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[RP] Le mariage est comme la mort...

Umbra
… Peu de gens y arrivent préparés.*

[Frontière du Périgord entre Sarlat et Bergerac, Premier Juin 1463]

- Si tu vas en guerre, prie une fois -**

La lune décline lentement dans un ciel illuminé de moult étoiles. Minuit est passé mais il est encore très tôt, assez tôt pour que les cieux restent noir d’encre et camoufle aisément les deux cavaliers contournant à vive allure les remparts de Sarlat. En file indienne, ils longent à distance raisonnable les hautes murailles du village. Les silhouettes sont trop masquées pour être repérées, seule la résonance des bruits des sabots fracassant la terre dans leur sillage pourrait alerter les miliciens juchés là-haut. Pour les rattraper, il faudrait encore qu’une cavalerie se tienne prête au départ ou qu’une armée loge dans les parages. Or, si les renseignements des informateurs sont exacts, la voie est libre.

Afin d'assurer un maximum de sécurité, l’Ombre, en tête de file, avait explicitement demandé à son compagnon de la suivre au pas de course sans poser la moindre question quant à l’itinéraire. Malgré tout, la voilà, brides enroulées à la dextre, crochet à la senestre, écarquillant ses iris de jais dans l’obscurité à l’affût du moindre danger. A leur vitesse, les chevaux sont trop bruyants et couvrent largement les bruissements de feuillage. S’ils doivent entendre quelque chose, ce sera uniquement le « Chargez» beuglé par un chef d’armée à portée de lame ou le grincement des armures lorsque les soldats surgiraient arme au poing pour les prendre en embuscade.

Ils sont prêts à riposter aux éventuelles attaques. La veille, Umbra passa leur repos à lui rabâcher qu’en cas danger imminent, brigands ou justiciers, il ne faudrait faire preuve d’aucune pitié. Ne pas regarder la personne en face et l’écraser comme un vulgaire insecte. Ne pas voir l’humain, ne percevoir que l’obstacle. Là, c’est la mercenaire qui parle et malgré les taquineries de Mickael à ce sujet, elle ne démord pas de ses ordres. S’il faut tuer pour traverser le comté, elle le ferait sans hésiter. Ce n’est pas tant le fait d’être « personæ non grata » dans les alentours qui lui pose souci, c’est surtout Ombeline, la jeune femme derrière le linceul plumé en guise de carapace, qui tremble de tout son être à l’idée de franchir la campagne périgourdine. Pour cause, il y a exactement deux ans de cela en repartant du pillage de Sarlat avec sa famille maternelle, elle fut enlevée et séquestrée dans ces maudits bois un long mois durant.

De là découla, une haine inhumaine pour Seurn, un barbare-non pour ses origines nordiques mais parce qu’il fut le bourreau en question-, une aversion profonde pour le Périgord et une peur panique des canidés. Malgré les années, les séquelles demeurent immuables telle la cicatrice livide de morsure de loup. La Noiraude en avait vaguement discuté à son homme lorsqu’il lui demanda ce qu’était cette marque de crocs sur son épaule gauche mais dès lors, le sujet était clos pour elle. En parler, c’est ressasser. Ruminer, c’est rouvrir les plaies. Étrangement, l’articulation de son bras gauche la lance nerveusement. C’est psychologique, elle en a conscience. C’est aussi pourquoi elle ne veut pas de cette terrible réminiscence même si bien d’autres affres plus sordides se sont produites par la suite.

La Corneille tente de se recentrer sur sa cavale, glissant quelques œillades dans son dos pour voir si le Loup suit la cadence. La vision s’éclaircit, il y a peu encore, elle ne discernait pas même le visage de la capuche. Le temps s’écoulant, le rythme est calmé. Les montures halètent, elles ne tarderont pas à réclamer un repos bien mérité. Les chevaux ont fini par se calquer sur le quotidien des cavaliers. Voyageant de nuit, le plus régulièrement au trot pour gagner quelques lieues sur les distances à parcourir, il arrive que les destriers doivent passer au galop dans les zones à risques. Par la suite, les bêtes dociles en sont récompensées par une démarche au pas ainsi que de bons légumes à l’arrivée. Le trajet est approximativement calculé en fonction des lieux propices pour une étape mais varie grandement selon l’allure et la course des astres mesure le tout. Les pauses se font de jour, de l’aurore au crépuscule, laissant ainsi le loisir aux chevaux comme aux voyageurs de se reposer et de reprendre des forces pour la soirée suivante.


- Si tu vas en mer, prie deux fois -**

Ils ne peuvent pas se permettre de ralentir, la route est longue et le temps imparti court. Ce cheminement express doit mener le couple en Guyenne, au port de La Teste de Buch où une caraque les attend afin de remonter en Anjou, terre de cœur de la Bâtarde. Elle ne cache pas sa joie ni son entrain depuis le départ. Tous les jours, une fois le campement établi, l’Oiseau recalcule l’itinéraire pour être sûre d’être présente en temps et en heure pour l’embarcation. L’appel de la mer, les retrouvailles avec un ami proche et le retour à l’Archiduché, tout avive son excitation. Il faut avouer qu’il y a bien longtemps qu’elle ne s’est pas sentie si vivante. A trainer la patte de ville en ville sans réel but, en compagnie d’une troupe dont elle se tenait la plupart du temps à l’écart, ces derniers mois furent surement les plus longs de son existence.

Cependant, l’Ombre met cela sur le compte de l’amour. Ah, l’amour… De quoi transformer une personne de part en part et/ou de lui déchirer le cœur de quart en quart. A ce songe, la Noiraude se retourne à nouveau pour voir si son compagnon suit toujours. A voir sa tête, elle ne peut s’empêcher de sourire. Ah l’Amour. Au-dessus d’eux, le ciel rosit, l’aube ne tarde pas à se lever. Toujours sur ses gardes, elle lui fait signe de descendre de sa monture pour la mener par les rênes dans les bois. L’objectif étant rester le moins visible le long de la journée, il faut donc s’enfoncer dans les forêts avoisinantes, le plus éloigné possible de la lisière, là où peu s’aventurerait. Habituellement, c’est nettement plus facile, ils abordent les campements prévues sur les bas-côtés de chemin, se fichant de rencontrer autrui.

Malheureusement, pour ce passage obligatoire, la discrétion est de mise. Il ne faudrait certainement pas que des villageois la reconnaissent et alertent les miliciens. Les destriers rechignent légèrement à suivre mais surement sont-ils harassés de la course effectuée. Après quelques difficultés, les voilà tous au milieu d’un taillis. Les selles sont juste desserrées et non retirées, en cas de départ rapide aussi appelé "détalage". Le minimum des affaires est déballé et malgré la pénombre environnante, aucun feu n’est allumé. Comme à son habitude, Umbra vérifie leur trajectoire. Théoriquement, dans trois jours, ils seront à destination. Dans la logique toujours, elle devrait être enflammée à l’heure qu’il est mais l’angoisse de la situation actuelle la noue tellement qu’il lui est impossible de se réjouir.


- Si tu vas en mariage, prie trois fois -**

Tournant et retournant au pied d’un arbre, alors que la traversée fut aussi éreintante de son côté, la mercenaire ne trouve définitivement pas le sommeil. Le moindre sifflement d’oiseau la met sous pression, au bord de la panique. Ne tenant plus en place, Ombeline se relève et s’éloigne de quelques mètres pour ne pas réveiller Mickael. Choisissant un arbre d’une hauteur convenable, elle entreprit de grimper dans ses premières branches. Là-haut, pense-t-elle, elle aura une meilleure vue sur les parages et pourra anticiper aux signes de mouvement suspect. Après quelques chutes et cassages de branches, la Corneille atteint finalement son perchoir. L’appui où elle décide de s’asseoir est juste assez robuste pour soutenir son poids plume à la base mais commence à ployer lorsqu’elle s’agite.

L’équilibre faiblement trouvé à califourchon, l’Oiseau s’installe douloureusement contre le tronc d’arbre pour relire son dernier courrier reçu quelques jours plus tôt jours. Les longues balades à cheval lui ont scié la colonne vertébrale, brisé les reins, tassé les fesses et engourdie les jambes. Pourtant, elle trouve toujours à sourire des propos tenus dans le pli surtout quand il s’agit d’annoncer à son homme qu’ils passeront le trajet fluvial en chambre séparée et pas des plus confortables. Le regard dérive de la lettre vers le ciel tandis que les pensées s’élèvent à leur tour. Bientôt, elle sera de retour en Anjou et là… De beaux projets les y attendent. Un sourire en coin étire ses lèvres mauves en y songeant. La lettre retourne dans la doublure du chemisier en attendant d’être rangé dans la sacoche avec le reste de la correspondance conservée. Il y a un bon mois de cela, le Loup prit l’Ombre de court en taverne, lors d’une pseudo dispute, lui avouant qu’il aimerait bien faire de la petite chieuse qu’elle est sa femme. Tout d’abord, l’incompréhension puis l’émotion s’emparèrent d’elle. Cette proposition lui semblait alors tout bonnement impensable. A vrai dire, l’idée ne lui avait jamais effleuré l’esprit. Dans son éducation romantique, soit des heures de lecture de poètes clamant l’amour courtois, le mariage rime avec l’Impossible mais c’est ainsi qu’elle trouve l’union parfaite dans la beauté de sa souffrance, sa passion.

De fil en aiguille avec l’aide d’une affaire personnelle importante, la notion germa dans la caboche de la Noiraude. Au point de finir par l’imaginer et surtout, d’en rêver. Pour autant, lorsqu’elle entreprit de le réaliser, Umbra déchanta rapidement. Leurs croyances étaient différentes, elle-même est confuse dans sa foi. Un mariage à l’église aurait été une hérésie de part et d’autre. Pourtant, quand elle songe au lieu, elle n’imagine rien d’autre que la Chapelle de Brissac. Quand elle pense à une tenue, elle refuse de se vêtir de blanc. La pureté, la candeur ? Baliverne. Même si la mercenaire est loin de se coucher dans tous les tas de foin, elle n’a pas attendu que Dieu la bénisse pour voir le loup. Bien que sur ce point, elle reste réservée car peu fière. Si la vie avait été autrement, surement ce jour-là, aurait-elle été habillée de clair.

Pour ce qui est des invités, les Lisreux sont à rayer d’office et ayant rompu contact avec les Corleone, ce ne serait guère plus envisageable. Les amis… A ce détail, la gueule cassée s’articule en un mouvement de dépit. Quant à Elle, elle préfère ne pas y songer, les témoins sont donc à exclure de la liste. Le banquet serait une dépense surfaite même si la Corneille est loin d’être aussi avare qu’elle le laisse transparaitre tout comme les bans. En somme, rien ne pourrait se passer comme prévu. Cependant, le désir est né et l’envie se fait de plus en plus présente. Touchant quelques mots de temps à autre à son brun, celui-ci semble ne pas y porter autant d’importance qu’elle-même maintenant. Le comble pour celle qui n’y avait jamais songé auparavant. Finalement, ils s’étaient mis d’accord pour l’envisager sérieusement, une fois arrivée en Anjou.

C’est donc sur cette promesse que l’Oiseau dissipe ses pensées quand son attention chute vers le sol subitement interpellée.


* Citation de Niccolo Tommaseo.
** Proverbe polonais.

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