Lemerco
Quelle drôle de journée que celle-ci. Le ciel de Bretagne est teinté d'orange et de rose, et se pare d'une texture qui le rend énigmatique. En tout cas, c'est la perception que j'en ai. Pourtant nous ne sommes pas encore le soir; le soleil n'est pas encore au coucher, coucher que la Bretagne contemple, privilégiée, en comparaison à ses voisins de l'est, alors que la boule incandescente se jette dans la mer infinie qui borde nos cotes. Où suis-je d'ailleurs? En Bretagne? Il me semble bien. Cependant j'arpente un chemin qui m'est étranger, alors que je connais presque les moindres recoins de ce grand duché, comme mû par une force qui me dicte ma conduite, sans que je n'appréhende réellement ce qu'elle est, ni son essence. Je sais que je dois me rendre à un endroit précis, et que je pars à la rencontre d'une personne, mais pour le moment cette dernière n'a pas de visage. Je me l'imagine, mais c'est une tache noire qui surmonte un cou blafard et des vêtements parfaitement flous à ma vue brouillée. Mes pas se font à une cadence importante, et le décor autour semble monté sur une charrette présentant un corps infini et lancée à contresens. Cela me donne l'impression d'un défilement artificiel et chaotique. Il y a décidément quelque chose qui cloche en ce jour. La végétation a l'air différente, et je n'entends pas le piaillement des oiseaux qui sillonnent le ciel d'accoutumée nuageux, venteux, et chargé d'embruns de Bretagne. La nature apparait à mes yeux comme des stries noires sur un drap blanc. Je n'ai pas la perception des volumes, tout ressemble à une fresque peinte par un esprit à la fois tortueux et fantasque. Pourquoi ne vois-je que les surfaces, et pas les perspectives?
J'ai bu. Beaucoup trop.
Mes jambes qui titubent s'arrêtent, et je découvre la destination de mon périple. C'est chez moi, encore une fois je le sais, bien que l'entrée me semble avoir changé, et malgré la découverte, une fois le pas de la porte franchie, de l'absence de certains objets et mobilier, quand d'autres, en revanche, ont changé de place. Je ne me pose pas de questions pourtant, et me déleste de mon mantel avant de me rendre dans la cuisine d'où provient un fumet qui ouvre mon appétit. La table est déjà dressée et l'écuelle sexhibe à mes sens, pleine d'un met qui me semble savoureux. Je me dis que c'est la cuisinière qui a préparé le tout. Depuis quand ai-je une cuisinière à Rieux? Nous ne sommes pas à Dol, ni à Rennes, juste dans la demeure de Rieux. Ai-je donné l'indication à cette dernière de venir? Certainement, sinon je ne serai pas là, assis, à déguster un repas digne d'un duc.
Je demeure un instant en réflexion. J'ai l'impression que ce n'était que le temps de quelques battement de cils, mais je n'ai plus aucune mesure effective de la temporalité. C'est le tourbillon dans ma tête qui me prive de tout repère. J'évolue en deux dimensions comme un funambule qui aurait des trous de mémoire répétitifs. Rétentions, Protentions, ces mots ne trouvent plus de matérialisation dans mon esprit embrumé, qu'un lointain écho, tel le cri d'Odin perçant péniblement le brouillard posté dans les fjords Je me lève et part à la recherche de la personne qui a pensée au bien-être de mes entrailles. J'entends une voix qui minterpelle, et me retourne.
La silhouette se dessine, et je reconnais cette femme à qui je m'adresse.
Le repas fut bon, mais le poisson manquait de céleri.
Charmante tenue que vous avez là. C'est votre mère qui vous l'a offerte?
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J'ai bu. Beaucoup trop.
Mes jambes qui titubent s'arrêtent, et je découvre la destination de mon périple. C'est chez moi, encore une fois je le sais, bien que l'entrée me semble avoir changé, et malgré la découverte, une fois le pas de la porte franchie, de l'absence de certains objets et mobilier, quand d'autres, en revanche, ont changé de place. Je ne me pose pas de questions pourtant, et me déleste de mon mantel avant de me rendre dans la cuisine d'où provient un fumet qui ouvre mon appétit. La table est déjà dressée et l'écuelle sexhibe à mes sens, pleine d'un met qui me semble savoureux. Je me dis que c'est la cuisinière qui a préparé le tout. Depuis quand ai-je une cuisinière à Rieux? Nous ne sommes pas à Dol, ni à Rennes, juste dans la demeure de Rieux. Ai-je donné l'indication à cette dernière de venir? Certainement, sinon je ne serai pas là, assis, à déguster un repas digne d'un duc.
Je demeure un instant en réflexion. J'ai l'impression que ce n'était que le temps de quelques battement de cils, mais je n'ai plus aucune mesure effective de la temporalité. C'est le tourbillon dans ma tête qui me prive de tout repère. J'évolue en deux dimensions comme un funambule qui aurait des trous de mémoire répétitifs. Rétentions, Protentions, ces mots ne trouvent plus de matérialisation dans mon esprit embrumé, qu'un lointain écho, tel le cri d'Odin perçant péniblement le brouillard posté dans les fjords Je me lève et part à la recherche de la personne qui a pensée au bien-être de mes entrailles. J'entends une voix qui minterpelle, et me retourne.
La silhouette se dessine, et je reconnais cette femme à qui je m'adresse.
Le repas fut bon, mais le poisson manquait de céleri.
Charmante tenue que vous avez là. C'est votre mère qui vous l'a offerte?
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