérieur.

Trompée, près du portail au bout du jardin,
Ma vue s'étend de la barrière jusqu'au mur,
Aucun mot ne pourrait expliquer, aucune action ne pourrait déterminer,
Simplement regarder les arbres et les feuilles tomber.

The Eternal - Joy Division

_________________

~~*~~ ReVolte ~~*~~
Adrian.w
Et à cette heure tardive, le vieux ingurgitait ses derniers godets de la journée, ou ses premiers selon, avant d'aller pioncer et ronfler tout son saoul, comme le bienheureux qu'il était. Il y avait en effet de quoi se satisfaire de la vie, frais comme un gardon après des jours à avoir vomi tripes et boyaux. Il y avait surtout départ à fêter, dans l'attente de retrouvailles qui le tenaient éveillé parfois, impatient souvent. L'oeil perdu dans le fond de piquette qui n'attendait que son gosier, il l'imaginait déjà, dans toute sa jeunesse et drapée de son impertinence ; il essayait en vain de se rappeler l'odeur de sa peau et maugréait d'être incapable d'ancrer en lui de tels souvenirs ; il n'oubliait pas, toutefois, ses doigts parcourant nuque, naissance des seins, ventre et hanches... et, sur une dernière rasade, se décida à rejoindre sa chambre pour satisfaire en solo un besoin grandissant.

Qu...

Pas même le temps de payer l'aubergiste qu'il courait déjà dans les rues enneigées de Genève, l'envie soufflée et la frustration vissée au corps.

P'tain mais quoi ? On va où ? Tu t'es foutue dans quelles emmerdes encore ?

Des questions sans réponses, mais aucune forme de résistance de sa part. Il savait qu'elle avait besoin d'aide. Cela se lisait dans son visage cerné d'inquiétudes, dans sa main arrimée à la sienne, dans la course effrénée malgré les plaques de verglas. Et, sans pourtant lui être redevable d'aucune manière, il y avait une sorte d'accord tacite entre eux qui semblait sous-entendre qu'il l'aiderait au besoin. Les ruelles furent dévalées, une porte ouverte, des marches grimpées quatre à quatre.

L'oeil hagard accrocha alors le corps gisant au sol, dans une flaque de vomi et de sang.


Foutre.


Il avait déjà vu plus moche, dans les camps militaires et les champs de bataille. La surprise s'imposait simplement parce que ce n'était définitivement pas ce qu'il avait prévu pour sa nuit. D'un regard, il balaya la pièce du regard, cherchant en vain un signe de bagarre qui expliquerait le rouquin flanqué là de cette dague.

... Je veux pas savoir.

Balayant d'une phrase le lot de questions idiotes auquel Magdelon s'attendait peut-être, il agenouilla sa carcasse près du sanguin sanguinolent, vérifiant respiration, palpant, soulevant, humant.
Le diagnostique, enfin.


Je sais pas faire de miracle.

Les probabilités qu'il ne meure pas d’hémorragie étaient faibles. Qu'il ne chope pas une infection suite à cela, quasi nulles. Il tourna son nez vers la brune échevelée. Qu'elle décide s'ils devaient passer une nuit de merde à s'activer, ou une à la laisser pleurer.
Magdelon.




Genève a déjà connu une telle course en son sein une poignée de jours auparavant, à cela près que le conducteur du duo a changé cette fois-ci. Magdelon mène la danse, traînant avec force le gascon à travers les ruelles froides et glissantes, menaçant de les faire verser au sol tous les deux. N'ayant qu'une idée en tête, son souffle n'a pas même été repris avant de réaliser le chemin en sens inverse. Ses poumons la brûlent, sa bouche est sèche, le cœur s'emballe et cogne fort, mais l'oiselle n'en a cure car chaque minute compte. Aucun mot ne peut sortir de ses lèvres au risque de la stopper sur place et d'accélérer encore les battements de son palpitant, ou de couper tout bonnement ce souffle qui commence à lui manquer. À la volée, la porte de l'auberge est ouverte pour les laisser passer afin qu'ils prennent la direction des escaliers où les marches sont grimpées en quelques secondes. Enfin, Adrian peut aviser de lui-même l'étendue des dégâts. Il brise le silence de la pièce jusqu'alors entrecoupé des respirations haletantes dues à leur course folle.

Le gascon ne veut pas savoir... mais de toute façon, brunette n'a aucune explication à lui donner, bien incapable de savoir ce qui s'est réellement passé dans le cerveau du goupil qui se tient là, gisant encore dans un mélange de sang et de gerbe. Tous les gestes du vieux sont observés, décortiqués, dans l’expectative d'un diagnostic favorable à la suite. Les sombres prunelles sont rivées sur sa lourde silhouette, lèvres pincées, alors que doucement sa poitrine se soulevant reprend un rythme normal. La réponse ne la satisfait pas. Pas du tout. C'est un visage fermé qui s'offre alors à lui, et le peu de mètres qui les séparent sont avalés en un claquement de doigts. D'une main ferme, glacée et aux ongles rongés de nervosité, le col gascon est empoigné fermement, le regard vissé au sien. L'état dans lequel la pucelle se trouve n'a que peu été vu par ses proches. Les sentiments s'entremêlent. Peur, colère, incertitude, impatience. Rien de positif, rien qui ne la pousse à prendre des pincettes, à ne pas faire ressortir le loup qui est en elle et qui bouillonne de ne pouvoir régler la situation seule et surtout, de se mouvoir dans l'inconnu. D'un coup sec, elle rapproche son visage du sien jusqu'à laisser une distance d'à peine quelques millimètres entre eux, mâchoire serrée, laissant apparaître la détermination qui lui vrille le bide et les traits tirés par une vie déjà bien trop dure pour une gamine de quinze balais. D'une voix ferme, leurs deux corps surplombant celui du roux encore à terre, Magdelon apostrophe leur coéquipier sans douceur.

    - Y a personne de croyant dans cette pièce, putain ! T'entends, Adrian, personne ! On s'en tape des miracles, merde ! Tu peux le remettre d'aplomb ? Il va crever ou pas, BORDEL ?!

Les nerfs à fleur de peau, le col malmené est relâché aussi vite qu'il a été saisi, les narines palpitantes et les inspirations encore bien trop rapides pour être normales. Ses prunelles se baissent alors vers Samaël, se rivant à son visage avant d'aller se fixer vers la lame toujours plantée dans son carcan. L'intonation s'adoucit un peu, laissant poindre une inquiétude que la noiraude essaie de dissimuler autant que possible.
    - Sauve-le Adrian... Tire-le de là, faut pas qu'il clamse, faut pas...

Le gascon, à nouveau, entre dans sa ligne de vision, et sans doute peut-il lire sur ses traits le maelstrom d'émotions qui l'habite.
    - Dis-moi ce qu'il faut faire.

Le ton est sans appel, on lui sauve les miches, putain.
Magdelon.


Il l'ignorait, à ce moment-là, mais cette empoignade n'était que la première d'une longue série. A croire que Brune et Roux prennent grand plaisir à saisir son col et mêler leur haleine à la sienne. Sang contre flegme. Sans doute est-ce ce qui régira aussi la réussite de leur entente somme toute amicale. Sur l'instant, aucune considération de la sorte, juste l'acceptation de la réponse à la question qu'il posait. Nuit de merde en perspective, donc.

Moi. Moi, je suis croyant.

Il s'agenouilla de nouveau près du corps, les yeux plissés, essayant de chasser de son crâne la brume due à l'ivresse pour être à même d'user de toutes ses capacités le mieux possible. Autant dire que ce n'était pas partie gagnée d'office. Et avant que l'angoissée n'eut l'idée de se mettre à le tabasser pour sa remarque à la con, il donna consignes comme général avant la bataille.


Descends et demande au tenancier de faire bouillir du vin. Qu'il te trouve autant de linges propres que possible, et de l'eau claire. Retourne pendant ce temps-là dans ma chambre chercher mes affaires. Allez. Qu'est-ce que tu fais encore là ?

Enlevant sa botte trouée, il en sortit son pécule de secours, soit tout ce qu'il possédait sur l'heure, et lança la bourse à Magdelon. Et tandis qu'elle tournait les talons, il ajouta à son intention : "Et prends une bouteille d'alcool fort aussi".

Botte remise au pied, il découpa, de son couteau à lui, la chemise trouée du rouquin. Voir dague plantée dans un corps vêtu est déconcertant, mais dans peau directement l'est davantage. Comme assister à un événement dérangeant, où deux éléments qui ne devraient jamais se rencontrer le font malgré tout.
L'attente parut interminable au Gascon et il sursauta presque en voyant l'échevelée revenir et apporter, en deux fois, tout ce qu'il avait réclamé. La porte fut refermée, laissant ces trois-là dans l'intimité d'une opération de secours qui, avouons-le, avait beaucoup de chance d'échouer.


Je vais retirer l'arme. Ça va pisser le sang. C'est le plus dangereux. Tu vas prendre un linge et appuyer de toutes tes forces. Faut espérer qu'il se réveille pas... Si c'est le cas, frappe-le. Ce sera plus facile s'il est inconscient. Ensuite, on arrosera la plaie de vin bouillant, pour désinfecter. Il s'en rendra peut-être pas compte mais il va douiller. Ensuite je vais recoudre et bander. Enfin... Bander son corps hein... Hum. Bon. T'as tout compris ? Va pas falloir tourner de l'oeil.
Magdelon.


In fear every day, m every evening,
Dans la peur tous les jours, tous les soirs,
He calls her aloud from above,
Il l'appelle bruyamment d'au dessus,
Carefully watched for a reason,
Prudemment surveillé pour une raison,
Painstaking devotion and love,
Minutieuse dévotion et amour,
Surrendered to self preservation,
Abandonné à sa propre préservation,
From others who care for themselves.
Par les autres qui se préoccupent d'eux mêmes.
A blindness that touches perfection,
Un aveuglement qui touche la perfection,
But hurts just like anything else.
Mais blesse comme nulle autre chose.
Isolation





Est-ce que tu vas mieux Judicaël ? Parce que moi oui.
Délivrance…
A chacun son constat, aucun n'est victime de l'autre, mais de son avarice, sa propre bêtise, son mensonge, sa cupide naïveté, ses manigances…
…sa faiblesse.



Ses doigts gigotent à peine, ils grattent la terre souillée, s'agrippent à ce semblant de vie. Il siffle, la gorge est strangulation rieuse.


Je l’entends.
La voix de Magdelon me parle, me sermonne, me redresse et crie d'une voix douce. Ma tendre femme, l'unique, tous ces jaloux qui dansent autour mais c’est moi qu’elle a choisi.

Tout est confus, ce sont pourtant des traits d’un souvenir lointain qui apparaissent devant mes yeux, la clarté d’une Aurore boréale. Ma dextre se tend, tente d’attraper la sienne.
Elle ne la saisit pas. Elle ne veut pas de moi, comme dans mes souvenirs d’Antan.
Elle me pousse de l'autre côté de la lumière.
Je pleure en silence... Effleure à peine un doigt et le visage figé de ma fille qui ne verra jamais le jour, fœtus agonisant dans la matrice d’une Morgaine disparue.
Aurore gronde, l'image du bébé disparaît.




    Ton malheur pour excuse.
    Les excuses ne servent qu'à se donner bonne conscience, il fait ce qu’il veut de sa vie comme il l'a toujours fait et il serait bon que tu en fasses autant.
    Ouvre les yeux, regarde-toi, Samael, rappelle-toi comme tu n’y croyais plus à ma mort, tes errances parmi les putains et les malheureuses qui ont croisé ton chemin à qui tu as volé toute dignité. Rappelle-toi tes déboires, vos déboires et cette verve qui dégoulinait. Ne détourne pas le regard, c'était toi et lui, c'était quand tu t'aimais de manière inconditionnelle malgré vos échecs et les embûches, la frustration de vos différences, ta sempiternelle position de second, évoluant dans l’ombre d’une étoile en quête de reconnaissance et de gloire.
    Tu l'aimeras toujours, certes mais différemment, enfoui au plus profond de ta mémoire, tu garderas un coin pour ce jumeau perdu dont le cordon vient d’être coupé.
    Relève-toi.
    Cesse de jouer avec le feu.
    Cette nuit, je te détache de tes chaînes et t’ordonne de prendre le contrôle de ta vie. Tu vas te relever, non pas parce que tu le dois à quelqu’un mais parce que tu te le dois à toi. Tu vas poursuivre là où ton misérable geste a commencé. Tu vas reprendre tes projets et tu vas briller si fort que ce sera le clin d’œil que tu m'envoies que tu ne m'aies pas tuée en vain.
    Reprend ta place où il se doit, tu es libre... de vivre.
    Une deuxième chance s’offre à toi. Vois la peur dans les yeux de cette fille. Ça n’est pas la même que quand mon regard a croisé le tien alors que tes mains m'enlevaient la vie. Elle n’a pas peur de toi, mais pour toi. Elle t’aime, de cet amour pur et sincère qu’ont ses grands yeux noirs.
    Secoue-toi !




Sa respiration est fugace, les paupières se crispent et bougent au fil des rêves qui s'entrechoquent pour le faire vivre, ou le laisser mourir. Les mains délicates et tremblantes de sa Magdelon tant aimée sont réparatrices.
Le corps mutilé bouge enfin, se posant lentement sur le côté gauche, en chien de fusil. Ses yeux s'ouvrent en une lueur d'espoir, ses poumons se gorgent d’air et sa gorge laisse jaillir un hurlement, lorsque la lame se retire.
Il fixe son bourreau, comme un inconnu.
Un bourreau salvateur…
Adrian.




Asylums with doors open wide,
Les portes de l'asile sont grandes ouvertes
Where people had paid to see inside,
Les gens ont payé pour pouvoir y pénétrer et voir
For entertainment they watch his body twist
Ils se divertissent à regarder son corps se tordre
Behind his eyes he says, 'I still exist. '
Mais dans son regard on peut lire "je suis toujours vivant"
Atrocity Exhibition


_________________
Magdelon.


Les lèvres se serrent à la réponse du gascon. S'il n'avait pas eu les mains pour soigner son homme, l'oiselle lui aurait tordues, aussi fort que possible, et un coup de genou bien placé aurait tout aussi bien pu être lancé pour avoir proféré de telles âneries. Mais il n'est pas temps d'abîmer la seule personne qui peut leur apporter son aide, précieuse et indispensable. Les narines palpitent à l'inspiration bien trop nerveuse et en écho les ongles bouffés laissent des marques dans sa paume lorsque se crispent les poings. Le temps se suspend, encore, quand les mains palpent, les prunelles scrutent, le cerveau analyse, et brunette manque d'air. Trop, beaucoup trop. A bout de nerfs et à fleur de peau, c'est d'un bond que la distance la séparant de la porte est avalée pour se précipiter à l'extérieur aux consignes données, bourse attrapée d'une main agile. Le tenancier est alpagué, la trogne livide de la berrichonne bien trop sérieuse pour qu'il ne tente de la contrarier et lui refuser linges et vin bouilli. Sans doute doit-il se demander en son for intérieur ce que les deux zigs ont encore pondu comme connerie, mais il ne pipe mot, s'exécutant, posant sur le comptoir ce que la donzelle lui a réclamé alors que la porte se claque.

De son côté, pucelle est déjà dehors, courant à en perdre haleine vers la piaule du barbu qui est retournée sans considération. Les affaires volent en tous sens, il lui semble écraser du talon quelque chose qui craque sans vérifier ce que ça peut bien être. Récupérant ce qui doit l'être, les marches sont redescendues aussi vite qu'elles ont été grimpées, et les ruelles genevoises sont prises à rebours. Échevelée, Magdelon entre à nouveau dans l'auberge, balance quelques pièces au tenancier pour la bouteille d'alcool demandée et embarque une partie de son paquetage à l'étage. En deux voyages, tout est balancé à portée de mains d'Adrian, le souffle brûlant, les poumons idem, le cœur à la limite de la rupture.

Le huis clos se referme alors sur eux trois, les laissant là, jouant avec la faucheuse en ayant qu'une envie, qu'elle soit renvoyée dans ses pénates à coups de pied au derch. Non, brunette refuse qu'on lui vole Samaël maintenant, dusse-t-elle s'arracher bras et jambes pour qu'il survivre. Ce qui, logiquement, ne servirait strictement à rien, mais quand la folie s'empare de votre être face à ce qui vous rend impuissant, toutes sortes de pensées irrationnelles vous passent par la tête. Toutes les paroles distillées par le gascon sont emmagasinées pour que chaque étape soit claire et que tout se déroule sans anicroche. La vie du renard se suspend à leurs quatre mains, dont deux fort peu expertes dans ce genre d'exercice périlleux. Nerveuse de nature, les mains glacées tremblent encore plus que d'habitude, reflétant la peur qui lui vrille les entrailles de voir son rouquin lâcher son dernier souffle de vie.

    - Compris mais... l'assommer, t'as vu mon gabarit, t'y crois vraiment ?

Parce qu'assommer des nobles bourrés dans les ruelles crasses de la ville ou encore un malheureux promeneur égaré, armée de sa fonde et de quelques pierres, ça n'est pas un soucis. Mais coller dans les vapes un Samaël allongé au sol qui vient de se planter une dague dans le bide, c'est une autre paire de manches. Quant au fait de ne pas tourner de l’œil, le regard se fait noir et vexé lorsqu'il se pose à nouveau sur Adrian après avoir traîné longuement sur le visage aimé.
    - Eh, je suis pas une puc... enfin je suis pas une mauviette, merde !

Le visage du porion réduit en bouilli à Limoges lui revient en mémoire, ainsi que la gorge tranchée du garde parisien, ou sa lame se plantant dans le flanc de la chimère qui l'avait poursuivie en son esprit durant des mois. Du sang, des plaies, Magdelon en a vus bien plus qu'il n'en faut à son âge, mais malgré tout, elle sait que ce sera différent, là. Car c'est lui qui se tient là, allongé, celui que toute son âme a décidé d'aimer plus que tout autre. Il lui avait été impossible de résister à cet attrait la poussant de tout son être vers ce rouquin à l'esprit décalé, faisant totalement et parfaitement écho au sien. L'oiselle serre alors les mâchoires, prête à faire face à l'afflux de sang qui ne manquerait pas de jaillir au retrait de la lame traîtresse qui risque de l'emporter. Linges bien en main, les billes sombres ne quittent plus maintenant la garde de la dague saisie par leur coéquipier qui deviendra bien plus par la suite. Et quand cette dernière se désolidarise du corps, le carmin sort de son carcan en un jet épais, souillant la peau et trempant instantanément le sol. D'un geste, le flot est contenu comme il lui est possible, appuyant de toutes ses forces, les linges se remplissant en quelques secondes du vermeil poisseux.

Le cri poussé par Samaël déchire l'air, ses oreilles, son cœur. Il signifie pourtant qu'il est vivant, qu'il ressent la douleur, qu'il a assez de force pour faire jaillir de ses poumons ce hurlement que toute l'auberge a dû entendre. Il crie car il a mal, et cette idée lui est tout bonnement insupportable. Alors Magdelon fait ce qu'Adrian attend d'elle, son poing fermé s'abat sur le visage du blessé, visant directement la tempe aussi fort que possible.
Magdelon.


Et la tête, aussitôt, retombe lourdement, plombée du sommeil imposé par le poing de l'oisillon. A peine une grimace sur le visage gascon, crainte vite envolée du coup donné, peut-être trop fort, en direction de ce corps dont la vie s'échappe en marée rouge sur le sol de cette auberge miteuse, au travers des linges qui semblent en écluser la totalité.
Le mercenaire repose alors par terre l'arme délestée du flanc, comme on jette sa chemise avant d'aller se coucher, comme une babiole sans importance qui n'aurait causé aucun dégât majeur. Pourtant, des dégâts, il y en a, et Adrian n'est pas certain qu'ils soient réparables. L'éventualité l'effleure et l'image d'une Magdelon prise de folie pure s'accroche à cette pensée. D'un grognement, il l'écarte, en même temps qu'il fait signe à l'assistante aussi tendue que la corde d'un arc d'ôter les chiffons poisseux. Le vin brûlant est alors versé lentement et avec précision sur la plaie de la longueur d'un petit doigt, ébouillantant la chair déjà meurtrie et éloignant les risques d'infection sur son passage.

Nerveusement, le Gascon attrape ensuite la bouteille d'alcool pour en avaler de longues gorgées, avant de la tendre à sa coéquipière. Elle ne boit jamais. Ce n'est pas ce soir là qu'il compte la faire changer d'avis. Fouillant dans les affaires qu'elle a ramenées de sa piaule, il en sort une aiguille à chas et un rouleau de fil de soie, l'objet probablement le plus onéreux qu'il trimballe avec lui. Posant le fil pour ne garder que l'aiguille, il tend les pattes à l'oiselle.


Verse.
Et éclaire-moi, putain. Je fatigue des yeux, le soir.


D'alcool imbibés, les doigts s'activent ensuite pour insérer le fil dans le chas, s'y prenant à plusieurs reprises tandis que les yeux se plissent avant d'y parvenir. Enfin la carcasse se penche sur le corps endormi et se met à l'ouvrage, perçant la peau du laiton et y glissant la soie pour mieux en resserrer les bords. La suture n'est pas vilaine, même si son talent n'égale pas celui des nobles pucelles qui s'usent en broderies. Il manque de finesse, pour cela, autant dans les mains que dans l'esprit. Le noeud final achevé, le mercenaire essuie sur front trempé de sueur d'un geste de l'avant-bras.

Trempe un linge propre dans le vin.

La voix se fait lasse. Le vieux est claqué. Tout son être n'aspire qu'au sommeil, mais l'esprit lutte tandis que la main se saisit du tissu tendu pour le plaquer contre la plaie, avant de faire tenir le tout d'un bandage enroulé autour du torse pâle comme la lune du rouquin.

Maintenant... Maintenant, faut qu'il se réveille.
Sinon c'est mort.


Avec mauvais jeu de mots.
Magdelon.


À son poing qui s'abat s'effondre la tête sur le plancher, faisant jaillir dans ses prunelles sombres l'étonnement l'espace d'une seconde. Si la main sait où viser, c'est parce qu'il lui a montré, lui expliquant les feintes, les positions, les arabesques à suivre dans l'objectif d'atteindre tête, poitrine ou torse d'un adversaire à mains nues. Ils en avaient joué, au creux de cette auberge, et l'oiselle avait vite appris, passant d'un direct au crochet, à un uppercut. La force, bien évidemment, avait besoin d'être travaillée, les bras de gagner en agilité, les mouvements des pieds en rapidité, mais la substantifique moelle avait été perçue, compris et assimilée. Et putain que Magdelon avait aimé ce moment de jeu entre eux et voir la fierté s'allumer dans les pupilles du renard. La leçon payait aujourd'hui, dans une circonstance toute autre que celle imaginée au départ, lorsque la demande lui avait été faite de lui apprendre les rudiments des combats de rue.

Brunette n'a pas le temps de percevoir l'éventuelle surprise dans les émeraudes lui faisant face, Adrian la sollicite à nouveau et d'un geste tremblant les chiffons emplis de sang sombre sont écartés, offrant à sa vue la plaie béante. Évidemment qu'elle sait qu'il peut mourir, mais l'espérance s'accroche bien plus fort que l'angoisse, et c'est sans un mot que les gestes ordonnés par le gascon sont exécutés. Mains trempés d'alcool, bougie portée à hauteur du regard et ensuite de la blessure où l'aiguille s'immisce, se plantant comme dans du beurre pour y faire passer le fil réparateur, tout est savamment orchestré par le vieux qui semble avoir dessoûlé depuis un paquet de minutes maintenant.

À sa dernière injonction, Magdelon s’exécute, imbibant le tissu de vin pour en recouvrir la suture dont Samaël garderait une belle marque. S'il vivait... Et les paroles d'Adrian font écho aux sombres pensées qui viennent, insidieuses, lui bouffer l'esprit à cet instant. Le museau se lève pour aviser le visage buriné par le temps et les années de guerre, et le regard que lui jette la brune en dit long sur les craintes qui s'éveillent alors que la pression n'est pas encore redescendue.

    - Il va vivre, sinon c'est moi qui mourrai.

Et ça lui fera une belle jambe, au vieux, d'avoir deux cadavres sur la conscience. Mains pleines du carmin poisseux, son visage s'approche de celui du rouquin complètement dans les vapes. Ses paumes viennent se poser à ses joues, y laissant une trace pourpre. Les coups ont déjà bien trop plu sur sa trogne en ce jour pour récidiver, sa bouche vient alors trouver la sienne comme pour y insuffler à nouveau la vie, murmurant à l'orée de ses lèvres une cascade de mots irréfléchis.
    - Samaël, t'es plus fort que la faucheuse, t'en as explosé des gueules, buté des connards, soulevé des montagnes, c'est pas maintenant que tu vas te laisser embarquer par cette putain. Ouvre les yeux, réveille-toi, cramponne-toi et montre-nous que t'as la rage au ventre. Oh malheureux renard ! Ta rage n'est point perdue !
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