Afficher le menu
Information and comments (2)
<<   <   1, 2   >>

[RP] Microcosmes

L_aconit
10 avril. Dernier acte.
Parce qu'un acte vaut mieux que des mots.
Des maux.


- Qu'est-ce que tu racontes...

Le corps a déserté son côté. Transvasé. Transgressé. Quitté sa polarité.
Il se présente déjà au seuil du pénitent, s'introduit.
Les bleus le considèrent gravement. La dextre le saisit au col. Les silhouettes se heurtent.

- Fais ta prière Alphonse. Répète après moi. Là.
Mets tes mains ainsi. C'est bien.
Tu te demandes si tu es une bête féroce ou bien un saint.
Mais tu es l’un, et l’autre. Et tellement de choses encore.
Tu es infiniment nombreux .
Celui qui méprise, celui qui blesse, celui qui aime, celui qui cherche,
et tous les autres ensembles.
Trompe-toi, sois imprudent, tout n’est pas fragile.


Le corps colle, plaque, défait, désarme. Le corps Règne.
La chair doit libérer. Il faut se libérer.


- N’attends rien que de toi, parce que tu es sacré.
Parce que tu es en vie.
Parce que le plus important n’est pas ce que tu es, mais ce que tu as choisi d’être.
Regarde-moi dans les yeux. Regarde-moi. On s’en branle, c’est pas important
Moi je te trouve magnifique. Depuis la première fois que je t’ai vu.
D'ailleurs, je ne m’en suis toujours pas remis.
Et puis comment je ferais sans toi moi?
Et puis comment l’univers il ferait sans toi?
Ça ne pourra jamais fonctionner. C’est impossible.
Alors faut pas pleurer. Faut pas pleurer.
Parce que ça va aller je te le promets, ça va aller.
Parce qu’on est de ceux qui guérissent. S'guérissent.
De ceux qui résistent, de ceux qui croient aux miracles.


Les lèvres murmurent, saccagent, psalmodient. La nuque est violentée.
La lutte résonne dans Saint Front désertée. Plus personne les entendra.
Peut-être juste le seigneur? Dieu aime ceux qui s'aiment.

- Mais un jour tout ça on n’y pensera même plus .
On aura tout oublié, comme si ça n’avait pas existé.
En attendant passe tes bras autour de mon cou si tu veux .
Pendant que je te répète ces phrases qui nous donnaient de l’élan hier.
Tu te souviens? Tu te souviens?


Les mains, douces, sont devenues ravageuses. Violeuses. Voleuses.
Sales. Crasses. Terriblement aimantes. Elles arrachent les vêtements.
Décarrapaçonent. Façonnent. L'Alphonse brut. Sans apparat.
L'exhortent à sortir. Le menaçent. La bouche se fend de mot féroces. Corps harponne.

- Tu nous entends mélancolie? Tu nous entends?
Si tu nous entends, va te faire enculer.
Tu pensais que tu allais nous avoir hein?
Tu croyais qu’on avait rien vu?
Surprise connasse! Donne tes hanches.
Tu nous entends la Honte? Tu nous entends?
Si tu nous entends fais gaffe quand tu rentres chez toi toute seule le soir .
On pourrait avoir envie de te refaire la mâchoire. Donne ta mâchoire.


La lutte est belle, laide peut-être, qu'importe. La vie l'est toute autant.
La vie c'est maintenant. Parce qu'un mois ça passe vite.
Un mois d'odeur, ça s'évapore vite. Sa mère !
Un rire clair, étouffé d'un baiser retentit aux madones endormies.


- Tu nous entends la Dignité? Tu nous entends?
Si tu nous entends sache qu’on a un genou à Terre et qu’on est désolés...
Là. Mets un genoux à terre. Vas-y Alphonse.
On est désolés de tout ce qu’on a pu te faire, mais on va changer!
On va devenir des gens biens, tu verras!
Et un jour tu seras fière de nous. Ou pas , j'sais pas.
J'sais pas si j'veux quand j'te vois là Alphonse.
Et toi, tu veux?
Donne ta bouche.


Tu nous entends l’Amour? Tu nous entends?
Si tu nous entends, il faut que tu reviennes parce qu’on est prêts maintenant, ça y est
On a déconné c’est vrai mais depuis on a compris
Et là on a les paumes ouvertes avec notre cœur dedans
Il faut que tu le prennes et que tu l’emmènes
Tu nous entends l’Univers? Tu nous entends?
Si tu nous entends, attends-nous! On arrive
- Fauve -

_________________

    (En Bleu italique, les pensées Laconiques.) -Recueil
galerie d'avatar
L_aconit
12 avril




    "Vésone est un endroit où l’on jouit mais où l’on vit.
    Là-bas je t’enlèverai ton masque, celui qui t’a saisi, des nerfs jusqu’au cœur; tu pourras crier,
    pleurer, hurler, haïr, maudire, condamner, parler, te taire, remplir le monde d’infinitifs.
    Tout cela, tu peux le faire à nos draps, à mes bras.
    Viens."

    Alphonse


Alors si telle était Vésone, sa tour, comme un amphithéâtre de Vérone, son Isle comme les rives de l'Adige , ses amants, comme ceux qu'un Shakespeare avait fait connaitre, L'Aconit irait s'y fermer pour la nuit. S'y faner un peu peut-être, nu et cru. Lettre en poche, et réplique cinglante d'un Cassian volubile pour ne pas lui apparaître grossier, en tête. D'abord l'avait-il écouté se vanter de prendre Isaure pour épouse, par sa seule volonté. Puis quelques fois, encore, de vendre Dôn comme agonisante.

"Mais c'est sa soeur, qui est démente!" Avait-il dit finalement ce nouveau soir. Hurlé. Vrillé aux oreilles non préparées d'un frère qui s'était fait la veille, bien du soucis pour son aînée. Il est vrai que le dernier pli était décousu. Mais que penser de celui qui était arrivé au matin? Confirmant quelques doutes sur l'état de Dana.

Coulant au lit de ses amours tendres, cherchant comme un chiot, le lait du réconfort au sein d'une étreinte figée, Nicolas rejoindrait Vésone et ses secrets. Laisserait choir l'habit du religieux, la lettre dépliée, la vivacité habituelle et la combativité. Fourrageant la tempe brune, sommeil viendrait en son temps. Chemin se frayant dans les tourbières des pensées.



Citation:
    De Dana
    Objet: Je suis là.

    Nicolas,

    Brûlez tout. Brûlez l'argent, et même le plus petit des deniers. Brûlez étoffes, tissus, et même rideaux et lainages ! Qu'aucune tenture ne puisse demeurer intacte. Brûlez ce lien qu'il m'est impossible de voir naître. Et s'il le faut, faites bouillir de l'eau, et que Salomon y plonge. Baquet brûlant ne saurait être suffisant, parsemez sur le corps de l'enfant, épices et sels.
    Que crève ma mère, et tout ce qu'elle a pu toucher, mais épargnez mon tout petit. Epargnez-le.

    La déchéance vient, et bien plus vite avec elle.
    Vous ne m'écoutez pas assez, mon frère. Pas assez.

    Que le très-haut puisse sauver ce qu'il reste à sauver,
    Dôn.

_________________

    (En Bleu italique, les pensées Laconiques.) -Recueil
galerie d'avatar
Alphonse_tabouret
12 Avril





Faust s’est endormi.
Par la fenêtre, Vésone se dresse, ronde muraille jetée aux vents d’avril et Faust s’est endormi.





I used to know a little square
Je connaissais un petit square
So long ago, when i was small
Il y a longtemps quand j'étais petit
All summer long it had a fair
Pendant tout l'été il y avait une foire
Wonderful fair with swings and all
Une merveilleuse foire avec des balançoires et tout
I used to love my little fair
J'aimais ma petite foire
And at the close of every day
Et chaque jour a la fermeture
I could be found, dancing around
On pouvait me trouver, en train de danser autour
A merry-go that used to play
D'un manège qui jouait


Sa respiration va et vient juste en dessous de l’oreille, chauffe et fraichit la peau brune qui s’en captive, semant à chaque vague, l’écho d’un battement de cœur ; les doigts d’Alphonse dessinent de songeuses arabesques dans les épis blonds qu’accueillent son épaule, délicates araignées n’altérant pas le temps et ses éthers.

Ah, mon amour
A toi toujours
Dans tes grands yeux
Rien que nous deux


Les ombres ont traversé la pièce, s’étirant d’harmonieuses géométries, nivelant la chambre à de nocturnes frontières et Faust s’est endormi. Saint Front a sonné deux fois depuis qu’il a sombré aux froides houles d’un repos tourmenté ; dextre s’est crispée en un poing fermé et monte et descend sur le ventre d’Alphonse qui la fixe, attentif à sa musique, à ses brèves variations.



All summer long my little fair
Pendant tout l'été ma petite foire
Made everyday like a holiday
Faisait de chaque jour un jour de vacances
Night after night it used to play
Nuits après nuits elle jouait
And people came there from so far away
Et les gens y venaient de très loin
And everyone sang that little tune
Et tout le monde chantait ce petit air
All around town you heard it played
Tout autour de la ville vous l'entendiez joué
Even Pepi from Napoli
Même Pepi de Naples
He sang to Marie
A chanté pour Marie
This serenade
Cette sérénade



Faust ne s’était jamais endormi.
Accord tacite dont ils n’ont jamais eu à poser les règles, au lit des amours faunes, la somnolence seule se pardonne ; Chat ne partage pas son sommeil, craintif de ses laideurs aux laisses débridées de conscience, et Faust, subtil, en a dès le début discerné les accords. Une fois repus, une fois les corps marqués, les ventres délavés, à la faveur d’une dernière étreinte, les affaires sont ramassées et le cloitre rejoint avant que le jour ne perce.



Ah, mon amour
A toi toujours
Dans tes grands yeux
Rien que nous deux



Ce soir, Faust s’est endormi et Alphonse ne se lève pas, rechigne à ses astuces pour consumer la nuit sans déranger le loir, quitter la couche et dissoudre le temps à d’insoupçonnables obligations ; courriers l’attendent sur le bureau, comptes délaissés à la recherche des enfants patientent à son nez, mais faune en suspension s’éprend de l’instant bleu.



I can't forget my little square
Je ne peux pas oublier mon petit square
Even though I'm so far away
Même si j'en suis si loin
I can't forget my little fair
Je ne peux pas oublier ma petite foire
Maybe it's still there, still there today
Peut-être est il toujours là, toujours là aujourd'hui
I sometimes hear that little tune
J'entends parfois cette petite chanson
playing in a dream of long ago
jouée dans un rêve d'il y a longtemps

And in my brain runs the refrain
Et dans mon cerveau court le refrain
That old French refrain I used to know
Ce vieux refrain français que je connaissais



Quatre heures sonnent en même temps que crépite une ondée sur les toits.
Faust s’est endormi et Alphonse s’éveille.



Ah, mon amour
A toi toujours
Dans tes grands yeux
Rien que nous deux


Jeff Buckley, Je n’en connais pas la fin.

_________________
L_aconit
15 avril


Gortozet 'm eus, gortozet pell
J'ai attendu, j'ai attendu longtemps
E skeud teñval an tourioù gell
Dans l'ombre sombre des tours brunes
E skeud teñval an tourioù gell
Dans l'ombre sombre des tours brunes

E skeud teñval an tourioù glav
Dans l'ombre sombre des tours de pluie
C'hwi am gwelo gortoz atav
Vous me verrez attendre toujours
C'hwi am gwelo gortoz atav
Vous me verrez attendre toujours


Dans le jardin de Saint front, Printemps a repris ses droits. Les simples abondent, peuplées d'une vie grouillante. L'humus au pied du grand sureau qui les protège d'un soleil presque piquant exhale une odeur forte, après la pluie des dernières nuits.

Assis contre le tronc noueux aux écailles grisâtres l'évêque et son mystérieux visiteur discutent abrités des regards de la ville. Les enfants de choeur se sont faits à cette Parisienne présence qui éveille encore tous les intérêts des gens du village. Alphonse, étranger à tous mais familier à la vie des marchands, artisans, tenanciers, est un chat qui s'est faufilé dans la masse, et dont personne ne saurait dire formellement à qui il appartient. Frustrant. Les rumeurs vont donc bon train. Des pires aux meilleures... Elles coulent sur Saint Front, se fondent avec l'averse et reviennent aux premières chevilles qui se découvrent en place publique lorsqu'il croise l'autochtone...


- Pose deux questions à ton esprit. Laisse-moi tirer les runes. Chez moi en Bretagne, nous les utilisions souvent. Tu verras, elles ne mentent jamais.


Il a dit "chez moi". Est-ce là l'aveu qu'il ne se sent pas encore chez lui dans cet endroit, point de chute de toutes ses déconvenues passées? Faust Nicolas, brûlant encore au bal de ses remords a fait bien du chemin depuis son arrivée à Périgueux. Mais pousse, tendron, fleur, l'Aconit s'est fondu dans ce décor avec l'habileté d'un Jupin, qui voit parfois passer son ombre blanche, le drapé éphémère de sa robe de religieux, l'éclat de rire offert à l'enfant du village. Prêtre, il n'a pas perdu l'occasion de récupérer un jeu de runes lors de son récent retour en Bretagne pour remplacer celui si amèrement confié à Dana la veille de son entrée dans les ordres... Comme on confie son souvenir le plus précieux à la vie que l'on n'aura plus.


Un deiz a vo 'teuio en-dro
Un jour il reviendra
Dreist ar morioù, dreist ar maezioù
Par-dessus les mers, par-dessus les champs

Un deiz a vo 'teuio en-dro

Un jour il reviendra,
Dreist ar maezioù, dreist ar morioù
Par dessus les campagnes, par dessus les mers
'Teuio en-dro an avel c'hlas
Reviendra le vent vert
Da analañ va c'halon gloaz't
Et emportera avec lui mon coeur blessé



Les petites pierres gravées sont retournées, la main de Nicolas se pose sur celle d'Alphonse pour l'accompagner à l'exercice, l'encourageant à se concentrer et à se poser les bonnes questions. N'avait-il pas tiré les runes pour prendre les bonnes décisions envers Lestat?


    Ehwaz.
    Mannaz.
    Gebo.


Avaient-elle dit. L'enjoignant à prononcer un voeu. Les bleus évitent soigneusement de se poser sur le ruban ceignant le poignet, détenteur de ses règles . " Si tu veux le garder pour un an, tu seras mien et je serais tien au delà des temps. " Un an n'avait pas encore passé. Pourtant, un an arrivait. Et le ruban était toujours là. Car les runes ne parlaient jamais par hasard, et ne mentaient jamais. Il fallait respecter leurs sentences, autant que faire se peut.

Les guèdes passent du noir aux cailloux, tandis que les doigts saisissent le premier oracle. S'il n'y a rien de conventionnel dans le jeu, l'Hétérodoxie a encore du mal à s'exorciser, salant des embruns cobalts les moindres aspirations du Montfort.


- Hagalaz. C'est la rune du défi et/ou des situations délicates. Elle dit pour ta première question qu'il faut faire appel à la ruse, pour contrecarrer des situations soudaines ou complexes.

Puis, dans la foulée, la seconde pierre est mise sur le dos, dévoilant le signe celte.


- Sowelu. La rune de la guérison. C'est une messagère de guérison des blessures émotionnelles et physiques. Elle dit pour ta seconde question de laisser le temps à la lumière d'entrer pour opérer une transformation spirituelle.



D'am laerezh war an treujoù
M'emporter sur les chemins
'Teuio en-dro karget a fru
Il reviendra, chargé d'embruns
E skeud teñval an tourioù du
Dans l'ombre sombre des tours noires
Kaset e vin diouzh e anal
Grace à son souffle, je serai emporté
Pell gant ar red en ur vro all
Loin dans le courant, dans un autre pays

Kaset e vin diouzh e alan
Je serai emporté, grâce à son souffle
Pell gant ar red, hervez 'deus c'hoant
Loin dans le courant, selon son désir
Hervez 'deus c'hoant, pell eus ar bed
Selon son désir, loin de ce monde
Etre ar mor hag ar stered
Entre la mer et les astres.


Alphonse allait bientôt partir. Et avant la séparation nouvelle, Faust espérait lui donner encore un peu de lui. De sa vie. De sa bonté. De sa grandeur d'âme. De toutes les marques d'affections qu'il était prêt à donner. Au matin, une lettre de la Sainte Inquisition était arrivée. Funeste nuage.
_________________

    (En Bleu italique, les pensées Laconiques.) -Recueil
galerie d'avatar
Alphonse_tabouret
16 avril





Qu’a-t-il dit déjà ?
Les mots à peine éclatés aux récifs de ses lèvres ont anesthésié l’ouïe en même temps que les ombres de son ventre ; chacune d’elle s’est compactée, saisie d’effroi, enkystée de joie, os transpercés de champs de lave pétrifiant jusqu’à la moelle, et dans un craquement sinistre, vaincues par leur propre densité, mues en un bloc de gabbro, se sont effondrées sur elles même.



C’est un champ de ruines étrangement bruyant ; chorale efflanquée y palpite en nuées, et l’on perçoit, dans le mugissement discret des survivants, l’exaspération de l'interrogation.



Dormir sans toi là-bas est impossible ?

Chaque lettre compte, tonnant de ces impératifs ardents qui excitent les nerfs et froissent la patience.
Memento en guise d’outil n’a jusque-là jamais failli, et malgré les mains qu’elles fendent à la brume, peinent à trouver une aspérité à laquelle accrocher les serres de leurs doigts ; les syllabes se disloquent, changent de formes au chant des notes exclamées, et s’entêtent à se rassembler sans donner satisfaction.
Qu’a-t-il dit précisément ?

Dormir sans toi là-bas m’est impossible ?

Le lit n’est pas défait et la chandelle jette quelques reflets à la pellicule ambrée d’un verre vide. Félin en cage a délaissé l’assise pour l’immobilité verticale d’une fenêtre ouverte sur une pluie d’avril et se mobilise, ramène jusqu’à lui le moindre bris laissé par la soirée pour en examiner les surfaces , s’exaspérant lentement de n’être pas capable de les remodeler jusqu’à l’écho.
Putain, ce n’est quand même pas compliqué…

Je ne veux pas dormir là-bas sans toi ?

Les rares minutes communes se sont écrasées à la houle des dernières heures, ont bu la tasse entre deux vagues, et ont peiné à se comprendre ; Faust ce soir était d’une tristesse sans nom, alternant la colère, le doute et les vérités sans lui laisser une seconde de répit, troublant, épine après épine, l’échine d’une incompréhension éprise.

Il ne reste de lui que ce pardon, ridicule de tendresse, d’inquiétudes et de tourments.
Il ne reste qu’Alphonse, sans Faust.



Nuit noire accuse ses attraits. Nuit blanche dessine à ses traits.
Ce soir Vésone au silence écoute le vide et apprivoise la poussière à venir.




Citation:


Lorsque tu tombes au sommeil, ton corps dessine une courbe, la rondeur d’une parenthèse que tu déposes en travers du lit, une langueur qui a des airs de clefs de sol.
Lorsque tu tombes au sommeil, tes paupières frémissent une dernière fois, se froncent imperceptiblement, comme si elles ajustaient les terres en en apprivoisant l’horizon.
Lorsque tu tombes au sommeil, tu claques la langue. C’est comme cela que je sais que tu me quittes lentement, à des rivages que je ne connais pas.

C’est là que soudain tu te redresses, évaporé, égaré, et t’accroches à mes yeux pour y lire tes errances, avant de t’assurer qu’il ne s’est rien passé ; la bougie toujours haute protège ta vertu. Tu n’as pas dormi. Juste un peu somnolé.

Sais-tu qu’il m’arrive de la changer ?

Cinq jours, c’est bien peu.
Les gâcherons-nous ?

Gebo,
Alphonse.


_________________
L_aconit
17 avril


        "- Vas tu vraiment t'enfuir comme cela?

        L'aconit gonfle sa poitrine de grenouille.


        - Ce soir, tu vas me baiser tellement fort que tu en oublieras tout le reste. Ta sœur, son mari, Rome, Orléans... Tout, m'entends tu?
        - Ma sœur a tenté de mettre fin à ses jours, m'écrit des mots sans queue ni tête et préfère converser à Levrat plutôt que de me saluer . Je suis convoqué chez les bourreaux de l'église et je n'ai plus une goutte de Lambig. Crois moi, la seule chose que je vais réussir à lever, ce sont des remparts entre la nuit et moi.
        - Alors dors à Vésone.


        Alphonse trouvera bien courriers à faire pour laisser la nuit passer.


        - Sans toi? Dormir sans toi me devient insupportable.
        "



☙❧

Un jour entier était passé, laissant s'épancher comme l'abcès libérant son infection liquide les humeurs, orages, grondements. Tout était sorti. Le blanc de la nuit. Le noir de sa colère. Le rouge de sa honte. Le bleu de ses remords. Chaque mots d'Alphonse, murmurés, écrits, nés de ces tripes si allongées couchaient toujours tout les épis de blés. Chaque geste, pensée, pansait. Alphonse, dualité trouble, architecte et annihilateur de remous détenait un peu de Divin, aux yeux de qui savait le voir. La petite reliure de cuir vide, aux gravures simples fut tendue à l'oblat.


- Salomon... Portez cela à Alphonse. Et prenez vos quartiers cet après midi...


Sur cette couverture exempte de coeur, sans pages, les quelques lettrines assemblées les unes aux autres. "𝔓𝔢𝔱𝔦𝔱 𝔭𝔯𝔢́𝔠𝔦𝔰 𝔡'𝔞𝔫𝔞𝔪𝔫𝔢̀𝔰𝔢"


- Dites-lui que je viendrai retirer son loyer ce soir.


Ainsi, à défaut de ne trouver les mots manquants à toute réponse attendue, Tabouret trouverait un précieux rangement pour toutes les lettres passées, et à venir. Une promesse au bon parfum de cuir.

Gebo était une rune d'encouragement et de soutien à l'engagement entre deux personnes,
d'affaires ou de coeur. Gebo aidait à se poser les bonnes questions.

_________________

    (En Bleu italique, les pensées Laconiques.) -Recueil
galerie d'avatar
Alphonse_tabouret
20 Avril






Sur le chemin bordé d’herbes hautes, convolent plusieurs sentiers; l’un fend une petite clairière abritant de jeunes coudriers triomphants à la trouée d’un ciel bleu , chatons à peine formés grelottant à leurs branches tendres , l’autre, s’épanchant nettement aux tracés des roues d’une charrette, amorce le chemin d’un lieu-dit aux toitures reculées. Garçons ne sont attardés ni aux noisetiers, ni à la visite d’un lointain voisinage ; au fil d’un layon presque effacé par les rigueurs hivernales, ils ont marché à la faveur d’une aubade généreuse. Avril, depuis quelques jours soumis à une course hâtive a fait fi du calendrier et pris un parfum de fruit, des reflets d’été.
Faust, le visage encore songeur d’un sommeil écourté à son unique matinée de repos, a avancé dans ses pas sans mot dire depuis qu’ils ont quitté Saint Front ; sous les épis blonds, s’alternent les tempêtes, les grains, et les envies, sauvages intempéries aux antithétiques fracas. Les apparats de l’évêché ont été laissés au cloitre, et les pans de la simple bure se sont imbibés de rosée aux corolles des fleurs perçant en grappes les fossés et bordures de sentiers, accrochés par deux fois aux griffes d’un murier sans que cela n’ait eu d’importance ; ils ont avancé, muettes créatures aux instances discrètes, perdus à la saveur des dernières heures.

Aujourd’hui, Faust et Alphonse se quittent.
Aujourd’hui, l’on ne sait plus bien où est l’envers de l’endroit, si le cœur sera timide ou bien ardent, esprits embrumés des jours passés, des émotions qui boursouflent les bordures d’un petit paradis décliné au mois d’avril ; aujourd’hui, l’on sait seulement que le temps est compté.

Il a fallu presque une heure pour atteindre la rivière et ses berges replètes auxquelles saules et chênes étirent leurs verdures, tantôt aux nuées, tantôt à l’eau ; pampres ont éclaté en à peine quelques jours, étoffant les ramées, recouvrant les ornières, gonflant les mousses en coussins dodus et partout on ne célèbre plus que les prémices des récoltes à venir, partout pattes et sabots dansent en ronde délurée sur la tombe de l‘austère Hiver.
Au sous-bois, l’air embaume un étonnant parfum de menthe dont les bouquets vivaces tapissent les pourtours frayant avec l’onde, les piquants çà et là de fleurs rondes aux roses délavés ; une libellule bruyante vole en face d’eux et à la faveur des ombres qui ne laissent passer qu’un astre déchiqueté de feuilles, elle se pose, sur un bris de soleil, laissant éclater myriades de verts et de bleus aux reflets de ses ailes. Peaux encore fraichies d’une baignade, les deux silhouettes côte à côte, épaule à épaule, pieds immergés jusqu’aux mollets, continuent de se taire ; le cœur, épaissi par les heures qui leur échappent et les spectres des autres, a joint ses mains et tordu ses doigts en une prière dont il ne sait se défaire.
Que dit-on à ceux que l’on quitte au pire moment ?


You're a part-time lover and a full-time friend
Tu es en partie du temps un amant et un ami tout le temps
The monkey on your back is the latest trend
Le singe dans ton dos est à la dernière mode
I don't see what anyone can see, in anyone else
But you

Je ne vois pas ce que n'importe qui d'autre peut voir, en qui que ce soit d'autre que toi


Faust n’a que dix-huit ans et ses vastes yeux bleus portent à leurs prunelles les poids des derniers jours comme celui des années ; Alphonse a vingt-six ans et son cœur étroit bat avec une passion désespérée comme s’il en avait quinze. Errances éclopées, déviances consumées, pudeurs prises à la gorge par un temps qui, inéluctable, ne cesse de filer, éprouveraient le malaise du silence si elles ne trouvaient pas, à cheval sur leurs cuisses accolées, l’aveu de leurs doigts simplement emmêlés.


Here is the church and here is the steeple
Voici l'église et voici le clocher
We sure are cute for two ugly people
Nous sommes certainement mignons pour deux personnes laides
I don't see what anyone can see, in anyone else
But you

Je ne vois pas ce que n'importe qui d'autre peut voir, en qui que ce soit d'autre que toi



Au fond du lit ondin, un chabot bondit, densifiant l’iris noir du chat à sa silhouette, et dans un mouvement bref, l’épaule de l’Ainé vient percuter celle du cadet dont l’attention sollicitée sursaute, arrachée à ses songes. Esquissés d’une interrogation, miroirs cherchent les comètes dédiées à cette proie nouvelle aux pierres ensablées en dessous de leurs pieds, et ne les trouvant pas, attachant à la lippe blanche une muette circonspection, Faust répond du même mouvement, un peu plus appuyé.
Galons s’entrechoquent, et jais désarçonnés, quittent la tête grotesque du poisson qui les occupe pour s’accorder aux bleus et à leurs sourcils ronds.

Quand a-t-il oublié cette lueur claire qui couve d’habitude leurs parenthèses ?
Quand a-t-il trouvé normal cette mélancolie âcre qui étreint l’âme jusqu’à en altérer les sourires qui nourrissent, les voix qui tremblent, les mains qui pardonnent?



We both have shiny happy fits of rage
Nous avons tous deux de brillantes et heureuses crises de rage
I want more fans, you want more stage
Je veux plus de fans, tu veux plus de scènes
I don't see what anyone can see, in anyone else
But you

Je ne vois pas ce que n'importe qui d'autre peut voir, en qui que ce soit d'autre que toi



Au ciel céruléen, tonne un éclair trouble.
Faune au crin humide se rappelle les mots, ceux qu’on ne dit pas, ceux qui sont inutiles, et gouttes en couronne à son front rayé de brun, embrasse l’anamnèse à sa bouche vorace.



I kiss you on the brain in the shadow of a train
Je t'embrasse sur la tête à l'ombre d'un train
I kiss you all starry-eyed, my body's swinging from side to side
Je t'embrasse en te regardant fixement, mon corps se balance d'un côté à un autre
I don't see what anyone can see, in anyone else
But you

Je ne vois pas ce que n'importe qui d'autre peut voir, en qui que ce soit d'autre que toi




Lèvres sylvaines s’étirent d’un sourire insolent, faisant naitre aux pupilles amantes un éclat curieux, pinçant d’un oubli momentané les noirceurs effilées auxquelles il s’est blessé ; échoïques épaules se heurtent plus lourdement, poids du corps joutant jusqu’à fléchir la silhouette blanche et menacer l’équilibre précaire de l’assise.
Les filles ont les pleurs ; les garçons, les jeux.

Le silence se fendille d’un premier grognement, agacé-amusé, et balancier gracieux tout autant que belliqueux, Nicolas se redresse jusqu’à la collision ; bientôt il ne résonne plus que les sons d’un chahut qui emprunte quelques instants à la solitude des jours à venir , et lorsqu’un juron flamand écorne l’air en précédant le son d’une chute éclaboussée, c’est le rire de Faust qui éclate au ciel et brûle le chagrin.



Doo doo doo doo doo doo doo doo
Doo doo doo doo doo doo doo doo

Don’t see what anyone can see, in anyone else
But you


Anyone else but you, Cera & Page (the Moldy Peaches)

_________________
L_aconit


    Il y avait des gouttes sur sa chair de poule. Des cailloux entre ses orteils. Un léger gout de liberté sur sa bouche entrouverte.


Au bord de l'eau, le clapotis omniprésent couronnait chaque soulèvement de poitrine. Après les chahuts, les jeux secrets sous l'écrin épais des arbres, les deux silhouettes s'étaient étendues dans une percée de soleil. Séchant leurs ailes, s'évadant à quelques pensées troublées par l'avancée des heures. Montfort comptait. Ces rêveries servirent un temps d'exutoire à son imagination; elles étaient une allusion satisfaisante à l'irréalité de la réalité, l'assurance que ce rocher, Alphonse, reposait solidement sur le myocarde mûr du jeune prélat qu'il était.

Et tandis que les baigneurs offraient leurs longueurs à l'heure ronde, les mots revinrent pour conjurer l'inéluctable séparation. Ceux de Faust serpentèrent au cou du Faune, d'une voix que seuls les amants pouvaient élever. C'était l'une de ces voix dont l'oreille épousait chaque modulation, car elles improvisaient de phrase en phrase une suite d'accords de hasard que personne jamais ne rejouerait plus.

Des mots pour remplir le vide à venir. Des mots, par centaines. De désir et de tendresse. D'inquiétude et de clairvoyance. Des mots comme des armes, pour affronter les points de suspensions. Les mots, simples murmures dénués d'inflexion, roulaient en une musique apaisante. Et quand le soleil s'enfuit enfin, annonçant que l'heure avait tourné, son visage se posa contre l'épaule de suif avec lassitude, et le contrecoup des nuits passées se désamorça définitivement sous la calme pression de sa main.

Rome l'attendait. Rome, au matin, le verrait prendre la route. Pourquoi? L'inquisition ne s'encombrait pas de détails. Qu'en résulterait son voyage ? Nul ne le savait encore. Il n'y avait plus de gouttes, plus de chair de poule. Plus de cailloux entre ses orteils. Un léger gout de liberté sur sa bouche entrouverte encore qu'il vint cueillir d'un baiser mordant, alors que le corps, érigé à la conquête d'un moment à voler une dernière fois, supplanta celui de Tabouret. Les longues mains androgynes prirent possession des épaules, bras et hanches. Les reins quémandèrent leur suprématie. Désarmés chaque jour par la beauté de ce visage, encadré de deux favoris qui le soutenaient à la perfection, comme deux belles colonnes d'église recouvertes de vigne vierge sombre. Peut-être que dans ses errances de jeune érudit, rat d'église et de lectures, Faust avait déjà rencontré des hommes de plus grand savoir, de plus grand statut, de plus grand pouvoir, mais pour autant, aucun d'une aussi parfaite distinction.

Ils frayèrent sans renoncer aux derniers instants qui les liaient en tout lieux et de tout temps. Frayèrent en trait d'union, invisible et pourtant bien là, comme une brise de fin d'après midi. Vésone serait bien vide alors. Intacte de toute intrusion, condamnée à ne pas voir l'évêque y venir faire pèlerinage avant longtemps.

    Vésone sans Alphonse n'avait plus d'attraits, juste quelques sournoises mélancolies.

_________________

    (En Bleu italique, les pensées Laconiques.) -Recueil
galerie d'avatar
See the RP information <<   <   1, 2   >>
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)